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patti smith

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Sciences politiques

Eric Zemmour a dit son dernier mot. Histoire d’un homme qui ne s’aime pas

Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il est quasiment impossible d'accéder à la magistrature suprême d'une grande nation comme la France, après avoir fait le choix délibéré, mais combien suicidaire, de développer un discours éternellement haineux et d'en faire une panacée politique. Un qui a des chances de l'apprendre bientôt à ses dépens, s'appelle bien Eric Zemmour. Cet ancien chroniqueur et éditorialiste dans nombre de journaux ou chaînes de télévision et de radiodiffusion de France, saute carrément à pieds joints et agit comme un homme politique qui, en âme et conscience, "choisit le chemin le plus susceptible de le perdre". Peut-on gouverner en nourrissant tant de rage envers des hommes dont le crime est de se retrouver en France, pays qui revendique, à juste titre, le statut de terre des libertés et des droits de l'homme ? Rien n'est moins sûr. Chaque fois qu'on a vu Eric Zemmour ouvrir la bouche pour parler des autres et, singulièrement des immigrés, au nombre desquels les Africains et les musulmans, ses propos ont pué la haine, la méchanceté et la provocation à outrance. A se demander s'il n'existe politiquement qu'en détruisant les autres et en médisant d'eux. Les immigrés, qu'ils soient ou non des musulmans et des Africains dans leur grand ensemble, ont toujours été dans son collimateur. De l'Afrique et des Africains, Eric Zemmour se moque comme de l'an 1870, année où fut signé le décret Crémieux dont bénéficièrent ses grands-parents paternels pour se retrouver en métropole en 1952. Des immigrés, ce fils d'immigrés se moque comme de la première couche qu'on lui fit porter à sa naissance en France, le 31 août 1958. Eric Zemmour, à l'heure qu'il est, a délibérément fait le choix d'être amnésique. De ses origines, il n'a cure et ne daigne même pas avoir souvenance de là où il est parti pour être aujourd'hui le candidat à l'élection présidentielle en France. "Mal lui en prendra à jamais" parce que les faits sont têtus et sacrés. Ces faits, qu'on le veuille ou non, qu'ils nous plaisent ou pas, rappelleront à la conscience collective et à la postérité qu'Eric Zemmour est petit-fils d'immigrés juifs d'Algérie, dont les grands-parents paternels ont profité d'un décret pour voir le cours de leur vie changer en leur faveur. Et, tout compte fait, Eric Zemmour, à l'heure qu'il est, tire tranquillement les marrons du feu. Il en profite tellement qu'il a fini par perdre de vue que le bonheur dans lequel il nage depuis qu'il a poussé, en France, ses premiers cris, est la conséquence d'un fait historique dont des millions d'autres personnes ont su tirer avantage pour voir leurs destins basculer

02/2022

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Revues

Kometa N° 2, hiver 2024 : Liaisons dangereuses

KOMETA #2 Liaisons dangereuses Amour, famille, géopolitique. Comment l'ami d'hier peut devenir l'ennemi Russes et Chinois semblent les meilleurs amis du monde après s'être entretués pour une île du fleuve Amour. Ennemis jurés d'hier, Iraniens et Saoudiens commencent à se parler. Erdogan vend à l'Ukraine les très efficaces drones Bayraktar et achète des armes à Vladimir Poutine. La Russie s'est longtemps proclamée "grand frère" de l'Ukraine. Elle la bombarde. L'ami d'hier est l'ennemi d'aujourd'hui, et l'inverse, révélant des logiques d'inégalité et de domination. Nos récits au long cours révèlent les multiples strates qui forment le présent et le passé. Ils racontent aussi des histoires de Justes, l'amour et la fraternité dans le chaos. L'impossible dialogue, par Emmanuel Carrère Tant que la guerre n'est pas finie, que la Russie reste invaincue, de nombreux Ukrainiens refusent de côtoyer des Russes. Même opposants à Poutine, même anti-guerre. L'écrivain français d'origine russe est parti à Kyiv explorer les ressorts de cette position de principe. La langue de ma mère, par Salomé Kiner, autrice de Grande Couronne La mère de Salomé Kiner est prof de russe, française d'origine italienne, divorcée d'un juif soviétique, informaticien, poète et guitariste. C'est l'histoire rocambolesque du mariage de cette femme à la langue russe, aimée dans l'Urss dissidente des années 80, détestée avec les nouveaux Russes des années 2000, avec laquelle elle se réconcilie enfin en France, à Marseille, au contact des réfugiés de l'ex-empire. Pères et fils, photos de Valeri Poshtarov et récit de Victoire Tuaillon. Photographe né en Bulgarie en 1986, père de deux petits garçons, Valeri Poshtarov s'est rendu compte qu'un jour viendra où ils n'auront plus besoin qu'il les accompagne à l'école. Il a l'idée de faire un portrait de son grand-père de 95 ans et de son père se tenant par la main, et commence à prendre des portraits d'autres pères et de leurs fils adultes. En posant, certains se tiennent la main pour la première fois. Victoire Tuaillon, journaliste, autrice du podcast Les Couilles sur la table, s'intéresse à la construction de la masculinité. Elle raconte les histoires de ces hommes. Berlin-Leningrad années 30. Par cette archive photographique oubliée pendant près de soixante ans, les frères Henkin, juifs russes passionnés de photos, promènent leurs objectifs dans les capitales bouleversées par les montées du nazisme et du stalinisme et donnent à voir un tout autre visage de l'Allemagne et de la Russie des années 1930 : souriant, joyeux, presque insouciant. Une sorte de Monde d'hier photographique de Zweig, qui montre l'aveuglement au quotidien. Découvrez aussi le premier épisode de la série de Christophe Boltanski sur les oligarques, la suite du journal intime de Lili Pankotai, cette lycéenne hongroise qui se bat contre Viktor Orbàn, des lettres de résistantes iraniennes...

01/2024

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Revues Ethnologie

Barvalo. Roms, Sinti, Gitans, Manouches, Voyageurs... Edition bilingue français-romani

Si les populations romani constituent la plus grande minorité ethnique d'Europe (12 millions de personnes), elles font l'objet, hier comme aujourd'hui, de nombreuses discriminations. Tout en mettant l'accent sur l'antitsiganisme contre lequel toutes luttent, il s'agit cependant ici de faire connaître, d'affirmer et de revendiquer la richesse et la diversité des cultures romani. " Barvalo ", le mot qui donne son titre à cet ouvrage et à l'exposition au Mucem (Marseille) qu'il accompagne, signifie en romani " riche " et par extension " fier ". Il est programmatique et défend, en s'intéressant à l'histoire et à la diversité des populations romani d'Europe, neuf siècles de présence européenne et d'affirmation culturelle. L'exposition comme le livre, entièrement bilingue français-romani, ont été conçus de manière collaborative avec un comité composé de cinq commissaires et quatorze experts d'origine romani (Roms, Sinti, Manouches, Gitans, Gens du voyage/Voyageurs) et non romani, de nationalités et de profils différents. Tous et toutes oeuvrent à ce projet depuis 2018 et ont contribué au livre. Ce catalogue, richement illustré, est découpé en trois grandes parties. La première présente l'ambition du projet : une minorité discriminée, voire persécutée (ce sont 500 000 personnes romani qui ont péri dans les camps nazis), est invitée à prendre la parole. Les directrices et directeur d'ouvrage y présentent la méthodologie de ce travail collaboratif ainsi que les enquêtes de terrain commandées dans ce cadre. La seconde partie s'attache à renverser le regard, par la reconnaissance notamment du rôle des représentations stéréotypées dans la culture et le folklore. Il s'agit également d'affirmer que le temps est venu de valoriser en tant que tel l'héritage et le patrimoine romani. La troisième partie, intitulée " Nous sommes le peuple romani " (Ian Hancock), propose une réflexion contrastée sur les notions d'appartenance et d'identité, au fil de la longue histoire des populations romani en Europe. La présentation de l'installation de l'artiste Gabi Jimenez, le " Musée du gadjo ", est centrale et prend le parti d'inverser la perception du lecteur/visiteur. La " gadjologie ", une science imaginaire et parodique de l'Autre selon la perception romani, que l'artiste met en scène vient ainsi révéler ainsi l'absurdité de l'essentialisation de l'Autre quand elle est poussée à son extrême. Se trouve aussi questionné par ce biais le rôle du musée d'ethnographie comme diffuseur d'une " vérité ". Au fil de l'ouvrage, on trouvera aussi des espaces sensibles et incarnés, avec la parole de quatre personnes vivant en France et appartenant chacune à un groupe romani distinct ; leurs récits personnels et familiaux entrent en résonnance avec une histoire européenne plus large et partagée. Enfin, le livre se clôt par une galerie de portraits de personnalités célèbres et moins connues, témoignant de la richesse des cultures romani et de la fierté des différentes communautés à contribuer à la diversité culturelle des sociétés européennes, afin d'affirmer haut et fort : " Barvalo ".

05/2023

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Histoire internationale

Comprendre l'histoire politique du Congo-Brazzaville (1958-2020)

Ce texte est né d'une obstination à entrer dans la lecture des événements qui ont émaillé l'histoire politique du Congo-Brazzaville, depuis l'adoption de la Délibération 112-58 qui portait création de la République du Congo, le 28 novembre 1958. Malgré les promesses liées à cette création qui fut un tournant historique, cet Etat institutionnalisé à la décolonisation n'a pas permis aux différentes composantes des populations du Moyen-Congo de le faire leur, suite aux conséquences dues à un double malentendu : - A partir de la Loi Cadre-Defferre de 1956, qui définissait la personnalité politique des territoires d'AEF, d'AOF et de Madagascar et leur accordait une certaine autonomie, et surtout la Constitution du 04 Octobre 1958 qui instituait la Communauté, les élites de ces territoires, et notamment la République du Congo, projetaient d'atteindre un certain statut, l'indépendance, alors que pour la puissance coloniale, il s'agissait d'un simple transfert de certaines compétences consistant à leur concéder les "signes extérieurs" de l'indépendance, tout en bridant par les accords de coopération toute possibilité de détermination des termes du développement économique et industriel. Ainsi, la première République, sous la présidence de l'abbé Fulbert Youlou, en fera les frais avec le projet du barrage du Kouilou. - Bien que le gouverneur Deriau, entérinant au nom de la France ladite Délibération 112-58, déclarait qu'"... il vous appartient en conséquence de définir la structure que vous entendez donner à vos nouvelles institutions quant à la composition, au mode de désignation et aux compétences des pouvoirs législatif et exécutif...", les élites congolaises, au lieu d'une invention démocratique qui devait prendre en compte la réalité de "la diversité des populations du Moyen-Congo" constitutives de ce nouvel Etat, s'étaient contentées de l'Etat unitaire, la République une et indivisible héritée du jacobinisme français. Dès lors, le Congo va vivre les limites de son action politique. Au fil de ces six premières décennies de sa vie commencée le 28 novembre 1958, il va ruiner toutes ses chances de se présenter et de se promouvoir comme un pays, compte tenu de l'incapacité politique des élites de reconnaître et d'assumer la vérité historique, c'est-à-dire l'incompatibilité entre le système de l'Etat jacobin et la diversité des populations congolaises proclamée dans l'acte de naissance dudit Etat. L'Etat, une institution qui a la prétention de garantir à la fois l'unité et la permanence de ce corps politique en constitution, doit s'inscrire dans un projet politique qui l'identifie et lui donne sens puisque, dans le contexte des indépendances, il était censé ouvrir à une configuration politique nouvelle ; laquelle demeure une invention démocratique, qui doit se concevoir à partir de l'exploration de voies politiques nouvelles qui vont dans le sens d'une décentralisation, d'une régionalisation, ou encore d'un fédéralisme à assumer, pour dépasser les limites politiques du jacobinisme ; un système politique qui, dans le contexte analysé de cette histoire politique, est favorable à la dictature d'un parti unique.

