Recherche

Atelier Esope

Extraits

ActuaLitté

Romans historiques

La terre des Guaranis

Ce roman historique évoque l'épopée et la tragédie des Guaranis au XVIIIe siècle, à l'époque des reducciones jésuites en Amérique du Sud. On sait que ces missions jésuites auprès des Indiens guaranis ont duré près de 150 ans, de 1609 à 1768. Les terres des Guaranis s'étendaient sur une surface immense, correspondant, en termes actuels, au nord de l'Uruguay, au sud-est du Paraguay et traversant le Brésil et l'Argentine. Le fonctionnement des " réductions " était tout à fait particulier. Toutes bâties sur le même plan - au centre du village se trouvaient l'église et un collège (l'enseignement pour les garçons et les filles était obligatoire pendant cinq ans), qu'entouraient des écoles d'artisanat et des ateliers - elles étaient gouvernées par un corregidor guarani, l'autorité spirituelle étant exercée par les deux jésuites - au maximum - qui vivaient dans chaque " réduction ". L'élevage et la culture du maté étaient les grandes ressources de ces communautés, où les Guaranis, qui s'étaient volontairement mis sous la souveraineté du Roi d'Espagne, vivaient libres, dispensés du servage. La Terre des Guaranis nous fait revivre, à partir de 1740, la vie d'une de ces " réductions ", à l'époque de leur apogée puis de leur déclin. Les razzias des bandeirantes, esclavagistes portugais du Brésil, constituent une menace permanente. Les appétits des grandes puissances sont manifestes. Le traité signé en 1750 entre le marquis de Pombal et Ferdinand VI, au terme duquel l'Espagne cède au Portugal une grande partie du territoire des Missions, sonne le glas des " réductions ". La suppression de la Compagnie de Jésus aggrave la situation des Guaranis. Ils ne pourront résister longtemps aux armées espagnole et portugaise qui imposent l'application du traité. Mais l'idéal des " réductions " n'est pas pour autant effacé des terres ni des cœurs des Guaranis, qui semblent pourtant condamnés à retourner à l'état nomade. Eugenio Corti a peint ici une superbe fresque historique sur trois générations, nous faisant suivre les vicissitudes d'une communauté qui ne plie pas devant la violence de l'Histoire, et a créé des personnages inoubliables. La peinture de la vie quotidienne de la " réduction " et des éternelles passions des hommes, alternent avec d'admirables descriptions de scènes de batailles, de la forêt, de voyage vers les grandes villes, où parviennent, tamisés, les échos des événements qui sont en train de bouleverser l'Europe. Dans ce roman, l'auteur du Cheval rouge use d'une technique narrative inédite, d'une grande efficacité, qui situe le lecteur à la fois au cœur des événements et de la création littéraire, le plongeant dans une atmosphère captivante qui constitue sa signature.

10/2008

ActuaLitté

Beaux arts

Le livre des peintres. Vies des peintres des Pays-Bas et de l'Allemagne

En 1573, le jeune peintre Karel van Mander quitte les Flandres pour l'Italie, voyage qu'accomplissent nombre de ses compatriotes à cette époque, notamment en raison des troubles politiques et religieux. A Florence, à Rome, Van Mander fréquente les ateliers, rencontre les maîtres italiens ou flamands, se passionne pour le Titien, toujours vivant, mais s'intéresse aussi à la culture humaniste et à la littérature. Il découvre ainsi les livres de Vasari, les Vies des plus excellents peintres, sculpteurs, etc., qui ont valu la gloire à son auteur. Bientôt lui vient l'idée d'entreprendre à son tour un travail semblable sur les artistes du Nord, pour lesquels il n'existe aucun équivalent. Il faudra toutefois de longues années avant que le projet ne se réalise. Van Mander, de retour dans son pays, doit se réfugier aux Pays-Bas - il est catholique -, et reprend son métier, peignant dans le style maniériste à la mode. Il écrit également sur l'art antique, sur les peintres italiens modernes. Mais c'est par un livre majeur qu'il reste dans les mémoires : ses Vies des peintres des Pays-Bas et de l'Allemagne, publiées à Haarlem en 1604, qui lui ont apporté une renommée bien plus grande que n'aurait pu le faire sa peinture - ce qui fut aussi le cas pour Vasari. Et à l'exemple de Vasari, Van Mander compose son ouvrage en deux parties : une longue évocation des maîtres du passé, suivie d'une présentation de l'oeuvre de ses contemporains, toujours vivants, toujours actifs. Des années de recherches lui ont été nécessaires pour rédiger les biographies de peintres dont certains se sont effacés des mémoires, tandis que d'autres ont éclairé leur époque de leur génie, les Van Eyck, Hugo van der Goes, Dürer, Bosch, Holbein ou Brueghel. L'ouvrage est donc une réponse patriotique à un Vasari affirmant la suprématie de la Renaissance italienne sur les autres écoles européennes. Car Van Mander souhaite démontrer que les peintres allemands, hollandais et - surtout - flamands, remarquables dès les "primitifs" du xve siècle, par leur technique étonnante et leur maîtrise inégalable du portrait ou du paysage, n'ont fait que revivifier leur art au contact des antiquités italiennes et des maîtres modernes de la péninsule. La seconde partie constitue un intéressant document sur les conditions de vie des peintres de son époque, comme Goltzius ou Spranger, confrontés aux querelles religieuses et à l'iconoclasme. Dans les derniers chapitres se dégagent quelques-uns des traits caractéristiques de la peinture flamande et hollandaise du XVIIe siècle : le goût pour les portraits, collectifs notamment, le paysage et les marines, la scène de genre, parfait reflet du souci nordique de vérité.

02/2017

ActuaLitté

Réseaux informatiques

Windows Server 2022. Les bases indispensables pour administrer et configurer votre serveur

Ce livre sur Windows Server 2022 est destiné aux administrateurs système ou aux techniciens en informatique qui souhaitent se former sur cette version du système d'exploitation serveur de Microsoft ou mettre à jour leurs connaissances par rapport aux anciennes versions. Il est composé de parties théoriques toujours complétées de parties pratiques permettant de mettre en place les solutions étudiées. Après avoir bien identifié les différents rôles et les fonctionnalités offertes par le système d'exploitation, l'auteur présente Hyper-V (la mémoire vive, les différents types de disques, les snapshots...) puis le redimensionnement d'un fichier vhd, et enfin les nouveautés en termes de sécurité. Cet apport théorique permet la création d'une maquette (ou bac à sable) composée de machines virtuelles exécutant Windows Server 2022 et Windows 10. L'auteur présente ensuite les services Active Directory afin de permettre aux personnes débutantes d'appréhender le vocabulaire utilisé pour Active Directory. Les sites AD, la réplication, le catalogue global sont autant de paramètres étudiés. Le lecteur réalisera la promotion d'un serveur en tant que contrôleur de domaine et en tant que RODC (Read Only Domain Controller) et découvrira le clonage d'un contrôleur de domaine virtuel ou encore Azure AD et le fonctionnement de Azure AD Join. La console Gestionnaire de serveur et certaines de ses fonctionnalités, les containers, la mise en place de Windows Admin Center, ainsi que les objets Active Directory comme la corbeille AD sont également expliqués. L'aspect sécurité est également traité avec la mise en place de BitLocker ainsi que de l'outil PingCastle. Dans les chapitres qui suivent, les services DHCP sont traités (haute disponibilité, administration à l'aide de PowerShell...), ainsi que les services réseau, l'implémentation d'un serveur DNS et d'un serveur de fichiers ou encore la mise en place d'un espace de noms DFS. La mise en place d'une autorité de certification racine et intermédiaire est étudiée. Enfin, les derniers chapitres auront pour sujet la mise en place, la gestion et le dépannage des stratégies de groupe, la mise en place d'une stratégie de mot de passe affinée, la mise en place d'un serveur de déploiement (capture des données d'une partition ou création d'un fichier de réponse), l'installation d'un serveur WSUS ainsi que les outils permettant la gestion et la surveillance du serveur et la présentation du langage PowerShell. La sécurisation des DNS à l'aide de la fonctionnalité DNS Over HTTPS, nouveauté de Windows Server 2022, est également abordée. L'auteur aborde également la gestion des serveurs OnPrem avec Azure ARC. Tout au long de ce livre sur Windows Server, l'auteur a mis l'accent sur PowerShell : plusieurs ateliers sont réalisés uniquement en PowerShell. Des éléments complémentaires sont en téléchargement sur le site www. editions-eni. fr.

11/2022

ActuaLitté

Montagne

Effondrement des Alpes. 1er journal

L'ESAAA (Ecole supérieure d'art Annecy Alpes) et le CPG (Centre de la photographie Genève) ont mis en place en 2018 une plateforme collective de recherche et de création : "Effondrement des Alpes" . Avec des scientifiques et de multiples concerné·e·s, des artistes observent la morphologie des paysages, décrivent ce qui s'effondre et agencent des savoirs pour accompagner les modifications en cours. Ils et elles expérimentent, produisent des formes et des situations, et contribuent à la germination d'imaginaires disponibles pour vivre dans le nouveau monde qui apparaît peu à peu : des imaginaires pour quand la montagne ne sera plus blanche, mais verte. Pour quand elle ne sera plus un refuge, mais un lieu instable, incertain. Quand elle ne sera plus fraiche, généreuse réserve d'eau de l'Europe, mais asséchée, tropicalisée par ses orages... Car en effet, la montagne est de nouveau vivante, mouvante, comme accélérée. Elle s'adresse à nous et demande de l'habiter, la cultiver, s'y déplacer et faire société d'ores et déjà autrement. Ce premier journal redistribue une partie des archives de la première année d'activité de la plateforme de recherche "Effondrement des Alpes" : des journées d'étude ont été menées et les communications qui s'y tinrent constituent une partie du corpus d'archives de ce journal. Ces rencontres permirent des échanges de documents, d'images et d'oeuvres pour parties consultables dans cette publication. Enfin, des expériences ou des ateliers eurent lieu sur des territoires alpins spécifiques, autour d'Annecy, mais aussi dans les Abruzzes, le Tessin, les Bauges, Embruns, Digne-les-Bains, et là encore, quelques-unes des formes qu'elles produisirent trouvent leur place dans cet ouvrage. Cependant ce premier journal est un objet dorénavant autonome et il appartient au lecteur ou à la lectrice de l'activer. Séparé du flux vivant et collectif qui lui fournit ses ingrédients, le premier journal a pour vocation de faire se combiner les informations, avec ce que chacun·e sait par ailleurs. Il n'y a pas de synthèse dans ce premier journal. Il est plutôt envisagé comme un ensemble d'objets chargés d'énergies, objets et ensemble avec lesquels il est proposé d'établir des relations. En 2021, avec le deuxième journal, sera partagé dans un essai ce que cette recherche collective aura imposé comme pensées, théories et actes. Puis, avec le troisième journal, dernière publication prévue pour conclure la recherche, et qui ressemblera davantage à un catalogue, ce seront les oeuvres produites dans le cadre du projet Effondrement des Alpes qui parleront : des objets complexes plutôt que des objets simples, des formes emmêlées car il n'y a rien qui ne soit emmêlé.

07/2020

ActuaLitté

Littérature française

Soldier

Emmett Williams (1925-2007) fut, entre 1966 et 1970, éditeur, avec Dick Higgins, de Something Else Press, d'où sortirent tant de livres d'artistes liés au mouvement Fluxus. Pionnier, dès les années 1950, de cette forme nouvelle de poésie qu'en référence à l'art concret on nomma " poésie concrète ", Emmett Williams rassembla en 1967 le premier recueil sur la production internationale, An Anthology of Concrete Poetry, publié simultanément en Europe par Hansjörg Mayer et aux États-Unis par Dick Higgins. Il la définit dans l'introduction comme une poésie " directe " qui " utilise les éléments sémantiques, visuels et phonétiques du langage comme matériaux bruts ". En opposition à la poésie traditionnelle d'expression subjective, cette poésie cherche à réduire ses moyens au minimum et privilégie les procédés de composition systématiques, fondés sur la répétition, la permutation et un développement mécanique, réglé par un protocole préétabli. En 1973, Emmett Williams publie - toujours chez Something Else Press et chez Hansjörg Mayer - quatre longs poèmes autonomes, dont SOLDIER, composés l'année précédente au California Institute of the Arts et réunis en un seul volume sous le titre A Valentine for Noël. Le livre est en effet dédié, à l'occasion de la Saint-Valentin, à sa jeune femme enceinte, Ann Noël, rencontrée en 1968 quand elle fut engagée pour un an comme assistante de Dick Higgins, et qui, en tant que directrice des ateliers de graphisme au CalArts, a aidé l'artiste à surmonter les difficultés techniques du passage des poèmes manuscrits aux poèmes imprimés. Emmett Williams a précisé plus tard : " Mon premier poème de "soldats mourant" remonte à 1970, au cours de la guerre du Vietnam. " Cette première version de SOLDIER est une planche sérigraphiée en rouge et bleu. Il est évident que la version ultérieure - une suite de 40 feuillets au fil desquels le lecteur voit les trois lettres rouges du mot DIE (mourir) gagner une ligne à chaque fois - est visuellement plus frappante et politiquement plus efficace : par le moyen le plus simple, elle rend typographiquement visible la progression inexorable de la mort dans la colonne de soldats. Pour cette réédition, il a paru tout aussi évident que la publication du poème en un volume séparé permettait de lui restituer son fonctionnement implicite de flip book. La dimension de jeu, présente dans toutes les œuvres d'Emmett Williams, semble ici s'être réfugiée dans la forme enfantine de ces livres animés, conçus pour donner l'impression d'un mouvement continu : loin de contredire le tragique du sujet, la forme du flip book est mise au service de la protestation contre la guerre comme machine à tuer. Un flip book pour adultes, toujours d'actualité.

