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Pascal Deligné

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Consulat

Le Consulat de Bonaparte. La fabrique de l'Etat et la société propriétaire 1799-1804

CNLPeuples – Le Code civil, le Conseil d'Etat, la Légion d'Honneur, les préfets, les lycées... ces institutions familières ont en commun d'avoir été créées, refondées ou redéfinies sous le Consulat, le régime qui est issu du coup d'Etat de Bonaparte (1799) et auquel succède l'Empire (1804). Alors que le pouvoir législatif était le coeur de la Révolution française, il est laminé en 1799 et remplacé par un pouvoir exécutif omnipotent, concentré dans les mains d'un homme qui en fait sa chose. La centralisation administrative, telle que nous nous la représentons aujourd'hui, prend sa source dans la dictature de Bonaparte . Elle rompt avec la logique "décentralisatrice" mise en oeuvre depuis 1789 et renforcée par le Gouvernement révolutionnaire en l'an II. Aussi, ce que l'on nomme abusivement "le centralisme jacobin" devrait être désigné comme le "centralisme bonapartiste" . Le processus de centralisation s'accompagne d'une confiscation de la démocratie. Les décisions prises sont hors du contrôle du peuple, alors qu'il est prétendu souverain. L'administration se substitue alors à la politique, le fonctionnaire remplace l'élu et le citoyen est réduit au statut d'administré. Les experts choisis par Bonaparte sont les seuls habilités à définir l'intérêt général et les politiques censées l'incarner. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen disparaît et la référence à la république, de plus en plus formelle, n'a pour seule fonction que de légitimer le régime. L'ordre social repose sur le propriétaire qui a le "droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue" , le patron dominant ses ouvriers, le mari sa femme et le père ses enfants. La dictature de Bonaparte entend "dépolitiser" la nation et s'appuie sur la surveillance policière et la mise en place d'un régime où la liberté de la presse n'est plus qu'un mot. Le Concordat avec le Pape "recléricalise" la France et fait des prêtres les auxiliaires du pouvoir. Le culte du Chef de l'Etat et les valeurs militaires de l'ordre, de l'obéissance et de l'honneur sont érigés en culture politique dominante. A l'extérieur, le Consulat de Bonaparte est marqué par la construction d'une hégémonie autoritaire sur les peuples "libérés" par les armées françaises (Hollande, Suisse, Italie du Nord, Allemagne rhénane) et par une réaction coloniale sanglante en Guadeloupe et à Saint-Domingue, accompagnée du rétablissement de l'esclavage en 1802. Aujourd'hui, la société propriétaire et les stigmates "bonapartistes" de la Constitution de la Ve République - la monarchie républicaine, la "verticalité du pouvoir" , le législatif marginalisé - suscitent la critique et interrogent la nature de notre "démocratie" et ses dysfonctionnements.

11/2021

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Religion

Les dix grandes vies antérieures du Bouddha. Thotsachat

Loin d'être une composante accessoire de l'enseignement, ou une quelconque concession destinée à un public non savant, le récit est au coeur de la parole du Bouddha (Ve s. av. J.-C.) et d'une pédagogie toujours soucieuse d'efficacité. L'une des formes d'enseignement figurant dans les listes traditionnelles est celle appelée j?taka, ou récit d'épisodes qui se sont déroulés dans une vie antérieure du Bouddha Gotama, alors qu'il était un Bouddha en puissance (bodhisattva). Il existe 547 de ces vies antérieures. filigrane. Les traductrices-adaptatrices, oeuvrant à partir d'un texte en thaï rédigé à partir du pâli par le moine érudit Hongladarom, en ont fait un récit vif au parfum très moderne et rendent ainsi accessibles au public francophone des récits anciens pleins de vie et d'enseignements qui, tout en imprégnant l'existance de millions de bouddhistes, ont une portée universelle. Il a été choisi de présenter dans ce livre les " dix grandes vies " que l'on désigne en Thaïlande sous le nom de " Thotsachat ". Elles ont un statut éminent, qu'a favorisé leur association progressive avec les dix Perfections (p?ram?). Il s'agit de dix vertus cardinales ou de dix comportements idéaux, qui sont, selon la tradition thaïe : le renoncement, le courage, la compassion, la foi résolue, la sagesse, la conduite morale, la patience, l'équanimité, l'honnêteté et le don. Chacune est illustrée tour à tour par l'histoire d'un personnage au centre d'aventures multiples, de situations dramatiques où la tension entre royauté et renoncement est perceptible dans sa complexité : Temiya, Mah?janaka, Suva as?ma, Nemir?ja, Mahosadha, Bh?ridatta, Candakum?ra, N?rada, Vidhura et Vessantara sont les protagonistes de véritables oeuvres littéraires foisonnant en ballades, débats, descriptions, dialogues animés qui n'ont rien de stéréotypé. Chaque j?taka est précédé d'une brève introduction, qui en résume l'enjeu, et ponctué d'intertitres qui rythment la lecture. L'alternance vers-prose des j?taka en pâli est estompée au profit d'un texte continu et homogène où l'on devine parfois les strophes en filigrane. Les traductrices-adaptatrices, oeuvrant à partir d'un texte en thaï rédigé à partir du pâli par le moine érudit Hongladarom, en ont fait un récit vif au parfum très moderne et rendent ainsi accessibles au public francophone des récits anciens pleins de vie et d'enseignements qui, tout en imprégnant l'existence de millions de bouddhistes, ont une portée universelle. Une préface de Nalini Balbir, professeur en indologie à l'université Sorbonne Nouvelle – Paris 3, montre bien la signification de ces récits, leur importance dans le monde bouddhique et la place qu'ils occupent toujours dans la spiritualité des pays d'Asie et en particulier de la Thaïlande.

08/2018

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sociologie du genre

Les leurres postmodernes contre la réalité sociale des femmes

LA REALITE SOCIALE DES FEMMES CONTRE LES LEURRES POSTMODERNES On constate de nos jours, à l'échelle de la planète, une dévalorisation voire une négation des femmes. Elles sont réduites soit à une apparence de la féminité avec la "théorie queer" , soit à un ventre à louer avec la pratique de la GPA (gestation pour autrui). Non seulement elles représentent la majorité des classes sociales les plus démunies, mais elles demeurent sous la menace de violences liées à la domination masculine - la situation actuelle des Iraniennes et des Afghanes en témoigne. Et même dans les pays où elles ont arraché le droit à disposer de leur corps, ce droit reste une conquête fragile : l'application de la loi permettant l'IVG, votée en France en 1975, est de plus en plus difficile ; des Etats d'Amérique latine ont récemment autorisé l'avortement, mais la Cour suprême américaine l'a interdit en juin 2022... Dans les années 1970 en France, le MLF (Mouvement de libération des femmes) a attaqué avec force le rôle social imposé aux femmes par le capitalisme et le patriarcat sur la base de leur sexe biologique. Il y a une trentaine d'années, le "genre" - traduction du gender utilisé par les féministes américaines - était encore considéré comme le synonyme de ce rôle social. Aujourd'hui, avec la diffusion vulgarisée de la "théorie queer" et des analyses intersectionnelles, il désigne fréquemment une "identité" reposant sur le seul "ressenti" des personnes : il suffirait de se déclarer femme ou de s'en donner l'allure pour en être une. Un peu partout dans le monde, des féministes s'insurgent contre cette nouvelle définition d'une femme parce qu'elle fait perdre de vue l'origine de son oppression - ses organes sexuels, avec leurs capacités procréatrices - et le vécu des femmes dans leur grande majorité, à savoir une double journée de travail pour assurer la reproduction sociale et une large part de la production économique. Néanmoins, des dictionnaires, des textes de loi ou des déclarations d'organismes internationaux attestent de sa progression partout. En France, deux facteurs la favorisent : sa propagation, dans les médias et sur les réseaux sociaux, à la fois par des élites politiques et intellectuelles et par divers milieux militants ; la censure de toute remarque concernant l' "identité de genre autodéclarée" et ses conséquences pour l'émancipation des femmes. Quiconque s'y risque peut être insulté-e ou menacé-e par des "transactivistes" , ou poursuivi-e pour "transphobie" devant les tribunaux. Il est pourtant urgent de contester le bien-fondé de théories appartenant au postmodernisme, le courant de pensée qui a contribué à forger avec le néolibéralisme, dans les années 1980, une idéologie valorisant les "classes moyennes" et leur style de vie pour conforter l'ordre établi - alors que celui-ci est toujours à détruire.

10/2023

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Pléiades

Oeuvres romanesques. Tome 2, Vers le phare ; Orlando ; Les Vagues ; Flush ; Les Années ; Entre les actes

Cette édition propose, dans des traductions pour la plupart nouvelles, tous les livres de fiction publiés par Woolf ou, pour Entre les actes, au lendemain de sa mort : dix romans, et un recueil de nouvelles, Lundi ou mardi, qui n'avait jamais été traduit dans notre langue en l'état. S'y ajoutent les nouvelles publiées par l'auteur mais jamais rassemblées par elle, ainsi qu'un large choix de nouvelles demeurées inédites de son vivant. Les nouvelles éparses qui présentent un lien génétique ou thématique avec un roman sont réunies dans une section Autour placée à la suite de ce roman. On trouvera ainsi, Autour de "Mrs. Dalloway", un ensemble de textes dans lequel Woolf voyait "un couloir menant de Mrs. Dalloway à un nouveau livre" ; ce "nouveau livre" sera un nouveau chef-d'oeuvre, Vers le Phare. Romans et nouvelles, donc, mais ces termes ne s'emploient ici que par convention. Woolf en avait conscience : "Je crois bien que je vais inventer un nouveau nom pour mes livres, pour remplacer "roman". Un nouveau ... de Virginia Woolf. Mais quoi ? Elégie ? " L'élégie, qui a partie liée avec la mort, est une forme poétique, et le roman, chez Woolf, emprunte en effet à la poésie ("Il aura une part de l'exaltation de la poésie"), aussi bien qu'à l'essai et au théâtre ("Il sera dramatique"), jusqu'à un certain point ("mais ce ne sera pas du théâtre"). Play-poem, "poème dramatique", qualifiera Les Vagues ; essay-novel, "roman-essai", désigne Les Années ; Flush et Orlando partagent la même indication de genre : a Biography, ce qui ne dit à peu près rien de ces deux livres, mais confirme qu'il faut ici renoncer aux catégories reçues et, plus largement, considérer d'un oeil neuf tout ce qui semblait définir le romanesque : "Le récit peut-être vacillera ; l'intrigue peut-être s'écroulera ; les personnages peut-être s'effondreront. Il sera peut-être nécessaire d'élargir l'idée que nous nous faisons du roman". Elargir : rompre avec la continuité chronologique, en finir avec l'hégémonie de la représentation, faire du vécu subjectif de la conscience la véritable matière du roman. Woolf le reconnaissait, elle n'avait pas le don de la réalité : "J'immatérialise le propos. . ". Il s'agissait moins pour elle de bâtir des intrigues que d'isoler des "moments d'être", déchirures éclairantes dans l'obscur tissu d'une existence, témoignant "qu'une chose réelle existe derrière les apparences". "Je rends [cette chose] réelle en la mettant dans des mots. Ce sont mes mots et eux seuls qui lui donnent son intégrité ; et cette intégrité signifie qu'elle a perdu le pouvoir de me faire souffrir".