01/2021

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Philosophie

Deux intellectuels dans le siècle, Sartre et Aron

Les deux philosophes, nés l'un et l'autre en 1905, furent d'abord d'inséparables "petits camarades" à l'Ecole normale supérieure entre 1924 et 1928. Le jeune Sartre, futur grand théoricien du devoir d'engagement, était alors totalement apolitique. Raymond Aron, déjà attentif à la vie politique, penchait pour sa part vers le socialisme et le pacifisme. Du séjour qu'ils firent l'un et l'autre en Allemagne, ils tirèrent des enseignements différents, mais c'est la guerre qui les conduira vers des évolutions radicalement divergentes. Aron passe à Londres, où il écrit dans la revue La France libre. S'il ne fait pas la Résistance brillante présentée par certains de ses zélateurs, Sartre subit le choc de la captivité et de la défaite, et a l'expérience de l'engagement à travers quelques actions de résistance intellectuelle. C'est lui qui formulera en 1945, dans le premier numéro de sa revue Les Temps modernes (auxquels Aron collabore quelque temps), la théorie du devoir d'engagement de l'intellectuel. L'influence de ses idées sera alors énorme. La presse de l'époque fera vite l'amalgame entre l'"existentialisme" et l'effervescence qui règne à Saint-Germain-des-Prés ; les tirages de ses livres sont élevés, ses pièces ont un succès considérable. Très vite, la guerre froide partage le monde en deux et l'intelligentsia française en ressent les retombées. Sartre, d'abord violemment attaqué par le Parti communiste, s'en rapproche jusqu'à devenir, entre 1952 et 1956, un "compagnon de route". Or ce sont précisément les intellectuels communistes et les "compagnons" que Raymond Aron dénonce à la même époque dans l'un de ses essais les plus célèbres, L'Opium des intellectuels, et au fil de sa réflexion sur le phénomène totalitaire. Sartre et Aron resteront frères ennemis tout au long des années 1960, symboles et porte-parole des deux versants antagoniques du milieu intellectuel, aussi bien sur les guerres coloniales finissantes et le conflit vietnamien qu'au moment de la crise de mai 1968 : le premier soutient le mouvement, tandis que le second devient, aux yeux de l'extrême gauche, le symbole de l'Université "bourgeoise" et du libéralisme politique honni. Mais c'est précisément ce statut de penseur libéral qui, sur le tard, conférera à Raymond Aron notoriété et influence. A partir de la seconde partie des années 1970, le milieu intellectuel français tonnait en effet une profonde crise idéologique : les modèles et les maîtres à penser de l'extrême gauche se trouvent dévalués, et le marxisme voit ses positions s'éroder rapidement. Sartre, mort en 1980, sera au cours des années suivantes souvent attaqué à titre posthume : lui qui incarna la position longtemps dominante de la gauche intellectuelle deviendra, d'une certaine façon, le responsable et le symbole des erreurs et des errances présumées de cette gauche. Dans le même temps, Raymond Aron, jusqu'à sa mort en 1983 et même après, se verra largement reconnu par ses concitoyens et porté par la vague du libéralisme.

10/1995

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Poésie

Inventaire des choses certaines. Edition bilingue français-italien

LE LIVRE [extrait de la préface du traducteur Marc Porcu] : Un nom pour deux et une poésie nécessaire pour tous. Lussu, évoquer ce nom nous ramène aussitôt à un prénom, Emilio ; auteur entre autres de Un anno sull'altipiano, connu dans sa traduction française sous le titre du film qui s'en inspire "Les hommes contre" . Ce livre, je l'avais lu avec un intérêt particulier puisqu'il raconte la geste de la Brigata Sassari sur les hauts plateaux d'Asiago durant la première guerre mondiale, Lussu était le capitaine courageux et humaniste de ce régiment formé uniquement de sardes qui s'illustra dans ce conflit avec brio. Mon grand-père en faisait partie, et après la guerre il rejoint Lussu dans le Parti sarde d'action, d'inspiration socialiste et résolument antifasciste. La plupart de ses membres furent emprisonnés ou contraints à l'exil. Ce nom je le retrouvai dans tous les romans de Sergio Atzeni que j'ai traduits, personnage multiforme et récurent de ses livres même si Atzeni nous précise "Lussu, pas celui d'Armungia" cette simple nomination, même homonyme, a pour fonction de rappeler au lecteur l'existence et l'importance de cet écrivain fondateur et père de la nation sarde (même si Lussu lui-même parlera d'une nation manquée) et constitue un hommage permanent à Emilio Lussu. Armungia est le village natal de Lussu, un musée lui y est consacré, c'est récemment que je m'y suis rendu, guidé par mon ami journaliste Massimiliano Raïs pour rendre visite à mon ami poète, Andrea Porta, prêtre ouvrier révolutionnaire et curé de la paroisse. Le musée Lussu est d'une modernité remarquable, riche de la grande histoire du siècle dernier, il met aussi en lumière la vie quotidienne, les difficultés et les combats du peuple sarde. A tout cela j'étais préparé, mais une surprise de taille m'y attendait, la découverte d'une autre Lussu, Joyce, sa remarquable épouse. Présente ici pour son rôle dans la lutte antifasciste et dans la résistance au côté d'Emilio, dans l'organisation du féminisme italien dont elle fut une des grandes figures, mais aussi et surtout pour son oeuvre poétique, en sa qualité de traductrice (elle fut et demeure la première traductrice de Nazim Hikmet en Italie), et de poète, puisque une salle entière du musée expose ses principaux poèmes dont la force fait vibrer et résonner l'espace et le temps qui semblent, à travers ses mots, se libérer soudain et nous emporter. Ainsi découvrais-je ce que j'oserai nommer "une vie, une oeuvre" . Et je me plongeai dans son anthologie, Inventario delle cose certe, dans cet "Inventaire des choses certaines" que j'ai traduit sous l'autorité de Joyce Lussu, elle- même en appliquant la méthode qu'elle décrit ainsi dans l'introduction de son livre Tradurre poesia, "Traduire la poésie" méthode qui nous est connaturelle. "Tradurre poesia non è arido esercizio accademico e filologico sulle complicazioni grammaticali e sintatiche di una lingua. Tradurre poesia è sforzo per comprenderla, è

09/2015

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Revues

La Règle du jeu N° 80, septembre 2023 : Dove vai ? L'Italie sous Meloni

DOSSIER : L'ITALIE FACE A SES OMBRES Les résultats des élections parlementaires du 25 septembre 2022 ont fait entrer l'Italie dans un nouveau chapitre de son histoire. A la tête d'un parti populiste d'extrême-droite, Georgia Meloni a confirmé de manière spectaculaire son ascension au sommet de la politique transalpine avec un programme dont la ligne politique est en phase avec celle des grands mouvements illibéraux européens. Des débats inédits sur la double décennie mussolinienne et sur la nature de la Constitution italienne née de la victoire sur le fascisme sont apparus. Un climat de violence sourde et de rejet populiste de certains intellectuels prédomine. La place cardinale qu'occupent désormais au quotidien les réseaux sociaux avec leurs attaques ad personam amplifie le mépris pour la nuance et l'argumentation. La gestion de la tragédie des réfugiés est toujours plus agressive. Les dangers qui portent sur les médias publics sont incontestables. Ainsi, malgré les gages qu'elle donne au niveau international qui lui permettent de s'assurer une crédibilité à Bruxelles et auprès de ses créanciers, l'Italie a fait le choix d'un projet politique qui pourrait l'amener à tourner le dos à ce que furent ses valeurs depuis 1945. Ce numéro de La Règle du jeu réunit des contributions d'artistes, écrivains, intellectuels, journalistes et politiciens parmi les plus importants de la Péninsule, tels que Roberto Saviano, Ezio Mauro ou Liliana Segre. Cet ensemble de réflexions réunies par Christian Longchamp permet de mieux saisir les enjeux majeurs de l'évolution d'un pays essentiel pour la France et pour l'avenir de l'Union européenne, un pays aujourd'hui dirigé par une femme qui, il y a peu de temps encore, ne cachait pas son admiration pour Viktor Orban et Vladimir Poutine. Mais aussi : - HOMMAGE A PHILIPPE SOLLERSDe son premier roman, l'histoire d'un jeune homme qui explore l'amour, à Graal, récit où se cristallisent les lectures, les méditations et les mystères d'une vie entière, l'oeuvre de Philippe Sollers n'aura cessé de se métamorphoser à la vitesse du siècle qui l'observa s'écrire. C'est que Sollers aura été de toutes les aurores : écrivain classique, adoubé par Mauriac et Aragon, révolutionnaire du langage, commenté par Barthes et Derrida, explorateur des avant-gardes à la tête de Tel Quel, romancier du désir, biographe de Mozart et de Casanova, défenseur de L'Infini dialoguant avec les vrais vivants de la littérature, c'est-à-dire les morts, libertaire engagé mais athée des chapelles sociales, catholique charnel et épris de grand art... Toutes ces identités réunies en un homme ont engendré une oeuvre marquée par l'Imprévu, le Nouveau, où se trame pourtant une profonde cohérence. Mais comment y entrer ? Dans ce dossier, La Règle du jeu réunira ses proches, ses amis, mais aussi des universitaires, des critiques littéraires, des écrivains, des lecteurs - afin de rendre hommage à l'écrivain majeur que fut, et que continue d'incarner Philippe Sollers. - " Le non-né " , une nouvelle inédite de Georges-Olivier Châteaureynaud - Un article inédit de Nathan Devers sur le poète Georg Trakl - Un article de Pierre-Antoine Chardel sur Derrida et la religion

09/2023

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Revues

Lignes N° 66, octobre 2021 : Littérature : quelle est la question ?

Au temps des dernières avant-gardes, on déclara l'invention d'art, dont l'art " littéraire ", au service (de la Révolution, sous l'une ou l'autre de ses formes " communistes "). Quelques spectaculaires expériences d'écriture doublées de prises de parti radicales incarnèrent cette façon de voir. Puis la restauration des années 1980 et le post-modernisme éclectique des années 1990 déclarèrent que ces excès n'avaient plus lieu d'être - au moins là où médiatiquement brille la vie littéraire [... ]. Mais voici que des poètes-penseurs attentifs au monde réel invitent l'ancienne passion bucolique des lyriques à se reconvertir en soutien au choeur des combats écologiques. Ou qu'on s'efforce, contre l'aristocratisme des " grandes irrégularités de langage" , de promouvoir la créativité égalitaire d'un " poétariat "(J. -C. Pinson) à l'oeuvre dans la multiplicité moderne des réseaux. Ou encore qu'on nous engage à faire de la " poésie intéressante " (qui parle au public de ce qui l'intéresse). Ainsi reviennent des soucis auxquels sans doute nul créateur n'échappe : à qui entendent parler ceux qui aujourd'hui écrivent à distance de la commande mondaine et des produits pré-formatés par les médiatisations ? pour transmettre quelle expérience ? pour éventuellement produire, ce faisant, quel effet (transformateur, émancipateur - voire au sens politique) ? Christian Prigent La question telle qu'il s'agirait de la reprendre ici n'est pas : à quoi la littérature (le récit, le roman, le poème, la pensée même) est-elle utile ou ne l'est-elle plus ? Mais : qu'est-ce qui ne s'y passe plus, de quoi n'est-elle apparemment plus l'enjeu - à supposer qu'il doive s'y passer quelque chose, ou qu'un enjeu en dépende (supposition de principe) ? A le supposer parce que, tout compte fait, l'histoire une fois finie, au sens où Kojève a d'abord établi qu'elle l'était (dans les années 30, sous les espèces plus rêveuses que réelles du communisme), ou deux fois finie, cette fois au sens de Fukuyama (dans les années 90, sous les espèces cyniques de l'universalisme capitaliste réalisé), la littérature pourrait l'être aussi. Fin de l'histoire donc, et avec elle des révolutions, des avant-gardes, des devenirs, des manifestes, des scandales, des polémiques (les polémiques qui restent sont morales, c'est-à-dire aujourd'hui sociologiques). L'histoire finie, tout étant " accompli ", la question des formes et des langues de la littérature ne se poserait plus ou n'aurait plus à être posée, lesquelles avaient en effet tout à voir avec l'histoire en tant qu'elle se constituait, se construisait diamétralement contre. De là qu'on ne voie plus les formes former une question, et les langues être de plus en plus rares à s'opposer à celle qui domine. [... ] La littérature, donc : quelles questions pose-t-elle encore à ce qui est (qui domine et qu'on dit définitif), et lesquelles lui poser pour que ce qui est et qui domine s'en ressente (qu'il cesse de l'être) ? Michel Surya