06/2014

ActuaLitté

Histoire de l'art

Le Beau, l'Art Brut et le Marchand. Jean-Pierre Ritsch-Fisch, le passeur du jamais-vu

Un océan sépare beauté esthétique et originalité absolue. Surgi des profondeurs, le jamais-vu est associé à des formes troublantes lesquelles, en bouleversant nos repères, ébranlent également nos certitudes. De l'ordre de l'apparition, cet inconnu traduit une altérité sans égale, aux antipodes des conventions et des goûts partagés par le grand nombre. A mesure que la société industrielle s'étendait en Europe, en parallèle de l'intérêt croissant des avant-gardes pour les arts primitifs, naïfs et les dessins d'enfants, les productions d'aliénés, de détenus, d'autodidactes isolés ou de spirites retinrent peu à peu l'attention de diplômés de la Faculté, auxquels se joignirent quelques fins traducteurs de l'âme humaine, artistes et poètes. Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, le plasticien Jean Dubuffet appela "Art Brut" ces floraisons détonantes. En les distinguant au sein d'une collection qu'il constitua et enrichit au fil du temps, il entendait les protéger et à la fois les soustraire à un monde culturel mimétique, ainsi qu'au marché de l'art. Depuis, l'Art Brut, y compris sous d'autres appellations, a essaimé sur tous les continents. La famille que composent ses créateurs déconcertants, voire perturbants et sans lien entre eux, s'est élargie aux handicapés et aux personnes d'âge. Avec plus ou moins de réussite, des ateliers créatifs ont ouvert leurs portes à leur intention. Cousins et alliés s'inspirent de leurs réalisations, y puisent l'énergie nécessaire à l'affirmation de leur propre voie, quand ils ne subissent pas bonnement leur influence. Certaines collections privées leur accordent une place de choix. Des musées acquièrent et exposent leurs travaux, lesquels trouvent aussi place dans de grands salons internationaux. Plusieurs galeries en Europe et aux Etats-Unis en ont fait leur spécialité. C'est à Strasbourg, à l'intersection des routes, là où La Nef des fous trouva un port d'attache, que l'une d'entre elles a vu le jour. Au milieu des années 1990, Jean-Pierre Ritsch-Fisch, son fondateur, a été conduit à fermer l'entreprise familiale de fourrure. Un retour à ses amours d'adolescence : le monde de l'art et ses sensations fortes, s'impose à lui. Commence alors sa quête de l'impossible : dénicher des oeuvres d'originaux, de marginaux ou encore de figures historiques de l'Art Brut, et appliquer dans ses choix la même exigence qu'il s'imposait, jeune encore, pour sa collection première consacrée à la Figuration narrative. Puis, il largue les amarres et part à la rencontre des publics européens et américains. Débutant à la manière d'un conte, s'apparentant ensuite, tantôt à un roman d'aventures, tantôt à une enquête, Le Beau, L'Art Brut et le Marchand relate ce périple singulier.

10/2022

ActuaLitté

Techniques d'écriture

Ecrire c'est respirer

Une plongée réjouissante dans les secrets d'écriture de Susie Morgenstern ! Susie Morgenstern a publié plus de cent cinquante titres, dont de nombreux best-sellers primés et encensés par la critique. Dans ce livre, véritable hymne à l'écriture, l'autrice nous entraîne avec humour et poésie dans les coulisses de la création. Les grands (comme les plus jeunes) y trouveront leur bonheur grâce à des ateliers inspirants et des conseils qui donnent envie d'écrire ! " Ecrire c'est de l'archéologie intime. On fouille avec le stylo à la recherche de soi-même. On plonge dans les profondeurs d'une mer inconnue pour pêcher des poissons qui nagent à l'intérieur de nous. C'est la mine qu'on descend pour chercher l'or. C'est la cave à vieilles bouteilles de vin. C'est un chemin de pèlerinage, la chasse aux trésors, l'éternelle quête de soi-même. " L'autrice Née aux Etats-Unis, Susie Morgenstern vit à Nice où elle a enseigné l'anglais àla faculté de Sophia-Antipolis jusqu'en 2005. Avec fantaisie, poésie et humour, l'autrice aborde dans ses livres tous les thèmes qui gravitent autour de l'enfance et de l'adolescence. Parfois surnommée " la papesse de la littérature jeunesse ", elle a principalement publié à L'Ecole des Loisirs et ses livres sont traduits dans vingt langues. Parmi ses best-sellers : La Sixième ou encore Lettres d'amour de 0 à 10, titre qui a obtenu à lui seul une vingtaine de prix littéraires. Mes 18 exils, son autobiographie, a été unanimement saluée par la critique. Ce titre fait partie de la collection " SECRETS D'ECRITURE ", consacrée à l'art d'écrire L'ambition est de rassembler dans une collection référente les plus grands auteurs et autrices de la littérature contemporaine francophone et de dévoiler la fabrique de la création littéraire dans toute sa richesse. Récit intime retraçant le parcours de l'auteur, depuis la naissance de l'écriture jusqu'au succès, chaque livre, signé des plus grandes plumes d'aujourd'hui, est écrit et se lit comme un roman - preuve que l'aventure de l'écriture est aussi captivante que la fiction ! Si chaque récit raconte la page blanche, les doutes et le travail exigeant, il témoigne avant tout du plaisir à devenir et à être écrivain. On trouvera au fil des chapitres des illustrations, des passages en écriture manuscrite, des brouillons, des croquis représentant l'auteur au travail : ces documents personnels, souvent inédits, donnent à chaque ouvrage l'allure et la vitalité d'un carnet de création. " Secrets d'écriture ", c'est la promesse d'un voyage littéraire, une plongée au coeur du mystère de la création littéraire et des trésors de conseils au lecteur.

05/2022

ActuaLitté

Travail social

Parole donnée. Entraide et solidarité en Seine-Saint-Denis en temps de pandémie

Il faut lire ces pages avec ce trouble inquiet d'une contamination dont on ne savait presque rien. Qui a pu oublier ce 15 ? mars 2020, où tout fut soudain suspendu. L'état de panique où nous étions lorsqu'il a fallu fermer sa porte, pour un temps indéterminé, excepté l'heure d'autorisation de sortie. Qui parcourra ce livre sera saisi par cette soudaine sidération. Ces pages nous font part des peurs et des pleurs, de l'incompréhension et de la solitude, des malaises et des fatigues qui ont envahi la Seine-Saint-Denis. Elles nous parlent de ces moments d'impuissance et d'initiative spontanée, de désocialisation et de remarquables résistances. Elles recomposent le puzzle de la catastrophe sociale à partir des comptes rendus d'appel téléphonique, des mains courantes, des lettres demandant des secours, de l'observation des distributions alimentaires, des files d'attente devant les grandes surfaces ou la Poste, des solidarités... Plusieurs centaines d'agents du conseil départemental, le plus souvent des femmes, ces "appelantes volontaires" , ont engagé la conversation avec les plus vulnérables ? : comment se passe le confinement ? Qui prend de vos nouvelles ? Qui vous apporte des courses, vos médicaments ? Votre famille vous visite-t-elle ? Des voisins pourraient vous aider ? , etc. Les appels téléphoniques nous montrent les décrochages, à vif ? : les programmes sociaux en panne, les petites discriminations, la couverture sociale trop courte, les visites des soignants suspendues, la fracture numérique si invalidante, l'allocation qui n'arrive pas, les préjugés nationaux sur les langues d'usage... Ces appels visèrent à "? resserrer les mailles du ­filet ? " ? : prolonger un droit au-delà de la limite ? ; envoyer un secours ? ; ouvrir des lieux de distribution ­alimentaire ? ; offrir quelques conseils. Pour faire tenir un bout de la société. Les appelantes se souviennent : "J'ai appris à faire attention au bruit, dit l'une d'elles, pour savoir si un proche est là, voir s'il y a d'autres besoins". Monter plus haut la vigilance à la voix, au silence comme au cri. Sentir la menace et trouver les mots pour la dire. Chercher dans les bribes des récits des indices d'alarme qui pourraient ne pas se laisser voir. L'aide associative prend le relais des faiblesses de l'action publique. C'est la dépanneuse sur zone qui repère les vulnérabilités. En quatre semaines, les associations d'aide alimentaire sont submergées. Des cagnottes s'inventent, des ateliers de coutures fabriquent des masques... De l'éducateur à la bibliothécaire, du livreur au magasinier, de l'épicier du coin au stagiaire d'un service civique, on donne du temps, des bras, en équipe pour récupérer des dons auprès des grandes surfaces ou d'un maraîcher. Le constat de l'auteur résume une question simple : "Mais où était donc l'Etat social actif à la française ? "

01/2022

ActuaLitté

Faits de société

Ils travaillent au noir

Officiellement le travail au noir représente en France 5% du PIB, soit un manque à gagner d’une dizaine de milliards d’euros pour l’État. Officieusement, ce chiffre serait nettement supérieur, avoisinant les 10%. Qui n’a jamais travaillé au noir ou accepté qu’on travaille au noir pour lui ? Une pelouse à faire tondre, un enfant à garder, une tuyauterie à faire réparer ? Dès que cela nous paraît plus simple, économique et pratique, nous n’hésitons pas à franchir la frontière légale en oubliant, comme le rappelle la loi, que le travail dissimulé est une infraction passible d’amendes et de poursuites. Mais la réalité du travail au noir devient autrement plus complexe lorsque ce sont des entreprises qui ne déclarent pas leurs salariés ou lorsque, par contrainte plus que par choix, le travail au noir devient la seule façon de survivre pour certains. Une triste situation qui dépasse de loin l’idée reçue du simple petit boulot qui dépanne ou du service rendu. L’État a beau tenter de légiférer et durcir le ton, la réalité du travail au noir perdure. Pire, elle gagne du terrain et touche aujourd’hui de plus en plus de secteurs. "Ils ont été faciles à trouver et difficiles à faire parler", révèle Hubert Prolongeau au terme de son investigation. Parti sur le terrain pour rencontrer ceux pour qui le travail au noir est désormais synonyme de quotidien, le journaliste s’est d’abord confronté à un mur de silence. Le travail au noir, on le pratique mais on n’en parle pas. Motus. C’est finalement sous couvert d’anonymat que la plupart d’entre eux ont choisi de lever le voile sur leur vie professionnelle et accepté de raconter leur histoire. Toutes témoignent d’un quotidien difficile et d’une lutte constante pour se faire une place dans la société. Modeste a quitté le Rwanda et distribue des prospectus à Paris. Il a longtemps habité dans un squat. Singh, venu du Bangladesh, vend des petites tours Eiffel face à l’esplanade du Trocadéro. Mme Zhou, venue de Chine, travaille depuis plusieurs années dans les ateliers de confection à Aubervilliers. Tadesz, le Polonais, oeuvre sur les chantiers. Il est très apprécié car, en parfait autodidacte, il s’est formé à presque tous les métiers du bâtiment. Le travail est là mais tous sont précaires et fragilisés socialement. Pareil pour Marie, la nounou, Mme Carvalo, la concierge, Marie-Jeanne, l’ancienne corsetière de chez Lejaby, qui est devenue femme de ménage après son licenciement. Jusqu’à Philippe, un homme qui durant toute sa vie a travaillé au noir et qui fait ce constat accablant de ne pas "avoir évolué depuis ses trente ans". Sillonnant le pays, Hubert Prolongeau dresse le portrait singulier de cette France silencieuse. Comment en sont-ils arrivés là ? Peuvent-ils s’extraire de la logique pernicieuse ? Au travers des témoignages recueillis, on découvre des vies entières assujetties à la loi du silence et à l’usure de la précarité.