03/2012

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Pléiades

Oeuvres romanesques. Tome 1, Traversées ; Nuit et jour ; Lundi ou mardi ; La Chambre de Jacob ; Mrs Dalloway

Cette édition propose, dans des traductions pour la plupart nouvelles, tous les livres de fiction publiés par Woolf ou, pour Entre les actes, au lendemain de sa mort : dix romans, et un recueil de nouvelles, Lundi ou mardi, qui n'avait jamais été traduit dans notre langue en l'état. S'y ajoutent les nouvelles publiées par l'auteur mais jamais rassemblées par elle, ainsi qu'un large choix de nouvelles demeurées inédites de son vivant. Les nouvelles éparses qui présentent un lien génétique ou thématique avec un roman sont réunies dans une section Autour placée à la suite de ce roman. On trouvera ainsi, Autour de "Mrs. Dalloway", un ensemble de textes dans lequel Woolf voyait "un couloir menant de Mrs. Dalloway à un nouveau livre" ; ce "nouveau livre" sera un nouveau chef-d'oeuvre, Vers le Phare. Romans et nouvelles, donc, mais ces termes ne s'emploient ici que par convention. Woolf en avait conscience : "Je crois bien que je vais inventer un nouveau nom pour mes livres, pour remplacer "roman". Un nouveau ... de Virginia Woolf. Mais quoi ? Elégie ? " L'élégie, qui a partie liée avec la mort, est une forme poétique, et le roman, chez Woolf, emprunte en effet à la poésie ("Il aura une part de l'exaltation de la poésie"), aussi bien qu'à l'essai et au théâtre ("Il sera dramatique"), jusqu'à un certain point ("mais ce ne sera pas du théâtre"). Play-poem, "poème dramatique", qualifiera Les Vagues ; essay-novel, "roman-essai", désigne Les Années ; Flush et Orlando partagent la même indication de genre : a Biography, ce qui ne dit à peu près rien de ces deux livres, mais confirme qu'il faut ici renoncer aux catégories reçues et, plus largement, considérer d'un oeil neuf tout ce qui semblait définir le romanesque : "Le récit peut-être vacillera ; l'intrigue peut-être s'écroulera ; les personnages peut-être s'effondreront. Il sera peut-être nécessaire d'élargir l'idée que nous nous faisons du roman". Elargir : rompre avec la continuité chronologique, en finir avec l'hégémonie de la représentation, faire du vécu subjectif de la conscience la véritable matière du roman. Woolf le reconnaissait, elle n'avait pas le don de la réalité : "J'immatérialise le propos. . ". Il s'agissait moins pour elle de bâtir des intrigues que d'isoler des "moments d'être", déchirures éclairantes dans l'obscur tissu d'une existence, témoignant "qu'une chose réelle existe derrière les apparences". "Je rends [cette chose] réelle en la mettant dans des mots. Ce sont mes mots et eux seuls qui lui donnent son intégrité ; et cette intégrité signifie qu'elle a perdu le pouvoir de me faire souffrir".

03/2012

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Pléiades

Oeuvres romanesques. Coffret 2 volumes

Cette édition propose, dans des traductions pour la plupart nouvelles, tous les livres de fiction publiés par Woolf ou, pour Entre les actes, au lendemain de sa mort : dix romans, et un recueil de nouvelles, Lundi ou mardi, qui n'avait jamais été traduit dans notre langue en l'état. S'y ajoutent les nouvelles publiées par l'auteur mais jamais rassemblées par elle, ainsi qu'un large choix de nouvelles demeurées inédites de son vivant. Les nouvelles éparses qui présentent un lien génétique ou thématique avec un roman sont réunies dans une section Autour placée à la suite de ce roman. On trouvera ainsi, Autour de "Mrs. Dalloway" , un ensemble de textes dans lequel Woolf voyait "un couloir menant de Mrs. Dalloway à un nouveau livre" ; ce "nouveau livre" sera un nouveau chef-d'oeuvre, Vers le Phare. Romans et nouvelles, donc, mais ces termes ne s'emploient ici que par convention. Woolf en avait conscience : "Je crois bien que je vais inventer un nouveau nom pour mes livres, pour remplacer "roman". Un nouveau ... de Virginia Woolf. Mais quoi ? Elégie ? " L'élégie, qui a partie liée avec la mort, est une forme poétique, et le roman, chez Woolf, emprunte en effet à la poésie ("Il aura une part de l'exaltation de la poésie"), aussi bien qu'à l'essai et au théâtre ("Il sera dramatique"), jusqu'à un certain point ("mais ce ne sera pas du théâtre"). Play-poem, "poème dramatique" , qualifiera Les Vagues ; essay-novel, "roman-essai" , désigne Les Années ; Flush et Orlando partagent la même indication de genre : a Biography, ce qui ne dit à peu près rien de ces deux livres, mais confirme qu'il faut ici renoncer aux catégories reçues et, plus largement, considérer d'un oeil neuf tout ce qui semblait définir le romanesque : "Le récit peut-être vacillera ; l'intrigue peut-être s'écroulera ; les personnages peut-être s'effondreront. Il sera peut-être nécessaire d'élargir l'idée que nous nous faisons du roman". Elargir : rompre avec la continuité chronologique, en finir avec l'hégémonie de la représentation, faire du vécu subjectif de la conscience la véritable matière du roman. Woolf le reconnaissait, elle n'avait pas le don de la réalité : "J'immatérialise le propos... " Il s'agissait moins pour elle de bâtir des intrigues que d'isoler des "moments d'être" , déchirures éclairantes dans l'obscur tissu d'une existence, témoignant "qu'une chose réelle existe derrière les apparences" . "Je rends [cette chose] réelle en la mettant dans des mots. Ce sont mes mots et eux seuls qui lui donnent son intégrité ; et cette intégrité signifie qu'elle a perdu le pouvoir de me faire souffrir".

03/2012

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Photographie

Daido Moriyama

Daido Moriyama, né à Osaka en 1938, n'est pas seulement un des plus grands artistes japonais contemporains ; son oeuvre photographique, ses écrits, la radicalité de sa démarche font de lui un des chefs de file du renouvellement international du langage photographique à partir des années 1970. A lire quelques-uns des noms ou titres qui jalonnent la carrière de Moriyama, on devine que son parcours artistique échappe aux conventions : Provoke (une revue), Scandalous (une exposition), Hysteric (une publication)... Ces termes ne renvoient pourtant en rien à une oeuvre niaisement sulfureuse ou complaisamment provocatrice, mais résonnent à la manière d'un manifeste postmoderne. Ainsi, à propos de Farewell Photography, livre majeur qu'il publie en 1972, Moriyama précise : "Certains trouveront ce titre sarcastique, mais en réalité il exprime mon animosité et mon discours d'adieu à une photographie trop satisfaite d'elle-même pour mettre en question sa propre signification. Cette photographie-là passe à côté de la réalité." Et la réalité que désigne ici l'artiste n'est pas celle assignée de longue date à la photographie, mais le substrat des violentes mutations que l'histoire du Japon a connues, de l'après-Deuxième Guerre mondiale aux dernières heures du XXe siècle. Graphiste de formation, Moriyama s'initie à la photographie auprès de Eikoh Hosoe, mais décide, dès l'âge de vingt-trois ans, de devenir photographe indépendant et de faire de Tokyo sa ville d'élection. Avec son ami le photographe et critique Takumi Nakahira, il fonde la revue Provoke, foyer de protestation politique et culturelle et laboratoire de recherches et d'expérimentations nouvelles pour la photographie. Exacerbant les pistes et les orientations que certains précurseurs, parmi lesquels William Klein et son célèbre Tokyo dont il reconnaît l'influence, avaient défrichées, Moriyama développe une esthétique dure et crue où la narration et l'illustration n'ont plus cours. Images fortement contrastées, flous, épreuves granuleuses, cadrages "sauvages", la photographie de Moriyama semble traversée par une pulsion vitale extrême qui scelle un refus absolu des normes établies de la prise de vue. Il affirme "prendre ses photographies plus avec le corps qu'avec les yeux" et renonce même parfois à l'obligation de la visée comme dans Hunter, série de paysages prise depuis sa voiture. Car l'oeil de Moriyama est nomade, il dérive au fil de la marche urbaine et saisit sans relâche des apparitions soudaines : visages, animaux, scènes de rue, façades, écrans vides, graffitis, tout fait signe pour composer une poétique abstraite et déroutante. Cette esthétique de l'instantané alliée à une volonté farouche de penser et vivre la photographie comme une expérience intime, une pratique quasi existentielle, ont ouvert des champs nouveaux et suscité une forme de libération de l'acte photographique que de très nombreux artistes savent devoir à Daido Moriyama.