10/2021

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Sciences politiques

L'Afrique des grands lacs. Annuaire 2011-2012

Après les élections générales au Burundi en 2010 et en Ouganda au début 2011, celles présidentielle et législatives en RDC et sénatoriales au Rwanda fin 2011 ont une nouvelle fois exposé le caractère largement symbolique des scrutins dans la région. Malgré les nombreuses irrégularités observées pendant l'élection présidentielle au Congo, le président Kabila a été réinvesti et un nouveau gouvernement a été formé qui dispose d'une majorité confortable à l'Assemblée nationale ; mais la légitimité des institutions est contestée tant à l'intérieur qu'au niveau international. Au Rwanda, à l'issue d'une procédure opaque entièrement contrôlée par le FPR, les sénateurs "élus" ont été en réalité désignés par le parti au pouvoir. Les tensions politiques demeurent considérables. Au Burundi, le dialogue entre le CNDD-FDD au pouvoir et l'opposition réunie au sein de la coalition ADC-Ikibiri tarde à se mettre en place, l'insécurité reste un problème, des mouvements rebelles (qui pour l'instant ne menacent pas le pouvoir) se profilent, la justice transitionnelle se fait attendre. Au Rwanda, la répression de l'opposition continue et le pouvoir se rend coupable d'assassinats politiques, à l'intérieur du pays et à l'étranger. Au Congo, le contrôle territorial par l'Etat reste faible, en particulier dans l'Est où l'on assiste à l'émergence de nouvelles rébellions voire de velléités sécessionnistes appuyées en sous-main par le Rwanda. En Ouganda, le pouvoir issu du scrutin de février 2011 est contesté sur fond de déclin économique ; en même temps, les perspectives de l'exploitation prochaine des ressources pétrolières soulèvent des questions sur la capacité et la volonté du gouvernement d'en faire un moteur de l'économie et de la lutte contre la pauvreté. Les dynamiques violentes sont en partie transfrontalières. Des mouvements rebelles ougandais, rwandais et burundais opèrent sur le territoire congolais, les abus commis par la LRA se sont depuis longtemps déplacés en RDC et en République Centrafricaine, et les minerais de sang continuent d'être exportés frauduleusement. La déstabilisation par le Rwanda de son voisin congolais a valu à Kigali, qui nie les faits contre toute évidence, une forte condamnation de la part de ses plus importants appuis internationaux. Même si les problèmes de gouvernance politique et l'insécurité continuent de caractériser la région, certains pays ont pu réaliser de bonnes performances économiques au cours des dernières années. Le Rwanda surtout a impressionné, avec une croissance annuelle d'au moins sept pour cent durant les cinq dernières années, croissance accompagnée d'après une enquête nationale publiée au début 2012 d'une réduction de la pauvreté et des inégalités. Cette performance de l'économie rwandaise alimente le débat plus large sur le lien entre la bonne gouvernance et le développement économique. Ainsi, certains observateurs s'opposent à la vision orthodoxe de la bonne gouvernance et avancent la thèse d'un "Etat de développement néo-patrimonial". Par l'analyse de thèmes d'actualité dans les domaines politique, social et économique, cet Annuaire offre des clés pour une lecture de l'évolution de la région des Grands Lacs en 2011 et au premier trimestre de 2012.

12/2012

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Critique littéraire

Oeuvres complètes. Tome 3, Les Fleurs de Tarbes

Sous le signe des Fleurs de Tarbes, Paulhan désigne tantôt un seul livre, deux fois publié, en 1936 et en 1941, tantôt un projet plus général, autrement audacieux que le précédent, et qui devait être à la Critique ce que le livre de Mallarmé devait être à la Poésie. C'est de ce projet général que témoigne l'ensemble du volume. Il ne s'agit pas pour Paulhan de réintroduire la Rhétorique en France pour le meilleur et pour le pire, elle n'a l'a jamais quittée. Si Paulhan avait pu faire porter sur la Rhétorique le livre qu'il envisageait, et dont nous n'avons que les fragments, il passerait aujourd'hui pour un dadaïste, plus radical que ceux qui en portent le nom, un terroriste, et point des plus modérés, un dynamiteur de quintessence enfin. Mais le langage provoque dans l'esprit tant d'illusions qu'il vaut la peine d'y regarder de près. A moins que l'expérience ne vienne brouiller le beau jeu de la Rhétorique et de la Terreur. Car l'accès à l'expérience rouvre la possibilité du récit, bloque le discours, et relance par surprise les chances de la littérature. De quoi s'agit-il ? De tourte relation au langage. Il n'est avec le langage, croit Paulhan, que deux attitudes possibles. Ou bien nous lui faisons confiance, parce que nous estimons qu'il se prête de bonne grâce à ce que nous avons à dire ; ou bien nous nous tenons en défiance, parce que nous estimons que ce que nous avons à dire excède de toutes parts, et violemment, ses pauvres capacités d'expression. Bien loin de la philologie ou de la linguistique, la pensée du langage est condamnée à n'être qu'une nomenclature des illusions. Mais que tout homme soit dans sa vie traversé par la Rhétorique et par la Terreur - en le sachant, sans le savoir - est à ses yeux une évidence. C'est dire qu'il ne s'agit pas de prendre son parti, en faveur de l'une ou de l'autre, mais simplement - si la simplicité peut être ici de mise - d'analyser les possibilités de leur dialogue, en se fondant sur la baroquerie de leurs défenses. Car l'une et l'autre se défendent mal. Ceci n'est donc pas un livre à thèse, ou de doctrine. On y chercherait en vain une opinion qui serait celle de l'auteur, sur laquelle il aurait fait carrière, et que l'on pourrait discuter. Les livres de Paulhan sont comme le sable et comme la mer, ils se dérobent, massivement. Pourquoi nous retiennent-ils ? Parce que nous y sommes. Que nous nous y voyons. Et que nous y voyons, non pas l'idée qu'un seul homme peut se faire du monde et de l'homme et de son langage, mais l'instant décisif qui silencieusement résout les bruyantes affirmations que notre esprit ne devrait pas souffrir. Contre les affirmations obligées, il n'y a que la contradiction qui soit nécessaire ; contre la contradiction, que le silence.

06/2011

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Poésie

Rabelais restitué Tome 1 : "Pantagruel"

Le propos de cette tude critique, la fois premire d'une nouvelle collection et premire des cinq qui seront consacres Rabelais, est de retrouver l'intelligence d'un texte que l'esprit de routine et les prjugs ont constamment obnubil. Les ditions commentes, sans lesquelles on ne peut lire Rabelais, ne font en effet, depuis cinquante ans, que se rfrer l'dition critique de Lefranc et ses collaborateurs, aussi bien pour l'tablissement du texte que pour les gloses. Or ce texte est tabli de faon discutable, ne serait-ce que par sa ponctuation, et les gloses sont imbues d'un esprit de gravit et d'un parti pris de pudibonderie qui altrent profondment la pense du Matre. On se borne, depuis cette dition, ronronner sur un texte abusivement fig d'o l'on croit avoir extrait depuis belle heure la quintessence, et la littrature rabelaisienne ne fait plus que traiter de l'accessoire sans oser revenir au principal : le verbe. partir du fac-simil des ditions de 1532 et de 1542, Marc Berlioz rexamine donc chaque chapitre, et une recherche purement philologique le conduit rcuprer la porte de termes jusque l mal lus et donc mal entendus. Tout au long de cette relecture apparat alors une comprhension neuve de phrases ou de pages entires dnatures par la signification apprise. Et l'auteur de l'tude est tout naturellement amen dcouvrir le contenu de chapitres rests lettre morte : ainsi du double sens et des sous-entendus des titres de la Librairie de saint Victor, traditionnellement regards comme une collection de facties ; ainsi du procs de Baisecul et Humevesne tenu une fois pour toutes pour incohrent assemblage de sons ; ainsi de la dispute entre Thaumaste et Panurge o l'argumentation a toujours t donne pour gesticulation gratuitement obscne. Sans oublier, au chapitre de la maladie de Pantagruel, la rintgration d'un paragraphe accidentellement limin depuis la premire recomposition, il y a plus de quatre cents ans. Au fil de l'examen se dessine alors un Rabelais dont les intentions sont quelquefois fort diffrentes de celles qui sont admises et enseignes. Et force est bien de convenir que, dgag des strates de commentaires qui ont abouti le masquer son lecteur, c'est ce Rabelais restitu qui semble tre le vrai. Pourtant Marc Berlioz ne fait que proposer la rflexion des Rabelaisants ce Rabelais retrouv ; car il ne donne nullement pour dfinitive sa restitution : outre, dit-il, qu'elle ne peut tre exempte d'erreurs, son dessein est, donnant le branle une rvision, d'inciter chacun rexaminer aprs lui ; il aura atteint son but, ajoute-t-il, s'il a persuad qu'il est prfrable de scruter encore et toujours le texte du Matre plutt que d'empiler des thses sur la faon qu'il pouvait avoir d'enfiler ses sandales. Men avec autant de probit que d'audace, ce retour aux sources doit relancer les tudes rabelaisiennes. En attendant, Marc Berlioz a commenc de relire le Gargantua, et la mme dmarche lui a dj permis de mettre au jour le contenu des Fanfreluches antidotes, pice o les commentateurs n'ont jamais trouv fond ni rive. Les Rabelaisants, universitaires ou non, ont dsormais des horizons ouverts.

01/1979

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Sciences politiques

Pour l’autogestion socialiste . Charles Piaget. Interventions, 1974

Dessin de couverture : Alain Frappier 1974, six ans après la grève générale de Mai 1968 et ses 10 millions de grévistes, le souffle révolutionnaire est toujours présent. Une longue grève, celle des ouvrières et des ouvriers de Lip à Besançon, vient de s'achever. Par ses atours autogestionnaires ("on fabrique, on vend, on se paie" clament les grévistes), elle a reçu un important soutien populaire tant elle a pu préfigurer une "nouvelle légalité ouvrière" , mettant directement en cause l'ordre capitaliste. Charles Piaget, syndicaliste CFDT de Lip, militant PSU de Besançon, en a été propulsé porte-parole. Il a le sens et le goût du collectif. En cette année 1974, au sein du "peuple de gauche" , les questions se posent concrètement, taraudant les organisations politiques comme les syndicats : Comment faire basculer la France dans le socialisme ? S'agit-il de passer par la voie des urnes ou celle des luttes ? Faire le choix des réformes ou de la révolution ? Quel chemin emprunter pour arriver à ce fameux "débouché politique" qui se cherche depuis Mai ? Quelle organisation, quel parti, quelles alliances sont nécessaires pour cela ? Ces questions ne sont pas neuves pour toutes celles et tous ceux qui ont l'émancipation et l'égalité au coeur, qu'anime la volonté de rompre avec un capitalisme mortifère, de changer le monde et la vie. Elles conservent encore aujourd'hui leur pertinence et méritent d'être remises sur le métier, encore et encore. En 1974, c'est en syndicaliste, en militant politique, que Charles Piaget propose dans les textes de ce recueil des pistes pour répondre aux enjeux qui se posent alors. Les retrouver aujourd'hui permet de remonter le fil du temps pour mieux appréhender l'avenir d'un "socialisme de tous les jours" . Ce cahier contient : â¢Une introduction politique et historique de Théo Roumier, "Le socialisme, tous les jours" â¢Deux textes de Charles Piaget : - "Il faut rejeter toute attitude de démission" , entretien donné à Politique Hebdo du 3 octobre 1974 - "Que signifie aujourd'hui militer pour le socialisme, être révolutionnaire" , texte de son intervention au meeting "Le PSU répond à vos question" du 24 octobre 1974 à la Mutualité â¢Un cahier iconographique en couleur â¢Une chronologie détaillée â¢Des notes biographiques â¢Une bibliographie Charles Piaget est une figure marquante de la grève des Lip à Besançon en 1973. Militant PSU et CFDT, il incarne nationalement cette lutte ouvrière parmi les plus importantes des "années 68" . Il est brièvement membre de la Direction politique nationale du PSU sans abandonner son militantisme syndical et de terrain. Dans les années 1990 il anime l'antenne bisontine de l'association Agir ensemble contre le chômage (AC ! ). Il est aujourd'hui retraité et continue de transmettre la mémoire des Lip. Théo Roumier a assuré la conception et la présentation de ce cahier de l'ITS. Syndicaliste SUD éducation en lycée professionnel, il est membre du Comité éditorial de la revue de l'Union syndicale Solidaires, Les Utopiques et auteur de plusieurs contributions sur l'histoire récente du syndicalisme et du mouvement libertaire et révolutionnaire.