04/2013

ActuaLitté

Beaux arts

Machines de ville. Edition bilingue français-anglais

François Delaroziere, diplômé de l'Ecole des beaux-arts de Marseille, est le directeur artistique de la compagnie La Machine, dont les ateliers sont installés à Nantes et Tournefeuille. Depuis toujours, il explore l'univers de l'objet en mouvement et sa théàtralité, redessine les manèges et participe au développement de projets urbains. Constructeur de décors et d'inventions pour le théâtre de rue, il conçoit et dirige la fabrication, depuis plus de vingt ans, de grandes machines de spectacle. Parmi les plus emblématiques des pièces maîtresses de ces scénographies urbaines : le Géant, le Rhinocéros, le Petit Géant, les Girafes, la Petite Géante, le Grand Eléphant, les Araignées géantes... Il réalise de fascinants carrousels qui voyagent de ville en ville et font tourner les têtes, comme le Manège magique, le Beau Manège à Toulouse, le Manège d'Andréa, le Manège Carré Sénart et celui des Mondes marins. Il a aussi été scénographe associé pour la réhabilitation du Channel, Scène nationale de Calais. Il est l'auteur avec Pierre Orefice des Machines de l'île à Nantes. A La Roche-sur-Yon, il accompagne avec les Animaux de la place, le réaménagement de la place Napoléon mené par l'architecte Alexandre Chemetoff. Il crée à Toulouse la Halle de La Machine, une écurie de machines de spectacle notamment habitée par le Minotaure, et construit pour la ville de Calais : un Dragon des mers. Enfin, il continue de développer, avec sa compagnie, la création de spectacles dans les grandes villes du monde. François Delaroziere, a graduate of the Ecole des Beaux-Arts de Marseille, is the artistic director of the company La Machine, with workshops situated in Nantes and Tournefeuille. His work has always explored the world of moving objects and their theatricality, designing carousels and taking part in the development of urban projects. As a maker of sets and inventions for street theatre, he has been conceiving and overseeing the construction of large-scale theatre machines for over twenty years. Among the most iconic of the urban theatre performances are the Giant, the Rhinoceros, the Little Giants, the Giraffes, the Great Elephant, and the Giant Spiders. He is the figure behind wonderful carousels that turn heads as they travel from one town or city to the next, such as the Magic Roundabout, the Beau Manège in Toulouse, Andrea's Carousel, the Carré Sénart Square Carousel and the Marine Worlds Carousel. He was also the associate designer for the renovation of Le Channel, Scène Nationale de Calais. He is the creator, with Pierre Orefice, of Les Machines de l'lle in Nantes. In La Roche-sur-Yon, with Animals of the Square, he was part of architect Alexandre Chemetoff's renovation of Place Napoléon. In Toulouse he created La Machine's Hall, a stable of performance machines notably inhabited by the Minotaur, and he built a Sea Dragon for the city of Calais. He and his company continue to create performances in the world's great cities.

09/2020

ActuaLitté

Montagne

L'Alpe N° 88 : Refuges. De l'abri de fortune au tourisme d'altitude

Abri pour la nuit, havre de réconfort et de convivialité, les refuges alpins sont des lieux emblématiques de la moyenne et haute montagne. Des repères pour les alpinistes chevronnés comme pour les randonneurs d'un jour. Ce numéro accompagne l'exposition "Refuges alpins. De l'abri de fortune au tourisme d'altitude" que le public est invité à découvrir au Musée dauphinois à Grenoble du 4 juin 2020 au 21 juin 2021. Trouver un lieu où passer la nuit en sécurité, telle est la première fonction du refuge, celle-là même des hospices implantés sur les grands cols qui accueillaient les voyageurs au Moyen Age et les dérobaient au froid, à la neige et à la peur de la mort. Avec la naissance de l'alpinisme et la création des clubs alpins, l'arc alpin se couvre peu à peu de refuges de toutes tailles et de toutes sortes (cabanes non gardées, refuges " gardiennés ", " hôtels " d'altitude, etc.). Ces dernières années, nouveau bouleversement, les refuges se métamorphosent ici en ateliers culturels, là en observatoires du changement climatique, ailleurs en lieux touristiques, devenant même le but de certaines randonnées (et non plus seulement une étape). Ce sont toutes ces mutations que ce numéro de L'Alpe va examiner à la loupe. AU SOMMAIRE DE CE NUMERO DE PRINTEMPS : - De l'abri au tourisme Dans son exposition, le Musée dauphinois se penche sur l'histoire des refuges, réfléchit à leurs usages et à l'imaginaire qu'ils véhiculent. - Système débrouille Les cabanes de bergers, prisées aujourd'hui, n'ont longtemps été qu'un abri spartiate. - Un laboratoire architectural Depuis la fin du XVIIIe siècle, combien de structures ont été expérimentées pour abriter alpinistes et randonneurs ? - Des modèles de durabilité ? Comment construire un abri dans les conditions extrêmes de la haute montagne avec le moins d'impact sur l'environnement ? - (Ré)inventer l'inventaire ? L'Inventaire du patrimoine a lancé une campagne photographique atypique sur les refuges des Alpes françaises. - Un p'tit coin d'paradis Formidable, cet (autre) inventaire sur les... toilettes en montagne (! ) entrepris par le photographe suisse Marco Volken. - Chroniques des hauteurs Les livres d'or des refuges sont une source précieuse pour suivre l'évolution des pratiques. - Le casse-tête du casse-croûte Le refuge du col de la Vanoise accueille une centaine de visiteurs par jour. Une foule incertaine qu'il faut nourrir. - Gardienne du Temple (Ecrins) Marie Gardent est gardienne. Elle évoque son quotidien là-haut... - Portfolio : Uli Wiesmeier Quarante ans de photographie. Un regard respectueux et corrosif, lumineux et sombre. - La nouvelle vie des refuges Buts de randonnées, pôles culturels, échappatoires pour urbains en mal d'authenticité ou écoles de la montagne : quelles seront les fonctions des refuges demain ? - Brèves de refuges Guide, Claude Gardien a fréquenté les bat-flanc de centaines de refuges et y a glané des petites tranches de vie.

03/2020

ActuaLitté

Littérature étrangère

Un été sans les hommes

Lorsque, après trente ans de mariage, Boris prononce le tant redouté mot pause, Mia, poétesse en mal de reconnaissance, bascule dans la folie, le temps d’une fulgurante “bouffée délirante” qui lui vaut un torpide séjour en hôpital psychiatrique. Car cette pause recouvre une réalité douloureuse : elle s’incarne en la personne d’une jeune et fraîche neuroscientifique à la poitrine éloquente, collègue de Boris devenue sa maîtresse. Privée de la maîtrise des événements puisqu’elle subit l’infidélité de son mari et sa volonté de “faire une pause”, le coeur à vif, d’autant plus accablée que l’harmonie et l’amour avaient toujours régné dans leur couple, et incapable de rester un instant de plus dans un appartement imprégné de leur vie à deux, Mia quitte New York pour aller passer l’été dans son village natal du Minnesota profond, à deux pas de la maison de retraite où vit sa mère depuis la mort du père. Mia rejoint donc Bonden comme on part en convalescence. Cette coupure est l’occasion pour elle, au-delà du simple fait de s’éloigner de l’épicentre du tremblement de terre qui a ravagé sa vie, de se retrouver avec elle-même, de prendre le temps de la réflexion et, chose inattendue, d’aller de découverte en découverte. Ainsi fait-elle la connaissance de sa voisine, Lola, jeune mère de deux enfants fréquemment délaissée par un mari colérique et pour le moins instable, et lie avec elle une amitié sincère, née d’une solidarité féminine tacite et qui représente pour toutes deux autant d’occasions de dépasser leur peine, de rire et de se libérer. Un deuxième cercle féminin se dessine autour de Mia et des sept adolescentes inscrites à l’atelier de poésie qu’elle a accepté d’animer pendant l’été. Au fil des séances, ces jeunes filles, peu coutumières de l’exercice poétique et davantage préoccupées par les garçons, à l’heure des premiers émois amoureux, se mettent à jouer le jeu des mots et se livrent peu à peu, laissant entrevoir les classiques questionnements, conflits et rivalités de l’adolescence. Emue par ce qui ressemble fort à une persécution de l’une des filles du groupe par les six autres, Mia va tenter une forme de médiation par l’écrit, autour d’un jeu de rôles et d’écriture qui mènera chacune à repenser son attitude, sa place, et à s’interroger sur l’identité et l’altérité. A l’autre bout du fil de l’existence, Mia gravite dans la sphère du pétillant quintette d’octogénaires qui a pris ses quartiers à la maison de retraite de Bonden et dont fait bien entendu partie sa mère. Bien que menacées, comme toute personne âgée qui se respecte, par les chutes et l’Alzheimer, ces joyeuses veuves ont en commun une force de caractère qui les démarque des autres. Elles ont un regard différent sur la vie, elles sont libres, rayonnantes, savourent chaque instant et ont appris à vivre heureuses sans leur mari. Mia se régale de leurs histoires, resserre les liens avec sa mère et devient la confidente de la plus espiègle des cinq, Abigail, qui ira jusqu’à lui confier ses plus grands secrets. A un tournant de son existence, à la croisée des chemins, en observatrice attentive de tous les âges de la vie, Mia, nourrie de poésie et de philosophie, interroge son parcours de femme, pose un regard tantôt amusé tantôt amer sur son passé et se livre à une véritable introspection. Grâce à cette parenthèse féminine et féministe, Mia s’ouvre à une nouvelle vision des choses et se découvre. Un moment d’intimité avec ces femmes, articulé autour d’une réflexion dont l’érudition nourrit le plaisir que prendront toutes les générations à la lecture de ce roman solaire.

05/2011

ActuaLitté

Ecrits sur l'art

La folie du regard

Dans la première partie de cet essai, Laurent Jenny, à travers les images de l'art, s'intéresse aux turbulences du regard. La diversité de ces images révèle en effet que le regard est loin d'être une donnée naturelle, simple et commune. Chaque époque, chaque artiste et chaque medium redessinent une extension différente du visible, et remodèlent des usages dans le champ très vaste qui est celui du visible. Il y a loin des figures paléolithiques superposées émergeant pour quelques rares initiés d'une matrice minérale enveloppante et secrète - aux tableaux luxueux, surchargés de symboles savants et d'allusions aux pratiques sociales que constituent les peintures du Quattrocento. Tout comme les peintures éloquentes de l'âge classique s'opposent, par leur discours implicite, au type de contemplation muette appelé par les tableaux "silencieux" de l'âge moderne, de Manet à Morandi. Ce n'est d'ailleurs pas seulement la connivence du regard avec l'intelligible qui se transforme, mais aussi son appel aux autres sens, notamment le tactile, ainsi qu'en témoigne encore aujourd'hui une oeuvre comme celle de Giuseppe Penone, qui cherche passionnément à étendre la sensibilité optique à la surface entière de la peau. Les technologies de l'image ont aussi leur part dans cette constante redéfinition du voir. La photographie a ainsi délibérément réduit le point de vue au monoculaire et astreint le regard à un battement, non sans effets temporels. A l'inverse, les spectacles immersifs de l' "atelier des lumières" , veulent produire l'illusion que le champ du regard est à la fois mouvant, sans bords et infini jusque sous nos pieds. Cependant le pari que fait Laurent Jenny, qui est aussi celui de l'art, c'est que toutes ces images si diverses nous parlent et nous atteignent au-delà des significations qui ont été celles de leur temps et des intentions de leurs auteurs, au-delà même des circonscriptions de regard qui les régissaient. C'est précisément leur dimension énigmatique qui aiguise notre attention à elles et découvre dans notre propre regard des régions ignorées. Cela ne va pas sans déchirure de nos habitudes perceptives, ni retentissement émotionnel et éthique. Et ce sont ces chocs dont Laurent Jenny s'efforce de rendre compte dans la patience de l'écriture. La seconde partie de cet essai propose donc une déambulation libre et subjective à partir d'images énigmatiques et un approfondissement de leur étrangeté. Laurent Jenny s'y interroge ainsi sur le trouble que produit la facture porcelainée et cruelle des Judith de Cranach ou sur la dimension secrètement apocalyptique d'un tableau supposément aussi galant que "La fête à Rambouillet" de Fragonard. Il questionne l'anachronisme optique des oeuvres "qui ne sont pas de leurs temps" , comme les huiles italiennes de Valenciennes ou de Thomas Jones. Il se penche sur les horizons obstinément bouchés de Courbet, qui font refluer le regard vers la matérialité épaisse des surfaces. Il cherche à comprendre la puissance du monde graphique de Seurat dont les figures "absorbantes rayonnantes" semblent dotées d'une pesanteur nocturne et solitaire intimement liée au monde chromatique restreint du noir et blanc. Il relève les stratégies de Matisse pour domestiquer au-dedans l'espace effrayant du dehors. Dans Louons maintenant les grands hommes, il confronte la sécheresse des photographies de Walker Evans, illustrant la vie nue des petits blancs pauvres d'Alabama et la prose incandescente d'Agee comme deux traductions de la même expérience visible. Et enfin il retrace les tourments de Giacometti vivant une forme de "folie du regard" en essayant vainement de saisir le visage de son modèle japonais Yanaihara. En définitive, à travers ces réflexions et ce parcours dans les images de l'art, il s'agit pour Laurent Jenny de rouvrir le champ du regard à son extension variable, à ses connivences passagères et à son essentielle indétermination.

