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Ysabel Marchand

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Philosophie

Le Principe Sécurité

« Sécurité publique », « sécurité alimentaire », « sécurité énergétique », « sécurité des frontières » : la sécurité constitue aujourd’hui dans tous les États un enjeu politique formidable. Mais qu’est-ce que la sécurité ? Un sentiment, un programme politique, des forces matérielles, un écran de fumée, une espérance, une damnation, une obsession pathologique, une source de légitimité, un bien marchand, un service public ? Ce principe, omniprésent, est le fruit de quatre grandes acceptions historiques : – la sécurité comme état mental, disposition du sujet ; – la sécurité comme situation objective, ordre matériel caractérisé par une absence de dangers ; – la sécurité comme garantie par l’État des droits fondamentaux, de la conservation des biens et des personnes, de l’ordre public, de l’intégrité territoriale ; – la sécurité comme contrôle des flux : cette acception du terme met à nu notre époque contemporaine et mobilise des concepts nouveaux – « traçabilité », « précaution » –, mais aussi ceux de « contrôle », « protection », « régulation ». Ces quatre dimensions sont autant de « foyers de sens » divers et irréductibles, qui, au cours de l’Histoire, ont connu chacun leur âge d’or, et semble s’être succédé. Or, montre Frédéric Gros, une fois embrasés, ils ont continué à être actifs, jusqu’à nos jours. Leur dynamique historique s’éclaire par quatre modalités : la reconfiguration (exemple de la tranquillité du Sage qui ne dépend plus de techniques spirituelles mais d’un bon gouvernement et d’un État fort) ; la réactivation (les ressorts millénaristes recyclés par les révolutions totalitaires du XXe siècle) ; la tension interne (entre sécurité policière et sécurité juridique, entre sécurité militaire et sécurité policière qui, à son tour, combat « l’ennemi intérieur ») ; la contradiction externe enfin (aujourd’hui la biosécurité remet en cause les autres foyers de sens ; de son côté le modèle de la sécurité du marché impose un démantèlement de l’État-providence, un effacement des politiques de santé publique, une disparition des logiques de solidarité, et la sécurité-régulation alors joue contre la sécurité-protection). Au-delà de ces variations historiques – de la sérénité du sage aux appareils d’État, du millénarisme religieux aux techniques contemporaines de contrôle –, ces quatre foyers de sens ont en commun que la sécurité, c’est, toujours, une retenue de la catastrophe. Le sage, par des exercices appropriés, tient à distance la catastrophe comme malheur, en neutralisant les représentations, en empêchant que les instabilités sociales ou les désordres du monde ne mordent sur sa tranquillité intérieure. Le millénarisme se construit largement comme une retenue de la catastrophe ultime, absolue, la destruction des temps et le Jugement dernier. L’État, en maintenant un ordre public, retient les forces de destruction, la catastrophe comme guerre. La biosécurité retient tout ce qui pourrait menacer, altérer, entraver la circulation des flux, en protégeant, contrôlant, régulant. La sécurité, c’est se retenir au bord du désastre.

10/2012

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Poésie

Chants d'Innocence ; Le Mariage du Ciel et de l'Enfer ; Chants d'Expérience

William Blake (1757-1827) brille désormais au firmament de la littérature universelle comme un astre énigmatique. Fils d’un marchand de chaussettes disciple de Swedenborg, il écrit des poèmes dès l’âge de douze ans ; à quatorze ans, il est mis en apprentissage chez un graveur et y assimile toutes les techniques de cet art difficile, dont il va faire son métier. En même temps il se forme à la peinture, au dessin, à l'histoire de l’art, et copie les maîtres anciens. Et c’est dans ces mêmes années d’adolescence que, pour la première fois, il voit passer des anges dans un chant de blé. Son destin de poète est alors tout tracé : manieur de mots, il écrit des poèmes; manieur de burin, il grave des planches où les images serviront en quelque sorte d’écrin aux vers ; manieur de pinceau, il les enlumine à l'aquarelle. C'est ainsi qu’il compose en 1788 son premier grand recueil, les Chants d’Innocence, dont chaque exemplaire est évidemment unique. Il y joue ”sur un flûtiau” des chansons ”pour enfants” : le style est naïf, doux et bucolique, emprunte aux comptines et aux berceuses, le poète contemple avec attendrissement la petite enfance, sa pureté et ses jeux charmants, et s’émerveille de la présence du Dieu sauveur, qui toujours la tient sous sa garde. Mais voilà qu'en 1794, selon la même technique, il grave des Chants d’Expérience, qui, reprenant un à un les titres et les thèmes des Chants d’Innocence, en offrent la version noire et comme maudite : enfance affamée et battue, iniquité partout, Dieu méchant, monde déchu, innocence perdue, universel esclavage. La vie, l’amour, Dieu même, tout est à réinventer. Dans ce message dû à la voix tonnante d’un vieux barde s’entend alors distinctement un autre Blake, amoureux des corps, libertaire et rageur, celui-là même qui s'est enthousiasmé pour la Révolution française. C'est qu’entre ces deux dates, entre ces deux séries de Chants formant diptyque, celui qui avait vu passer les anges s’en est allé visiter l’Enfer : en 1794, il finit de graver un long texte en prose, le Mariage du Ciel et de l’Enfer, parodie sarcastique du Ciel et l’Enfer de Swedenborg, virulente charge contre les Églises, les États et les conventions morales, où il procède à une inversion des valeurs qui culmine dans des ”Proverbes de l’Enfer” bien dignes de figurer dans une anthologie de l’humour noir.On ne peut qu’admirer l’art puissant de cet enlumineur illuminé, dont Gide, qui traduisit le Mariage, alla jusqu’à écrire : ”L’astre Blake étincelle dans cette reculée région du ciel où brille aussi l’astre Lautréamont.