11/2012

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Sciences politiques

Quatre-vingt-treize

Les « banlieues » sont devenues l’un des principaux enjeux du débat politique français, et il est probable que ce terme soit l’un des maîtres mots de la campagne pour l’élection présidentielle de 2012. Or, « banlieues », dans cet usage, désigne en réalité les quartiers populaires périphériques où se concentrent notamment des populations d’origine immigrée - et non les banlieues en général, dont la plupart sont « résidentielles ». Enjeu complexe, les « banlieues » représentent à la fois la cristallisation des peurs d’une société inquiète face à des nouvelles « classes dangereuses » du XXIe siècle, et la mauvaise conscience de celle-ci, accusée d’avoir laissé se développer et perdurer des zones d’exclusion en marge de sa prospérité. Cette ambivalence est propice à l’emballement du discours médiatique sur un sujet propre à toutes les surenchères idéologiques ainsi qu’aux simplifications des images-chocs - voitures brûlées, caches d’armes dans les HLM, musulmans en prière sur la chaussée… autant de « figures » de la banlieue dont l’accumulation est censée produire du sens, au détriment d’une construction rationnelle de celui-ci. Ces « figures » sont au coeur du malentendu persistant entre la presse et les habitants des banlieues concernées, qui discrédite à leurs yeux la pratique journalistique « stigmatisante ». Le « trou noir » d’une représentation rationnelle de ce problème crucial renvoie à une question très douloureuse, centrale, qui touche à l’identité même de la France au moment où celle-ci connaît une crise profonde. Cette crise est relayée sur le territoire français par ces zones d’exclusion qui paraissent à la fois défier le pacte républicain traditionnel (elles produiraient le communautarisme) et rester en marge du monde du travail malgré des aides et subventions massives prélevées sur les impôts des classes moyennes - les « banlieues » sont perçues comme un parasite sur le corps malade du pays. Ce sentiment de malaise et de crainte est encore accentué par le vieillissement de la population française « de souche » alors que ces banlieues populaires bigarrées, jeunes et en plein essor démographique, portent en partie l’avenir de la France. Face à l’ampleur de ces bouleversements, et à l’importance des enjeux dont on peut penser qu’ils vont s’exacerber lors de la prochaine élection présidentielle puisqu’il auront une incidence directe sur la conquête du pouvoir politique en France et où Mme Le Pen a déjà pris date, avec ses remarques sur les musulmans comme « force d’occupation », il est important de disposer de travaux et d’un livre qui puissent faire référence afin que les débats de société soient nourris d’une matière que l’on voudrait originale, substantielle et gouvernée par la « neutralité quant aux valeurs » prônée par Max Weber.

02/2012

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Economie

Vers une économie circulaire durable en Suisse

L'économie circulaire est "à la mode" . Elle désigne une alternative à l'économie linéaire, une transformation vers des modes de production et de consommation moins gaspilleurs et plus résilients face aux chocs exogènes. On en parle beaucoup, mais de quoi s'agit-il plus exactement ? Sous quelles formes la notion, qui fait consensus en surface, se décline-t-elle ? Représente-t-elle réellement un changement de paradigme ? Quel est son rapport avec la durabilité ? La première partie du présent ouvrage, interdisciplinaire, aborde ces questions. Malgré un apparent consensus des parties prenantes (scientifiques, monde de l'économie, objectifs politiques, ONG et société civile) quant à la pertinence, voire la nécessité, de transformer le système socio-économique vers un modèle circulaire et durable, l'économie circulaire reste cantonnée à un marché de niche et à des initiatives ponctuelles. Ce constat trouve-t-il une explication par le prisme du droit ? Notre cadre légal représente-t-il une barrière au changement ? Comment le droit pourrait-il être adapté pour favoriser une transformation plus ambitieuse du système socio-économique, à la hauteur des enjeux, à l'heure où les multiples "crises" environnementales deviennent carrément flagrantes et où la sécurité de l'approvisionnement des ressources essentielles devient de plus en plus incertaine ? Ces questions sont l'objet de la deuxième partie de l'ouvrage. En somme, la thèse propose une analyse systémique et prospective des apports et limites du cadre juridique vers une économie circulaire durable en Suisse. Celle-ci est définie comme un système socio-économique qui répondrait aux deux objectifs complémentaires suivants : 1) son impact s'inscrirait au sein des limites planétaires et 2) les flux de matière et d'énergie seraient optimisés, ou en d'autres termes, leur gaspillage serait minimisé. En s'inspirant de l'analyse légistique prospective, elle offre un large panorama de la situation actuelle de lege lata et dégage des pistes pour développer des politiques publiques susceptibles de favoriser la transformation vers une économie circulaire durable. Cette analyse met notamment en évidence qu'un tel système permettrait une meilleure mise en oeuvre - voire une réconciliation - entre différents principes déjà ancrés dans notre Constitution, parfois encore présentés comme "en tension" : durabilité, pollueur-payeur, précaution et prévention, politique énergétique et agricole, ainsi que la garantie des différentes libertés fondamentales, en particulier de la liberté économique. Cet ouvrage s'adresse non seulement aux juristes, mais aussi aux spécialistes en sciences de l'environnent, aux représentants des trois pouvoirs et, de manière plus générale, à toute personne intéressée à la transformation des modes de production et de consommation, voire à la transformation du rapport au monde qui sous-tend le développement de notre système socio-économique.

01/2023

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Littérature française

Le sacre et le couronnement de Napoléon

Parce, qu'il avait été sacré par le Pape, Napoléon a considéré qu'il était revêtu d'un caractère ineffaçable, qu'il était devenu un souverain égal à tous les souverains, qu'il ne pouvait point être discuté comme tel, qu'il était l'oint du Seigneur, et que, si son empire n'avait point reçu une institution divine, il s'en fallait de peu. On ne saurait dire qu'il le crût, mais il prétendait au moins le faire croire, et, en vérité, des illusions qu'on donne à celles qu'on prend, le pas est si vite franchi qu'on peut se demander si ici il ne l'a pas été. Tout au moins, dans la foi qu'il avait placée en sa destinée, n'avait-il pas, quoiqu'il s'en soit défendu, admis une part de fatalisme qui devait le rendre plus apte qu'homme au monde, à subir l'impression qu'il avait été désigné, qu'il remplissait, qu'il accomplissait une mission. Certes, de cela, il ne s'explique point, ou il s'explique confusément. Mais cette croyance dont il peut être presque inconscient, qu'il ne raisonne point, qu'il essaie de réfuter, se fait jour par quantité de phrases échappées. Ainsi, lorsqu'il écrit à Joséphine : Toute ma vie, j'ai tout sacrifié, tranquillité, intérêt, bonheur, à ma destinée ; lorsqu'il lui écrit : Je dépends des événements ; je n'ai pas de volonté ; j'attends tout de leur issue ; et encore : Plus on est grand, et moins on doit avoir de volonté ; l'on dépend des événements et des circonstances ; qu'est-ce que la Destinée, si elle n'est point providentielle, que, valent les événements s'ils ne tiennent qu'au hasard ? Qui parle de sa destinée, entend bien qu'il est prédestiné. De la désignation, l'institution divine n'est qu'une conséquence et comme une confirmation, mais n'est-ce pas que devant les yeux de celui qui la reçoit, cette institution devient effective et valable, s'impose à l'esprit, l'obsède et le conquiert ? Ce n'est point à dire que Napoléon, dans la suite de ses actes, se crût (jusqu'en 1810) moins obligé de faire effort. Il ne manque pas dans l'histoire de souverains, fort convaincus de leur droit divin, qui besognent à leur gouvernement, et ont le sentiment fort net que leur action continue y est nécessaire. Mais on les reconnaît pour des croyants, à des phrases, à des mots ou des gestes. ll semble bien que ces phrases ; ces mots, ces gestes, se trouvent chez Napoléon à partir du Couronnement. Cet ouvrage revient sur les enjeux politiques et secrets de ce couronnement pour mieux comprendre le destin tragique du premier empereur des Français.

04/2021

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Notions

Des indésirables. Quatre manières de traiter un embarras

Sous le titre Des indésirables sont étudiées et confrontées des situations différentes mais présentant des points communs ou des analogies. C'est, d'abord, un détail de la législation de Vichy de 1940 ; l' "embarras" , ici, ce sont les Juifs : il faut les faire tout simplement disparaître. Quelques mots paraissent suffire à cette opération. Il s'agit, ensuite, du rejet du protestantisme, au début du XIXe siècle, de la part de Joseph de Maistre avec son équivalent chez Novalis ; terrain propice au développement d'un certain théologico-politique "à la française" . Le troisième chapitre évoque la réflexion d'Edgar Quinet (et, à sa suite, Simone Weil) sur la continuité entre les Grecs de l'époque classique et le christianisme ; le judaïsme est donc l'absent de la civilisation, les Grecs sont d'emblée déjà-chrétiens. Le dernier chapitre reprend une analyse de Péguy qui montre comment la pédagogie moderne réduit l'enfant pour le faire accéder à l'état adulte, le rendant proprement inexistant. Dans ces quatre cas, c'est un objet indésirable qui est effectivement façonné, qui est désigné en tant qu'embarras. On croit donner ainsi toutes les raisons de le faire disparaître, et ce, définitivement. Ce sont là des façons de fabriquer du non-être pour pouvoir rapidement s'en défaire. Le paradoxe est, ici, que la haine s'en prend à des formes imaginaires qu'elle contribue à former continuellement. Quatre institutions sont évoquées par ce biais, en vue de cerner cette logique singulière d'exclusion et de destitution : l'Etat, l'Eglise, l'Histoire, l'Education. Accommoder le temps et réduire la langue à quelques vocables ou à des mots d'ordre, ce sont, aux yeux de l'Institution, des manières de faire qui doivent permettre une éviction réussie de ce qui gêne foncièrement, voire une épuration rassurante, et qui fournissent, également, en quelques phrases, un surcroît de narcissisme à un "nous" fabriqué de toutes pièces. Ces quatre modalités d'éjection sont, selon l'auteur, constitutives de notre modernité. Elles appartiennent à l'histoire française récente et, pour certaines, contiennent de véritables germes de guerre civile. Rien ne dit qu'elles aient disparu. Jean-Michel Rey est né à janvier 1942 à Paris. Il a enseigné la philosophie et l'esthétique à l'Université de Paris VIII de 1969 à 2008. Il a fondé et dirigé avec Marie Moscovici la revue L'Ecrit dutemps (1982-1988) aux éditions de Minuit. Il a été directeur de programme au Collège International de Philosophie de 1992 à 1998. Il est l'auteur d'une vingtaine de livres sur Nietzsche, Freud, Kafka, Valéry, Péguy, Artaud, Thomas Mann. Jean-Michel Rey pense donc, de longue date, que philosophie et littérature sont indissociables, et qu'entre le politique et la philosophie les liens sont étroits.