03/2023

ActuaLitté

Monographies

Les Gérard Cochet de La Piscine

En 2009, les descendants du peintre et graveur Gérard Cochet (1888-1969) faisaient don au musée de Roubaix de 102 oeuvres sur papier, préparatoires à des costumes ainsi qu'à des décors pour des spectacles lyriques donnés à l'Opéra-Comique. Ces dessins concernent plus spécifiquement trois oeuvres : Manon Lescaut de l'abbé Prévost et Jules Massenet (1938), Les Noces de Figaro de Mozart (1939) et Amphytrion 38 de Jean Giraudoux et Marcel Bertrand (1944). Entre 1938 et 1949, Cochet travaillera ainsi à plusieurs reprises pour la salle Favard. On lui doit également les costumes pour Mesdames de la Halle d'Offenbach (1940) ainsi que pour Le Oui des jeunes filles de René Fauchois et Reynaldo Hahn. Ces créations, bien accueillies par la critique, représentent en quelque sorte l'acmé de la carrière de décorateur de Gérard Cochet. Il avait, en effet, précédemment réaliser plusieurs décors pour des bâtiments publics et, en qualité de peintre de la marine, contribué à la décoration de plusieurs vaisseaux. Né à Avranches, Gérard Cochet grandit à Nantes où il s'initia très jeune à la peinture avec son ami Amédée de La Patellière (1890-1932) auprès d'un artiste local, tout en poursuivant des études classiques. En 1909, avec l'assentiment de ses parents, il décide de se consacrer uniquement à la peinture et se rend à Paris. Il s'inscrit à l'Académie Julian et ambitionne d'entrer à l'école des Beaux-Arts. Pour ce jeune homme discret, ces premières années sont particulièrement délicates. En proie au doute, il peine à se défaire de son apprentissage quelque peu académique et à trouver sa propre voie vers une modernité à laquelle il aspire. C'est au modeste Salon des humoristes qu'il expose pour la première fois en 1913. Ces timides débuts sont vite interrompus par la guerre. Bien que réformé, il décide de se porter volontaire. Le 5 mai 1915, Il est grièvement blessé en Argonne et perd son oeil droit. Définitivement reformé en juillet 1916, il s'initie à la gravure auprès d'André Dauchez et pratique la céramique au sein de l'atelier Lachenal. De la première, il apprendra le sens de la synthèse et la seconde lui permettra de gagner en spontanéité. Au début des années 1920, il s'affirme comme graveur de premier plan, multipliant les illustrations notamment pour les éditions Crès et Grasset. En 1924, il est récompensé pour son oeuvre gravé par le prix Blumenthal. Membre fondateur de la Jeune Gravure Contemporaine en 1929 et membre des Peintres-Graveurs Français à partir de 1946, il illustre de nombreux ouvrages de bibliophilie. Parallèlement à sa carrière de graveur, il développe également sa peinture. Une première exposition personnelle lui est consacrée par la galerie Briand-Robert en 1927. Son oeuvre peint le rapproche de la Jeune Peinture Française dont les membres les plus représentatifs sont Dunoyer de Segonzac, Marcel Gromaire, Charles Dufresnes, ses amis Yves Alix et Robert Lotiron... . Ce mouvement informel incarne pour le critique Claude Roger-Marx une certaine "mesure française" . Ils élaborent un réalisme renouvelé et affirment un certain sensualisme. Il n'est pas ici question, de "retour à l'ordre" , la plupart de ces peintres s'inscrivaient dès avant-guerre dans un réalisme construit, instruits des leçons du cubisme et de Cézanne mais regardant aussi Corot, Courbet ou Delacroix comme Gauguin, Manet ou Bonnard. Gérard Cochet développera plusieurs thématiques, Il sera le peintre des paysages et des paysans de la Manche, des champs de course, des intérieurs bourgeois et évoquera aussi régulièrement l'univers du théâtre et de la musique, qu'il affectionna tant et que cette exposition met en valeur.

03/2022

ActuaLitté

XVIIe siècle

Loin de Rome

En 1655, dans une Rome en chantier que la peste menace, le grand peintre Andrea Sacchi, à qui des dessins furent volés, ne parvient pas à terminer la décoration de l'église Saint-Louis des Français commanditée pour le cardinal Mazarin. Battista Passerotti, un ancien élève retrouve dans un couvent les dessins volés par une prostituée convertie... Battista Passerotti, qui avait voulu devenir peintre après qu'une femme lui eut fait découvrir la grande peinture, mais que Sacchi avait renvoyé de son Académie, s'efforce sans succès d'écrire des Vies de peintres, domaine réservé de l'académicien Bellori. Quand il apprend que son ancien maître ne peint plus, Battista voit une occasion de se venger et sortir de l'obscurité dans laquelle il se débat. Se frayant un chemin entre les décombres des travaux que le pape Alexandre dirige du haut du Quirinal, tandis que son neveu cruel aux mains baguées noue des intrigues contre le cardinal Barberini commanditaire de Sacchi, Battista surprend le grand peintre se plaignant aux fresques de Raphaël du Vatican, saoul dans d'une taverne, et fumant du chanvre dans son atelier au lieu de peindre, autant d'aberrations qui finissent par s'expliquer par la perte des dessins qui lui auraient été volés. Décidé à retrouver ces dessins, Battista se met en chasse. Une ancienne maîtresse du fougueux Bernin qui l'avait défigurée, et qui est devenue marchande d'art réputée ; Matilda qui fait le négoce de la peinture et de son corps ; Serafino gamin des rues qui connaît Rome comme sa poche ; Salvator Rosa peintre fantasque des Sorcières ; Stalone, ancien compagnon de l'Académie Sacchi, un géant ; Giorgio, un petit chien qui manque se faire écraser par un carrosse, mais que Battista sauve in extremis au début du récit, sont autant de personnages qui accompagnent cet ancien élève du collège des jésuites dans sa quête. Battista finit par retrouver les dessins que Sacchi dans un couvent où les avait emportés la Cucchiarina, une prostituée convertie qui les avait volés pour le compte d'Agostino Tassi, violeur d'Artemisia Gentileschi et concurrent de Sacchi pour la décoration de l'église Saint-Louis des Français. La Cucchiarina n'était pas seule, Battista apprend alors la vérité sur la femme qui lui avait fait découvrir la grande peinture, et la raison pour laquelle Sacchi l'avait renvoyé de son Académie. Si Battista est dévasté, les confessions de Sacchi, à commencer par son vrai nom que Bellori ne connaît même pas, devraient lui permettre d'écrire un ouvrage riche en détails inédits sur le grand peintre, qu'il croit revenu à sa décoration. Mais ce n'est pas le cas. Alors, poursuivant plus avant son enquête, attiré par une lueur rouge vers laquelle il avait vu Sacchi se diriger, Battista descend dans les égouts souterrains de Rome. Dans une salle d'eau convertie en théâtre où la Transfiguration de Raphaël est projetée sur le mur, autour d'un feu de sorcières qui s'agitent frénétiquement sous l'oeil jubilant de cardinaux amis du neveu du pape, hilare, et de Rosa qui peint à une vitesse folle, apparaît Sacchi, chevelure dénouée, chevauchant une tortue géante, agitant un balai et hurlant le nom de Raphaël. Battista veut fuir, mais un coup sur la tête lui fait perdre conscience. Il ne la retrouvera que sur la barque pilotée par Rosa qui lui évite de justesse d'avoir la jambe happée par la pince d'un homard géant jailli des eaux noires. Exténué, hébété, Battista erre dans Rome où la peste commence à sévir. Tiré d'un évanouissement fatal par Giorgio qui lui mordille le bras, il finit par s'enfuir dans les Marches, loin de Rome, où le poursuit l'énigme du secret qu'il y a découvert.

12/2023

ActuaLitté

Histoire du sport

L'Olympisme. Une invention moderne, un héritage antique

Prenant part à la programmation culturelle des Jeux olympiques et paralympiques de 2024, l'exposition propose au public de découvrir la création des premiers Jeux Olympiques modernes, d'en saisir le contexte politique et de comprendre comment et pourquoi ses organisateurs ont voulu réinventer les concours de la Grèce antique. A partir d'archives inédites, d'objets jamais montrés et d'oeuvres d'art antique emblématiques, elle montre comment cette réinvention repose sur une combinaison orientée des sources antiques (textes, images et vestiges), faisant de l'olympisme moderne une illusion collective mais efficace. Le catalogue qui l'accompagne prolonge et illustre cette perspective. Il rappelle comment Paris, trois fois capitale olympique (1900, 1924, 2024), a été aussi le berceau où est née en 1894 l'idée de l'olympisme moderne : les collections du Louvre et la formation des artistes de l'Ecole des Beaux-Arts, la Sorbonne, le Collège de France et les réformes de l'instruction ou encore le milieu philhellène de Paris, forment le cadre où ont évolué des personnalités célébrissimes, comme Pierre de Coubertin, ou mal connues ou inconnues du grand public, comme l'écrivain grec Démétrios Vikélas, le philologue français Michel Bréal ou l'artiste suisse Emile Gilliéron. Grâce à l'exploitation du fonds d'archives inédites de l'atelier de E. Gilliéron déposé récemment à l'Ecole française d'Athènes, il est aujourd'hui possible d'analyser précisément la fabrique de la première iconographique olympique, de 1896 à 1924, inspirée des images antiques et déclinée en affiches, trophées, médailles, timbres et cartes postales. A l'aide de documents d'époque, comme la chronophotographie, est aussi retracé le processus de réinvention de gestes sportifs grecs, comme le lancer du disque. Enfin le catalogue montre comment cette réinvention, qui est aussi une manipulation des sources, occasionne des dérives nationales ou internationales, des exclusions ou des stéréotypes dont les études classiques ont été d'une certaine manière les victimes. L'ensemble des textes qui composent le catalogue fournissent ainsi les clés pour comprendre les enjeux de l'olympisme moderne. Editeurs scientifiques : Christina Mitsopoulou est archéologue, formée à l'université de la Sorbonne et l'Université d'Athènes, en Histoire de l'Art et Archéologie grecque. Spécialiste de l'archéologie des cultes, de céramique, petits objets et d'iconographie, son activité de terrain a surtout porté sur la région des Cyclades et l'Attique (Eleusis). Par sa formation comme guide culturelle en Grèce elle tire aussi une expérience de la topographie et de la communication du savoir académique vers un plus grand public. Depuis 2013 elle a étendu ses recherches vers le domaine de l'histoire de l'archéologie et des questions d'authenticité en art antique. Enseignante à l'Université de Thessalie en Grèce, elle mène depuis 2017 un projet de recherches au sujet du fonds Gilliéron à l'Ecole française d'Athènes, d'où est issue la présente exposition. Alexandre Farnoux est professeur d'archéologie et d'histoire de l'art grec à Sorbonne Université depuis 2001. Ancien directeur de l'Ecole française d'Athènes (2011-2019), il a fouillé en Macédoine, dans les Cyclades et en Crète. Il mène des recherches sur la civilisation grecque, en particulier sur le sport, et en histoire de l'archéologie, par exemple sur A. Evans et la découverte de la Crète ou sur la réception d'Homère. Il a été co-commissaire en 2019 de l'exposition Homère au Louvre-Lens et de l'exposition Christian Zervos, le tournant archaïque, au musée Benaki à Athènes. Violaine Jeammet est conservatrice générale au département des Antiquités grecques, romaines et étrusques du musée du Louvre. Spécialiste des figurines en terre-cuite grecques et romaines et membre associée de l'UMR 8164-HALMA, , elle enseigne à l'Ecole du Louvre. Commissaire ou co-commissaire de nombreuses expositions, dont l'exposition Tanagra-Mythe et archéologie au Louvre en 2003, elle conduit des études plus particulièrement sur l'artisanat et la polychromie antique.

04/2024

ActuaLitté

Architecture régionale

La Cité des Electriciens

La Cité des Electriciens est la plus ancienne cité minière préservée du Nord de la France. Ce " Regards... " revient sur la réhabilitation de ce coron, laissé à l'abandon plusieurs années et devenu aujourd'hui un véritable lieu culturel dynamique, marqué par une directive sociale, architecturale, économique et touristique. Présentation du site La Cité des Electriciens est la plus ancienne cité minière préservée du Nord de la France. Inscrite aux Monuments historiques depuis 2009, elle est située à Bruay-la-Buissière. La cité devient en 2012 l'un des cinq grands sites miniers dans le cadre de l'inscription du Bassin Minier sur la liste du Patrimoine mondial de l'UNESCO au titre de Paysage culturel, évolutif et vivant. Construite entre 1856 et 1861, elle a pour vocation de loger les familles de mineurs. De grands scientifiques, notamment dans le domaine de l'électricité ont donné leurs noms aux rues (Ampère, Marconi, Volta, Edison, Coulomb, Franklin, Laplace, Faraday, Branly et Gramme) d'où le nom, la Cité des Electriciens. En 2008, les habitants abandonnent peu à peu le coron, laissé à l'abandon depuis l'arrêt de l'activité minière en 1979. Il accueille alors une première intervention de la compagnie artistique Les Pas Perdus qui donna l'élan pour les travaux de réhabilitation qui commencèrent en 2013. La Communauté d'agglomération a fait le choix de proposer un nouvel usage d'équipement culturel et touristique. La cité a ouvert ses portes au public en mai 2019. La configuration du quartier a été conservée : sur une superficie totale de trois hectares, six des neufs " barreaux " ont été réhabilités (trois ont conservé leur usage d'habitation), de même que les " carins ", petites dépendances annexées aux logements et qui servaient de poulailler, de latrines ou de buanderie. Les jardins ont également fait l'objet d'une rénovation paysagère. La cité révèle la progressive évolution de l'habitat ouvrier au XIXe siècle et de l'architecture des premiers corons. Conçu par l'agence d'architecture Philippe Prost, avec l'agence Du&Ma pour la muséographie et la scénographie, un centre d'interprétation du paysage, de l'urbanisme et de l'habitat miniers accueille le public dans deux bâtiments : le premier, contemporain, repérable à sa magnifique carapace de tuiles rouges émaillées, présente le bassin minier à travers les terrils, fosses et cités, des origines de la révolution industrielle à la fermeture de la dernière fosse. Le second est un " barreau " qui offre un habitat minier réhabilité. Aujourd'hui la cité accueille des expositions, propose des résidences d'artistes, des ateliers nature, arts plastiques, des visites guidées, des espaces de restauration, des gîtes... L'ouvrage En première partie, l'ouvrage présente, par le biais d'un entretien avec Philippe Prost et Isabelle Mauchin, le projet de réhabilitation de la Cité. La deuxième partie de l'ouvrage, le " portolio ", expose le projet en images. On pourra suivre le processus de réhabilitation grâce à des photographies avant restauration, des images du chantier et des documents graphiques tels que plans, coupes... , et de nombreuses photographies du projet achevé. La troisième partie évoque la vie dans la Cité des Electriciens lorsqu'elle était encore habitée par les mineurs et leurs familles, ainsi que l'importance des jardins ouvriers et le projet qui a permis leur réhabilitation.