04/2010

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Musicologie

Playlist. Musique et sexualité

L'ouvrage Playlist : musique et sexualité est constitué de seize essais autonomes, qui explorent tour à tour la musique dans les pratiques sexuelles, et le sexe dans les pratiques musicales. Il se déploie d'une thématique vers l'autre, comme un texte de sociologie de la musique qui virerait insensiblement au texte de musicologie. Quel est aujourd'hui le rôle de la musique dans la vie sexuelle des personnes, la réelle comme la fantasmée ? Quelles sont les représentations de la sexualité dans les oeuvres musicales, celles du répertoire classique comme celles des genres populaires ? Quelle a été, de l'Antiquité à nos jours, la trajectoire historique de ces imbrications ? Comment cette histoire dialogue-t-elle, dans la période contemporaine, avec le devenir marchand de la musique, et avec sa numérisation ? Comment la musique s'insère-t-elle dans l'histoire sonore de la sexualité, ce territoire méconnu des sound studies ? Quelles conséquences cette enquête peut-elle avoir pour repenser les pouvoirs de la musique ? Telles sont les questions que ce livre se propose d'explorer. Chaque chapitre aborde ce vaste domaine à partir d'une entrée singulière, comme une série de variations sur un thème musical, ou une playlist thématique. Ce choix formel fait écho à la diversité des oeuvres concernées : Don Giovanni de Mozart, Tristan et Isolde de Wagner, Lady Macbeth de Chostakovitch sont ainsi revisités, entre autres classiques, tout comme Je t'aime moi non plus de Gainsbourg, L'importante è finire de Mina, ou Erotica de Madonna, entre autres tubes. Plus récemment, la diffusion sur internet d'une music for sex et les dispositifs de recommandation des plateformes de streaming incitent à revisiter la critique adornienne de l'industrie culturelle, les idées de Guy Debord sur les femmes dans la société du spectacle, ou encore l'enquête sur la sexualité de Pasolini dans son film Comizi d'amore. Le livre se veut ainsi à la fois une enquête empirique et une proposition théorique, qui discute avec la musicologie féministe et les queer studies, avec les sciences cognitives de l'écoute et du plaisir, avec la sociologie de la culture et l'histoire culturelle. En envisageant la musique comme un dispositif technique aux usages diversifiés, de la présence anthropomorphe à la "musique d'ameublement" , il esquisse une écologie sonore capable de rendre compte à la fois des logiques du plaisir et de celles de la domination, à commencer par la domination des hommes sur les femmes. Si la musique n'a cessé, au cours de l'histoire, d'énoncer et de faire sentir par les sons l'amour et ses attachements, le désir et ses imaginaires, l'ambition ultime de Playlist est de contribuer à une conception renouvelée des formes temporelles de l'expérience humaine.

09/2022

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Policiers

Mauvais sang ne saurait mentir

A l'été 1998, suite à une dispute avec sa femme, le journaliste et écrivain Walter Kirn cherche un moyen de quitter son domicile dans le Montana. Il a absolument besoin de se changer les idées, de prendre le large. Un seul problème : il est à court d'argent... Il parvient néanmoins à voyager tous frais payés jusqu'à New York en répondant à la petite annonce postée par un jeune banquier et collectionneur d'art new-yorkais qui cherche quelqu'un pour lui amener la chienne estropiée qu'il a adoptée sur Internet. C'est ainsi que l'auteur découvre l'univers singulier de Clark Rockefeller, privilégié excentrique qui sera pour finir démasqué comme imposteur en série, kidnappeur d'enfant et meurtrier. En tant que journaliste et écrivain, Walter Kirn est rapidement fasciné par ce personnage qu'il côtoiera pendant des années sans soupçonner le moins du monde son imposture. En 2008, Clark Rockefeller, divorcé depuis peu, enlève sa fille. S'ensuit une chasse à l'homme qui fera la Une de nombreux journaux. On découvre que ce nom n'est qu'une des nombreuses identités d'emprunt utilisées par celui qui se prénomme en réalité Ghristian Gerhartsreiter, ressortissant allemand arrivé aux Etats-Unis dans les années 80. En 1985, époque où il se faisait passer pour le baronnet anglais Christopher Chichester, Gerhartsreiter assassina et démembra un jeune Californien. Après quoi il s'installa dans le Connecticut, changea d'identité et devint un Américain modèle. Vivant grâce au salaire conséquent de sa nouvelle femme, il se fait passer tour à tour pour un producteur de télévision, un marchand d'art et un physicien. Arrêté, inculpé de meurtre, il est jugé en 2013 et condamné à la prison à perpétuité. Walter Kirn assiste à son procès. C'est pour lui l'occasion de s'interroger sur ce qui les a rapprochés, sur les mobiles de Rockefeller et enfin sur sa propre crédulité. Mêlant confession autobiographique, reportage de fait-divers et spéculation culturelle, Mauvais sang ne saurait mentir est un récit à la Dreiser sur la construction de soi, l'ascension sociale et l'arrogance intellectuelle, qui met à nu les strates de l'envie, de la corruption, de l'ambition et de la désillusion qui se cachent sous la figure du grand imposteur américain. Avec Blood Will Out, Walter Kirnplonge le lecteur dans une formidable histoire d'usurpation d'identité. Il analyse également les mécanismes de séduction entre un auteur et son sujet. Il donne également aux lecteurs un certain nombre de clés pour comprendre la société américaine des années 1980, époque à laquelle les immigrés de première génération qui s'installaient aux Etats-Unis pouvaient devenir aussitôt américains, sans attendre les générations suivantes.