04/2023

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Autres

Philosophie N° 152, janvier 2022

Ici traduit en français pour la première fois par Amaud Dewalque, l'essai d'Oskar Kraus sur Le Besoin (1894) est une application de la psychologie descriptive brentanienne à l'économie. On définir parfois l'économie comme le système des besoins humains. Mais qu'est-ce qu'un "besoin"? Qu'est-ce qui distingue les besoins humains au sens fort des simples privations et des instincts animaux ? Et quelles sont les différentes classes (ou types) de besoins ? Contre les théories hédonistes, Kraus soutient que tous les besoins ne sont pas tournés vers l'obtention du plaisir ou la suppression du déplaisir. Il présente ainsi une analyse descriptive plus riche des phénomènes volitifs ou conatifs. Dans "Décrire n'est pas tout : Kurt Lewin sur l'émotion", Denis Scion s'intéresse au psychologue Kurt Lewin, qui dans les années 1920 avait proposé une approche originale et féconde des émotions, qui se distingue par trois prises de position : d'abord, il rejette la méthodologie analytique ; ensuite, íl en appelle à une psychologie des émotions qui soit génétique, causale et dynamique ; enfin, la psychologie des émotions doit selon lui être psychophysique, à savoir ancrée dans l'expérience interne autant qu'externe. La psychologie des émotions de Lewin s'oppose, sur ces trois points, à l'approche de psychologues tels que Titchener et les brentaniens, laquelle est analytique, statique et introspectionniste. Le texte de Michel Le Du, "La conscience est-elle de glace ? ", est centré sur le concept d'émergence, qui a été utilisé durant les dernières décennies par différents philosophes de l'esprit, notamment dans le but de livrer une interprétation de la relation corps-esprit évitant à la fois le dualisme et le réductionnisme ; John Searle a ainsi expliqué, à différentes reprises, que la conscience et l'intentionnalité étaient des propriétés émergentes du cerveau. Le but de l'article est de montrer que cette approche apporte une réponse ontologique à une question dont les termes mêmes témoignent, en premier lieu, d'une confusion conceptuelle. Dans l'article "Anselme et l'actualité" (1970), David Kellogg Lewis (1941-2001), propose une analyse critique de l'argument ontologique développé par Anselme de Cantorbéry afin d'illustrer la teneur et la portée de sa thèse centrale, le réalisme modal. Récusant la conception ordinaire qui assimile l'existence réelle à l'actualité, Lewis montre que cette dernière est en réalité une notion indexicale : tout comme "ici", "maintenant" ou "ceci", elle n'acquiert en effet sens et signification qu'en vertu de son contexte d'énonciation. Désolidarisée de l'existence effective, l'actualité ne désigne alors, selon Lewis, qu'une étroite région du vaste royaume des possibles : celle qu'il se trouve que nous habitons.

01/2022

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Guides étrangers

Portugal

Les monastères et les quintas, le charme méditerranéen de Lisbonne, les villages blancs de l'Alentejo, les caps spectaculaires de la côte atlantique... Le Guide Bleu, l'indispensable guide culturel, vous dévoile les secrets de ce Finistère de l'Europe ouvert sur le grand large. A quoi servaient les piloris que vous verrez sur les places du pays ? Savez-vous que l'incontournable morue des repas portugais est majoritairement importée de Norvège ? Et connaissez-vous Vila Real de Santo António ? La ville entière s'est construite en six mois... en plein XVIIIe siècle !

06/2018

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Poésie

L'arbre à poèmes. Anthologie personnelle 1992-2012

Abdellatif Laâbi est né à Fès en 1942, au temps du protectorat français au Maroc. Son père est artisan sellier, et sa mère, femme au foyer. Il sort à peine de l'enfance lorsque son pays accède à l'Indépendance. Après des études universitaires à la faculté des lettres de Rabat, il est nommé professeur de français dans un lycée de la capitale. Sa vocation pour la culture se décide tôt. Encore étudiant, il est l'un des créateurs du Théâtre universitaire marocain, qui met en scène des pièces de Bertolt Brecht et de Fernando Arrabal. A la radio nationale, il anime brièvement deux émissions littéraires. En 1966, il fonde avec un groupe de poètes et de peintres la revue Souffles, qui aura un vrai rayonnement, notamment à l'échelle du Maghreb. Au Maroc, elle jouera un rôle déterminant dans le renouvellement des formes d'expression littéraires et artistiques, ensuite dans la contestation de l'ordre social et politique qui régnait à cette époque. La revue est interdite en 1972 et Laâbi est arrêté, torturé, puis condamné à dix ans de prison. Libéré en 1980, suite à une campagne internationale en sa faveur, il quitte le Maroc cinq ans plus tard pour s'installer en banlieue parisienne. Dès lors, son oeuvre, essentiellement poétique, touche néanmoins à tous les genres : roman, théâtre, livres pour la jeunesse, écrits sur la culture, essais politiques... Pour autant, il ne renonce pas à ses engagements d'intellectuel citoyen. Ses interventions se multiplient, tant en France qu'au Maroc, contre le despotisme, les obscurantismes de tout bord, et en faveur de la dignité humaine, des libertés et du dialogue des cultures. L'anthologie personnelle qui paraît en Poésie/Gallimard a pour but d'arpenter le continent poétique d'Abdellatif Laâbi sur un trajet de plus de vingt ans et de se laisser traverser par sa parole rebelle autant que généreuse, parole " adressée ", ouverte au partage, qui apporte une réponse sans qu'il soit besoin de discourir. " Lecture roborative, souligne Françoise Ascal dans sa préface, qui lève les doutes quant au pouvoir des mots. La suspicion contemporaine à leur égard, souvent martelée par les poètes eux-mêmes, en est désarmée. La poésie de Laâbi est incarnée, vibrante de toutes les passions humaines, elle va droit à l'essentiel, n'a peur de rien, se joue des modes esthétiques, du poétiquement correct, elle témoigne avec simplicité de ce qui est complexe, elle explore sans répit la condition humaine, entre misère et grandeur pascaliennes, et souffle sur nos capacités de résistance comme sur des braises. "

01/2016

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Spécialités médicales

Politiques sociales

Cet ouvrage est un manuel de description et d'analyse des politiques et institutions actuelles du champ social. A la différence de la plupart des ouvrages existants, traitant séparément soit du droit du travail, parfois élargi à la formation professionnelle et aux politiques de l'emploi, soit de tout ou partie du reste des politiques sociales, il couvre l'ensemble du champ social : sécurité sociale, politique et droit du travail, politiques de l'emploi et de la formation professionnelle, lutte contre l'exclusion et insertion, politique familiale, protection de l'enfance, politique de santé publique, offre de soins, logement, politique de la ville... Des thèmes transversaux font l'objet de développements spécifiques, afin d'éviter les "angles morts" qui peuvent résulter de découpages thématiques : inégalités, discriminations, dimension européenne des politiques sociales, démographie... Il traite de l'ensemble des thèmes qui sont au programme des épreuves de l'ENA, l'EHESP (directeur d'hôpital), l'EN3S, et des autres concours administratifs de catégorie A du champ sanitaire et social. Il sera aussi un outil complet pour les étudiants amenés à traiter de ces matières notamment dans les IEP ou dans des masters de droit social, et pour les personnes recherchant une vision globale de ce champ.

01/1994

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Littérature française

Le vrai livre des femmes

Le vrai livre des femmes. Eugénie Niboyet Date de l'édition originale : 1863 Issue d'une famille lettrée et bonapartiste, Eugénie Niboyet (1799-1882) se défi nit elle même comme une " enfant de l'Empire " . D'abord marquée par la pensée saint-simonienne, mouvement à la fois spirituel, social et politique qui voyait dans l'industrialisation la voie d'émancipation du prolétariat, elle oeuvre pour sensibiliser les ouvriers à cette doctrine dont elle-même s'éloigne dès lors que les femmes sont exclues de la hiérarchie en 1831. Elle s'oriente alors vers le fouriérisme, autre utopie socialiste en quête d'une société idéale. Eugénie Niboyet entame en parallèle une carrière littéraire à Paris, écrivant quelques pièces de théâtre, puis s'exile à Lyon en 1833, où elle fonde Le Conseiller des femmes, premier hebdomadaire féministe de province qui s'adresse avant tout aux femmes du peuple, avec pour vocation de leur apporter savoir et instruction. Elle s'impose dès lors comme une jour naliste et une femme de presse engagée, et sera à l'origine de la création de nombreux titres. La révolution de 1848 fait naître un nouvel espoir de liberté pour les femmes, qui entrevoient la possibilité de s'affranchir de cette société encore trop conservatrice. Eugénie Niboyet prend une place décisive aux côtés de celles que l'on désigne comme " les femmes de 1848 " et qui entendent, comme l'écrit Tocqueville, " niveler la plus ancienne des inégalités, celle de l'homme et de la femme " . Dans l'élan suscité par cette révolution, Eugénie Niboyet fonde La Voix des femmes, quotidien militant qui s'affi rme dès le premier numéro "journal socialiste et politique, organe des intérêts de toutes" . La parution prend fi n en 1852, peu après le coup d'Etat de Napoléon III, le retour à l'autoritarisme et la censure de la presse. Publié en 1863, Le Vrai Livre des femmes revient notamment sur les évènements de 1848 et sur l'aventure éditoriale que fut La Voix des femmes. Il s'agit également d'une réponse à un ouvrage publié quelques années plus tôt par une certaine Comtesse Dash : en contradiction avec les aspirations progressistes de ce siècle qui voulaient faire d'elles " des guerrières, des politiques, des lutteuses " , la Comtesse Dash rappelle que les femmes ne peuvent - et ne doivent - s'épanouir que par le mariage. Eugénie Niboyet s'oppose à ce discours réactionnaire et met en lumière tout le chemin qu'il reste à parcourir pour parvenir à l'égalité entre hommes et femmes. Cet ouvrage illustre pleinement le combat féministe qu'Eugénie Niboyet n'a eu de cesse de mener et d'incarner tout au long de sa vie. Ce livre, réimprimé en fac-similé par Hachette-BnF, est identique à la publication originale de 1863 conservée à la Bibliothèque nationale de France. Pour découvrir tous les titres du catalogue, rendez-vous sur www. hachettebnf. fr