10/2021

ActuaLitté

Sciences historiques

Indochine de Provence. Le silence de la rizière

S'il est un récit oublié, grand absent de l'inventaire des "lieux de mémoire", c'est bien le témoignage, encombrant mais bouleversant, des travailleurs indochinois en France de 1939 à 1952. Longtemps, l'histoire a fait silence sur le visage de ces hommes qui rentrèrent chez eux après des années d'exil forcé, sans la moindre indemnisation. Longtemps, personne - dans la littérature ou par le biais de l'image - ne s'est soucié de ces vies brimées et abîmées, de ces existences préemptées et confisquées qui rendent peu disert le corps social, collectif, politique. Près de vingt mille hommes furent ainsi mobilisés par l'administration française au début de la "Drôle de guerre" et dispersés dans les poudreries nationales, aux côtés des ouvrières françaises, astreints aux trois-huit et à la manipulation de produits toxiques. En juin 1940, après la débâcle de l'armée française et la signature de l'armistice, ils furent contraints de travailler au service de la France de Vichy qui loua leur force de travail, en particulier aux Allemands. Ils subirent alors une discipline très dure. Sousalimentés, mal chaussés, mal vêtus, ils récoltèrent le sel dans les salines du delta du Rhône. C'est eux qui façonnèrent le paysage de la Camargue et l'identité de son territoire tels que nous les connaissons aujourd'hui en relançant, à une époque de pénurie alimentaire, une riziculture jusqu'alors peu prospère et peu pratiquée en France. Dans le Vaucluse, le camp de regroupement de Sorgues fut le plus important, avec près de quatre mille internés. Les "indigènes" de Sorgues furent affectés aux travaux agricoles et forestiers, en particulier à Sault, au pied du Ventoux, dans la forêt Saint-Lambert, entre Lioux et Murs, à la scierie de Notre-Dame-de-Lumières à Goult. Ils furent également employés dans les briqueteries de Bollène, les ateliers de cartonnage à Valréas, chez les expéditeurs cavaillonnais... La relation métropole-colonies fut marquée par une injustice profonde qu'encadraient diverses formes d'apartheid, de mises à l'écart, de destitutions, d'iniquités, voire de mépris. L'idée d'une condition humaine commune n'a jamais été admise. Il n'y avait pas d'équivalence entre la vie d'un "indigène" et celle d'un Français. Comment alors assumer le passé qui atteste à ce point de l'effondrement des valeurs humanistes d'une société en dégradant l'image qu'elle se donne d'elle-même ? On comprend aisément l'aphasie collective de la France vis-à-vis de ses anciens territoires lointains. Plus d'un demi-siècle après la décolonisation, la mémoire reste tronquée, mutilée, quand elle n'est pas neutralisée ou court-circuitée par cette question érigée en négativité absolue qui paralyse la conscience. L'album-recueil, ouvert sur le récit de ces itinéraires d'exil et sur une parole qui commence à peine à circuler, établit un rapport sensible à l'histoire accepté en tant que tel. Indochine de Provence, le silence de la rizière, interroge la mémoire, l'histoire, l'identité d'un département, le Vaucluse, façonné par les flux migratoires. Il pose les enjeux d'une éthique fondée sur la pensée critique revendiquée comme seule légitime pour traiter des mémoires douloureuses et oubliées du XXe siècle.

10/2012

ActuaLitté

Monographies

Chères images. Peinture et écriture chez Gilles Aillaud

Dans son hommage à la peinture figurative et animalière de Gilles Aillaud, Nicolas Pesquès entremêle avec finesse notations poétiques, fragments de théorie sur l'art, descriptions de tableaux, bribes de souvenirs en compagnie du peintre. Le côtoiement des formes et des couleurs de Gilles Aillaud, l'encourageant à écrire, semble lui révéler en même temps qu'écrire et peindre sont deux formes d'un semblable besoin d'expression, qui, sans se confondre, convergent vers la même question impossible. "? La seule question qui vaille est celle à laquelle on ne peut pas répondre. Les bêtes nous indiquent la possibilité de ne pas la poser. L'expression est ce que nous avons trouvé de mieux pour ne pas la résoudre sans l'étouffer. Par la peinture, par le poème, nous la restituons dans son malheur. ? " (Dans le mauve à l'aplomb des corbeaux) On ne trouvera aucune réponse définitive à l'énigmatique question, ni dans la peinture de Gilles Aillaud, ni dans la littérature de Nicolas Pesquès ? ; seulement "? des formules possibles, inventives et vouées à la vision de sa nuit ? ". La formule qu'il invente dans son livre s'élabore dans une intimité étroite et de longue date avec l'oeuvre de l'artiste lié au courant de la Figuration narrative. Ce volume constitue une traversée de la peinture de Gilles Aillaud en cinq chapitres ? : Dans le mauve à l'aplomb des corbeaux (texte d'une monographie parue chez André Dimanche en 2005), Pan ! (paru dans Sans peinture, L'Atelier contemporain, 2017), Après l'image, Chères images, et Vous la dirai-je (inédits). Cherchant sans relâche une manière de dire attentive à l'étrangeté de ce qui se présente, Nicolas Pesquès tente de cerner au plus près la singularité du sillon creusé par le peintre dans la réalité rugueuse ? : "? Peindre ce que l'on a devant soi, présenter le monde. Gilles Aillaud, une fois accompli le choix de cet écart plutôt que celui de la philosophie - mais celle-ci n'a pas cessé d'accompagner sa démarche -, n'a jamais eu d'autre souci. Il s'est d'emblée installé au coeur perpétuel de la peinture. ? " Ce coeur de la peinture, ce noyau, chez Gilles Aillaud, est celui d'une figuration des existences animales, végétales, minérales ? : "? Il ouvre et accède au monde. A ses rivages, à ses arbres, à ses cailloux. Il ouvre et accède au grand large de l'anonyme flux des choses précises. ? " (Dans le mauve à l'aplomb des corbeaux) Choses anonymes et précises à la fois, que le peintre saisit à la croisée du mystère de leur venue et de l'évidence de leur présence. L'écrivain tente de suivre le peintre dans ce flux, ce labyrinthe où il s'est engouffré, où l'idée d'achèvement n'a plus cours, où seuls comptent les mouvements de la pensée et les gestes de la main, toujours à recommencer ? : "? Le labyrinthe ? : c'est l'autre nom du dehors, c'est tout ce qui est là? : le paysage, la bête qui vaque, la main qui dessine, l'homme qui bifurque et continue. C'est peut-être la première image, celle de notre connaissance des choses, de la peinture, etc. Gilles Aillaud a toujours voulu y revenir, y séjourner. Que faire après l'image s'il n'y a rien avant ?? En produire d'autres, de nouveaux textes, de nouveaux tableaux ? ; c'est cela vivre dans le labyrinthe. ? " (Après l'image) Le labyrinthe, à la fin, apparaît comme un fourmillement d'images. Non seulement celles de la peinture, mais aussi celles du langage, qui toutes deux défont les logiques discursives et grammaticales parfois réductrices. Si la rencontre entre la peinture et la parole a lieu, c'est par la grâce d'un étoilement d'images ? : "? Et si l'idiome commun à toutes les expressions était l'image ?? Et qu'à l'empire du discours on puisse opposer un étoilement du corps et de la pensée, un rayonnement de plusieurs puissances. Une imagerie venue de partout et de tous nos sens. Ce serait l'empire de l'image, toutes images confondues, pour faire rentrer le discours dans le rang. Décoloniser l'espace occupé par la grammaire, laisser les images à leur tâche, nous abasourdir par leur manège et leur grégarité. ? " (Vous la dirai-je)

09/2023

ActuaLitté

Mini Castor

Blanche-Neige

Nouveau : Edition de 64 pages enrichie de nombreuses illustrations. Il était une fois une jeune princesse qu'on appelait Blanche-Neige. Le roi son père, devenu veuf, se remaria avec une femme aussi belle qu'orgueilleuse. Chaque jour, la nouvelle reine consultait un miroir magique pour s'assurer qu'aucune femme du royaume ne l'égalait en beauté. Mais un jour, le miroir lui révèle que Blanche-Neige est désormais plus belle qu'elle. Folle de rage, la reine va alors user de tous les stratagèmes pour éliminer la jeune princesse... Blanche-Neige parviendra-t-elle à déjouer le sombre dessein de sa marâtre ?

03/2022

ActuaLitté

CD K7 Enfants

Blanche-Neige

Folle de jalousie face à sa beauté, sa belle-mère décide de se débarrasser de Blanche-Neige. La jeune fille trouve alors refuge dans la demeure des sept nains. Mais la reine réussit à lui faire croquer une pomme empoisonnée. Qui pourra sauver Blanche-Neige ?

01/2023

ActuaLitté

Beaux arts

Picasso

A la fois biographique et réflexive, cette monographie cherche à répondre à un certain nombre de questions que soulèvent le tempérament artistique et l'oeuvre exceptionnelle de Picasso surgis à une époque non moins exceptionnelle. Picasso y est considéré en fonction de sa situation en son temps, au sens le plus large du mot, bien au-delà des amitiés et des rivalités strictement artistiques du milieu parisien et français. Lui-même par nombre de ses prises de position n'a-t-il pas affirmé qu'il refusait de s'enfermer dans l'atelier et se réservait le droit d'intervenir dans les affaires du monde - d'y réagir et de leur répondre ? C'est donc d'un Picasso résolument moderne parce que constamment et consciemment confronté à la modernité du monde qu'il s'agira de montrer : comment il laisse cette modernité pénétrer dans ses travaux - matériaux, images, techniques, inventions - et comment, en réaction contre elle, il donne forme picturale ou sculpturale à des archétypes - à des passions, à des pulsions- dont, à ses yeux en tout cas, la permanence atteste de l'intemporalité. Mouvement d'acceptation mouvement de refus : cette confrontation sans trêve est, peut-être, l'explication la plus satisfaisante que l'on puisse avancer de la volonté de changement qui l'a animé au point de laisser l'oeuvre la plus polymorphe et la plus diverse de toute l'histoire de l'art. La réflexion se développe ainsi en quatre mouvements. Le premier, qui s'achève peu avant que la Première Guerre Mondiale révèle la face terrible de la modernité scientifique et industrielle, est celui de l'ouverture à toutes les modernités. La traversée rapide des styles artistiques issus de la Renaissance - de ce qui a été l'art et son histoire jusqu'alors- conduit au moment critique par excellence : le primitivisme, qui peut être pensé comme la négation résolue du moderne, et le cubisme, qui apparaît à l'inverse comme son acceptation et la façon la plus radicale d'en tirer les conséquences plastiques. Le deuxième, dont la conjonction du cubisme et d'un dessin quasi ingresque à Avignon au début de l'été 14 marque le commencement et qui dure jusqu'au début des années 30, se caractérise à l'évidence par la simultanéité de pratiques et de styles si distincts qu'on peut les penser incompatibles, le post-cubisme qui ne disparaît pas, le "néo-classicisme" et l'invention d'une autre peinture encore. Cette période pourrait être dite celle de l'artiste "maître du monde" , puisque capable de donner à chaque sujet et à chaque sentiment sa forme visuelle la plus juste - maîtrise qui est aussi celle d'une "vedette" à la prospérité visible, soupçonnable d'embourgeoisement ; celle, en somme, d'un Picasso assuré de ses moyens et de sa logique, de sa position et de sa gloire. La troisième se place sous le signe des monstres, quand la maîtrise maintenue pendant une quinzaine d'années éclate sous la pression d'évènements publics et privés qui sont tous de l'ordre du désordre et du drame. Il n'y aura pas d'ordre, il n'aura que des tragédies. Il n'y a donc plus lieu de maintenir l'équilibre complémentaire entre plusieurs styles, mais de se précipiter dans l'expérimentation, du côté des terreurs et des crimes avec pour principaux compagnons les surréalistes et surtout André Breton. A moins que l'on ne veuille reconnaître dans l'oeuvre picassienne des années 30 et 40 quelque chose comme l'équivalent de l'analyse freudienne - celle du "malaise dans la civilisation" qui tourne à la catastrophe. Ces vérités montrées, que reste-t-il à faire ? D'une part à pousser à ses extrémités les plus affolantes l'expérience de la violence - ce qui a donné la "dernière période" de l'oeuvre selon les terminologies habituelles, longtemps la moins admise et la plus redoutée. Et d'autre part à démontrer par la reprise et la mise à nu de leurs toiles que les grands prédécesseurs de Picasso avaient donné de l'humanité des représentations qu'il suffit de durcir pour y reconnaître les scènes d'Eros et de Thanatos, les Femmes d'Alger et le Massacre des Innocents, le Déjeuner sur l'herbe et L'enlèvement des Sabines. Dans un monde occidental qui se glorifie de ses nouveautés et de sa prospérité, le vieux Picasso rappelle inlassablement - et non sans une cruauté désabusée- que l'histoire est vouée à finir par des désastres - y compris l'histoire de l'art du reste.

