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Histoire de France
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I
L’ARGOT DES TRANCHÉES
CARACTÉRISTIQUE GÉNÉRALE
Source de vie intense et d’énergie nouvelle, la guerre actuelle ne laissera pas d’exercer une action féconde sur toutes les manifestations de la vie sociale. Parmi celles-ci, la plus vivante, le langage populaire parisien, en porte d’ores et déjà des traces de renouvellement. Des termes qui, avant la guerre, restaient confinés dans des milieux spéciaux, ont acquis, à la lumière des événements tragiques que nous venons de traverser, un relief inattendu, et d’isolés qu’ils étaient, sont en train d’entrer dans le large courant de la langue nationale. Les exemples abondent.
Et tout d’abord le nom même de Boche. Cette appellation, naguère réservée aux classes professionnelles, est devenue courante. Les atrocités de la guerre ont projeté sur ce nom comme une lueur sinistre. De sobriquet simplement ironique qu’il était avant la guerre, il est devenu un stigmate, un nom monstrueux qui rappelle le Gog et le Magog de l’Apocalypse. La langue en gardera un souvenir ineffaçable.
Remarque curieuse : le vocable n’avait, au début, rien de commun avec les Allemands, quand il fit son apparition vers 1860 ! C’était alors un parisianisme au sens de mauvais sujet, « dans l’argot des petites dames », ajoute Delvau en 1866. Le mot représentait une abréviation parisienne de caboche, tête dure, comme le montre bochon, coup, pour cabochon, même sens. Pendant la guerre de 1870, Boche était encore inconnu. Les Allemands portaient exclusivement la qualification de Prussiens, nom qu’on rencontre à chaque page du Père Duchêne de l’époque, pâle imitation du fameux pamphlet d’Hébert : « Pas un de ces jean-foutre ne sait comment on fout une balle dans le ventre d’un Prussien », lit-on dans le n°3 de janvier 1871.
Ce n’est qu’après la guerre de 1871 qu’on appliqua particulièrement aux Allemands cette épithète de boche, c’est-à-dire de « tête dure ». On en est redevable à un trait de psychologie populaire que résume l’expression tête carrée d’Allemand, laquelle devint alors synonyme de tête de Boche, c’est-à-dire tête d’Allemand, à cause (prétend-on) de leur compréhension lente et difficile. Cette spécialisation se produisit dans les milieux professionnels où l’on avait recours à la main-d’œuvre allemande. En voici un témoignage technique : « Tête de boche. Ce terme est spécialement appliqué… aux Allemands, parce qu’ils comprennent assez difficilement, dit-on, les explications des metteurs en pages, » Eugène Boutmy, La langue verte typographique, Paris, 1874.
Cette identification ethnique une fois accomplie, l’expression fit son chemin avec cette nouvelle acception. On la rencontre dans le milieu des casernes :
« C’est-y que tu me prends pour un menteur ? Quiens, preuve que la v’là ta permission… Sais-tu lire, sacrée tête de boche ? » Courteline, (Le Train de 8h47, p. 74).
Extraits
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