10/2022

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Critique littéraire

Dictionnaire de Stendhal

Qu'attend-on d'un " dictionnaire " tout entier consacré à un seul auteur? Qu'il donne des renseignements sur l'homme et sur l'œuvre, et qu'il fasse le tour des questions essentielles. Le Dictionnaire de Stendhal apportera les informations que chacun est en droit de chercher (et de trouver) dans un dictionnaire dédié à Stendhal. Sur la vie de Beyle, sur ses logements, sur ses maîtresses et sa santé, sur les bretelles et les lunettes vertes, sur son goût pour Saint-Simon et les épinards, le lecteur saura tout (et même ce à quoi il ne songeait pas), tout sur Beyle, Dominique, Bombet, Mocenigo et consorts. Stendhal cependant n'est pas seulement Beyle, et si nous nous attachons aujourd'hui à l'homme, c'est parce que celui-ci est l'un des plus grands romanciers français. Et l'habitude est tellement prise de " réduire " Stendhal aux deux grands " billets gagnants " (Le Rouge et le Noir, La Chartreuse de Parme) que l'un des mérites du Dictionnaire sera de faire une place à tous les essais (fussent-ils des essais apparemment infructueux), de donner voix à toutes les tentatives, à toutes les ébauches de l'écrivain. Une œuvre, et celle de Stendhal tout particulièrement, est une déclinaison de thèmes récurrents, privilégiés. Le Dictionnaire réserve donc une large part à l'étude des thèmes, qui peuvent être relativement communs, partagés par de nombreux autres écrivains (ambition, amour, argent, femmes, morale, politique, société), ou plus spécifiques, plus intimement beylistes (arbre, archet, beylisme, chicane, clocher, couvent, égotisme, espion, opéra, prison...). Ces principes posés, il nous a semblé que Stendhal ne pouvait " se résumer " à sa vie, à ses amis, à ses modèles, à ses thèmes favoris, à ses œuvres. Un écrivain est un homme de plume qui use d'un lexique particulier, d'une langue qui lui est propre. "J'ai un dictionnaire tout à part moi" : ces mots de Montaigne, l'auteur de La Chartreuse de Parme, plus qu'aucun autre écrivain peut-être, aurait pu les contresigner : Stendhal est à ce point " singulier " qu'il a bien plus qu'un dictionnaire "tout à part lui". " Cristallisation " " égotisme " " fiasco ", " happy few ", " tourisme ": ce sont là autant de termes (et il en est bien d'autres) qui portent la marque de fabrique de Dominique, qui sont passés dans la langue commune par le biais de Stendhal, grand amateur et forgeur de néologismes, écrivain attaché à certains vocables qui, assurément, méritaient qu'on leur fasse une place. Sans doute ne serait-ce pas vraiment " saisir" Stendhal que de ne pas le surprendre dans ses expressions favorites, dans ses mots " fétiches ", lourds de tout un imaginaire, de toute une vision du monde dont il fallait rendre compte. C'est pourquoi, outre les informations et rubriques attendues, ce Dictionnaire a pris le parti de sélectionner un certain nombre de termes typiques (bruit, chasse, chute, étiolé, odieux... ), de formules (" etc. etc.", " lo-gique " "To the happy few ") qui signent Stendhal, et que le " lecteur bénévole " ne nous aurait pas pardonné d'avoir omis.

01/2003

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Poésie

Sonnets de la prison de Moabit. Edition bilingue français-allemand

Les "Sonnets de la prison de Moabit" d'Albrecht Haushofer occupent une place particulière dans la poésie allemande du XXe siècle : leur auteur, avant de les écrire, n'avait composé que très peu de poèmes et était surtout connu pour ses travaux savants. Professeur d'université, géographe réputé, spécialiste de géopolitique, Haushofer, sans jamais adhérer au Parti nazi, avait occupé des fonctions officielles, notamment dans une organisation diplomatique du IIIe Reich (le "bureau Ribbentrop"). Impliqué, comme bon nombre de ses amis, dans le putsch manqué du 20 juillet 1944 (tentative d'assassinat de Hitler), il fut arrêté les jours suivants et incarcéré à la prison de Moabit, prison berlinoise tenue par les SS. C'est là qu'il composa, sur seulement cinq feuilles A4 recto-verso couvertes d'une écriture minuscule, les 80 sonnets qu'on retrouva sur lui après sa mort : il fut abattu avec quatorze autres prisonniers par un détachement de SS dans la nuit du 22 au 23 avril 1945, à la veille de l'entrée des armées soviétiques dans Berlin. Publiés en 1946, ces "Sonnets" eurent aussitôt de nombreux lecteurs et furent traduits dans de nombreuses langues européennes. Une première traduction française (la seule à ce jour) parut chez Seghers en 1954 (sous le titre "Sonnets de Moabit"). Elle n'a jamais été réimprimée. Il était grand temps de donner de ce chef d'oeuvre de la poésie allemande une nouvelle traduction : non seulement parce que le temps a passé, mais aussi parce que le texte publié en 1946 était tronqué par rapport à l'original, comportait des erreurs de lecture et ne présentait les sonnets dans l'ordre voulu par l'auteur. Ce n'est qu'en 1976 qu'une édition fiable et complète a vu le jour, en édition de poche, vendue à plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires en Allemagne. Comparables en un sens aux "33 sonnets composés au secret" de Jean Cassou (1944), les "Sonnets de la prison de Moabit" ne sont pas l'oeuvre d'un "résistant" de la première heure, mais d'un homme qui fait son examen de conscience et s'accuse de ne pas s'être opposé plus tôt à un régime qu'il désapprouvait depuis longtemps, mais en silence. Haushofer n'est pas tendre pour lui-même, ni pour son père, Karl Haushofer, plus gravement compromis que lui, qui souffla à l'oreille d'Hitler la notion d' "espace vital" (avant de rompre, il est vrai, avec les nazis). Ces sonnets sont le testament d'un homme qui sait qu'il ne sortira pas vivant de sa prison : il y passe en revue les épisodes de sa vie, se remémore ses voyages, ses amitiés, ses amours, cherche à prendre exemple sur d'illustres persécutés (de Boèce à Thomas More), et se fraye un chemin vers la sérénité en s'inspirant surtout des sagesses orientales. Ce sont les circonstances qui ont fait éclore en Haushofer le poète. Ces 80 sonnets suffisent pour lui assurer une place dans la poésie du XXe siècle.

01/2019

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Sciences politiques

Populisme smart. Le retour du «et#8201;peupleet#8201;» dans la politique et comment y répondre

Destiné en priorité aux étudiants, "? Populisme smart ? " décrypte deux défis contemporains majeurs, la crainte d'un déclassement de l'Occident par la Chine, et la vague populiste qui pose la question du sens dans nos démocraties industrialisées, désormais exacerbée par les mouvements de contestation historique de l'Occident (woke, cancel culture, etc.). Son originalité consiste d'une part à relativiser l'effet de la Chine en dressant un parallèle instructif avec la grande crainte du Japon dans la décennie 80-90, dont sont expliqués en détail les ressorts économiques, et d'autre part à réconcilier dans un même discours populiste smart des forces antagonistes dans le champ sociopolitique, à l'heure du divorce entre "? peuple ? " et élites dirigeantes. Sur fond de mutation écologique et de crise de l'immigration, il avance en effet l'idée qu'un populisme smart qui s'en approprie les causes plutôt que les démoniser, et explique avec recul les transformations (mondialisation, révolution technologique) qui les ont produites depuis 30 ans, est un discours pertinent dans le contexte politique actuel, en France et ailleurs. Il s'agit de répondre à la colère populaire qui sourde depuis des années en offrant un projet collectif d'équité sociale, d'appartenance nationale à la fois enracinée dans l'histoire - assumer le passé est nécessaire pour concevoir le futur - et universaliste, agile dans la mondialisation. L'ouvrage mêle aussi au style d'un essai des remarques où l'auteur partage avec le lecteur sa propre trajectoire comme étudiant pendant la période de référence, à un moment charnière qui vit entrer le monde dans une nouvelle période de l'Histoire (1989). Il met en exergue les choix personnels dans un contexte de profonde transformation, semblable à la période actuelle, à même d'éclairer ceux auxquels seraient confrontés des étudiants en partance pour l'étranger. L'ouvrage livre une perspective historique sur l'économie et la politique mondiales depuis le tournant décisif de 1989 pour expliquer/comprendre la situation contemporaine. Sa thèse est que le développement économique de la Chine souffre de faiblesses structurelles comparables à celles du Japon, que l'antagonisme avec le régime d'Etat-parti est fondamental et irréconciliable, et que la capacité d'innovation des Etats-Unis demeure inégalée parce qu'elle repose sur une société de liberté individuelle et l'Etat de droit. Soulignant en cela la valeur des principes qui assoient les démocraties industrialisées occidentales, l'auteur prévient contre les dérives culturalistes en vogue pour souligner le socle capital hérité de la pensée occidentale, et les risques de juger l'histoire sans en discerner les contradictions inhérentes. Avançant que la démonisation du "? populisme ? " méconnaît les ressorts de l'anxiété socioéconomique et culturelle qui frappe les classes moyenne et populaire depuis plus de 20 ans en Occident, il argue que les responsables politiques doivent au contraire s'approprier cette anxiété pour être en phase avec l'opinion et y apporter des réponses adéquates, sans a priori idéologique, mais en expliquant, comme le fait le livre, les facteurs de cette anxiété (libre - échange mal engagé/régulé, mondialisation, rupture digitale, productivité), et en montrant le chemin à suivre.

04/2022

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Littérature française

Oligarque

Voici le grand roman que l'on attendait sur la transformation du socialisme soviétique en capitalisme oligarchique. Au carrefour de la grande fresque balzacienne, du roman d'apprentissage et du thriller politico-financier, Oligarque raconte l'ascension prodigieuse d'un jeune orphelin dans la Russie soviétique en pleine décomposition jusqu'aux plus hautes sphères du pouvoir financier international. Une histoire haletante en trois actes : Première partie : La défense Ragozine (Russie, 1975-1993) En 1975, à Perm, le père de GrigoriYurdine, ouvrier d'une usine de câbles, la Permski Kabel Zavod (PKZ), meurt d'un accident. La mère de Yurdine est folle. L'enfant est adopté par la famille Makarov. Ils ont déjà une fille, Lena, qui devient la soeur adoptive de coeur de Grigori. On retrouve Yurdine en 92, un an après la chute du communisme. Il est étudiant du ponte Smirnov, professeur à l'institut polytechnique de Perm et ingénieur en chef de PKZ. Lena de son côté étudie à Moscou. C'est l'époque où le système s'effondre, et où les gros appétits locaux et la finance internationale se partagent les dépouilles. On assiste à l'ascension de Yurdine, joueur d'échec, esprit froid et cynique. Avec la complicité de Smirnov, il va s'emparer de PKZ, puis de bien d'autres usines. En chemin, une bavure : l'intimidation par deux hommes de main de Yurdine du comptable Alexei Lemonov tourne mal : Aléxei est tué par accident. Lena est amoureuse d'un jeune haut fonctionnaire français, Charles de Tretz, qui lui promet de l'emmener à Londres. L'homme est en fait marié et père de famille et l'abandonne après avoir profité d'elle... Deuxième partie : Le mat de Reti (Londres, 2008) Nous voilà en 2008. Yurdine est devenu un oligarque à la tête d'un conglomérat. Il vit à Londres et son mariage avec la fille d'un pilier du régime, dont il a deux fils, bat de l'aile. Au moment où la crise des subprimes s'annonce, il ambitionne de prendre le contrôle d'une banque anglaise, la Riverside, rendue fragile par la crise. Il retrouve face à lui Charles Tretz, l'amant de Lena à Moscou, désormais patron d'une grande compagnie d'assurance. La bataille boursière pour prendre le contrôle de Riverside en pleine crise des subprimes nous plonge dans une atmosphère au carrefour de Wall Street et de The Big short... Troisième partie : Le sacrifice de la Reine (Moscou, New York, Londres, Genève, Perm, 2020) Gagnant sur tous les tableaux, Yurdine est rattrapé par le passé : les mâchoires de la tenaille se referment sur lui. D'un côté, le régime poutinien veut régler son compte à l'oligarque occidentalisé. Il s'attaque à lui sur deux fronts : son conglomérat fragilisé par la crise du Covid, à l'assaut duquel se lance sur ordre un autre oligarque fidèle au Parti ; sa soeur adoptive Léna, devenue opposante au régime, que le FSB épaulé par un groupuscule paramilitaire d'extrême-droite tient dans sa ligne de mire. De l'autre, Charles de Tretz remonte la piste de l'assassinat d'Alexeï Lemonov trente ans plus tôt pour armer la vengeance de la soeur de Lemonov...