10/2008

ActuaLitté

Critique littéraire

La poésie au XXe siècle. Tome 3, Métamorphoses et Modernité

Ce troisième volume de La Poésie du XX siècle intitulé "Métamorphoses et Modernité" forme, avec les deux précédents, un seul et même ouvrage. Il s'agit avant tout d'une galerie de portraits des poètes et de leurs oeuvres. On y rencontre tout d'abord des créateurs qui ont établi de nouveaux rapports entre les choses et les mots : Ponge, Tardieu, Frénaud, Guillevic, Follain, Tortel, des aînés maîtres de la poésie la plus jeune et dynamique. Suivent ceux qu'ont tenté les explorations spirituelles : "Cosmogonie" de Pierre Emmanuel, "Somme" de Patrice de La Tour du Pin, voix diverses : Cayrol, Estang, Grosjean, Loys Masson, Renard, Le Quintrec, Vigée, Guerne, Pierre Oster, le plus proche de la modernité, des dizaines d'autres. Toute une génération nous a permis un "Eloge de la diversité", de Jacques Audiberti à "Des contemporains remarquables" : Claude Roy, Fouchet, Robin, Becker, Borne, Seghers, Clancier, Thomas Decaunes, Mallet, les poètes des temps noirs, et Ganzo, Lubin, Cassou, Lescure... Sous le titre "Les Sources fraîches", rencontres avec Fombeure, Cadou, Bérimont, Manoll, Rousselot, Chaulot, Guillaume, Lacôte, Béarn, Cousin, leur environnement poétique, Rochefort, La Tour de Feu (car les titres de revues parsèment cet ouvrage). Puis viendront des célébrateurs de toutes sortes : du monde agreste, de l'amour, de l'intériorité, de la poésie populaire, du rire même. Ou a recherché aussi "Le Voisinage des genres", dramaturges, romanciers, critiques qui sont parallèlement poètes. Et voici les hommes de la vie présente, immédiate, ceux de "La Poésie pour vivre", ceux des révoltes, colères, engagements, avant qu'un hommage soit rendu à de grands disparus, à des destins maudits ou malheureux. Des noms : Malrieu, Neveu, Prével, Dadelsen, Larronde, Perros, Alexandre, Frédérique, Rivière, Michenaud, Vincensini, Rovini, Giroux, Grall, Kovalski, Duprey, Salabreuil... L'horizon s'élargit vers le cosmos, les lieux de la planète : Bosquet, Gaspar, Juin, Dalle Nogare, Bauchau, Pichette, Alyn, Temple, Orizet, Lande, Pietri (et des dizaines d'hommes aux écoutes). Des poètes vont parcourir les espaces de la parole qui sont Bonnefoy, Glissant, Dupin, Jaccottet, Charpier, Jean Lande, et, non loin, "Les Forgerons d'un langage", Torreilles, Chédid, Puel, Izoard, Bancquart, Jouanard, et on va voir du côté des revues, Sud ou Action poétique, tant de publications ferventes. Regard aussi vers les "Ateliers et Laboratoires" : l'Oulipo, la poésie sonore, le spatialisme, le lettrisme, la recherche. Quant au surréalisme, s'il a disparu en tant que mouvement, il continue, Jouffroy, Bounoure, Koenig, Legrand, Bailly, Dhainaut, leurs proches nous en persuadant, et aussi des métamorphoses vers la poésie "électrique" ou "froide" jusqu'à la naissance d'un nouveau réalisme avec Venaille, Biga, Tilman, Pélieu, les poètes "underground", ceux d'Exit et de tant de nouvelles revues : c'est le tournant de la poésie après 1968, une poésie qui ne cesse de surprendre par sa diversité, sa mobilité, ses conquêtes. Un temps vint où la poésie elle-même est mise en question. On a titré "Une autre écriture" cette partie où l'on rencontre Denis Roche, Pleynet, Faye, Roubaud, Sollers, Butor, Ristat, Maurice Roche et Pierre Guyotat, Christian Prigent et TXT, Hocquard et ceux d'Orange Export Ltd, de la destruction/régénération au poète-philologue. "La poésie est inadmissible" affirme Denis Roche. "Reste-t-il à écrire ? " demande Bénézet. Jamais la poésie n'a connu de telles tourmentes. On a à coeur de tout montrer, de tout considérer. Les surprises ne manquent pas quand se présentent des hommes de renouvellement qui se nomment Lionel Ray, Noël, Du Bouchet, Deguy, Sacré, Cluny, Réda, Pérol, Delvaille, Stefan, Cliff, Maulpoix, Marteau, Estéban, Guibbert, Janvier, Denis, Macé, Bordes, Meschonnic, Rossi, Grandmont, Cortanze, Preschez, Faye, Coste... On reste ébloui par tant de diversité, partant d'explorations - et scandalisé par l'indifférence et la paresse qui font ignorer tout cela et nous ont amené à apporter, si désordonnées, si fragiles qu'elles soient, des informations sur ce qui se passe d'important dans le domaine de la sensibilité et de l'intelligence au seuil d'un nouveau siècle.

11/1988

ActuaLitté

Critique littéraire

Histoire de la poésie française. Tome 6, La poésie du XXe siècle Volume 3, Métamorphoses et modernité

Ce troisième volume de La Poésie du XXe siècle intitulé "Métamorphoses et Modernité" forme, avec les deux précédents, un seul et même ouvrage. Il s'agit avant tout d'une galerie de portraits des poètes et de leurs oeuvres. On y rencontre tout d'abord des créateurs qui ont établi de nouveaux rapports entre les choses et les mots : Ponge, Tardieu, Frénaud, Guillevic, Follain, Tortel, des aînés maîtres de la poésie la plus jeune et dynamique. Suivent ceux qu'ont tenté les explorations spirituelles : "Cosmogonie" de Pierre Emmanuel, "Somme" de Patrice de La Tour du Pin, voix diverses : Cayrol, Estang, Grosjean, Loÿs Masson, Renard, Le Quintrec, Vigée, Guerne, Pierre Oster, le plus proche de la modernité, des dizaines d'autres. Toute une génération nous a permis un "Eloge de la diversité", de Jacques Audiberti à "Des contemporains remarquables" : Claude Roy, Fouchet, Robin, Becker, Borne, Seghers, Clancier, Thomas, Decaunes, Mallet, les poètes des temps noirs, et Ganzo, Lubin, Cassou, Lescure... Sous le titre "Les Sources fraîches", rencontres avec Fombeure, Cadou, Bérimont, Manoll, Rousselot, Chaulot, Guillaume, Lacôte, Béarn, Cousin, leur environnement poétique, Rochefort, La Tour de Feu (car les titres de revues parsèment cet ouvrage). Puis viendront des célébrateurs de toutes sortes : du monde agreste, de l'amour, de l'intériorité, de la poésie populaire, du rire même. On a recherché aussi "Le Voisinage des genres", dramaturges, romanciers, critiques qui sont parallèlement poètes. Et voici les hommes de la vie présente, immédiate, ceux de "La Poésie pour vivre", ceux des révoltes, colères, engagements, avant qu'un hommage soit rendu à de grands disparus, à des destins maudits ou malheureux. Des noms : Malrieu, Neveu, Prével, Dadelsen, Larronde, Perros, Alexandre, Frédérique, Rivière, Michenaud, Vincensini, Rovini, Giroux, Grall, Kovalski, Duprey, Salabreuil... L'horizon s'élargit vers le cosmos, les lieux de la planète : Bosquet, Gaspar, Juin, Dalle Nogare, Bauchau, Pichette, Alyn, Temple, Orizet, Laude, Pietri (et des dizaines d'hommes aux écoutes). Des poètes vont parcourir les espaces de la parole qui sont Bonnefoy, Glissant, Dupin, Jaccottet, Charpier, Jean Laude, et, non loin, "Les Forgerons d'un langage", Torreilles, Chédid, Puel, Izoard, Bancquart, Jouanard, et on va voir du côté des revues, Sud ou Action poétique, tant de publications ferventes. Regard aussi vers les "Ateliers et Laboratoires" : l'Oulipo, la poésie sonore, le spatialisme, le lettrisme, la recherche. Quant au surréalisme, s'il a disparu en tant que mouvement, il continue, Jouffroy, Bounoure, Koenig, Legrand, Bailly, Dhainaut, leurs proches nous en persuadant, et aussi des métamorphoses vers la poésie "électrique" ou "froide" jusqu'à la naissance d'un nouveau réalisme avec Venaille, Biga, Tilman, Pélieu, les poètes "underground", ceux d'Exitet de tant de nouvelles revues : c'est le tournant de la poésie après 1968, une poésie qui ne cesse de surprendre par sa diversité, sa mobilité, ses conquêtes. Un temps vint où la poésie elle-même est mise en question. On a titré "Une autre écriture" cette partie où l'on rencontre Denis Roche, Pleynet, Faye, Roubaud, Sollers, Butor, Ristat, Maurice Roche et Pierre Guyotat, Christian Prigent et TXT, Hocquard et ceux d'Orange Export Ltd, de la destruction/régénération au poète-philologue. "La poésie est inadmissible", affirme Denis Roche. "Reste-t-il à écrire ?" demande Bénézet. Jamais la poésie n'a connu de telles tourmentes. On a à coeur de tout montrer, de tout considérer. Les surprises ne manquent pas quand se présentent des hommes de renouvellement qui se nomment Lionel Ray, Noël, Du Bouchet, Deguy, Sacré, Cluny, Réda, Pérol, Delvaille, Stefan, Cliff, Maulpoix, Marteau, Estéban, Guibbert, Janvier, Denis, Macê, Bordes, Meschonnic, Rossi, Grandmont, Cortanze, Preschez, Faye, Coste... On reste ébloui par tant de diversité, par tant d'explorations — et scandalisé par l'indifférence et la paresse qui font ignorer tout cela et nous ont amené à apporter, si désordonnées, si fragiles qu'elles soient, des informations sur ce qui se passe d'important dans le domaine de la sensibilité et de l'intelligence au seuil d'un nouveau siècle.

11/1988

ActuaLitté

Littérature étrangère

Tous les jours sont des nuits

Elle s’appelle Gillian, elle est belle, elle a du succès, elle est aimée. Mais le début du livre renvoie toutes ces phrases au passé, y compris la première. Est-elle en effet encore Gillian au moment où débute le roman ? N’a-t-elle pas tout perdu, jusqu’au reflet d’elle-même ? Une nuit, au retour d’une soirée trop arrosée, après une dispute, Gillian et son mari Matthias, qui travaillent tous deux pour la télévision, ont un accident de voiture en heurtant un chevreuil sur une petite route qui traverse la forêt. Matthias, qui conduisait, meurt sur le coup. Gillian se réveille à l’hôpital et découvre qu’elle n’a plus de visage. Toute la belle façade s’écroule, tout ce qui faisait sa vie a disparu. Gillian doit subir plusieurs opérations de chirurgie plastique. Elle qui était toujours entourée, admirée, sollicitée, découvre la solitude et l’absence de vraie amitié. Même sa mère n’ose plus aller la voir. Pour Gillian, les jours deviennent des nuits. Après cette première partie, Peter Stamm fait un saut en arrière et raconte la rencontre entre Gillian et Herbert, un artiste qui peint des nus à partir de photos. Croisé sur un plateau de télévision, il finit, après quelques échanges de mails, par photographier et peindre Gillian nue dans son atelier. Ce sont en fait les photos de ce travail qui ont déclenché la dispute fatale avec Matthias. Ce dernier avait en effet découvert par hasard la pellicule dans un tiroir du bureau de Gillian et l’avait faite développer. Outre un fort sentiment de culpabilité, Gillian en retire l’idée que l’art peut tuer, mais aussi la conviction que sa vie n’était jusque-là qu’une simple mise en scène fondée sur les apparences. La troisième partie nous emmène sept ans plus tard. Herbert traverse une crise existentielle. Incapable de peindre depuis plusieurs années, il a finalement accepté un poste de professeur aux Beaux-Arts. Un jour, il reçoit l’invitation d’une fondation culturelle dans les montagnes de l’Engadine, qui lui donne carte blanche pour faire une exposition. Après de longues hésitations, il finit par accepter, d’autant plus que sa compagne, avec qui il a un petit garçon de sept ans maintenant, vient de le quitter. C’est là qu’il retrouve Gillian qui, après sa guérison, a fui le monde des médias et a trouvé un travail d’animatrice culturelle, loin de la ville et de ses attraits, dans le centre de loisirs qui jouxte la fondation culturelle. Peter Stamm est trop bon romancier pour confier cette rencontre au hasard : c’est en fait Gillian (qui se fait désormais appeler Jill) qui a convaincu le directeur du centre culturel d’inviter Hubert et de lui proposer de faire une exposition. Si tous les jours sont des nuits quand l’amour disparait, les nuits peuvent devenir des jours quand le bonheur d’être ensemble est là, pour reprendre les dernières lignes du sonnet de Shakespeare mis en exergue au début du livre. Mais Peter Stamm sait aussi éviter les pièges des réconciliations prématurées, c’est le prix de la liberté de ses personnages qui ne réagissent pas toujours comme on l’attend. Ici, la vie n’est pas un songe, elle est un jeu dont on doit maitriser les règles pour ne pas se faire rejeter. Mais dont on peut aussi rejeter les règles, si on en a le courage. Peter Stamm écrit comme on compose un patchwork, mêlant par assemblage de phrases courtes, des éléments parfois très dissemblables (souvent des notations psychologiques et des détails apparents ou bien des sensations physiques et des sensations mentales) qui, avec le recul, composent sans pathos la densité d’une histoire à la fois ordinaire et hors du commun, dans la mesure où la banalité des gestes et des pensées retrouvent mystère et intensité grâce à une prose discrète dont la simplicité et la naïveté apparentes sont d’une précision chirurgicale. Les personnages de Peter Stamm mettent ici en scène la possibilité de changer de vie après une brusque catastrophe ou même simplement une banale vie d’ennui et d’erreurs. Ainsi, après son accident et le deuil une fois surmonté, Gillian ne se laisse pas écraser par le chagrin, le regret, le remords : elle accepte la perte et tente de construire une nouvelle existence sur des valeurs qui ne sont désormais plus extérieures à ce qu’elle est au fond d’elle-même. Il n’en sera peut-être pas de même pour Hubert qui, après de merveilleux mois passés avec Jill, semble prêt à se laisser de nouveau happer par l’habitude et le confort d’une vie qui n’est autre que la répétition annoncée de l’échec. Peter Stamm ne nous dit pas tout. Il n’a d’ailleurs jamais tout dit au fil de ce roman, mais beaucoup suggéré, et les harmoniques du possible vibrent encore longtemps dans notre mémoire, une fois le livre refermé.