09/2021

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Critique Poésie

Monde(s) et poésie. Au coeur des sciences du langage et de la culture

Un ouvrage pluridisciplinaire qui lie de manière originale art du langage et linguistique du sens dans le cadre d'une anthropologie sémiotique. Il renouvelle la compréhension de la notion de " monde(s) " à partir de la poésie. L'idée d'une fonction de l'art comme fabrique de mondes est aujourd'hui très largement répandue, notamment en raison de la forte influence de la théorie de la fiction inspirée de la notion leibnizienne de " monde possible " et des approches postmodernes d'orientation ontologique. Celle d'un texte-monde est appliquée quasi exclusivement au genre romanesque. Les sciences du langage, de leur côté, se désintéressent majoritairement de ces problématiques venues du champ littéraire, occupées qu'elles sont à se développer au croisement de la cognition, des mathématiques et de l'informatique. Cependant dans le cadre d'une anthropologie sémiotique renouvelée, il est possible de penser un décloisonnement fécond des savoirs entre sciences et Humanités à partir de la question des conditions d'accès au sens, question qui se pose de manière cruciale si l'on reconçoit la question de la créativité langagière comme problème linguistique et sémiotique central. Interpréter/décrire la façon dont les écrivains disent le monde ou créent un monde revient alors à inscrire le travail critique dans une conscience du hors-champ et des transferts culturels, en soulignant l'enjeu éminemment politique de toute épreuve du dehors, y compris au sein d'une seule langue. Si le monde humain est fait d'institutions, de pratiques et d'objets supposant à la fois le couplage complexe à son entour et son façonnement plastique en retour, si l'on restitue au langage sa dimension écologique, c'est-à-dire si on le définit non comme un simple instrument, mais comme un milieu traversé de normes et de valeurs, alors travailler la langue, c'est travailler le monde, réinventer sans relâche le monde humain et son rapport à la Terre et aux autres espèces, entrer dans des dynamiques cosmomorphes inédites. C'est pourquoi " poésie " désigne ici un processus d'individuation d'une langue dans la langue par un sujet inscrit dans l'histoire et dans le rythme de son corps – rapport particulier au langage que le genre poétique maximalise sans doute, mais sans exclusive. La poésie n'est pas ici conçue comme une sortie du langage, mais au contraire comme un approfondissement de ses possibles, où le blanc, le papier, la matière sonore, les rapports aux sciences, aux mythes, à la technique, à l'environnement, à la politique, ont toute leur place – et qui met au défi les linguistes, au moins autant en tant que spécialistes du langage qu'en tant que lecteurs et citoyens du monde. L'approche micrologique par la poésie contemporaine et ses mondes flottants, en émergence, hybrides, et l'approche macrologique par une anthropologie sémiotique peuvent ainsi, de manière imprévue, se rendre de mutuels services en soulignant la nécessité d'un point de vue multifocal et pluralisé, sensible aux différenciations critiques.

06/2023

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Eco-gestes, éco-citoyenneté

Faire des courses écoresponsables

En Europe, le taux annuel des déchets d'emballages en plastique dépasse les 15 millions de tonnes, ce qui représente 30 kg par personne, les 2/3 émanant de la consommation alimentaire et des boissons. Or, la majorité des emballages plastiques sont difficilement conciliables avec les objectifs d'une l'économie circulaire, leur taux de réutilisation et de recyclage est décevant (moins de 30 %) et l'on constate finalement un niveau important de dispersion dans l'environnement. Les plastiques des emballages alimentaires représentent 85 % des déchets retrouvés sur les plages à travers le monde (61 % sont des plastiques à usage unique), et on estime que 700 tonnes de plastique se déversent chaque jour dans la mer Méditerranée. Toxique pour les écosystèmes marins et terrestres, cette pollution contamine finalement toute la chaîne alimentaire et devient de plus en plus inquiétante pour la santé de l'homme. Ces données doivent nous motiver pour lutter contre les emballages alimentaires, et pour cela, rien de mieux que de les réduire à la source ! La démarche du "zéro déchet" tend à supprimer les contenants à usage unique, elle est plus facile à instaurer en se ravitaillant sur les marchés, les petits commerçants de quartier ou les épiceries "zéro déchet" de plus en plus nombreuses. Organiser vos courses zéro déchet avec des contenants à "usage multiple" Le cabas. Prenez toujours votre grand sac ou un cabas roulant pour faire vos courses et évitez à tout prix d'acheter un nouveau sac ! Les sacs à vrac. Privilégiez les achats en vrac (sans emballages) pour les céréales, légumineuses, oléagineux, fruits, légumes, muesli, biscuiterie, boulangerie. Munissez-vous pour cela de sacs en tissu de plusieurs tailles que vous pouvez dédier à une denrée et que vous laverez après plusieurs usages ou, à défaut, recyclez les sacs en papier. Les bocaux en verre De retour à la maison, vous pouvez remplir vos différents bocaux dédiés aux aliments et ranger vos sacs à vrac disponibles pour les prochaines courses. Les Tuptup. Ces boites en verte carrées ou rectangulaires pourront stocker les denrées fraîches (viande, poisson, fromages...) aussitôt achetées puis trouver facilement leur place dans votre réfrigérateur. Charlottes à plat. Fini le règne du plastique étirable... les charlottes en tissu ciré ou élastiqué se placent facilement sur vos plats à protéger au frais. Les boites en carton. Penser à recycler plusieurs fois les boites à oeufs et boites à pizza en les ramenant à votre commerçant lors de votre achat. Bouteilles en verre. De nombreux producteurs de lait, de soupes, de conserves de légumes et de plats préparés pratiquent de nouveau le principe de la consigne. Renseignez-vous ! Inquiétant : Le plastique met 400 ans à se dégrader, c'est pourquoi les déchets en plastique s'accumulent dans la nature, et surtout dans les océans. Le 7e confinent désigne la décharge géante de plastiques flottants (plus de 1,3 million de km2) située dans le pacifique Nord (entre les côtes du japon et de l'Amérique du Nord).

05/2021

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Théâtre

Le cimetière des voitures ; La cage ; Les batteurs du temps ; God'Ass ; Tranche 85

" Un spectacle original (ou une pensée singulière) n'est que le produit de tous les mois de l'humanité." Cette remarque de Fernando Arrabal vient éclairer l'approche des pièces présentées dans ce numéro 11. Dans Le cimetière des voitures, après une catastrophe nucléaire, Milos-Ponce Pilate, un ancien proxénète, héberge sur son terrain vague - un cimetière de voitures - une bande de rockers et de punks poursuivie par des policiers. Ceux-ci recherchent Emanou, considéré comme un dangereux agitateur qui, à ses heures perdues, guérit les paralytiques, ressuscite les morts, déplace les montagnes et marche sur les eaux... Fernando Arrabal, dont l'oeuvre s'inscrit dans une tradition contestataire et iconoclaste proche de celle des surréalistes, a réalisé en 1983 un film de cette transposition moderne de l'histoire de Jésus, avec Alain Bashung dans le rôle d'Emanou. La Cage d'Yves Carchon raconte l'histoire d'un détenu en lutte contre une oligarchie liberticide. Encagé pour avoir échappé au Programme, ce parasite n'a qu'un seul but: gagner son gardien à sa cause et l'inciter à renverser l'ordre des choses. Il y parvient, non sans rouerie ni ruse. Que ne ferait-on pas pour recouvrer sa liberté ? C'est oublier pourtant la soif de pouvoir et la folie des hommes... Les batteurs du temps d'André Chauchat se passe de nos jours. Une grande entreprise, l'Horloge, est devenue entièrement automatisée. Deux mécaniciens Loïc et Abdoul (un Peul) doivent maintenant " battre le temps ", c'est à dire taper sur des gongs pour annoncer l'arrivée et le départ du personnel, les pauses, les réunions, les discours du PDG, etc ... Confrontés à ce travail idiot les deux amis résistent avec un humour corrosif à toutes les pressions (du DRH, de la spécialiste en marketing, des décideurs de tout poil). Petit à petit la musique de percussions qu'ils font avec leurs gongs et qui les sauve du désespoir devient extraordinaire. L'horloge décide de la vendre. God'Ass est une pièce en trois actes et en " Fourire " écrite par Marie Delvigne et Raymond Federman en 2005. Les deux personnages principaux Mimi (fado pinky punky) et Didi (le vieil écrivain pantouflard) s'attachent à écrire une pièce de théâtre ; ils s'emmêlent à ce jeu créatif comme Mimi s'emmêle à vouloir nouer ses lacets, elle qui préfère jouer à la marelle ou faire de la trottinette en perturbant sans cesse le pauvre Didi qui lui, désire absolument devenir dramaturge. Cette pièce passe du comique au tragique pour se terminer par le drame annonçé par Mimi : " Il ne fallait pas écrire cette pièce"... Dans Tranche 85, confinés dans un tunnel, cinq personnages étranges aux préoccupations étonnantes, parlent un curieux langage : nous sommes dans un autre temps, dans un autre univers. Malgré leur situation très sombre, ils s'entr'aident pour survivre et exister malgré tout...

07/2010

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Immigration

Oranges amères. Un nouveau visage de l'esclavage en Europe

La migration depuis les pays des Sud vers l'Europe est la plupart du temps présentée dans les médias comme une invasion et une menace. En réalité cette "crise migratoire" révèle les ambivalences des politiques européennes. Depuis l'accord de Schengen en 1985, qui a introduit la libre circulation des citoyens au sein de l'Union européenne, la frontière n'est plus conçue comme une ligne physiquement définie, mais comme un espace dynamique qui s'étend et implique des Etats non européens. Invoquant un argument "humanitaire" de protection des migrants (des passeurs criminels et du risque mortel de la traversée de la Méditerranée), l'UE s'efforce d'empêcher tout mouvement dès son départ. En réalité, le passage en bateau vers l'Europe n'est que le dernier moment d'un long voyage qui a été marqué par de nombreux dangers bien avant d'atteindre la mer. Ce qui attend une bonne partie des migrants qui atteignent l'Europe, c'est qu'une sorte de piège au frontière du droit se referme sur eux. Dans ce livre, ce piège, c'est l'Italie de Lampedusa. Les témoignages présentés montre comment les migrants se retrouvent emprisonnés pendant des années, sans papiers, sans visas et sans argent, sans accès légal à l'emploi. Non-citoyens, ils n'ont d'autre choix que de travailler dans des conditions inacceptables. Ainsi, les personnes qui arrivent en Europe dans ces conditions forcées se retrouvent dans le segment le plus bas du marché du travail, le plus exploiteur ; elles sont à la merci de leurs employeurs et privées de tout droit - ce que l'auteur désigne à bon droit comme une forme d'esclavage. Si les discours publics et médiatiques dénoncent ces migrants comme un coût insupportable et une menace, ils se révèlent être pour certains un potentiel économique très lucratif : avec la complicité de l'Europe qui permet le maintien d'un grand nombre de gens dans une insécurité extrême, un esclavage est en effet rendu possible, avec l'accord tacite des autorités locales et la complicité de la Mafia, qui permet une exploitation par des patrons sans scrupules, d'une armée de réserve de travailleurs flexibles et interchangeables. Cela a lieu principalement en périphérie - dans les vergers du sud de l'Italie ou du sud de l'Espagne. L'horreur éprouvée face à ce traitement des migrants en Europe révèle une autre transformation du capitalisme. La misère et les dictatures laissées derrière par le colonialisme européen dans les pays du Sud, comme la pénétration des marchés locaux par des produits occidentaux fortement subventionnés, provoquent la fuite de nombreux migrants. Le recours à une main-d'oeuvre migrante et sous-payée pour financer le mode de vie impérial de l'Occident n'est pas seulement une urgence humanitaire, mais un modèle de production. L'exploitation des migrants en Calabre, loin d'exprimer l'échec du modèle économique néolibéral, constitue au contraire une condition de son fonctionnement.