01/2015

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Beaux arts

Diwãn des mots voyagés. Ecrits et oralités, une création collective autour de la Méditerranée

Faire diwãn. Lecture ou re-découverte des mots francisés en passant par la Méditerranée. Oser s'approcher des clés du trousseau des mots, du qui le dit et comment ? D'où je parle ? Projet du diwãn, atelier ambulant. Pour cette réalisation, l'art collectif représente une création où les formes inspirantes et participatives des invité. e. s qui l'ont nourrie, sont incluses dans la forme présentée. Projeter des cartes sur le mur de l'atelier pour tracer par superposition des parcours, des routes des caravanes, des marchands, à la croisée des guerres de conquête, des poètes, chercheurs et astronomes, des inventeurs, autour et par la Méditerranée. Lignes des routes de la soie, des épices et des encens aux dernières migrations. A partir de cette approche, impossible restitution autre qu'un support de résonances, transporter des fragments d'atelier dans différents lieux pour aller vers des rencontres contemporaines et partager une collecte de traductions et propositions. L'oralité est présente, indispensable dans son parallèle avec l'écrit et l'image. L'enregistrer prend sa fonction. Il y a débat - les traductions ne sont pas toujours uniformes. Le choc des étapes des mots, des situations, des historiques, des échanges, se produit à partir d'exemples convoqués de façon insoupçonnée. Interrogés des documents, des anciens manuels scolaires, des objets familiers collectés deviennent références. Questionner le sens des archives. D'un pays à l'autre, les mots, leurs sens et significations, leurs traductions ont rebondi en échos des situations de négoces et d'échelles, de nécessité et de désir aussi. Ils pénètrent les langages au quotidien, ils traversent la langue française. L'augmentation des réactions et des propos égraine des nouvelles pistes, des situations de lieux, de souvenirs à partager, à désenfouir aussi. Des nouveaux fragments à chaque rendez-vous, comme un poème sans fin, le projet se réalise dans son évolution. Nûba ------- traduire ------ chacune et chacun son tour. Muriel Modr La nouvelle édition. Diwãn des mots voyagés. Ecrits et oralités, une création collective autour de la Méditerranée reprend les cahiers 1 et 2 revus et corrigés de l'édition de 2015. La proposition de Muriel Modr d'un poème sans fin, s'enrichit d'un cahier 3 qui restitue des créations personnelles et collectives réalisées lors des différentes présentations et expositions de 2016 à 2018.

10/2019

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Beaux arts

Monet. Une vie dans le paysage

Claude Monet, le plus connu, le plus aimé de tous les peintres, il semble au lecteur, à la fin de ce livre, qu’il ne le connaissait pas. Les débuts difficiles, le travail sur les motifs, les séries, le vieillard à la barbe blanche, le jardin de Giverny – on retrouvera tout cela ici, certes, mais forcé lumineusement au-delà du cliché, le long de 34 chapitres qui s’enchaînent comme autant de stances d’une expérience unique et bouleversante. Fruit d’un long travail de reconstruction, le livre suit le peintre pas à pas et parfois heure par heure, mais jamais ici la biographie n’a la distance équivoque d’un récit linéaire rétablissant les faits après coup : elle épouse les errements et les embardées de la vie, elle avance auprès du peintre dans ce paysage qu’il finira par trouer, basculant presque malgré lui au-delà du motif. Que le texte évoque “l’extraordinaire volonté qu’à Monet de maintenir l’informe”, qu’il retrace avec une minutie exemplaire le caractère épique des “campagnes de peintures” ou qu’il s’ouvre fraternellement à l’éternelle satisfaction d’un artiste bien conscient de chercher l’impossible, ce qui le conduit et l’éclaire, c’est avant tout le travail secret de l’œuvre, son mouvement anxieux, son tourment. Ainsi est-ce un Monet perpétuellement tendu – tous le contraire de la facilité et des bonheurs qu’on imagine – qui traverse ces pages. De Boudin à Jongkind, de Manet à Pissarro, de Renoir à Cézanne à Whistler ou Sargent, mais aussi des proches des marchands, de Mirbeau à Mallarmé, de Zola à Clémenceau, le livre fait bien sûr défiler tous ceux qui ont joué un rôle dans la vie de Monet. Témoins, ils ne sont là pourtant que pour éclairer d’un certain jour l’aventure au fond si solitaire du peintre des Cathédrales, des Meules ou des Nymphéas. Roman de formation, mais d’une formation sans fin recommencée où, de crise en crise, l’expérience ricoche, trébuche et s’exalte, ce livre donne accès à l’égarement même du procès créatif – et dans une proximité telle que, le temps d’une lecture, le lecteur pourra se redire ce que se disait Mallarmé : “Une chose dont je suis heureux, c’est de vivre à la même époque que Monet”.