08/2014

ActuaLitté

Décoration

Kaléidoscope. Claudio Colucci

Diplômé en design graphique de l'école des arts décoratifs de Genève (aujourd'hui HEADI et en design industriel de l'ENSCI-Les Ateliers à Paris, Claudio Colucci travaille avec Pascal Mourgue et Philippe Starck avant de fonder en 1992 les Radi Designers avec Florence Doléac, Laurent Massaloux, Olivier Sidet et Robert Stadler. Un père italien, une mère autrichienne, une enfance tessinoise. Influencé par ce mélange de cultures, Colucci invente une autre idée du monde. Tokyo, Paris, Genève puis Pékin et Shanghai viennent sous-titrer son nom, telle une enseigne de luxe. " Ma première source d'inspiration c'est le voyage... ces allers-retours qui modifient ma vision des choses. " Lorsqu'il arrive au Japon en 1996, ses créations à la fois ludiques et simples, parfois radicales, ainsi que sa compréhension des traditions produisent un impact fort et intrigant qui séduit ses contemporains japonais. La rencontre avec Teruo Kurosaki, qui lui demande de créer sa première collection pour Idée, marque un tournant dans sa carrière. En 2011, il ouvre une agence à Shanghai où, dans une ébullition extravagante, les projets se succèdent : une chambre nuptiale sur une île, le design d'un yacht de 75 pieds d'un luxe exceptionnel... et même un restaurant japonais ! Les objets sensuels et humoristiques qu'il dessine dans son carnet de croquis qui ne le quitte jamais nous projettent dans un univers coloré de formes souples, de poésie et de rêve. Scrutant les histoires que cachent les objets, généreux en pirouettes et paradoxes, il trouve le ferment de sa créativité dans l'art du conte. " J'aime la fabulation, raconter des histoires, inventer... vraies ou fausses... plutôt fausses avec un départ un peu vrai... Brouiller les pistes, jouer ! " Parmi ses innombrables créations, on peut citer le sofa JolyCceur, qui illustre la vision de Claudia Colucci de l'esprit kawaii tant par sa couleur que par sa forme ; sa première lampe en Corian, Squeeze Lamp; Mutant Chair, hommage à Thonet ; la Carafe un verre pour Sentou ; les collections Squeeze pour Christofle ; le Delicabar avec le pâtissier Sébatien Gaudard au Bon Marché à Paris ; le café Moph à Tokyo ; les restaurants Roll Madu et l'aménagement des boutiques Paul & Joe, Agnès B. et Cabane de Zucca, l'institut français de Tokyo, les stands Renault et Pirelli, toutes ces réalisations montrent l'étendue de son talent. Pour Hermès, il invente à chaque saison l'ensemble des vitrines au Japon, qui sont comme " des fenêtres d'art, peut-être même comme l'origine de l'installation artistique ". Entre les citations de Claudio Colucci qui ponctuent les pages du livre publié sous la direction de Sarah Carrière-Chardon, ses compagnons de route dressent le portrait d'un magicien, d'un personnage chaleureux, avide de plaisirs, de rencontres, d'une exceptionnelle curiosité et générosité, qui apporte au design un souffle de gaieté. Ces personnalités marquantes ont toutes pris part à son histoire, ce kaléidoscope où les idées se forment, se déforment et se répondent : les designers Tom Dixon, Christian Ghion, les Tsé & Tsé, le chef pâtissier Sébastien Gaudard, les architectes Astrid Klein et Mark Dytham, le styliste Paul Smith et la douce geisha Kagurazaka Chika ou Michel Temman, ex-correspondant de Libération au Japon, qui comme Claudio s'installe en Chine ; depuis Paris, l'agent Dominique Serrell, avec qui les galeristes Pierre Romanet et Pierre Staudenmeyer ont, les premiers, exposé et édité ses créations ; ses sempaï (" parrains "I nippons : l'incontournable Teruo Kurosaki, le producteur Takaya Iwasaki et le directeur général chargé de la communication d'Hermès Japon, Kozo Fujimoto, qui lui ont ouvert les portes du Levant ; enfin, Kanae Hasegawa, journaliste, Ryu Niimi, professeur à la Musashino Art University, Marie-Laure Jousset, conservateur au Centre Pompidou, Gérard Laizé, directeur du VIA, ou Christine Colin, du ministère de la Culture, ont participé à la reconnaissance de son oeuvre. Riche de plus de 340 illustrations en couleurs, l'ouvrage Claudio Colucci kaléidoscope présente objets, mobilier, installations, aménagements et projets qui mettent en lumière l'inventivité foisonnante de ce designer de renommée internationale nourri de culture européenne et asiatique, puisant son inspiration dans un quotidien qu'il imagine fantastique.

09/2012

ActuaLitté

Mathématiques CP

Maths CP - Les albums des Noums. Pack de 10 exemplaires

La nouvelle méthode de maths... SUPER ludique et SUPER efficace ! Découvrez les albums des Noums : des albums pour rendre les maths encore plus vivantes ! 10 petits albums pour lier maths et lecture en suivant les drôles et tendres aventures des Noums. Les enfants plongent avec ravissement dans ces albums tout colorés et joyeux. Suivre les Noums dans leurs aventures développe leur curiosité, leur imaginaire, leur sens de l'humour, leur empathie... Ces albums offrent un univers joyeux et attractif au monde des Noums, et donc des nombres, puissant levier de motivation pour les apprentissages. Les maths deviennent vivantes avec les Noums ! Les dix titres : Un, le roi des froussards. Un n'a qu'un tout petit-petit-petit défaut... Il est un tout petit-petit-petit peu froussard ! Deux est trop sympa. Deux a le coeur sur la main : il fait tout pour rendre service aux autres Noums... Mais un jour, il n'en peut plus ! Le trésor de Trois. Trois veut être riche. Un jour, il reçoit une carte au trésor qui lui permettra peut-être de le devenir ! Quatre est un champion. Quatre adore faire bouger son corps. Du soir au matin, hiver comme été, rien n'arrête Quatre. Sauf peut-être une bonne partie de Noumball... L'expédition de Cinq. Le jour où Cinq part en balade avec Un et Deux, la promenade se transforme en une incroyable aventure. Six est un sacré blagueur. Si jamais vous le croisez sur votre chemin, un bon conseil : fuyez ! Sept a toujours un plan ! Sept est un inventeur. De l'épluche-mammouth au lévito-mix-fruit, qui sait ce qui va encore sortir de son cerveau génial ? Huit est bizarre... Huit est un peu à part, il fait peur aux autre Noums. Ont-ils raison de se méfier de lui ? Neuf mange tout. Tout le monde le sait, Neuf adoooooooooore la nourriture. Le jour où Sept ouvre un restaurant, Neuf doit absolument y aller ! Dix fait une boum. Dix a décidé d'inviter ses amis à son anniversaire. Quel Noum trouvera le déguisement le plus original ? GRATUIT : télécharger un petit livret d'accompagnement mathématiques (à retrouver dans les ressources) conçu par Claire Lommé (prof de maths et formatrice, autrice du blog Pierre carrée) La méthode Les Noums - CP Une méthode sans équivalent de l'enseignement des mathématiques : elle associe des objets connus et qui ont fait leur preuve (réglettes, nombres en couleurs) à des outils numériques novateurs (en collectif ou en individuel). Une approche qui accorde une large place à la manipulation par le matériel solide, mais aussi aux stratégies d'anticipation, à la pratique, à l'essai-erreur, grâce aux outils numériques. Le meilleur de la recherche en pédagogie, didactique et sciences cognitives, porté par un univers attachant qui suscite l'engagement et l'enthousiasme des élèves. Des outils élaborés et testés en France depuis 3 ans qui ont déjà conquis plus de 20 000 enfants en Scandinavie (prix de la meilleure application éducative 2019 en Finlande). La séquence quotidienne en 3 étapes : Etape 1 avec vidéoprojecteur : L'enseignant anime un laboratoire (situation d'exploration) : "le Noum 3 monte sur la tête du Noum 5 ; quel est le Noum inconnu qui a la même taille ? " > Pas une seule séquence sans sa situation d'anticipation ! > Et c'est autocorrectif ! Etape 2 avec vidéoprojecteur (ou tablettes) : Les mêmes connaissances sont entrainées lors de défis. L'animation peut en être collective, avec le vidéoprojecteur. Si l'on dispose d'une tablette ou d'un poste informatique pour 2 ou 3 élèves, un fonctionnement en ateliers permet un usage individuel des défis, avec son évaluation. Etape 3 sur le fichier : Un fichier simple et pratique pour chaque élève. Il permet un entrainement écrit des apprentissages quotidiens et des connaissances plus anciennes. Le dispositif complet : Le fichier en 2 volumes + applications Une boite de 26 réglettes à manipuler Une boite de 126 réglettes Le guide pédagogique Les albums des Noums (présentés ici) Pour vous inscrire et obtenir l'application, accédez aux vidéos tutos pédagogiques et aux ressources numériques : les-noums. fr Rejoingez le groupe de discussion Facebook "Les Noums CP"