10/2022

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Littérature française (poches)

Le Yalou. Suivi de Orient et Occident

Le texte qui justifie la publication de ce petit volume est un texte singulier, insolite, écrit par Paul Valéry, alors âgé de 25 ans, en 1896, au moment où paraît La Soirée avec Monsieur Teste. Cette courte prose, à la frontière de l'essai et du poème, est née d'un évé- nement de 1894 - la bataille navale du Yalou au cours de laquelle la Chine fut défaite par le Japon déjà fortement occidentalisé - et de la lecture d'un essai de Lafcadio Hearn, "The Japanese Smile" , que Valéry cite en épigraphe de ces pages. Passionné depuis longtemps par tout ce qui touche aux choses de la mer, le jeune homme voit alors son intérêt s'éveiller pour les rapports de force qui régissent les grandes puissances et agitent le monde en cette fin du xixe siècle. Dans ce choc entre la Chine et le Japon, c'est en réalité l'opposition Orient/Occident qui l'intéresse. Pour mettre en forme les réflexions que lui inspire l'essai de Hearn, Valéry imagine la rencontre en Chine, au bord de la mer, d'un narrateur occidental (qui parle à la première personne, comme s'il s'agissait de l'auteur lui-même), et d'un lettré chinois, qui lui expose les raisons pour lesquelles l'Occident aurait tort de voir dans cette défaite appa- rente de la Chine une preuve de sa propre supériorité sur l'Orient, bien au contraire. Dans les pages d' "Orient et Occident" qui complètent ce volume, Valéry reprend, un quart de siècle plus tard, cette idée d'une opposition entre la société occidentale, soumise à la loi de l'accélération, et la Chine, dont l'apparente inertie dissimule quelque chose de plus puissant que la "maladie d'inventions" des Occidentaux. Mais ce qui fait la richesse et le charme parti- culier du texte de jeunesse, c'est qu'il s'agit aussi d'une sorte de poème en prose. Ecrit dans un style "à demi abstrait, à demi impressionniste" , on peut le lire comme un "Monsieur Teste en Chine" et voir en filigrane, derrière l'éloge du lettré chinois, celui de son maître Mallarmé, cet être "qui eut les plus grands dons pour n'en rien faire" sinon les explosions d'étoiles de ses poèmes, à l'instar de la Chine qui a "inventé la poudre, pour brandir, le soir, des fusées". Plus proche des "Notes sur la grandeur et la décadence de l'Europe" et de "La Crise de l'esprit" , "Orient et Occident" développe la même idée dans une autre direction, combien plus actuelle, en s'inquiétant de ce que pourra être le nouvel équilibre du monde, dès lors que les Chinois auront été tirés de leur sommeil. Davantage qu'une préface, l'essai introductif de Florence de Lussy, d'une grande richesse d'érudition et de finesse interprétative, nous aide à entendre toutes les implications de ces quelques pages peu connues de Valéry. Son édition est complétée en annexe par une "Vie extraordinaire de Tcheng Cheng" , l'ami chinois de Valéry, auteur du livre auquel "Orient et Occident" avait servi de préface et par une traduction des pages tirées de l'essai de Lafcadio Hearn, que Valéry avait lues dans un numéro de mai 1893 de la revue Atlantic Monthly.

11/2020

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Histoire internationale

Les grands procès du XXe siècle

Il existe nombreux recueils réunissant les procès à sensation de telle ou telle grande période de l'histoire. Le propos de ce livre est tout différent. Son originalité est de montrer le lien et la continuité entre les différentes affaires judiciaires évoquées et de raconter à travers elles l'histoire du XXe siècle. Treize procès ont été sélectionnés dans le but d'apporter au lecteur un éclairage singulier sur la vie politique et sociale de cette époque, de la première à la seconde Guerre mondiale, puis de cette dernière à la guerre d'Algérie. De 1914, avec le procès Henriette Caillaux, lever de rideau spectaculaire sur le siècle, à 1960 avec le procès des barricades, qui saisit l'Algérie à un moment-clé de cette guerre, où les rapports entre les forces en présence se préparent à basculer et où la légitimité va changer de camp. Les procès sont autant de fenêtres sur l'histoire, mais aussi une plongée au coeur d'un drame intime, le drame de celui ou de celle dont le sort se joue dans le prétoire. C'est sa voix que l'auteur a d'abord cherché à entendre, étonnamment restituée grâce à la trace laissée par les sténographies des débats judiciaires. Celle de Pierre Mendès France était jusqu'à aujourd'hui inédite : pour la première fois, on entend l'ancien ministre du Front populaire clamer son innocence devant le tribunal militaire de Clermont-Ferrand face à l'accusation de désertion portée contre lui. D'autres par leur personnalité dérangeante impriment leur marque au procès, comme Laval ou même comme Petiot, qui ont marqué de leur fougue et de leur désordre le cours des débats. Des femmes criminelles, aux motivations parfois insondables, telles les soeurs Papin, figurent-elles aussi au banc des accusés. Des procès d'Henriette Caillaux et Violette Nozière, à ceux d'Alexandre Stavisky et Victor Kravchenko, on est ici au carrefour de l'individuel et du collectif, et par là au coeur des enjeux de l'époque. La violence non seulement verbale mais physique de la vie politique, la vigueur des extrémismes, traversent les affaires du début du siècle, dans lesquels l'Action Française pèse de tout son poids, portée par la figure emblématique de Léon Daudet. De cette violence, la France de Vichy sera en partie l'héritière, illustrée ici par quatre procès particulièrement révélateurs. Des années 1920 et 1930 aux heures de l'après-guerre, la forte présence de l'influence communiste, la gloire dont le parti est auréolé grâce à la Résistance, expliquent l'aveuglement des intellectuels les plus éminents qui, lors du procès Kravchenko, refusent d'ouvrir les yeux sur les atrocités du régime stalinien. La guerre d'Algérie, qui marque pour la France la fin tragique de la décolonisation, est illustrée par deux procès mettant en scène le rôle des différents protagonistes du conflit, des rebelles algériens aux porteurs de valises, et des activistes de l'Algérie française à une partie de l'armée. Suivre ces treize procès permet aussi au lecteur de porter un regard cru sur le fonctionnement de la Justice en temps de crise et d'observer les liens souvent équivoques que celle-ci entretient avec le pouvoir central. Présumée indépendante et impartiale, supérieure et équitable, elle se révèle perméable à l'air du temps comme aux pressions politiques, et ainsi conforme à une réalité qui garde une actualité immuable.

10/2016

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Sociologie

Etudes sociologiques

Combien de sociologues ont lu les livres de Piaget ? Pourquoi tant d'indifférence et d'incompréhension pour une œuvre qui est parmi les plus notables de notre siècle ? Peut-être parce qu'ils cherchent toujours à se convaincre de leur propre identité professionnelle, et c'est précisément pour l'affirmer et la faire valoir qu'ils plantent et replantent les bornes du domaine et continuent à crier la nature et l'objet de leur science. Or tout un chacun sait que Piaget se moque de ces faux problèmes. En secouant toutes nos vieilles habitudes il nous pousse à fréquenter cette biologie, cette psychologie, cette cybernétique, cette logique qui jusqu'ici n'ont jamais figuré aux programmes de licence en sociologie ou en sciences humaines. L'originalité de la sociologie piagétienne consiste surtout dans le fait qu'elle est émergée tout naturellement de la pratique du laboratoire. Etant parti de l'étude de la psychologie de l'enfant, voulant voir plus clair dans les processus de formation du jugement moral, Piaget découvrait l'importance primordiale du jeu dans l'élaboration de la personnalité et de l'organisation sociale au sens le plus fort du mot. Le jeu, en effet, par ses règles, permet de socialiser les individus, de les façonner de manière que chaque conduite individuelle puisse en principe s'adapter aux dynamismes du milieu et des autres. Le fait essentiel de la vie sociale est donc ce système de relations. La société est donc ce tout, cette unité foncière de pensées et d'actions. Entre l'individu et la société, il y a covariance et parallélisme, d'où la nécessité de ne pas séparer l'analyse psychologique de l'analyse sociologique. En analysant la fonction des symboles et des symbolismes dans notre vie, Piaget vient également à la rencontre de l'interactionnisme symbolique et donne une base expérimentale à la théorie des rôles telle qu'elle avait été énoncée par Mead, plus ou moins à la même époque, et pose la base de la théorie des rapports entre le caractère et la structure sociale. Ainsi il a mis en lumière les règles régissant les comportements des rôles et a tenté d'expliquer comment du symbole signifiant on arrive aux attitudes. Les travaux de Piaget en la matière sont capitaux pour connaître aussi les mécanismes nécessaires à l'acquisition du savoir collectif et à la compréhension des processus de socialisation des représentations. Toute pensée est une prise de conscience des conditions de l'action, elle est une synthèse entre le sujet et l'objet, entre l'homme et l'univers. Les interactions entre ces deux activités consistent "au sens propre en actions se modifiant les unes les autres selon certaines lois d'organisation et d'équilibre". Chacune de ces activités constitue pour Piaget une totalité en elle-même productive de rapports nouveaux, chaque totalité est une structure, où il est donc impossible de séparer la genèse de la transformation, l'équilibre de la fonction, la synchronie de la diachronie. Dans ce sens, Piaget retrouve certaines options de Pareto et de Max Weber. La voie indiquée par Piaget est bien tracée : l'analyse sociologique étudie toutes les actions réelles qui constituent l'infrastructure de la société. Elle étudie également l'idéologie qui est la conceptualisation des conflits et des aspirations nées de l'action. Elle les étudie avec la science sociologique qui prolonge les actions en opérations permettant d'expliquer l'individu et la société.

10/1977

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Critique littéraire

Correspondance 1925-1944. "Nos relations sont étranges"

"Parlerons-nous politique ? " demande Drieu à Paulhan, un jour de 1936, après dix années de promesses non tenues et de vagues reproches. Le dialogue sera vain, peut-être, mais il est sincère, bien que l'écart se creuse, jusqu'en 1943, entre le conseiller municipal du Front populaire et le thuriféraire de Doriot, entre le patriote qui en appelle à "l'espoir" et au "silence" en juin 1940 et le fasciste qui rêve de créer à Vichy un parti unique, entre l'ancien et nouveau directeur de La NRF imposé par Otto Abe,. Leur dialogue est même remarquablement direct : "Nos relations sont étranges, écrit Drieu à Paulhan le 12 décembre 1942. j'ai pour vous une véritable dilection qui m'est venue assez tard, à l'usage, an peu avant 1939, et en même temps je pense que nous sommes ennemis et que nous nous combattons." Ces 169 lettres échangées le montrent : Paulhan n'a jamais rompu intellectuellement avec Drieu, tentant de comprendre sa logique singulière. Paulhan ria jamais rompu avec La NRF, non plus : après avoir refusé la codirection de la revue avec Drieu, à l'automne 1940, c'est lui qui fixe, en sous-main, les règles de cette cohabitation forcée, conscient que cette "anti-NRF" permet à la maison d'édition de Gaston Gallimard de perdurer sous l'Occupation." Je crois que ma raison (personnelle) de ne pas écrire dans la nef demeure valable, précise pourtant Paulhan en juin 1941 : je ne puis qu'être solidaire de ceux de nos collaborateurs que j'y avais invités et que l'on renvoie. Entre Paulhan et Drieu la Rochelle, peut-on parler d'une amitié ? Y outil autre chose que les relations complexes entre un éditeur et un écrivain, les conseils avisés d'un directeur de revue à son successeur, et enfin leurs paradoxales discussions politiques ? Malraux l'affirmera : "Pour Drieu, Paulhan n'était pas un résistant, pour Paulhan, Drieu n'était pas un collaborateur". Est-ce pour cela que, sans poser de questions, Drieu intervint auprès des autorités allemandes en mai 1941 pour faire libérer Paulhan, arrêté avec d'autres membres du réseau du Musée de l'Homme ? Est-ce pour cela que Paulhan a toujours gardé le contact, et plus encore, avec le directeur collaborationniste de La NRF ? Si Drieu incarne la mauvaise conscience du milieu intellectuel, Paulhan ne voit cependant pas en lui le traître par excellence. De fait, la question de le fidélité est au coeur de cette correspondance (et ce n'est pas un hasard si elle s'ouvre sur la douloureuse rupture entre Drieu et Aragon, dont Paulhan est l'arbitre à son corps défendant) : fidélité à l'amitié, fidélité à soi-même et à ses convictions politiques, fidélité à la France, à la revue... Pour Jean Paulhan, comme pour André Malraux ou Emmanuel Berl, Pierre Drieu la Rochelle a certes failli gravement - en particulier lors de ses dernières années — mais il ne s'est pas trahi. Il aurait mémo été "loyal" jusqu'à sa mort par suicide, le 16 mars 1945. Paulhan ne signifiait déjà rien d'autre à Gide, trois ans plus tôt : "Drieu est à mon égard, en tout ceci, gentil et loyal. (Note autres directeurs de revues, sommes corrects en de tels cas). "Il peine semble-t-il, de temps d autre, m'adresser quelque reproche secret." (15 mars 1942).