03/2010

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Ecrits sur l'art

L'envers de la médaille. Mondrian, Dubuffet : les pouvoirs publics et l'opinion

Mondrian et Dubuffet, hommes et oeuvres, n'offrent à première vue aucune espèce de ressemblance. Toutefois, la temporalité propre à l'affirmation de leur personnalité artistique, et surtout le rapport de l'opinion et des institutions à leur travail, présentent des analogies telles qu'elles peuvent paraître non seulement instructives, mais significatives et même exemplaires quant à certains aspects de la vie artistique du XXe siècle en France. "? Tous deux, relève Germain Viatte, eurent à affronter un aveuglement insistant de l'opinion, même spécialisée et, pour Dubuffet, une adversité consentie, qui ne s'apaisa qu'au début des années 70, lui faisant même craindre de perdre sa position d'? "ennemi public"... ? " Il est vrai qu'il fallait, pour établir ce constat, le regard d'un "? homme de l'intérieur ? " doublé d'un historien. Appuyé sur un travail documentaire faramineux qui accorde la plus grande place au point de vue individuel des acteurs de l'histoire - artistes, écrivains, marchands, complices, amateurs et représentants des musées -, L'envers de la médaille, comme le suggère son titre, dépeint la face moins reluisante de deux éclatantes réussites artistiques ? : deux itinéraires marqués par un isolement tantôt subi, tantôt choisi, et jalonnés, ou couronnés, par des acquisitions publiques plus ou moins heureuses. A cet égard, le récit des pieds-de-nez de Dubuffet aux institutions officielles de la culture (don de plus de cent cinquante de ses oeuvres au Musée - privé - des Arts Décoratifs, installation de la Collection de l'Art Brut à Lausanne), ou celui de l'? "? Affaire Mondrian ? " (un achat de faux par le tout jeune Centre Pompidou en 1978) ne constituent que les épisodes les plus sensationnels de la reconstitution menée par Germain Viatte, témoin de premier plan. Reconstitution, ou état des lieux ?? L'auteur, participant de la première heure dans l'aventure Beaubourg, le signale en conclusion ? : "? Ces deux textes sont longtemps restés dans mes tiroirs, bloqués par une sorte d'embarras devant les contradictions qu'ils peuvent révéler dans l'exercice délicat des musées en un temps supposé glorieux, celui des années 60/70, qui vit l'érection au coeur de Paris d'un objet architectural et urbain véritablement extraordinaire, le Centre Georges Pompidou. ? " En pérennisant la mémoire de ces itinéraires d'artistes, il fournit, de fait, d'importants éléments de réflexion sur les politiques muséales, à l'heure où Beaubourg "? va devoir affronter de nouvelles conditions de rayonnement ainsi qu'une rénovation architecturale majeure. ? "

06/2021

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Thèmes photo

Le Japon. Le temps suspendu

Ce nouvel opus de l'Oil curieux offre un voyage au coeur d'un Japon rêvé : vues et paysages, portraits et scènes de genre, figures emblématiques - geishas, sumos et samouraïs. A travers 40 tirages photographiques mis en couleur, à la délicatesse reminiscente des estampes d'Hokusai, le lecteur découvre un Japon immuable, loin des clichés. Un Japon immuable Les photographes Beato et Stillfried donnent à voir, à travers les sujets traités et les lieux représentés, l'image d'un pays immuable alors même que l'archipel entre dans une période de profonds bouleversements. Destinées à une clientèle naissante de touristes étrangers en recherche d'exotisme, leurs images correspondent à une demande et sont autant de tableaux d'un Japon éternel. Vues et paysages Beato et Stillfried photographient les mêmes lieux célèbres qu'ont représentés avant eux les maîtres de l'estampe Hokusai ou Hiroshige, : Mont Fuji, environs de Yokohama, lacs et relais de la route historique du Tokaido. Portraits et scènes de genre Les petits métiers de rue, porteurs, conducteurs de pousse-pousse, poissonniers, vendeurs ambulants, marchands devant leur boutique sont saisis comme une succession de " tableaux vivants ", même si le photographe a recours à des figurants dans des compositions savamment organisées. La figure du samourai associée aux images de l'ancien Japon, est présente à travers des modèles posant en armures. Lutteurs de sumo, palefreniers tatoués, moines bouddhistes donnent de la couleur locale à cette galerie de portraits où se mélangent le réel et le reconstitué. Exotisme La recherche d'exotisme est empreinte de goût occidental. Femmes élégantes et guerriers en armes posent dans l'atelier de Stillfried devant des toiles peintes de sous-bois, tout droit sortis de l'Ecole de Barbizon, d'où émerge la figure majestueuse du Mont Fuji. Il recrée en studio l'identité visuelle des intérieurs japonais où il lui est impossible de pénétrer. La place de la femme est y centrale, identifiée autour de quelques activités : la toilette, la musique, le thé. . Stillfried se distingue enfin par des portraits cadrés serrés de jeunes filles ou de vieillards d'une grande présence. Yokohama Rapportées dans les malles des voyageurs ou exportées pour être vendues en Occident, les images de Felice Beato et Raimund von Stillfried contribueront à la vogue du japonisme en Europe, un genre en plein essor connu sous le nom de Yokohama shashin, les " photographies de Yokohama ".