08/2021

ActuaLitté

Généalogie

Destins français. Essai d'auto-ethnographie familiale

Martine Segalen se livre à une enquête historique et généalogique de la " saga " de deux familles juives dont elle est issue, venues à la fin du 19e siècle à Paris. Entre démarche personnelle et professionnelle, très documentée, cet exercice de retour en soi est sensible, émouvant et représentatif d'une histoire de beaucoup de familles françaises ou qui le sont devenues. La photo sur le bureau Les albums de famille sont comme des petites machines à remonter le temps. Les photographies en sont les arrêts sur images, les moments figés d'un film muet sautillant et fragile. Jaunies, altérées par les plissures et les mauvais traitements elles disent peu d'elles-mêmes. Entre les photos il y a des blancs, des marges et parfois telle ou telle part écrite succincte, juste un mot, un lieu, un prénom, une date, un bref commentaire. C'est une matière que Martine Segalen (née Appel) connaît bien. Ethnologue connue par ses travaux de sociologie de la famille, sur le mariage, la parenté, la transmission dans les sociétés françaises, traditionnelles et contemporaines, elle se livre ici à un exercice de retour en soi, une sorte d'auto-ethnographie. Elle a pu le faire à partir d'une double dynamique : celle, personnelle, fortement motivée par le désir légitime de retrouver ses origines, d'explorer les archives et les traces de sa propre famille afin de s'assurer de la transmission ; l'autre, professionnelle, en utilisant la " boîte à outils " de son savoir anthropologique qui lui a permis de comprendre les mécanismes de composition familiale tels qu'elle a pu les observer et les analyser dans d'autres groupes sociaux. Cet ouvrage en est le résultat. Pour mener à bien cette enquête, l'ethnologue s'est faite historienne, elle est allée sur le terrain, dans les archives, a fait resurgir ses propres souvenirs. Son exigence méthodologique et cette pratique d'une ethnologie de soi ne cache pas l'émotion qu'elle a senti surgir à la vue des documents, des sites et des photographies qui la concernaient directement. Sagas familiales, exils croisés, destins d'exilés C'est une description historique de la " saga " de deux familles juives dont elle est issue, venues à la fin du xixe siècle jusqu'à Paris, symbole de la liberté de penser ; elles s'y intégrèrent au milieu professionnel des fabricants et commerçants du vêtement (principalement dans la branche de la casquette et de la fourrure). Martine Segalen a exploré minutieusement la trajectoire de ces exilés et enquêté sur le milieu socioprofessionnel judéo-parisien jusque dans les années 1930. Elle décrit les systèmes d'alliances et les stratégies mises en oeuvre au cours de plusieurs générations pour consolider les fruits d'un exode et fait le récit de ces trajectoires sociales ascendantes. Les premiers chapitres retracent le parcours des deux lignées, du côté du père et du côté de la mère. Chacune de ces lignées a connu une forme d'exil différente et d'ailleurs assez semblable aux lignées de la famille de Nathalie Heinich (voir Une histoire de France). Partis de la Pologne et de l'Autriche russe, une branche a rejoint l'autre lignée partie d'Alsace après 1870. Leur ressemblance est moins l'appartenance à un milieu social qu'une communauté religieuse. Dans un autre chapitre elle raconte aussi, de manière encore plus impliquée, cet épisode paroxystique du camp de Drancy où furent internés ses parents (Paul et Ginette Appel) durant deux ans (1942-1944), au moment de sa toute première enfance. Ce fut un moment très difficile où tous les rêves et les efforts des générations précédentes semblaient devoir se briser et s'effacer. Ce chapitre renvoie aussi à l'actualité des recherches historiques sur Drancy. 2022 est une année de commémoration de la terrible rafle du Vél d'Hiv et des exactions contre les juifs qui ont suivi et qui ont fait de la Cité de la Muette à Drancy un épicentre de la déportation vers Auschwitz et Birkenau. Parmi les témoignages réunis par les équipes du Mémoriel de la Shoah, il y a ceux des parents de Martine Segalen et c'est avec une grande lucidité et sans partialité qu'elle relate ces faits. " Ethnologie du chez soi " Cet essai aurait pu avoir pour titre Du train à la Péniche. Martine Appel-Segalen a suivi les traces de son grand-père, Israël Appel, depuis les voies ferrées où roulait le train qui le conduisit à la fin du xixe siècle de Katowice en Pologne jusqu'à Paris. C'est sur la " Péniche ", ce long banc en bois du hall de Sciences Po, qu'elle-même rencontra son futur mari Renaud Segalen, petit-fils de Victor Segalen. Cette période a constitué pour elle un drôle de départ dans la vie : elle est née en 1940. Mais tant d'opiniâtreté a abouti : Martine Appel a intégré Sciences Po, a eu une première vie professionnelle dans les hautes sphères commerciales, est devenue Martine Segalen par son alliance avec Renaud, se liant ainsi à une famille au parcours transnational, elle aussi. Puis elle a connu une trajectoire pleine de bifurcations et d'imprévus. Mère de trois enfants, elle a fait une brillante carrière d'ethnologue, devient une intellectuelle reconnue. Elle est en même temps une grande sportive qui accumule les coupes et les trophées de marathonienne et elle a souvent pris position publiquement pour la place des femmes dans le sport. L'histoire des Segalen et la biographie plus détaillée de Martine mériteraient des développements propres. Mais ce n'est pas le propos de son ouvrage, écrit juste avant sa disparition et auquel elle tenait beaucoup. Voyages, archives, enquêtes lui ont permis de reconstituer et mettre en récit une histoire accidentée et cicatrisée qui est celle de beaucoup de familles françaises ou qui le sont devenues. Le texte, articulé en plusieurs chapitres, est très documenté aussi bien par les récits de l'exil et les photos de famille que par des certificats de nationalité, des contrats de mariage, des demandes de naturalisation, des publicités pour les ateliers de confection, les en-tête d'entreprises. L'ensemble compose un tableau de familles dont les motifs sont les déménagements, les parcours résidentiels et professionnels au sein de la société française à chaque époque et dans les événements de la grande Histoire de France. Le livre nous fait pénétrer dans l'intimité des familles mais avec une très grande retenue, voire une distance critique, que la chercheure en sciences sociales qu'est Martine Segalen applique avec une certaine rigueur. L'ouvrage contribue ainsi à une réflexion déjà ancienne sur la réelle " identité de la France ", au sens de ce qu'est ce pays et ce qui s'y passe aujourd'hui en résonnance avec le destin d'exilés contemporains.

05/2022

ActuaLitté

Monographies

Chefs d'oeuvre de la collection Bemberg

Véritable cosmopolite d'autrefois, et homme de culture de toujours, Georges Bemberg est l'héritier d'une vieille famille vivant depuis longtemps entre l'Ancien et le Nouveau Monde. Si c'est en 1841 que le banquier Charles-Juste Bugnion achète la campagne de l'Hermitage, située sur une colline dont la vue superbe sur la cathédrale de Lausanne et le lac avait déjà été immortalisée par Camille Corot en 1825, c'est peu d'années plus tard que la famille Bemberg quitte Cologne, en Allemagne, et traverse l'Atlan- tique pour y commencer une nouvelle vie. Georges Bemberg aurait pu être pianiste, compositeur, écrivain, ou encore auteur de théâtre mais, avec une discrétion et un sens du secret qu'il érige en règle de vie, c'est en collectionneur qu'il se consacra à l'art. Jusqu'à ses derniers jours, il partage son temps entre Paris où il réside le plus souvent, New York dont il aime l'énergie et les hivers, et Buenos Aires auquel il garde un attache- ment profond. Né en Argentine en 1915 dans une famille luthérienne d'industriels, il grandit en France. Pianiste talentueux envisageant un temps de devenir compositeur, il choisit Harvard pour ses études afin de rejoindre Nadia Boulanger et côtoyer toute l'élite des compositeurs du xxe siècle. Finalement, il renonce à la carrière musicale, trop exclusive à son goût, pour se lancer dans la création littéraire. Diplômé en littérature comparée anglaise et française, il devient alors un familier des cercles d'écrivains et de poètes de la Nouvelle-Angleterre et rencontre de grands auteurs comme John Dos Passos ou Edmund Wilson. Il publie différents ouvrages et certaines de ses pièces sont jouées avec succès off-Broadway. En Argentine, il fréquente les milieux intellectuels sud-améri- cains et sa cousine Victoria Ocampo lui ouvre sa fameuse revue littéraire SUR. En France, ses nouvelles et poèmes au style subtil et sensible sont favorablement accueillis par la critique. Néanmoins, au-delà de la multiplicité de ses talents, il consacre sa vie à sa passion pour les beaux-arts. De sa famille, généreux mécène à qui l'on doit la Maison de l'Argentine à la Cité universitaire de Paris, et plus particulièrement d'un oncle, élève de Picasso, Georges Bemberg hérite de l'amour de la peinture. C'est à New York, alors âgé d'une vingtaine d'années, qu'il fait l'acquisition d'une gouache de Pissarro, remarquée chez un marchand et obtenue pour 200 dollars. "C'est pour un musée" dit-il, pour cacher sa timidité et anticipant inconsciemment son désir profond. Aux Etats- Unis, puis en France après la guerre, Georges Bemberg se familiarise avec le marché de l'art et parcourt les ventes. A Paris, il est ébloui par Bonnard et va constituer, au fil des ans, un des plus grands ensembles de ce peintre, riche de plus de trente toiles. Il le complètera par un nombre important d'autres signatures de la fin du xixe et du début du xxe siècle, impression- nistes, nabis et fauves. Il réunira également près de deux cents tableaux anciens, du xvie au xviiie siècle, dont des portraits de Clouet, Benson et Cranach. Son amour pour Venise le pousse à collectionner les maîtres vénitiens tels que Canaletto et Guardi. Toutes les formes d'expression artistique le passionnent. Ainsi, de remarquables bronzes de la Renaissance, de splendides reliures, une foule d'objets précieux ou encore des meubles de grands ébénistes viennent s'ajouter à sa collection, qu'il ne va jamais cesser d'enrichir. Dans les années 1980, Georges Bemberg recherche un lieu où abriter sa collection et la partager avec le public, considérantque les beaux objets doivent finir dans un musée pour être vus par tous. C'est ainsi que lui vient l'idée de créer une Fondation, seul moyen de préserver sa collection dans son intégrité, tout en la rendant accessible. La splendeur de l'Hôtel d'Assézat que la municipalité de Toulouse lui propose de mettre à sa disposition, le convainc d'installer sa collection dans la ville. Le voeu du collectionneur peut se réaliser : abriter les oeuvres et les objets témoignant d'une vie tout entière consacrée à la recherche artistique dans un lieu hors du commun. Investi dans la mise en scène de l'oeuvre de sa vie, il crée un décor semblable à celui d'une noble maison particulière, renouant ainsi avec la vocation première de l'hôtel d'Assézat. Ce qui distingue la collection Bemberg et qui en fait tout le charme et la personnalité, c'est qu'elle n'est rien d'autre que le reflet fidèle du goût et du tempérament de son auteur. Celui-ci a choisi chaque tableau, chaque objet, pour la seule beauté et l'émotion que leur contem- plation éveillait en lui. Régulièrement, dans le plus grand anonymat, Georges Bemberg venait voir ses oeuvres installées dans l'écrin qu'il leur avait choisi et, toujours sans se faire connaître, se plaisait à écouter les commen- taires élogieux des visiteurs. Lieu d'exception s'il en est, l'hôtel d'Assézat appartient depuis plus de cent ans à la Ville de Toulouse. Sa construction, qui remonte à la seconde moitié du xvie siècle, est due à Pierre Assézat, négociant ayant fait fortune dans le pastel, plante tinctoriale dont le commerce était alors florissant. Venu d'Espalion, en Aveyron, au début du xvie siècle pour rejoindre ses frères aînés déjà associés à ce commerce, Pierre Assézat en devient l'héritier et le successeur en 1545. Marié à la fille d'un capi- toul, receveur général de la reine douairière Eléonore d'Autriche, il accéde au Capitoulat en 1552. Dès 1551, il commence à acquérir les terrains nécessaires à la construction d'une "grande maison" . Le 26 mars 1555, il conclut un bail à besogne avec le maître-maçon Jean Castagné et l'architecte sculpteur Nicolas Bachelier pour la construction du corps de logis formé de deux ailes perpendiculaires reliées par un escalier. A la mort de Nicolas Bachelier en 1557, son fils Dominique dirige les travaux du pavillon d'entrée, de la galerie ouverte sur la cour et enfin, de la "coursière" 4 qui anime le mur mitoyen aveugle. En 1761, les descendants de Pierre Assézat vendent l'hôtel au baron de Puymaurin, qui modernise façades et appartements. L'hôtel d'Assézat nous parvient donc après deux campagnes de travaux bien distinctes : l'une, datant de la Renaissance, met en place la composition générale, le dessin des façades, la superposi- tion des ordres dorique, ionique et corinthien, l'importance donnée à tous les éléments d'architecture par l'emploi de la pierre ; l'autre, remontant au xviiie siècle, voit les fenêtres à meneaux remplacées par de grandes fenêtres au premier niveau, pour éclairer les salons nouvellement créés. Au xixe siècle, après avoir été transformé en entrepôts et en bureaux, l'hôtel d'Assézat fut acheté par la banque Ozenne et légué en 1895 à la Ville de Toulouse. C'est au terme d'une étude de plusieurs années qu'a pris forme le projet de réhabilitation de l'édifice et son aménagement en vue d'abriter la collection Bemberg. Les travaux, commencés en 1993, se sont achevés début 1995, et la Fondation Bemberg a ouvert ses portes dans un bâti- ment entièrement rénové et réaménagé en fonction de sa nouvelle vocation culturelle. La Fondation Bemberg a réalisé une première extension et une rénovation de ses espaces en 2001, ce qui a permis d'y intégrer de nouveaux espaces comme l'auditorium, les ateliers pédagogiques, etc. A l'issue de près de 25 ans d'activités, le musée nécessite des aménagements plus adaptés à sa fréquen- tation et aux attentes du public, notamment en ce qui concerne l'accueil. Afin d'offrir la meilleure expérience possible à chacun de ses visiteurs, le conseil d'administration de la Fondation Bemberg a décidé d'un ambi- tieux chantier de rénovation, prévu de la fin de l'année 2020 au début 2022. Ce projet est l'aboutissement d'une réflexion en profon- deur sur les aspects techniques et la conser- vation préventive, ainsi que sur les aspects fonctionnels et notamment sur le parcours, les agencements muséographiques, les systèmes d'éclairage ainsi que les dispositifs de média- tion associés. Différents paramètres sont ainsi intégrés : muséographie, architecture, patri- moine, fonctions, et techniques. La Fondation Bemberg ou l'art de se réinventer... A l'heure où cette dernière a fermé ses portes pour un an afin de de se préparer pour une nouvelle vie, elle consent un prêt tout à fait exceptionnel. En effet, depuis sa création, c'est la première fois que la Fondation Bemberg, en dehors des prêts individuels qu'elle pratique toujours avec joie, prête ici une très large sélection des chefs-d'oeuvre de sa collection de peintures. Nul doute que, européen convaincu et amou- reux des beaux lieux, Georges Bemberg aurait apprécié de voir nombre de ses tableaux favoris dans le cadre attachant et romantique de la Fondation de l'Hermitage, en attendant que le rêve de sa vie fasse peau neuve...

03/2021