12/2017

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Sociologie

Le nazisme dans l'histoire des violences collectives. Violences et meurtres de masse

A l'origine de ce livre, il y a la volonté de ne plus considérer le nazisme et la Shoah comme un phénomène absolument singulier, unique en son genre et d'une insurmontable opacité. C'est pourquoi François Jacquet-Francillon, d'une part situe le nazisme dans la longue histoire des violences collectives (et meurtrières), et d'autre part entend saisir des points communs entre l'action des militants nazis et, par exemple, les meurtres commis par les catholiques parisiens lors du "massacre de la Saint-Barthélemy" (en 1572), les diverses tueries auxquelles participèrent les foules révolutionnaires de 1789 ou 1792, l'assassinat par les "gardes rouges" de la "révolution culturelle" chinoise, à la fin des années 1960, des éléments soi-disant "révisionnistes" de la société et du Parti communiste, ou encore les attentats suicides commis ces dernières années dans de nombreux pays par les groupes jihadistes se réclamant d'un islam traditionnel des plus rigoureux. Si ce livre s'efforce de montrer que la violence nazie a de nombreux antécédents, ceci, affirme l'auteur, ne conduit pas à en nier le caractère exceptionnel et paroxystique. Quelle est alors la différence entre le nazisme et les situations dispersées dans l'histoire et la géographie qui surviennent en écho ou comme des précurseurs non génocidaires du génocide nazi ? La différence tient à ce que le nazisme a fait de la violence, toujours pratiquée sur un mode de vengeance, un système d'Etat durable, là où il n'y avait que des explosions sporadiques et limitées (sans parler des conflits guerriers engagés par un Etat à l'égard d'un autre Etat). François Jacquet-Francillon affirme aussi que l'abord du cas nazi exige une investigation renouvelée de la violence. Et pour donner corps à ce principe, il s'intéresse non pas aux individus violents et à leur psychologie ou leur inspiration personnelle (idéologique, etc. , et... pathologique sans aucun doute) mais avant tout aux collectifs humains enclins à la violence et dans lesquels de tels individus se rassemblent. Ceci mène à un premier constat : ces groupes, ou groupements, au cours de leur vie normale, élaborent et diffusent des pratiques et des croyances spéciales que l'auteur qualifie d'agonistiques. Seules de telles pratiques et de telles croyances expliquent que des individus furieux, grâce à des circonstances favorables, transforment un désir de mort (répandu quand on admet que tout irait mieux si les Juifs n'existaient pas), en volonté de tuer (suivie par la création et la mise en oeuvre de moyens humains et matériels, notamment de dispositifs d'exécution - chambres à gaz au bout du compte). Cette volonté passe, souvent inchangée, des donneurs d'ordre aux exécutants. Il est à noter que l'auteur a utilisé un vocabulaire approprié. D'une part il a défini des "groupements agonistiques" d'autre part, il a caractérisé la mentalité originale de ces groupements en parlant d' "effervescence mentale" et de "désignation de l'ennemi" - ennemi auquel ces groupements (et eux seuls) confèrent un statut de personnes, instances, populations, etc. , à abattre. Si la notion des ennemis est ici centrale, elle ne réfère cependant pas à la théorie de Carl Schmitt, qui n'a pas accordé d'attention aux croyances circulant à l'intérieur de ces groupements, des "croyances agonistiques" - dont les récentes "théories du complot" , comme on dit aujourd'hui, pourraient n'être que le dernier avatar.

01/2023

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Actualité médiatique internati

Confessions d'un bon à rien. Mémoires

La directrice du lycée de Beer Sheva eut ce jugement définitif sur le petit Elie : " Ah, celui-là, c'est un bon à rien ! Il faudra lui dénicher une institution à poigne, sinon ça finira mal pour lui... " . Le " bon à rien " , né dans l'immédiat après-guerre et dans une configuration tragiquement exemplaire de l'époque, s'est forgé la plus magnifique des existences. Son père, Michaël Yhiel Shkolnik, est né en 1910 en Bessarabie, qui faisait alors partie de l'empire russe, puis de la Roumanie, puis de la Moldavie. Officier dans l'Armée Rouge, il participera aux grandes batailles du front de l'Est (Leningrad, Moscou, Stalingrad.) Sa mère a survécu à la déportation mais y a perdu deux enfants et y laissera sa santé mentale... Le jeune Elie nait à Bucarest en 1946. C'est là qu'il apprend le français. Son père ne songe qu'à fuir la Roumanie communiste et à gagner Israël . Un jour il disparait, enlevé par la Securitate et emprisonné trois mois à cause de ses demandes répétées de visa. En 1961 leur parvient enfin un " certificat de voyage " , Israël " achetant " à l'époque des Juifs à l'Etat roumain (" notre meilleur produit d'exportation avec le pétrole " dixit Ceaucescu). Au sein de la " drôle de famille " qui accueille les arrivants en Terre promise, l'oncle Avi exercera une profonde influence sur l'adolescent, d'où le choix d'un nouveau patronyme : Barnavi. Après un séjour d'un an dans un kibboutz au nord du Neguev, les retrouvailles avec ses parents sont douloureuses : son père sera plus tard placé dans un Ehpad, et sa mère internée pour démence. Elie travaille pour payer ses études au collège français Saint-Joseph de Jaffa. Incorporé dans Tsahal, parachutiste volontaire, bientôt officier, il participe à la Guerre des Six Jours puis comme réserviste à la première guerre du Liban et à l'opération " Paix en Galilée " . A Jérusalem puis à Tel Aviv, des études de sciences politiques et d'histoire le font se passionner pour la séquence historique qui va de la fin du Moyen Age à la Révolution française. La France devient sa "seconde patrie intellectuelle et affective" . Il part faire sa thèse de Doctorat à La Sorbonne et c'est à Paris que se font les rencontres essentielles pour la suite de sa carrière intellectuelle : Roland Mousnier, Pierre Chaunu, Pierre Nora, Jacques Revel, François Furet, Jacques Le Goff... La politique va prendre une grande importance, parallèlement à son activité d'historien : enseignant en Allemagne, à Montréal, à l'ENS d'Ulm, à Limoges, à Reims, il retournera vivre à Tel Aviv avec sa nouvelle épouse Kirsten rencontrée à Francfort. Membre du comité central du parti travailliste, il décline le poste de chef de cabinet de Shimon Peres pour apporter son appui à Shlomo Ben-Ami. L'assassinat de Rabin met fin au processus de paix auquel il avait oeuvré sans relâche. Ambassadeur d'Israël en France de 2000 à 2002, il décrit ici l'envers des coulisses tout en brossant mille portraits de ses interlocuteurs à Paris (Lanzmann, Sarkozy, Chirac, Villepin, Jospin, Régis Debray, Edwy Plenel, Jean Daniel, DSK...). Débarqué de son ambassade par Shimon Peres, il prend une année sabbatique pour proposer la création d'un musée de l'Europe à Bruxelles et consacrera de longues années à cette passion européenne tout en reprenant son enseignement d'histoire à l'université de Tel Aviv et la direction scientifique de la Maison de l'histoire européenne à Bruxelles.

03/2022

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Musicologie

Fragmente-Stille, an Diotima de Luigi Nono

Luigi Nono (1924-1990) est l'un des compositeurs les plus importants de l'après-guerre. Aux côtés de Boulez et de Stockhausen, il participe à une véritable reconstruction de la musique en s'appuyant sur l'héritage sériel de l'école de Vienne. Sa singularité au sein de l'avant-garde musicale de l'époque tient à ses engagements éthiques et politiques, qui le conduisent à adhérer au Parti Communiste Italien, dont il devient une figure dominante. Ses oeuvres se veulent "engagées" , au sens sartrien du terme : elles témoignent d'événements historiques tragiques comme le nazisme (Il canto sospeso), la Shoah (Ricorda cosa ti hanno fatto in Auschwitz), l'arme atomique (Sul ponte di Hiroshima), la guerre du Vietnam (A floresta é jovem e chesa de vida), et bien d'autres encore. Cet engagement l'éloigne des scènes musicales institutionnelles et le conduisent à se tourner vers les moyens électro-acoustiques. La musique de Luigi Nono est chargée d'une expressivité intense et cherche en même temps des voies nouvelles, aussi bien musicales que dans l'alliance avec d'autres arts (notamment dans ses deux opéras), et dans sa présentation : il organise de nombreux concerts dans les usines ou sur les places publiques, qui se terminent par de longs échanges avec les auditeurs. Au milieu des années 1970, il se remet profondément en question, ce qui l'amène vers d'autres sources d'inspiration et vers l'exploration des moyens nouveaux fournis par la live-electronics, tout en maintenant ses exigences musicales, éthiques et politiques. Le quatuor à cordes Fragmente-Stille, an Diotima est l'oeuvre qui inaugure cette nouvelle période créatrice. Présentée le 2 juin 1980 à Bonn par le Quatuor LaSalle, qui l'avait commandée, l'oeuvre modifie radicalement l'idée que l'on se faisait du compositeur ; elle a un fort impact sur les jeunes compositeurs et est souvent jouée par de nombreux quatuors. L'oeuvre est une immense méditation traversée de gestes éruptifs, une suite de moments (Fragmente) dans lesquels le silence (Stille) joue un rôle essentiel. La Diotima du titre renvoie à une figure du roman par lettres Hypérion de Friedrich Hölderlin et au nom qu'il donna à la femme aimée en secret. La partition comporte, sous les portées, des fragments de poèmes de Hölderlin que les musiciens doivent lire de façon muette tout en jouant. Au plus profond de l'intime, Nono interroge la nature du son et du silence, sa relation à l'époque, qui fait écho à celle vécue par Hölderlin. Chaque sonorité est ciselée, prolongée sur des durées inhabituelles, prise dans des relations énigmatiques et fascinantes, qui confèrent à l'oeuvre un caractère de cérémoniel, loin de la tradition du genre. La richesse sonore du quatuor répond à une richesse sémantique foisonnante : outre les écrits de Hölderlin, Nono fait référence à Maïakovski et Lili Brick, Kafka, Beethoven, Verdi, Scherchen, Maderna... Laurent Feneyrou démêle tous ces fils tissés les uns avec les autres, comme il démêle ceux de la construction musicale, retraçant la genèse de composition en s'appuyant sur toute une série d'esquisses et de documents publiés ou inédits. Il replace ce quatuor dans le contexte politique de l'époque et approfondit le lien à Hölderlin. Ainsi éclaire-t-il l'oeuvre de l'intérieur dans une approche à la fois historique, esthétique et analytique. C'est le premier livre en français sur cette oeuvre.