06/2023

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XXe siècle

Ecumes amères . Marins pêcheur, la découverte d'un monde

Ecumes amères est le récit de personnages fréquentant une pension maritime de Boulogne, dans la seconde moitié du 20e siècle. Un lieu qui semble fictif, ouvert à tous vents et en même temps très fermé. "Ecumes amères" est la traduction d'une mer omniprésente. Ce sont aussi les écumes de la colère, de l'indignation, de la rancoeur, de la tristesse, de la mélancolie des différents personnages de ce livre dont le lecteur découvre la plus profonde intimité. A partir des souvenirs de Louisette, fille cadette des tenanciers du Lieu Charles et Simone, se croisent Fatty, un Anglais borgne et râleur, marin à mi-temps, Colly l'Africain, le Sage de la bande, enrôlé dans la Marchande, Le Gall, jeune Breton impétueux, débarqué à Boulogne au terme d'une nuit d'escale agitée, Paulo, un chasse-marée éclopé et alcoolique, qui vit avec d'autres gars désoeuvrés dans un bunker, Roland, pêcheur artisanal, en provenance du port voisin d'Etaples, qui est le point d'ancrage pour décrire, avec sa famille, la communauté maritime dont il est issu. Le lecteur découvre les secrets de chacun en entrant dans leur intimité, avec pour toile de fond la beauté et la rudesse de la mer. L'occasion d'évoquer la religion, le blasphème, le racisme, la famille, la bâtardise, la misère, la sexualité, l'injustice, la précarité, le courage... La personnalité des uns et des autres donne le relief à cette histoire, qui veille à proposer des rebondissements et des liens inattendus. L'amertume demeure au-delà du vécu. Dominique Dachicourt est né et a grandi à Etaples, dans une maison traditionnelle du quartier de la marine. Fils de pêcheurs, il ne prend pas le relais de ses aïeuls installés dans la cité portuaire depuis trois siècles. Après une dizaine d'années dans la fonction publique territoriale, il devient professeur des écoles, en France et en école européenne à Bruxelles. Il collaborera également, durant une vingtaine d'années, à la rédaction de nombreux articles dans la Voix du Nord en qualité de correspondant de presse. Il est l'auteur d'un recueil pour enfants "Histoires pour 1m20 et plus" . Poète, nouvelliste. Il est également lauréat de quelques concours de nouvelles, dont celui de la Société littéraire et culturelle Musanostra.

07/2023

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Histoire de France

Les Renaissances 1453-1559

Ce livre efface la coupure aussi traditionnelle qu'arbitraire entre le Moyen Age et l'époque moderne. C'est toute cette période, de Charles VII à Henri II, qui est placée sous le signe "des" Renaissances. La fin de la guerre de Cent ans et des grandes crises socio-économiques, au milieu du XVe siècle, est effectivement le point de départ d'un renouveau général, des hommes, des échanges, des richesses... La période 1453-1559 est alors entraînée dans un mouvement de floraison, de dynamisme et de créativité en de multiples domaines ; c'est ce siècle effervescent qui, en définitive, correspond bien à l'appellation de "beau XVIe siècle". On a fait ici le choix d'en évoquer les principales facettes d'une manière plus thématique que chronologique, sans négliger pour autant, à l'intérieur de chaque développement, de faire apparaître les inflexions et les mutations, aussi bien pour les réseaux marchands que pour les affrontements religieux... Les six parties correspondent à des approches successivement démographique et économique, sociale, politique, de relations internationales, religieuse et culturelle. Nombre de thèmes de recherche développés récemment y trouvent bien évidemment leur place, qu'il s'agisse de la consommation ou des identités. D'autres en revanche, comme le genre, ont été mis en valeur dans I'"atelier de l'historien". Ce mode de présentation contribue à faire émerger une synthèse, au service d'une intelligibilité nouvelle de la période, avec le souci de mettre en valeur des problématiques, d'ouvrir des réflexions, en soulignant pour certains sujets les insuffisances, voire les contradictions, de l'historiographie et en nourrissant le propos de remarques critiques. Il s'agit bien ici d'un "certain regard "sur le temps des Renaissances. La dialectique du changement (emblématique des représentations sur la période) et des continuités s'impose d'une façon particulièrement nette : elle suppose d'évaluer avec justesse l'ampleur des mutations et des changements. Elle nourrit le débat, déjà ancien, sur la "modernité" de la Renaissance ; s'agit-il vraiment de l'enfantement d'un monde nouveau ? N'est-elle pas plutôt le point d'aboutissement d'un certain rapport au monde, issu des derniers siècles médiévaux ? Cette interrogation permet de tisser la trame qui sépare ce temps lumineux des Renaissances des ténèbres des guerres de Religion...