04/2023

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Impressionnisme

Impressionnisme. la modernité en mouvements

On l'a souvent écrit, le XIXe siècle est le premier siècle à s'être pensé comme radicalement neuf. A partir des années 1830, l'essor de la production industrielle et la transformation des villes les plus importantes du pays sont indissociables d'un bouleversement en profondeur de toutes les couches de la société, du développement d'un mode de vie bourgeois urbain jusqu'à la misère des faubourgs ouvriers, en passant par la lente transformation des campagnes. Les peintres que nous associons à l'histoire de l'impressionnisme, ou à son périmètre naissent alors, au début des années 1830 et 1840, et assisteront à ces métamorphoses. Paul Cézanne, Edgar Degas, Claude Monet, Berthe Morisot, Camille Pissarro, Pierre-Auguste Renoir et Alfred Sisley font leur début sur la scène artistique parisienne au cours des années 1860. Ils apparaissent comme un groupe à part entière en 1874, une " avant-garde " tout à la fois célébrée et conspuée, lorsqu'ils exposent pour la première fois ensemble à Paris. Ils développent tout au long des années 1870 une peinture claire, à la facture délibérément rapide et esquissée. Rejoints par des artistes comme Gustave Caillebotte en 1876, ils font entrer dans leurs tableaux, de façon positive (Caillebotte) ou critique (Renoir) ce qu'on désigne à la suite du poète Charles Baudelaire, " la vie moderne ". Plus largement, ce que le critique Edmond Duranty appellera la " Nouvelle Peinture " en 1876 rejoint et amplifie la tendance qui poussa certains artistes, dès les années 1790, à privilégier les thèmes issus du monde moderne, sans lesquels il n'était pas d'art approprié à la nouveauté des temps et de réponse adéquate à la société contemporaine. Les impressionnistes agissent d'autant plus ainsi qu'ils doivent vite s'adapter aux nouveaux modes d'exposition, de consommation et de production de l'image. On ne saurait oublier la façon dont peinture, gravure de presse et photographie interagissent dans la seconde moitié du XIXe siècle. La modernité de l'impressionnisme, multiple, est donc travaillée par les forces contradictoires auxquelles la société est exposée en son entier : attention renouvelée au monde actuel, fidélité variable à la France des terroirs, souci des attentes d'un public transformé lui-aussi et qu'il faut atteindre en dehors des circuits traditionnels d'exposition et de diffusion, redéfinition de l'acte pictural au regard des autres médiums, en particulier la photographie. L'exposition examinera la ligne de partage, l'oscillation plutôt, qui se dessine très tôt au sein de l'impressionnisme entre l'attrait du moderne et la volonté d'exalter la nature seule, ou l'univers rustique et ses solidarités anciennes. Elle montrera comment ces oeuvres dominées par " la nouvelle vision ", couleur, facture et perspective sont repensées de façon à nous donner l'impression que l'artiste a capté un moment transitoire sans le fixer. Avec l'impressionnisme, disparaît l'idée que le réel est stable, indépendant de la perception humaine.

10/2022

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Poésie

Poèmes. Poésies et poèmes d'Arthur Rimbaud

Poésies et Poésies complètes sont les titres des deux premiers recueils des poèmes d'Arthur Rimbaud, majoritairement constitués de poèmes composés en 1870 et 1871, publiés respectivement en 1891 et 1895 (l'auteur, mort en 1891, n'y a pas contribué, et ne s'est du reste plus intéressé à son oeuvre poétique après 1875). Poésies (sous le titre Reliquaire. Poésies) a été publié en 1891 par l'éditeur Léon Genonceaux, avec une préface de Rodolphe Darzens ; Poésies complètes a été publié en 1895 par l'éditeur Léon Vanier, avec une préface de Paul Verlaine et des notes de l'éditeur. Dans certaines éditions ultérieures, le titre "Poésies" désigne plus spécifiquement les poèmes de la première période, composés en 1870 et 1871, de facture formelle classique, à l'exclusion donc des poèmes de 1872, regroupés rétrospectivement sous l'appellation "Derniers vers" ou "Vers nouveaux et chansons" , marquant une rupture stylistique. Les seuls poèmes publiés pendant la "vie littéraire" de Rimbaud furent : "Les Etrennes des orphelins" (La revue pour tous, 2 janvier 1870), "Première soirée" (La Charge, 13 août 1870, sous le titre "Trois baisers") et "Les Corbeaux" (La renaissance littéraire et artistique, 14 septembre 1872). Le premier recueil de ses poèmes fut publié en 1891 sous le titre Le Reliquaire - Poésies à l'initiative de Rodolphe Darzens (éd. Léon Genonceaux) pendant que Rimbaud agonisait à Marseille. Ce recueil comprend majoritairement des poèmes de 1870-1871, mais aussi quelques poèmes de 1872 ("Entends comme brame... " , "Age d'or" , "Eternité" , "Michel et Christine"), et plusieurs poèmes dont l'attribution à Arthur Rimbaud a par la suite été controversée et finalement abandonnée ("Poison perdu" , "Le Limaçon" , "Doctrine" , "Les Cornues"). Les Illuminations et Une saison en enfer ne font pas partie de ce recueil1. Un autre recueil parut en 1895 sous le titre Poésies complètes, avec une préface de Paul Verlaine (éd. Léon Vanier). Ce recueil comporte de même une majorité de poèmes de 1870-1871, et quelques poèmes de 1872, quoique différents ("Entends comme brame... " , "Patience / Bannières de mai" , "Jeune ménage" , "Mémoire" , "Est-elle almée ? ... " , "Fêtes de la faim"), mais aussi cinq poèmes issus des Illuminations, non publiés dans l'édition de 1886 et retrouvés ensuite par Charles de Sivry2 ("Fairy" , "Guerre" , "Génie" , "Jeunesse" , "Solde"), tandis qu'un des poèmes à l'attribution douteuse a été conservé ("Poison perdu"). Ainsi, contrairement à ce que son titre suggère, ce recueil était loin d'être complet, même en s'en tenant aux poèmes d'ores et déjà répertoriés à sa parution. Parmi les poèmes de 1870-18713 connus et désormais regroupés sous le nom "Poésies" , manquent à Poésies complètes4 : "Ce qu'on dit au poète à propos de fleurs" , "Les douaniers" , "Les mains de Jeanne-Marie" (retrouvé en 1919), "Les soeurs de charité" , "L'étoile a pleuré rose" , "L'homme juste" . Manquent à Poésies : "Les étrennes des orphelins" , "Les corbeaux" .

02/2023

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Philosophie

Descartes et l'ordre politique. Critique cartésienne des fondements de la politique

À l’effondrement des régimes communistes a succédé le pullulement des nationalismes ethniques et religieux. Des uns aux autres les discours et les symboles ont changé, mais pas l’idée que les hommes, c’est-à-dire des individus, sont d’abord les membres d’un tout (État, parti, nation, ethnie, peuple, communauté religieuse). À ce défi idéologique, il n’est qu’une seule réponse à opposer : un individu n’appartient à personne. Les déterminations qu’il reçoit de l’extérieur (sa race, sa nation, sa religion), pour importantes qu’elles soient, ne tracent pas un cadre dans lequel il doit nécessairement s’inscrire. À tous revient la liberté primordiale de s’inclure dans une communauté ou dans un tout, ou de s’en séparer. C’est le grand enseignement de la critique de l’ordre politique à laquelle se livra Descartes. Critique en apparence paradoxale : si Descartes n’a écrit aucun traité de politique, c’est dans les textes touchant à la morale que se trouvent les deux principaux points d’appui pour résister au politique. C’est d’abord la critique des faux dévots, bigots et superstitieux, qui « sous ombre qu’ils vont souvent à l’église, qu’ils récitent forces prières, qu’ils portent les cheveux courts, qu’ils jeûnent, qu’ils donnent l’aumône, pensent être entièrement parfaits, et s’imaginent qu’ils sont si grands amis de Dieu qu’ils ne sauraient rien faire qui lui déplaise, et que tout ce que leur dicte leur passion est un bon zèle, bien qu’elle leur dicte quelquefois les plus grands crimes qui puissent être commis par des hommes, comme de trahir des villes, de tuer des princes, d’exterminer des peuples entiers, pour cela seul qu’ils ne suivent pas leurs opinions ». De ces lignes, plus actuelles que jamais, qui font du mélange de la politique et de la religion l’essence de la terreur, il résulte que toute conception du monde qui repose sur, ou qui implique une division entre deux catégories d’hommes (fidèles/infidèles ; amis/ennemis ; citoyens/étrangers) est génératrice de violence et de guerre. Les crimes les plus odieux et les plus fréquents dans l’histoire sont inspirés, commandés, justifiés par la politique. C’est ensuite l’idée qu’un individu peut, quelquefois, valoir plus que le collectif et que c’est à lui de le déterminer : « Et il faut toujours préférer les intérêts du tout, dont on est partie, à ceux de sa personne en particulier ; toutefois avec mesure et discrétion, car on aurait tort de s’exposer à un grand mal, pour procurer seulement un petit bien à ses parents ou à son pays ; et si un homme vaut plus, lui seul, que tout le reste de sa ville, il n’aurait pas raison de se vouloir perdre pour la sauver ». Ces deux points sur lesquels on peut édifier une politique cartésienne ne sont pas séparables : la politique, trop liée à la contingence, aux individus, aux époques, ne peut être une science et aucune de ses propositions ne peut être appliquée invariablement — la sagesse et la raison consistant à savoir juger selon les cas. C’est le jugement de chacun et non la règle, la consigne, le commandement, qui remplit l’office de la raison dans le domaine des choses humaines, des actions et des événements. Cette restitution de la pensée cartésienne, confrontée à celles de Pascal, de Hobbes, de Spinoza ou de Rousseau, ne vise pas à construire une théorie politique là où il n’y en a pas, mais à dégager la sortie de la logique qui fait de l’individu un simple élément du corps politique. Cela pourrait s’appeler l’actualité de Descartes.