11/2021

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Religion jeunesse

Jésus Christ est la Vérité. Cahier jeune

Lecahier " Jésus Christ est la Vérité ! " estdestiné aux jeunes du collège (5e ou 12-13 ans), et il a étéréalisé pour les accompagner dans la lecture et l'appropriation du Catéchisme pour tous les âges, " Ilest le Chemin, la Vérité, la Vie... " Ce Catéchismea été écrit à destination des familles, et c'est pourquoi il est décliné entrois langages, celui de l'enfant (pages bleues), celui du jeune (pagesvertes), et celui de l'adulte (pages rouges). Ainsi, les animateurs, lesparents comme les jeunes, y trouveront le contenu nécessaire à la structurationde leur foi. Parailleurs, ce catéchisme est articulé autour de trois parties : la Première Annonce(code couleur jaune), l'Initiation chrétienne (code couleur orange) et l'Approfondissement/mystagogie(code couleur rouge) ; il correspond donc au chemin de foi de toute personnequi veut entrer en amitié avec Dieu, il suit ce que l'on appelle une pédagogied'initiation. Envoici les grandes étapes : 1. Nous annonçonsle Christ ressuscité Enétant parti du coeur de la foi chrétienne - la résurrection du Christ - nousreprenons toute l'histoire du salut : - Lacréation : Regarder la création nous fait connaître Dieu, la création noustourne vers le Créateur. - Larévélation : Dieu existe, il parle aux hommes et entre en relation aveceux. -L'incarnation : Dieu se glisse dans notre humanité. Il vient parmi nous enJésus. 2. Nous devenonsdisciples du Christ -Nous entrons dans la vie chrétienne par le Credo, les sacrements et laprière. -Nous apprenons à vivre le commandement nouveau de l'amour. 3. Nous rendonscompte de l'espérance qui est en nous Cettevie chrétienne qui grandit en nous a des conséquences ! Par cette intimitéavec Jésus Christ, notre existence quotidienne change, et nous faisons l'expériencede la vérité et de la vie en Eglise. Lecahier du jeune " Jésus Christ est la Vérité ! " se réfèreexclusivement aux pages vertes du Catéchisme " Il est le Chemin... ", et il développe principalement sa deuxièmepartie (signets orange). Ce cahier permet donc à un jeune defaire ou de refaire le parcours de l'Initiation chrétienne en découvrantdavantage qui est Jésus Christ et en s'engageant à sa suite. Il propose unitinéraire à travers le Nouveau Testament, afin de comprendre qu'en lui toutl'Ancien Testament trouve son sens plénier selon l'antique formule : " L'AncienTestament est dévoilé dans le Nouveau. " Cecahier est précédé d'un cahier pour les jeunes du secondaire (6e, ou 11-12 ans) : " En chemin vers le Messie "qui concerne plus spécifiquement la " Première Annonce " pour des pré-adolescents. Ildéveloppe davantage la première partiedu Catéchisme (signets jaunes) et propose un itinéraire à travers l'AncienTestament, afin de découvrir en lui une préparation évangélique selon l'antiqueformule : " Le Nouveau Testament est caché dans l'Ancien... " Ilconvient qu'il soit pratiqué avant ce deuxième cahier. Dans le cahier du jeune, chaque rencontre estprésentée sur quatre pages qui sont ainsi configurées : - unepremière page avec un enseignementsur le thème - lesdeuxième et troisième pages avec des propositionsinteractives pour développer et s'approprierle thème : Bible, liturgie, réflexion, jeux... - unequatrième page consacrée à la prière. Cespropositions peuvent être vécues avec les jeunes au cours d'une granderencontre tous les quinze jours, ou au cours de rencontres plus brèves toutesles semaines, auquel cas un même thème sera développé sur deux rencontres. L'essentiel est debien vivre les activités avec les jeunes, en prenant le temps d'échanger aveceux, de répondre à leurs questions, en leur permettant d'approfondir leur foi.

12/2015

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Beaux arts

Magritte tout en papier. Collages, dessins, gouaches

L'oeuvre de Magritte est internationalement reconnue comme un des moments essentiels de l'art du XXe siècle. De nombreuses rétrospectives et plusieurs monographies lui ont été consacrées à travers le monde ces quinze dernières années. Mais jamais jusqu'ici on n'avait étudié une facette peu connue de son oeuvre à savoir : les gouaches, dessins, lettres et croquis. Or l'oeuvre sur papier, chez Magritte, constitue une plongée originale dans le laboratoire d'une pensée subversive. Fruit d'un travail de recherche réalisé au sein du Centre de Recherche René Magritte de l'Université libre de Bruxelles, l'ouvrage doublé d'une exposition à la fondation Maillol à Paris puis au Boijmans Museum de Rotterdam, présentera lettres, croquis, esquisses sur papier, dessins préparatoires, études à la gouache, préparations mises au carré, gouaches tirées de peintures, collages et objets peints. En même temps qu'une réelle rétrospective de l'oeuvre à travers ces mediums - premières pensées ou transcriptions de ses images désormais classiques - cet ouvrage permet de mettre en évidence plusieurs aspects méconnus de la création chez Magritte. D'abord une pensée en forme de collage. Procédé essentiel de la culture moderniste, au coeur de la démarche magritienne, le collage introduit une rupture dans le principe même de la représentation. Il en a radicalement transformé le langage. On touche ici un élément essentiel de la poétique surréaliste. Le dessin ensuite s'impose comme écriture de la pensée. Ce volet couvre l'ensemble de l'oeuvre. Des esquisses aux croquis introduits dans les lettres, Magritte a construit l'image tout en testant l'idée selon un travail qui fait de tout dessin un récit en action. Il s'agit de recomposer le processus créateur de l'artiste en montrant comment il a joué des supports et des techniques. De la lettre à l'image, le laboratoire de l'oeuvre se compose à l'instar d'une pensée en perpétuel mouvement. L'activité de copies, variante et dérivés, constitue un autre chapitre dans lequel on voit que la gouache a toujours eu pour Magritte une valeur promotionnelle. On s'en rendra compte en partant des travaux publicitaires du peintre réalisés dans les années 20. Rassemblés ici, ils introduisent les copies qui ont été réalisées en gouache à des fins commerciales. Par ce biais, Magritte brise la valeur unique de l'oeuvre sans pour autant que cette dernière perde son aura. La gouache permet de renoncer au tableau comme pratique conventionnelle. Désormais celui-ci vaut comme "idée poétique" vouée à être répétée, reprise, modulée, transformée par la gouache. Michel Draguet aborde ici ce jeu de variation auquel Magritte n'a cessé de se livrer avec liberté et ironie. Enfin, directement déduite des travaux publicitaires, la pratique de la gouache passe par une affirmation de la couleur comme lumière. Ce sens, Magritte l'a expérimenté dans une forme d'opposition à sa propre peinture à l'huile aux tonalités sombres et tragiques. La gouache a au contraire parti lié avec le soleil ; elle a aussi nourri la virulence de la période vache. La confrontation des deux séries rend compte d'horizons différents. De l'une à l'autre, deux valeurs chromatiques - postimpressionniste déduite de Renoir ou expressionniste et fauve - de la gouache influent Magritte dans sa recherche de redéfinition de l'imaginaire surréaliste. Toutes les gouaches ne sont pas que des variantes. Magritte a développé dans cette technique des oeuvres sans équivalents en peinture. La gouache apparaît ainsi comme un moyen d'expression en soi au même titre que certains dessins à la plume.

03/2006

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Photographie

Sans allusion

L'odyssée américaine de Richard Avedon et James BaldwinL'ouvrage magistral de Baldwin et Avedon publié en 1964 enfin rééditéCette réédition soignée de l'ouvrage Nothing Personal signé Richard Avedon et James Baldwin explore les problématiques et les contradictions qui n'ont cessé d'être au coeur de l'histoire américaine, et se révèlent particulièrement d'actualité aujourd'hui, à l'ère de Donald Trump. Utilisant à la fois l'image et le texte, Avedon et Baldwin interrogent la formation de l'identité et les liens qui sous-tendent autant qu'ils ébranlent les rapports humains. Un livret complémentaire de 72 pages présente un essai inédit de Hilton Als, critique et lauréat du prix Pulitzer, ainsi que de nombreuses photos supprimées d'Avedon et jamais montrées auparavant, des lettres, des prototypes de maquettes et des documents d'époque. En 1963 et 1964, Richard Avedon, l'un des photographes de mode les plus célèbres au monde à l'époque, s'associe à James Baldwin, son ancien ami de lycée devenu un romancier reconnu, un essayiste et une plume importante dans le combat pour les droits civiques aux Etats-Unis, pour réaliser Nothing Personal, un livre sur les conditions de vie en Amérique. Les sujets photographiés par Avedon - des icônes de la lutte pour les droits civiques, des intellectuels, des politiciens, des chanteurs pop, les patients d'un asile psychiatrique et des Américains ordinaires - sont soigneusement juxtaposés, recadrés et rigoureusement ordonnés. Ainsi, le parti nazi américain est placé en regard du poète juif et homosexuel Allen Ginsberg et un général Eisenhower usé cède la place à un Malcom X en mouvement. Les patients diminués d'un asile psychiatrique en appellent à la chaleur humaine, et sont suivis par une mère enlaçant son enfant. L'essai polémique en 4 parties de Baldwin renvoie la critique d'une société déconnectée, injuste et clivante, prise dans une crise existentielle. Dans ce témoignage extrêmement personnel et pertinent, l'écrivain raconte sa propre expérience de harcèlement par un policier raciste dans les rues de New York, sa ville d'origine. Pourtant Baldwin, comme Avedon, clôt son oeuvre sur l'incontournable besoin d'amour, et son pouvoir. Mis en page par le légendaire directeur artistique Marvin Israel, Nothing Personal représente le triomphe du minimalisme. Le format "surdimensionné" du livre présenté dans son coffret blanc ainsi que le placement saisissant des images et du texte ont révolutionné la mise en page et la forme des livres de photos. Cette réédition soignée de l'original, épuisé depuis des décennies, a été produite en étroite collaboration avec la fondation Richard Avedon. Ancien collègue d'Avedon au New Yorker et spécialiste de l'oeuvre de Baldwin, Hilton Als raconte la fabrication de Nothing Personal et la relation personnelle et créative entre Avedon et Baldwin. Als témoigne aussi avec émotion de son amitié avec Avedon et de l'impact que ce livre a eu sur sa propre vie. A sa sortie en 1964, cette vision de l'Amérique selon Avedon et Baldwin a inévitablement divisé la critique, et les deux hommes ont essuyé les attaques les plus rudes, certainsles accusant de parler au nom de l'élite libérale, d'être des "moralistes de Hollywood" et de ne représenter en rien le sentiment "réel" des "vrais" Américains. Ceci vous rappelle quelque chose ?La sortie du livre coïncide avec l'exposition organisée à la Pace/MacGill Gallery de New York, première exploration exhaustive du travail d'Avedon pour Nothing Personal.

11/2017

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Histoire internationale

Le Golgotha arménien. De Berlin à Deir es-Zor : Mémoires en deux tomes

Dans les mois qui précèdent l'éclatement de la Première guerre mondiale le 28 juillet 1914, Grigoris Balakian assiste à l'université de Berlin aux cours de théologie du professeur Adolf von Harnack. Il y sera l'observateur attentif des préparatifs à l'entrée dans la guerre de l'Allemagne aux côtés de l'Autriche-Hongrie, auxquelles se joindra début novembre l'empire ottoman gouverné par les Jeunes-Turcs du parti panturquiste Ittihad-ve-Terakki. A l'époque déjà membre du haut clergé de l'Eglise arménienne de Turquie, il occupe au patriarcat à Constantinople des fonctions politiques importantes, qui l'amènent à rencontrer tant des personnalités officielles turques qu'étrangères de passage et en poste dans les ambassades. Ces fonctions en font l'une des figures éminentes arméniennes les mieux informées de ce qui se trame dans les coulisses de la politique depuis l'arrivée au pouvoir des Jeunes-Turcs en août 1908. Rentré en Turquie fin septembre, il sera l'un des premiers représentants politiques et intellectuels arméniens, environ 230 personnes, à être arrêté dans la nuit du 23/24 avril 1915, date qui sera le signal de la déportation et de l'extermination de plus de deux millions d'Arméniens sur les trois millions de l'empire ottoman, et qui symbolise le début de leur génocide perpétré par le gouvernement jeune-turc à la faveur de la Première guerre mondiale. Deux jours plus tard, ces 230 hommes sont transférés d'abord par train, puis à bord de dizaines de charrettes vers deux localités au coeur de l'Anatolie : Ayache et Tchanghiri. Le groupe déporté à Ayache, essentiellement des activistes politiques considérés par le régime comme les plus dangereux, sera exterminé dans les mois suivants ; du groupe, le plus nombreux, exilé à Tchanghiri certains survivront, les autres connaîtront le sort du premier groupe. Grigoris Balakian réussira à retarder jusqu'en février 1916 la déportation vers les déserts de Syrie, tombeau à ciel ouverts de plus de 500000 déportés réduits à l'état d'épaves, des rares compagnons qui lui restent et de la population masculine de Tchanghiri. Arrivé à Islahiyé au nord de la Syrie au terme d'une marche harassante de deux mois, jalonnée de périls mortels, il s'enfuira du convoi de déportés sur lequel il avait veillé en permanence mais qu'il sait désormais condamné. Jusqu'à la fin de la guerre en novembre 1918, comme il le raconte dans le second tome, il travaillera sous de fausses identités et grâce à sa parfaite connaissance de l'allemand sur les chantiers de percement des tunnels dirigés par les ingénieurs-géomètres allemands, suisses, autrichiens, dont certains ne lui ménageront pas leur aide afin qu'il échappe aux poursuites des autorités jeunes-turques. Ces Mémoires comblent un vide et sont précieux à plus d'un titre ; d'abord l'auteur en a entrepris la rédaction dès 1919-1920, ensuite le langage dur, souvent virulent, qu'il emploie tant à l'égard des assassins que des victimes pour leur naïveté, confère un crédit incontestable à son témoignage. Enfin par la richesses de révélations, notamment sur le rôle d'inspirateur que l'Allemagne joua dans l'anéantissement de la nation arménienne sur son sol ancestral.