10/2014

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Histoire internationale

Le sacrifice humain chez les Aztèques

Nulle part le sacrifice humain officiel, organisé par l'Etat, n'a été plus répandu que dans l'ancien Mexique. Les Aztèques eux-mêmes se vantent d'avoir immolé en trois ou quatre jours quelque 80 400 guerriers pour l'inauguration de leur Grand Temple en 1487. Cette pratique, qui nous paraît barbare, mais que toute une tradition tente de minimiser ou de justifier reste particulièrement difficile à comprendre. On dit parfois que le XXe siècle a vu bien pis avec ses génocides, mais le fait de sacrifier des ennemis n'empêchait nullement les Aztèques d'exterminer en plus des cités entières. Il est vrai aussi que bien d'autres civilisations ont immolé des hommes aux dieux, mais elles ont en général fini par passer au sacrifice animal, ou même, comme le christianisme, au sacrifice non sanglant. Comment comprendre alors le cas des Aztèques ? Pourquoi ces mises à mort nombreuses, variées et raffinées ? Pourquoi cette implication de la société tout entière, les rois, les nobles et les prêtres, les sacrifiants - seigneurs, guerriers victorieux, riches marchands ou artisans -, et enfin l'ensemble des habitants, sans compter ceux d'autres cités parfois contraints, sous peine de mort, d'assister aux cérémonies Les victimes sont présentées à la population qui les adopte et reste en contact avec elles. Certaines incarnent l'une ou l'autre divinité et se promènent pendant des jours dans la ville. Lorsqu'on les immole et les mange, c'est la divinité même qui meurt et renaît à travers elles. Ceux qui les offrent, les sacrifiants, les accompagnent depuis la capture ou l'achat jusqu'à la mise à mort, lorsqu'ils les conduisent au pied du temple ou de la pierre de sacrifice. Connus et visibles du début jusqu'à la fin, ils organisent les banquets finaux durant lesquels on mange l'homme-dieu, ils en conservent des reliques et gagnent du prestige, des richesses et des chances de survie dans l'au-delà. L'ampleur de la cérémonie glorifie la cité et écrase les rivaux invités à y participer. Mais les mises à mort massives de prisonniers de guerre sont aussi des meurtres inspirés par la vengeance, des meurtres dont ceux qui y assistent fascinés sont en fait complices, ce qui doit accroître le sentiment d'appartenance au groupe et renforcer sa cohésion.

01/2005

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Livres 3 ans et +

Fanette et Filipin N°22 Automne

SOMMAIRE : Raconte-moi une histoire Fanette à la cueillette des champignons Au revoir grand-père Blaireau Conte : L'Eau de la Vie Poème : Un tout petit écureuil Je fais avec mes mains Ma page peinture La marchande des quatres saisons La danse des formes Marotte Le cobbler aux mûres Je m'amuse La page de l'Automne Les mots reliés Jeux de l'automne Je découvre la nature Le raton laveur La bonne Dame Ronce Le coin des parents Les contes de quête Le journal de Fanette et Filipin est un magazine alternatif drôle et plein de vie pour les enfants de 3 à 10 ans. Au rythme des saisons, il propose des histoires et des activités en lien avec la nature pour partager en famille beaucoup de joie et de créativité. Un magazine pour rêver et s'émerveiller A chaque saison, le journal de Fanette et Filipin propose de belles histoires basées sur des valeurs d'amitié, d'entraide, de confiance et de gratitude qui viennent nourrir l'imaginaire des enfants et ouvrent toutes grandes les portes du rêve. Les illustrations d'une qualité exceptionnelle, entièrement réalisées à la main par des illustratrices de talent, sont pleines de douceur, de couleurs et de poésie, pour rêver et s'émerveiller. Le monde est beau : vivons pleinement les quatre saisons Tous les trois mois, Fanette et Filipin emmènent vos enfants en balade dans la nature et leur proposent en plus des histoires : -Des bricolages amusants et faciles à réaliser dans des matériaux nobles et naturels pour développer le goût de faire et de créer avec ses mains. -Des recettes de cuisine végétarienne pour apprendre à se nourrir sainement. -Une rubrique vie des animaux et secrets des plantes. -Du dessin de forme, pour développer le centrage, la concentration, la motricité fine et la créativité. -Des fables, des poésies, des chansons de saison et des jeux rigolos. Le magazine jeunesse qui plaît autant aux enfants qu'à leurs parents ! Mais au fait, qui sont Fanette et Filipin ? Fanette est une petite fille intrépide qui vit au rythme des saisons et partage avec son ami Filipin, un drôle de lutin des bois, une amitié extraordinaire et émouvante. Leurs aventures rocambolesques les emmènent à la découverte des merveilles de la nature. Les récits sont drôles, émaillés de difficultés à surmonter. C'est avec bonheur que les enfants s'identifient à ces petits héros qu'ils retrouvent à chaque numéro.

