Un premier roman édité est une véritable aventure. Il n'y a pas une seule manière d'en parler. Chaque auteur a connu quelque chose de différent, une histoire semée d'embuches qui n'est jamais la même…
Toutes les deux semaines, une rencontre pour une une série de témoignages autour de la publication du premier roman jeunesse.
Aujourd'hui :
"À l'époque, je séchais mes cours de fac avec la férocité de ceux qui n'en peuvent plus d'écouter les profs. Je préférais me frotter à la vraie vie. Je jouais de la basse dans des groupes punks-rocks dont la durée de vie dépassait rarement les deux mois, je déclamais des textes post-modernes au sein de troupes de théâtre alternatives et je griffonnais mes premières nouvelles dont j'inondais les fanzines et autres journaux ronéotypés de la région.
Bref, comme on dit chez nous, je faisais l'artiste.
À l'époque, je n'envisageais pas de devenir romancier. Un sang vigoureux circulait dans mes veines élastiques et je ne tenais pas en place. Comment aurai-je pu m'imaginer un seul instant assis toute une journée devant une machine à écrire ?
À l'époque, je l'ignorais encore, mais écrire un roman demande un type d'effort d'une violence équivalente à celui qui vous fait escalader une montagne abrupte.
Et j'étais beaucoup trop jeune pour que mon corps puisse encaisser une telle charge de travail.
C'est cette même inconscience qui me fit, quelques années plus tard, envoyer mon premier manuscrit abouti (du moins le pensais-je) à une dizaine d'éditeurs hexagonaux.
Un matin, le téléphone sonna. C'était Florence Cadier, alors éditrice chez Épigones, qui avait été convaincu par mon texte et se proposait de l'éditer.
Tout à ma joie d'être enfin reconnu en tant que génie de la littérature (du calme, génie de littérature jeunesse c'est quand même moins fort que génie de la littérature vieillesse), je disais oui sans même penser à négocier mon contrat (l'ai-je au moins lu avant de le signer ?). Sans surtout imaginer que le parcours du combattant ne faisait que commencer.
Bien consciente des faiblesses de mon histoire, Florence me le refit travailler, pointant les incohérences, les redites, bref les quelques dizaines de milliers de choses qui n'allaient pas.
En clair, elle fit son travail d'éditrice.
Un an plus le livre est paru et je ne regrette rien.
Depuis, je me réveille chaque matin en étant pleinement conscient que j'ai une chance énorme de pouvoir vivre de ma passion.
En espérant aussi que cela dure encore très longtemps."
Jean-Luc Luciani
Mars 2013
Jean-Luc Luciani est auteur pour la jeunesse depuis 1998. Né et résidant à Marseille ses romans ont pour la plupart, comme cadre, la cité phocéenne. Il est notamment l'auteur de la série Brigade Sud aux éditions Rageot.