09/2012

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Histoire de la peinture

Traité de peinture. Tome 2, Lexique et diagramme

"Dans le Lexique, [les mots] s'agitent à la façon des puces dans les poils du chien et sautent de-ci de-là, parfois bonds immenses, parfois d'un poil à l'autre. Ils tissent alors des fraternités étranges que Lucrèce trouvait condamnables parce qu'elles produisent des monstres comme dans les images où une tête humaine vient à se souder à un corps de taureau. Varron plongea sa vie dans cette marmite grouillante et instable et, malgré le soin qu'il prit à rationaliser en introduisant des règlements exportés de la grammaire, rien n'y fit ; ceci sautait à cela. Le Lexique que je propose est donc de cette espèce : il fait cause commune au mouvement des images et peut, modeste, s'attarder sur un détail ou, vaniteux, aller au-devant des plus grandes monstruosités, tout comme Lucrèce qui, tout en disant "cela ne se peut" , laisse aller son imagination à des combinaisons de corps ou de végétaux qui n'auraient pas déplu à Ovide". (Christian Bonnefoi) Second tome du Traité de peinture, ce Lexique des termes de la peinture est composé comme un roman lexical. Renouant avec la tradition des traités de la Renaissance, Bonnefoi prolonge l'action de la peinture et son savoir muet, sa technè, dans le médium du langage. Les rubriques classées par ordre alphabétique et appelées à s'enrichir virtuellement se développent dans des registres d'écriture variés passant de l'élaboration conceptuelle d'un terme à son inscription dans une histoire des techniques de la peinture ou à sa reprise poétique. Ainsi en est-il par exemple des notions de "détail" , "condensation" , "effacement" , "mode d'exposition" , "seuil" , "verso" ou encore du "collage" parmi une centaine d'autres termes du Lexique. Véritable "dispositif" , qui constitue avec le "Tableau" et le "Remake" l'un des trois modes techniques de la pratique de Bonnefoi, le "Collage" se développe dans une réflexion sur l'épaisseur du plan, la profondeur d'une réserve qui remonte à la surface picturale et la déborde, comme les souvenirs de la mémoire involontaire ou les "avant-corps" qui se détachent du "tableau" , tels les simulacres de Lucrèce. Comme l'écrit Bonnefoi, le collage n'est pas réductible à cette invention technique des cubistes, "il signifie que la surface comme entité, héritée du Quattrocento, n'est plus apte à accueillir les nouvelles formes, qu'il faut la dupliquer, voire la démultiplier, développer son expansion aussi bien dans ses marges que dans son épaisseur et sa matérialité" . Ce précepte vaut du même coup pour la langue où "le mot qui va prendre en relais la pointe la plus avancée de la peinture ne s'en détache pas pour autant entièrement ; il en conserve la coloration qui est sa façon à elle, la peinture, d'exister au-delà de son lieu, c'est-à-dire dans la langue" . La correspondance épistolaire (avec Jean Louis Schefer, Gilles Hanus, Pascal Bacquè, Norbert Hillaire, Michel Guérin ou Dina Germanos Besson) s'invite dès lors elle aussi dans l'élaboration des notions, qui convoquent pêle-mêle l'événement biographique, l'instance de la critique historique, la rêverie, la recommandation adressée au peintre, ou encore la description fine de ses opérations. Empruntées à la philosophie (l'accroissement du réel de Bergson), à la poésie (le calme bloc de Mallarmé), ou au roman (le Pays de l'Obscur de Proust) ou encore construites depuis l'expérience du peintre (comme ce que Bonnefoi nomme la division de la division), les notions du Lexique s'étoffent et densifient la constellation des relations qu'elles entretiennent entre eux au fil d'une lecture ouverte sur un labyrinthe des circulations possibles. Ce second volume du Traité comporte, en première partie, une introduction au Diagramme, qui est une mise en espace et une stratification de l'oeuvre de Bonnefoi.

11/2023

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Livres-jeux

Mission EuGénia. Une enquête à énigmes pour explorer les grandes découvertes mathématiques

"Mission EuGénia" : c'est une exploration de notions mathématiques essentielles à travers 16 énigmes à résoudre. Un livre ludique avec une roue à tourner pour trouver la solution, et un voyage dans le temps pour mener l'enquête. Depuis son ordinateur, EuGénia, une intelligence artificielle, mémorise l'histoire des grandes découvertes scientifiques. Elle est aidée par les Gardiens qui veillent sur elle, mais un bug a coincé Mathéo, le responsable de la section mathématiques. Il a disparu. A nous, lecteurs, de le retrouver ! Un voyage dans le temps et dans l'espace L'horloge temporelle, en fin d'ouvrage, va nous permettre d'explorer 16 grandes scènes liées à 16 dates importantes dans l'histoire des mathématiques : de - 4000 av. J. -C. en Mésopotamie pour finir en 1089 en Italie, où s'est perdu le Gardien ; on s'arrête entretemps à Pise en 1198, Guizeh en - 600, Alexandrie en - 270, Ogaki (Japon) en 1865, Ujjain (Inde) en 628, au Massachusetts en 1968, à Babylone en - 1750, Arles en 100, Rouen en 1643, Crotone en -490, Paris en 1177, Brest en 1975, Florence en 1415, Glostrup (Danemark) en 1962. Au fil de la lecture, nous allons déambuler en Mésopotamie, à Babylone, dans la Rome antique, en Italie de la Renaissance, en Inde et au Japon, rencontrer des pythagoriciens et des bâtisseurs de cathédrales, échanger avec Archimède, avec Thalès et même Blaise Pascal, visiter une fabrique de ballons de foot et monter dans un simulateur de vol ou pique-niquer sur les falaises bretonnes. Et pour synthétiser ce grand voyage, une frise chronologique récapitule, en fin d'ouvrage, toutes les dates abordées. Une découverte de grands concepts mathématiques Ce livre mêle donc savoir et jeu d'enquête. Sur chaque double page, le lecteur doit résoudre une énigme en lien avec des infos documentaires pour poursuivre sa quête : infos sur les dates et les personnages cités, explications sur les notions mathématiques abordées. Il doit aussi manier des chiffres et faire appel à son sens de l'observation. Ainsi, il va se frotter à l'étude de la symétrie des frises, à la découverte des nombres babyloniens, à la mesure de la pyramide de Khéops avec son ombre, à la représentation géométrique des nombres, aux probabilités, aux différents rôles du zéro, au système de mesure des bâtisseurs de cathédrales, aux suites exponentielles, à l'application du nombre d'or en peinture, à l'ancêtre de la machine à calculer, aux relations entre cercle, carré et triangle dans les sangaku, à l'utilisation du solide de Platon dans un ballon de foot, aux algorithmes, aux objets fractals et au flocon de von Koch... pour finir avec le chiffre magique. Une lecture ludique et joyeuse Comment ne pas être intimidé par les mathématiques ? Cet ouvrage vise à montrer qu'il peut être amusant de manipuler les nombres, de chercher des indices, de faire fonctionner son sens de l'observation, d'utiliser sa logique pour résoudre un problème et trouver la clé de l'énigme. Pour avancer dans le récit à la recherche de Mathéo, le lecteur doit donc répondre à une question en bas de chaque double page contenant une grande illustration : "vrai" ou "faux" sont les deux seules options possibles pour faire tourner la roue nichée dans un rabat (en dernière page). Et c'est grâce à ce système que la circulation dans le livre est possible. La lecture n'est pas linéaire mais faite d'allers-retours dynamiques et immersifs. Peu à peu, le lecteur se rendra compte que les maths sont plus proches de lui qu'il n'y paraît : dans la décoration des fresques, dans le jeu de dés, dans la fabrication du ballon de foot, dans la reproduction des lapins... Et que leur maniement peut être amusant. Un ouvrage pour les récalcitrants et les passionnés... et tous ceux qui aiment réfléchir.

03/2024

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SES (Sciences économiques et s

Objectif Bac 2024 - Term Spécialités Sciences éco Toutes les Matières

Tout le programme des enseignements communs et des enseignements de spécialité (Maths, SES, Hist-géopolitique-Science politique). Plus de 120 exercices, et tous les corrigés, pour s'entraîner en maths. Des sujets de bac corrigés pour les spécialités et la philosophie. Le descriptif détaillé des épreuves et des conseils indispensables.

07/2023

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Littérature française

Sergio le Sicilien

Ce roman est l'histoire de Sergio, mon copain d'enfance, venu comme moi s'enraciner en France parce que certains événements en avaient voulu ainsi. Malgré l'amour de sa famille et l'amitié de notre petite bande, il n'a jamais su conduire sa vie comme il l'aurait pu. Il avait presque tout pour réussir, ce petit presque lui a cruellement manqué. Sa vie s'est terminée un jour sur les trottoirs lyonnais. J'ai voulu écrire ce livre à la première personne, parce que l'hommage rendu à Serge n'aurait pas eu, sinon, la même charge affective. En composant ces pages, je me suis mis dans la peau du personnage, comme un acteur dans un film ou dans une pièce de théâtre. Dans ce récit je suis Sergio, Sergio le Sicilien. Bien entendu cet ouvrage est un roman, les personnages sont tous fictifs. Toute ressemblance avec des personnages existants ou ayant existé ne serait que pure coïncidence. A moins que certains pans de ma vie et de mon vécu ne se soient glissés dans ce récit. Et que, finalement, certains des personnages décrits dans cet ouvrage ont peut-être existé. Ont sans doute existé. Comme Sylvie, ma fille, ma chérie, et sa trop courte histoire, comme Colette et Monique, mes premiers amours, Colette décédée prématurément de maladie il y a quelques années, avant que je ne retrouve sa trace, Monique qui a mis fin à ses jours du haut des Galeries Lafayette à Lyon. Colette et Monique c'est du vécu. Depuis j'ai retrouvé les deux enfants de Monique, Natacha et son frère, la maman de Colette et Monique, le mari de Colette, Jacques Morel, que j'ai retrouvé à Lyon et que je revois souvent. Nous avons d'ailleurs effectué un pèlerinage avec Jacques et les enfants de Monique dans cette fameuse rue du Plat à Lyon. J'ai regretté à ce moment-là l'absence de Colette. Du vécu comme cette bande de franco-siciliens avec J. Claude Prat, dit Kiki, J. Claude Faivre, Marcel Treffort, Daniel Romans, décédé prématurément, Marie-Madeleine Merlin, ma conscrite, Michélino, Michou ? . Ma bande de copains. Je relate aussi la période avec mon ex épouse, Chantal, Pascale dans cet ouvrage, une mauvaise expérience, un mauvais souvenir. Oui, cet ouvrage est un mélange de fiction et de vécu. C'est bien une histoire sur un copain disparu, un copain décédé dans la solitude, que je voulais raconter ? Mais au fil des lignes mon vécu est venu s'intégrer dans cet ouvrage. Pourquoi ? J'en avais sans doute besoin car depuis le décès de Sylvie, ma fille, je ne vis pas bien, je n'ai pas encore fait mon deuil. Suis-je soulagé? Non. Le décès d'un enfant ne s'efface pas, Sylvie est toujours près de moi, je la vois grandir, elle a 52 ans le 19 juin 2020. Mais elle n'est plus là pour souffler les bougies... Je vous souhaite une bonne lecture.