09/2018

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Histoire et Philosophiesophie

Un coup de ciseaux dans la Création. CRISPR-Cas 9 : le redoutable pouvoir de contrôler l'Evolution

Nous entrons dans une nouvelle ère. De la même façon qu'il y eut un avant et un après la découverte de l'électricité, comme il y eut une rupture avec l'apparition du numérique, l'humanité s'apprête à franchir une nouvelle étape déterminante dans son histoire : celle de la révolution génétique. Et cette révolution a un nom : CRISPR-Cas9 ! Derrière cet étrange acronyme, se trouve le plus puissant et le plus redoutable outil d'"édition de gênes" jamais découvert par les scientifiques. Il permet de réécrire quasiment "à volonté" le génome de tout être vivant sur Terre, avec une précision et une facilité jamais atteintes par aucune des technologies de "manipulation génétique" précédentes. Et c'est un pouvoir presque démiurgique qui s'ouvre ô nous. Amélioration des semences agricoles, en particulier dans la perspective du réchauffement climatique. Modification des races animales d'élevage pour une production plus saine et plus abondante. Mais aussi - pourquoi pas ? - "désextinction" d'espèces disparues, comme le mammouth laineux. Cet outil peut également servir la médecine dans sa lutte contre de nombreuses maladies génétiques telles que la mucoviscidose, le nanisme, le diabète, etc. Elle ouvre la voie à de nouvelles thérapies dans la bataille contre le cancer, le sida ou l'infertilité. Elle peut aussi, demain, entre les mains de marchands sans scrupule, permettre à des parents de choisir leur enfant "à la carte" : beauté, musculature, intelligence, faites votre choix ! Enfin - et c'est sans doute là le plus terrifiant -, elle pourrait autoriser une modification de la "lignée germinale" humaine dont les implications seraient bien proches du rêve d'Hitler d'une "race supérieure" ! Dans ce livre fascinant et crucial, Jennifer Doudna et Samuel Sternberg, deux scientifiques de renommée internationale qui ont participé à la découverte et au développement de CRISPR, nous racontent l'aventure de cette trouvaille extraordinaire et exposent à la connaissance de tous ses possibilités et ses conséquences. Aucun retour en arrière n'est possible, l'humanité a toujours utilisé les technologies qu'elle découvrait, quels qu'en soient les dangers, comme dans le cas de la fusion nucléaire. Reste à savoir si elle le fera dans un but altruiste et éclairé ou si ce redoutable pouvoir sur l'Evolution échappera à tout contrôle. Ces interrogations sont au coeur de la réflexion de Jennifer Doudna et Samuel Sternberg dans ce livre.

09/2020

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Littérature française

L'ours et le philosophe

L'ours, c'est le sculpteur Etienne Maurice Falconet, auteur de la statue équestre de Pierre Le Grand à Saint-Pétersbourg. Le philosophe, c'est Diderot qui intervint avec empressement auprès de Catherine II pour que son ami bénéficiât de cette commande qui allait assurer sa célébrité dans toute l'Europe.

A travers leur amitié, leur correspondance et leur longue querelle épistolaire autour de la notion de postérité, Frédéric Vitoux restitue ici une époque et des hommes essentiels de l'histoire des idées (L'Encyclopédie et ses artisans, Diderot, d'Alembert, Rousseau, Voltaire, ou le trop méconnu chevalier de Jaucourt). A la faveur de rapprochements et de digressions (cet art dans lequel excella Diderot qui se comparait lui-même à un chien de chasse mal dressé), ce sont des moments de sa propre vie qu'il mêle à la matière de son essai , ce qui lui permet de s'exprimer mezza voce sur le débat qui, en son temps, nourrit l'amitié des deux hommes et aboutit à leur rupture. Falconet ne croyait pas à la postérité tandis que Diderot plaçait en elle tous ses espoirs.

Ces options antagonistes trahissent le caractère des deux hommes : Falconet misanthrope, farouche, pessimiste, d'une probité artistique sans faille, mais volontiers brutal (on l'accusera, à tort du reste, d'avoir poussé l'un de ses élèves au suicide par ses jugements intransigeants à son égard), s'aliénant en Russie tous ses interlocuteurs, et pour finir ingrat. Diderot infatigablement dévoué à ses amis, affectif, optimisme et altruiste. Leur fervente amitié se dissipa donc dans la rancune et la défiance en raison de plusieurs maladresses du sculpteur, son refus de tenir sa promesse de recevoir Diderot sous son toit, à Saint-Pétersbourg, quand le philosophe se décida enfin à entreprendre ce long voyage qu'espérait et attendait l'impératrice Catherine II depuis si longtemps mais aussi parce que Falconet laissa publier, sans l'aval de Diderot, leur correspondance.

