Psychologie, psychanalyse
La détresse, aux sources de l'éthique
L’expérience de la souffrance semble de celles qui, comme la faim, sont immédiatement données.
Freud montre au contraire dans Esquisse pour une psychologie scientifique (1895) que l’accès à un
tel éprouvé, qui s’ouvre sur l’émotion qualifiée de « souffrance », ne peut avoir lieu sans « l’être
proche », qui reconnaît cette souffrance. Ainsi, c’est l’exigence éthique de l’attention portée à l’être
souffrant qui rend possible l’expérience de la souffrance, c'est-à-dire sa reconnaissance et sa
verbalisation éventuelle. Sans l’être proche, l’état de détresse, qui correspond à l’expérience
originaire du réel, déboucherait sur une anesthésie hébétée, tels l’hospitalisme ou certains états
psychotiques. Les conséquences de cette analyse sont considérables :le psychisme est un
ensemble de processus de structuration rendant nécessaire la présence de l’autre, ce que l’on sait
bien depuis Lacan, mais qui est souvent négligé dans l’apport qu’on attribue à Freud ; l’autre
apparaît dans une dualité dramatique, puisqu’étant celui qui peut reconnaître et éventuellement
réparer la souffrance, il est aussi celui qui peut renier l’enfant quand il répond à sa souffrance par
un cri de détresse ; enfin, l’expérience de la souffrance place le jeune enfant au seuil du jugement
(c’est à partir de la dualité première où plonge la souffrance que se construit la possibilité de
l’attribution, du jugement).
04/2011