08/2020

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Beaux arts

Pérégrinations. Paysages entre nature et histoire

Cet ouvrage a reçu 3 prix consécutifs : le Prix de l'Académie ds Beaux-Arts-Prix Bernier 2018, le Prix Vitale et Arnold Blokh 2018 et le Prix Pierre Daix 2018. Le paysage n'existe que dans l'oeil de celui qui le regarde. Il faut donc suivre les pas de l'homme en marche si l'on veut comprendre comment notre rapport au monde et à l'histoire se dessine : par la confrontation de l'individu et de la nature. Car le paysage, c'est la nature éprouvée : nature traversée, nature possédée, nature sublimée, nature terrifiante, nature qui échappe à qui tente de la conquérir. L'artiste qui s'adonne au genre du paysage nous offre bien plus qu'une simple représentation de morceaux de nature. Il se fait archéologue, scrutant comme dans un livre le sol où affleure la mémoire de l'histoire humaine, sous forme de traces. Ecrire l'histoire du paysage à l'époque contemporaine c'est aussi faire le constat d'une relève : celle qui voit, à partir du début du XIXe siècle, la peinture de paysage se substituer progressivement à la peinture d'histoire afin de porter le grand récit de l'humanité dans ses tentatives de connaître et de façonner le monde. Un genre s'épuise, un autre s'épanouit afin d'explorer d'autres formes de représentation, et d'interrogations. Lorsque le sculpteur français David d'Angers, contemplant La Mer de Glace dans l'atelier de Caspar David Friedrich, à Dresde, dit que le peintre est l'inventeur d'un genre nouveau, "la tragédie du paysage" , c'est cela qu'il désigne. Cette manière, qui va traverser toute la période contemporaine, de faire du paysage le lieu de l'enfouissement et de l'émergence de l'histoire. Parce que l'histoire devient un présent qui saute à la gorge - révolutions, guerres, massacres, génocides -, les artistes se tournent de façon privilégiée vers le paysage comme une forme capable d'accueillir l'innommable en son sein et d'exprimer ce qui aveugle, terrifie, ou fascine. Peintres, dessinateurs, photographes, de Goya à Sophie Ristelhueber, d'Otto Dix à Zoran Music et Anselm Kiefer, vont s'affronter au paysage comme à ce lieu où peut se manifester l'inquiétude de l'homme face à l'histoire. Mais aussi son désir, ses croyances, et sa liberté. Ce sont les étapes de cette aventure de l'homme au monde que nous suivons dans cet ouvrage : paysages de ruines, paysages en guerre, paysages où l'on foule une histoire oscillant entre affleurement et invisibilité, paysages qui nous confrontent à l'indifférence du monde, sont quelques-uns des thèmes qui racontent les pérégrinations inquiètes de l'homme contemporain marchant dans le monde à la recherche de sa propre trace. C'est enfin une méditation personnelle sur la nécessité qu'éprouvent tant d'artistes, aujourd'hui, d'avoir recours au paysage pour affronter ce que le XX° siècle nous a légué de plus terrible : l'anéantissement sans traces. Le paysage s'impose comme l'une des formes majeures, pudique et émouvante, de l'histoire contemporaine.

11/2017

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Littérature française

L'héritage humain

Quand on parle d’héritage, quelle définition de ce mot nous vient en premier ? Prendre possession des biens accumulés par un proche, un parent après son décès, ou quelqu’un qui vous désigne comme bénéficiaire par testament. Quand on parle de « l’humain », c’est évoquer une qualité propre à « l’esprit d’humanité » que n’a pas l’animal et qui, contrairement à ce dernier, conscient de lui-même et du monde dans lequel il vit, peut agir et s’organiser étant ainsi « acteur » de sa propre évolution. Un héritage, quand il est humain, n’a plus vraiment de rapport avec les biens matériels : c’est « voyager dans le temps et l’histoire de la pensée humaine », refaire tout le chemin qu’elle a parcouru pendant des siècles pour aboutir à ce qu’elle est aujourd’hui. Il y a enfin dans le choix de ce titre un autre message, celui de devoir réveiller en nous « la mémoire ». Un peuple, un individu qui perd sa mémoire n’a plus d’identité... ne sommes-nous pas en train de la perdre ? « Ce sont les hommes qui font l’histoire », nous a dit Karl Marx. « Ceux qui vivent , ce sont ceux qui luttent », nous a dit Victor Hugo dans « Les châtiments ».Vérités absolues. Comme le précise l’auteur de cet ouvrage ; « ce livre n’est pas vraiment le mien. C’est aussi celui de tous ceux qui, avant moi, bien meilleurs écrivains, journalistes, philosophes ont écrit de nombreuses pages sur l’histoire de l’humanité » . Tel est donc son objectif : réunir dans cet ouvrage les principaux textes fondateurs de l’« esprit humain », où ont été révélés les plus belles réussites collectives de l’histoire, et exposés les points de vue les plus pertinents sur l’évolution nécessaire de la pensée de l’homme qui « doit continuellement se mesurer à tout ce que la société lui fait subir ».Sans les luttes et les interventions de ceux qui ont agi ou se sont exprimés pour faire entendre leur droit, exiger plus de liberté et d’égalité, il n’y aurait jamais eu de progrès social.

C’est comme si l’auteur nous disait « réveillez-vous ! vous perdez la mémoire, la connaissance de votre passé est ce qu’il y a de plus fondamental pour comprendre le monde d’aujourd’hui ! ».

Alors ! Face à cette société dystopique de plus en plus pressentie, n’est-il pas encore temps de réagir, de nous faire revisiter cette littérature qui nous avait si profondément enrichi et nourri notre esprit d’humanité : « les origines chrétiennes du communisme » par Gérard Walter, « les bases de la philosophie marxiste » et « la dialectique de la nature » de Friedrich Engels, « l’organisation sociale exemplaire des indiens d’Amérique », « la désobéissance civile » d’Henri-David Thoreau, « une action possible sur l’histoire » de Julian Huxley, « naître à son humanité » de l’ethnologue Henri Laborit, et enfin une « lutte continuelle » de l’immense philosophe Krishnamurti. Autant de thèmes qui pourraient susciter de nombreux débats sur l’avenir de l’humanité, mais qui ne semblent pas être prioritaires sur les bancs des écoles et partout ailleurs, dans les médias officiels.

01/2022

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Autres

Philosophie N° 150, juin 2021

La conférence d'Emil Lask "Hegel dans son rapport à la conception du monde des Lumières", traduire et présentée par Emmanuel Chaput, clarifie le rapport ambivalent que Hegel entretint avec les Lumières. Pour Lask, l'idéalisme allemand (dont Hegel fait aussi partie) est l'héritier des Lumières, pour lesquelles la réalité donnée doit être subordonnée à une valeur rationnelle absolue, mais à la différence de Kant et Fichte, Hegel refuse de penser cette valeur comme un simple devoir-être (Sollen) ou un idéal asymptotique. Lask dépeint ainsi Hegel comme un penseur non pas de la Restauration, mais de la valeur contre la simple norme ou le simple devoir-être. En faisant des monades les particuliers de base de son système, Leibniz propose une métaphysique concurrente, rivale de celle défendue par Strawson dans Individuals. Dans "P. F. Strawson et la critique des monades , Paul Rateau montre que les critiques soulevées par Strawson reposent sur deux interprétations contestables : l'assimilation de la notion complète de la substance individuelle à une description exhaustive en termes généraux, et la réduction de la monade à la conscience pure. B répond aussi au reproche qu'il adresse à Leibniz d'introduire des considérations extra-logiques dans son traitement de la question de l'individuation. Dans "Bergson et le schématisme cinématographique de l'intelligence", Arnaud Bouaniche élucide le rôle du cinéma dans le quatrième chapitre de L'Evolution créatrice de Bergson, à la lumière d'un rapprochement précis avec la doctrine kantienne du schématisme des concepts purs de l'entendement. Il dégage la thèse selon laquelle le cinéma n'est pas seulement pour Bergson une machine à produire de l'illusion (l'illusion du mouvement) mais cet "art caché", désormais rendu visible, qui commande notre connaissance spontanée du réel. Dans "Levinas : la sensibilité ou la vie de la raison", Paula Lorelle éclaire l'ambition lévinassienne d'un élargissement de la rationalité. Sous les termes de raison et de rationalité, il est aussi bien question d'une raison suspecte qui ne survit qu'en ant l'altérité, que d'une raison nouvelle qui s'ouvre en son épreuve. B s'agit dans Autrement qu'être de comprendre cette autre rationalité comme une raison sensible, décrite en termes d'éveil dans Entre nous et De Dieu qui vient d l'idée ; l'équivocité du terme raison désigne les deux moments d'un seul et même procès d'endormissement et d'éveil de la raison. Dans "Texte de l'espace — espace du texte", Ai Maeda détermine l'expérience spatiale propre à la littérature à partir d'une analyse phénoménologique de l'acte de lecture, qu'il reformule ensuite selon les axiomes de la topologie, et il replace son analyse de l'espace vécu au sein de la représentation littéraire de la spatialité concrète qu'est l'espace urbain moderne. Ce faisant, sa démarche théorique se double d'une critique culturelle de la modernité japonaise. On peut ainsi lire la spatialité pensée par Maeda comme l'une des premières réponses, de la part de la pensée critique contemporaine japonaise, au basée de Kitarô Nishida et des philosophes de l'école de Kyôto. D. P.

06/2021