07/2018

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Littérature étrangère

Au bord des fleuves qui vont

Un homme est hospitalisé à Lisbonne : dans ses viscères, une bogue ne cesse de grossir en silence, que le médecin appelle cancer. La douleur, l'opération, les traitements le plongent dans un état second. Remontent alors à la surface des souvenirs enfouis depuis toujours, qui se bousculent et s'entremêlent. Furieux contre cette mort "terrible et comique" qui se moque de lui dans l'obscurité, humilié par sa déchéance physique, "monsieur Antunes du lit numéro onze" divague dans les méandres de sa mémoire et c'est alors tout le monde de son enfance qui se rappelle à lui, avec ses sons, ses odeurs, ses visages.... Tandis que médecins et infirmières défilent à son chevet, passé et présent se télescopent, et le voilà emporté, en compagnie de défunts décidément pleins de vie, vers la source du Mondego dans la montagne sauvage, couverte de pins et d'eucalyptus. Sur ses contreforts, il revisite le bourg et la maison de ses grands-parents, la mine de wolfram et l'hôtel des Anglais... Alors que le mal "aboie dans son ventre", ce passé ravivé est comme un garde-corps, le seul peut-être à pouvoir l'empêcher de tomber dans "le ravin" qui s'ouvre au bord de son lit d'hôpital. Le livre, d'une brièveté assez rare chez Lobo Antunes, comprend quatorze chapitres, chacun portant comme titre une date allant du 21 mars au 4 avril 2007, autant de jours que le narrateur aura passés à l'hôpital. António Lobo Antunes ne se contente pas de passer d'un monde à l'autre, il amalgame passé et présent, au moment même où le narrateur semble promis à ne plus avoir d'avenir. Pour cela, il entrelace avec sa virtuosité coutumière les couches de temps, il livre mille et un récits, grimpe à toutes les branches des arbres généalogiques, invente une parentèle fournie, avec amis, voisins, vicaire et évêque, pharmacien et notaire, tout un monde peuplé de spectres hauts en couleurs. Son écriture tantôt heurtée, tantôt fluide, est comme toujours extrêmement sensorielle. On entend sans cesse des échos, des rumeurs (comme celles qui proviennent de l'album de photos de famille), le cri des milans, des corneilles, des corbeaux, les trains qui passent au fond de la vigne, le glas qui sonne, les châtaigniers qui discourent toute la nuit sur "la façon qu'a la terre de nous mépriser", on sent le parfum des eucalyptus qui "épellent le vent autour de l'hôtel", des landes de bruyère... Cette liberté et ce voisinage de l'émotion déchirante et des saillies comiques, formidablement ajustées, sont un des grands plaisirs que l'on ressent en lisant Lobo Antunes. Car il s'est évidemment refusé à tirer parti de la maladie dont il a bel et bien souffert pour se laisser dicter un changement de registre : les dates en tête de chapitres semblent là pour se moquer de ce qu'aurait pu être le journal pathétique d'un cancéreux à l'article de la mort. Lobo Antunes, avec son style bouillonnant, foisonnant et indomptable, a mis le mal qui l'avait atteint au service d'une nouvelle exploration de la vie, une remontée vers la source de l'existence, vers les mystères et la "joie perdue" de l'enfance.

02/2015

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Géopolitique

Mon cher Lula. Lettres à un président en détention

Au cours de sa détention, entre avril 2018 et octobre 2019, l'ancien président brésilien Lula a reçu près de 25 000 lettres de soutien de citoyens ordinaires. Avec une ferveur inouïe, ces " millions de Lula " solidaires témoignent de l'invention d'un Etat providence. Cette parole populaire exprime et incarne un rapport sensible à la politique. Dans cet ouvrage est présentée une sélection d'une quarantaine de lettres, accompagnées d'articles et d'analyses d'un collectif d'historiens brésiliens sous la direction de Maud Chirio, et d'environ 70 fac-similés de cette archive extraordinaire. Témoignages de solidarité, d'affection, de foi, de certitude de l'innocence de Lula dans l'affaire de corruption pour laquelle il a été condamné, ce récit choral est signé le plus souvent de personnes d'extraction très modeste qui n'écrivent jamais, travailleurs ruraux, ouvriers, femmes de ménage, retraités. Ces récits de vie chargés de solennité et d'émotion se situent dans une lignée qui dresse le portrait d'un demi-siècle d'histoire brésilienne. Les trajectoires de vie font écho à celle de Lula lui-même, par une migration, une ascension sociale, le fait d'avoir connu la faim, survécu à la misère, de s'être battu et d'avoir obtenu quelques victoires ; une façon de dire aussi ce que les combats et réalisations de l'ancien président ont changé à leur existence. La solidarité et l'aide (même matérielle : beaucoup de personnes envoient des vêtements, des livres, des couvertures, des objets religieux) apparaissent ainsi comme une rétribution de ce que l'ancien chef de l'Etat a, à leurs yeux, fait pour eux. (" Lula : Je suis, comme vous, fils de la pauvreté et nordestin. Conçu et élevé dans la souffrance "comme Dieu a conçu la patate", comme mon père avait l'habitude de dire. ") Malgré le très grand respect et la reconnaissance qui transparaissent dans les lettres, personne ou presque ne vouvoie le président. Qu'elle soit le fait de personnes d'origine extrêmement populaire, alphabétisées depuis peu, ou de professeurs, d'étudiants, de travailleurs sociaux, de militants du Parti des travailleurs ou de lointains sympathisants, cette parole témoigne d'une relation commune à Lula, faite de familiarité, d'intimité et d'affection (ainsi cette adolescente qui lui écrit pour lui dire qu'elle le trouve " trop beau "). Jusque dans les détails de la vie concrète, beaucoup parlent de nourriture, de ventre vide, ventre plein (" Je quittais cette maison, où on était habitué à prendre le petit déjeuner avec un aliment à base de tapioca ou de la patate douce, du couscous ou du manioc. "). Ce sont aussi les premiers emplois, l'aide à l'accession à la propriété (" et moi, ce péquenaud de l'intérieur, cet idiot du village, j'ai pu acheter un appartement ! "), le prêt social pour l'achat de sa " voiture du pauvre ", et la bourse qui a permis à un frère de poursuivre des études et bientôt d'obtenir un doctorat. Ces voix se font ainsi porteuses d'une histoire populaire du Brésil, des dernières décennies à aujourd'hui. En outre, cette proximité affective avec un homme d'Etat, largement étrangère à la sensibilité politique française, met au jour un autre rapport à la politique. Lula ne représente pas seulement les catégories populaires, aux yeux de ceux qui écrivent, par ses idées et ses discours, mais par son corps (son doigt mutilé par une machine-outil à 18 ans). Il incarne en plus de défendre.

03/2022

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Critique littéraire

Revue de la Bibliothèque nationale de France N° 60/2020 : Ne les laissez pas lire ! Censure dans les livres pour enfants

Si la lecture apparaît comme une valeur refuge dans l'éducation des enfants, les livres qui leur sont destinés ne font pas toujours l'unanimité. Les discours actuels, de plus en plus impérieux, le confirment, et le débat reste ouvert : où s'arrête la liberté d'expression en regard des impératifs liés à la protection de l'enfance, où commence la censure ? La censure appliquée au livre pour enfants En préambule, Jean-Yves Mollier rappelle qu'au XIXe siècle, au moment même où se constitue une littérature pour la jeunesse, l'Enfant représente, de la même manière que la Femme ou le Peuple, une catégorie sous surveillance, perméable par nature à l'influence néfaste des mauvaises lectures. L'abbé Bethléem (dont les archives sont conservées à la bibliothèque de l'Arsenal) joue un rôle considérable dans la campagne menée dans la première moitié du XXe siècle contre les journaux licencieux et les illustrés pour la jeunesse (Anne Urbain). Ce sont en effet ces illustrés, français (L'Epatant) puis américains (Le Journal de Mickey), qui concentrent dans un premier temps les attaques des censeurs, dont les arguments d'ordre moral ou esthétique constituent paradoxalement l'un des premiers discours critiques sur la bande dessinée (Sylvain Lesage). La même accusation de propager, par l'exemple, la criminalité juvénile se retrouve dans les discours à l'encontre du cinéma (Roxane Haméry). En France s'est mise en place, en juillet 1949, une législation qui encadre les publications à destination de l'enfance et de l'adolescence, qui " ne doivent comporter aucune illustration, aucun récit [... ] présentant sous un jour favorable le banditisme, le mensonge, le vol, la paresse, la lâcheté, la haine ou tous actes qualifiés crimes ou délits ou de nature à démoraliser l'enfance ou la jeunesse ". Dans le même temps, aux Etats-Unis, est apparue, selon des modalités un peu différentes, la Comics code authority qui régira pendant des décennies la publication des comics américains (Jean-Paul Gabilliet). Le tournant de mai 1968 Mai 1968 bouleverse le paysage bien ordonné de l'édition pour la jeunesse, en initiant un mouvement de libération de l'enfance opprimée par la famille, l'école, et le monde des adultes en général, dont le Petit livre rouge des écoliers et des lycéens, traduit et publié en France par François Maspero en 1971, est emblématique (Sophie Heywood). La plongée de Bernard Joubert dans les archives de la Commission de surveillance des publications pour l'enfance et l'adolescence, instaurée par la loi de juillet 1949, est riche d'enseignements sur la manière dont celle-ci examine au fil du temps les publications pour la jeunesse. Au-delà de la loi et de son application, de moins en moins restrictive, les pressions exercées sur le livre pour enfants restent multiples, qu'elles viennent des responsables politiques ou des parents, et s'expriment tout particulièrement dans les bibliothèques publiques (Véronique Soulé). La parole est aussi donnée aux acteurs de cette histoire contemporaine, à un éditeur (Thierry Magnier) et à des créatrices (Agnès Rosenstiehl et Katy Couprie). Laissez-les lire ! Du XIXe siècle à aujourd'hui, les discours à l'encontre des mauvaises lectures sont révélateurs des angoisses du temps, et des permanences des interdits liés prioritairement à la violence et à la sexualité, dont le livre pour enfants, territoire doublement sanctifié, devrait être protégé à tout prix. " Ne craignons pas trop vite de traumatiser les enfants. Le danger est bien plus grand dans ce qui est mièvre et ennuyeux que dans ce qui est trop fort dans sa vérité " disait pourtant Geneviève Patte dans Laissez-les lire ! en 1978... Rubriques : " Autour d'une oeuvre " mène l'enquête à propos d'un mystérieux jeu de tarot vénitien ; La " Découverte " se penche sur le ballet que Roland Petit (1976) consacre à Nana ; La rubrique " Portrait " autour de Judith Gautier ; La rubrique " Innovation " consacrée au livre augmenté ; Le récit de Nathalie Kuperman en " Résidence " à la BnF

03/2020