De Russie, Diderot rentre désabusé de son rêve philosophique consistant à convertir Catherine II aux Lumières ; Falconet, lui, claquera la porte et n'assistera même pas à l'inauguration de son chef d'oeuvre. Rien de désincarné dans cet essai. Le récit de l'amitié des deux hommes donne matière à des retours sur soi de l'auteur : l'île Saint-Louis qui lui est si chère, où vécurent aussi ses deux personnages ; des rencontres (Le Marchand ; Jorge Amado ; la création du Périscope de l'île Saint-Louis, qui fut l'occasion de la rencontre essentielle avec son épouse Nicole ; le beau portrait de l'ours Bernard Frank et du non moins ours Céline, plus amer et véhément à son retour d'URSS en 1936 que ne le fut Diderot en 1774 ; la découverte de la divagation d'un Laurence Sterne libérateur, l'auteur de Tristram Shandy dont l'influence fit déterminante pour l'auteur de Jacques le Fataliste...)

02/2022

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Littérature érotique et sentim

Théodora. Suivi de L'Amazone de Prague

Les femmes font payer leurs amants pour leurs erreurs passées...POUR UN PUBLIC AVERTI. Théodora se venge de son ancien amant, un baron qui a refusé de l'épouser et ainsi de l'anoblir. Quant à l'Amazone de Prague, elle affronte, lors de soulèvements libéraux et nationalistes, un officier ennemi qui a jadis été son amant infidèle.Deux nouvelles érotiques, avec en fond l'histoire révolutionnaire !EXTRAITPar une maussade journée de novembre, aussi désagréable que la nouvelle qu'elle apportait, le baron Andor entra chez Théodora Wasili et lui annonça qu'il allait la marier. Théodora était une villageoise, et certainement la plus belle, la plus fière entre toutes ces créatures qui, aujourd'hui encore, trahissent leur origine roumaine. La première fois que le baron l'avait vue, elle dansait dans un cabaret ; il avait gagné son cour en lui offrant une paire de colliers de gros corail rouge, mais faux ; il lui avait donné en outre un petit pot de fard acheté chez un juif marchand de bric-à-brac ; car toutes ces filles d'Eve aiment à se farder.Plus tard, le baron lui fit de plus riches cadeaux. Elle adopta les allures d'une boyarine et prit bientôt les habitudes d'une petite dame distinguée et gâtée. Au moment où les paroles du baron vinrent la frapper comme l'éclair, elle était allongée sur un divan turc, chaussée de pantoufles brodées d'or, vêtue d'une kazabaïka de fourrure doublée de velours rouge et garnie de martre ; elle souleva sa tête à l'expression sévère, aux grands yeux sombres, chargée d'une opulente chevelure noire ; elle ressemblait presque à un démon.A PROPOS DE L'AUTEURLéopold von Sacher-Masoch (1836-1895) est un écrivain et historien né en Autriche et aux origines cosmopolites. Son ouvre est principalement constituée de contes nationaux et de romans historiques regroupés en cycles. Il s'y trouve généralement une héroïne dominatrice ou sadique, et le sens narratif vient des légendes et histoires du folklore slave, ayant bercé d'enfance de l'auteur. Le terme " masochisme " est forgé à partir du patronyme de Sacher-Masoch par le psychiatre Krafft-Ebing dans Psychopathia Sexualis (publié en 1886), et est considéré par celui-ci comme une pathologie. Pour Gilles Deleuze, qui a analysé et popularisé l'auteur, son ouvre est pornologique, car projetant la pornographie dans le champ philosophique.A PROPOS DE LA COLLECTIONRetrouvez les plus grands noms de la littérature érotique dans notre collection Grands classiques érotiques.Autrefois poussés à la clandestinité et relégués dans " l'Enfer des bibliothèques ", les auteurs de ces ouvres incontournables du genre sont aujourd'hui reconnus mondialement. Du Marquis de Sade à Alphonse Momas et ses multiples pseudonymes, en passant par le lyrique Alfred de Musset ou la féministe Renée Dunan, les Grands classiques érotiques proposent un catalogue complet et varié qui contentera tant les novices que les connaisseurs.

03/2018

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Romans noirs

Grenouille mortelle

Bretagne, 1941. Louis Feutrier, jeune antiquaire féru de jazz, reçoit une mystérieuse gravure représentant la tombe sculptée d'un obscur chevalier du Moyen-Age. L'expéditeur qui la lui a confiée, un historien de l'art et républicain espagnol en exil, l'entraîne dans une dangereuse enquête. Les secrets d'un illustre statuaire y sont recherchés par de redoutables trafiquants... Rennes, Bretagne, 1941. Louis " Loulou " Feutrier, jeune et fringante vedette d'un orchestre de jazz swing local, se voit interdire la pratique de son instrument, le saxophone, pour raisons de santé. Alors qu'il envisage de se consacrer corps et âme à son autre passion, la recherche en Histoire de l'art, il reçoit dans d'étranges conditions un folio, arraché d'un recueil, représentant le magnifique mausolée d'un obscur chevalier du Moyen-Age. La recherche de son origine le met en contact avec la diaspora républicaine espagnole en exil, qui fréquente un troquet des faubourgs de Rennes au faux airs de cour des miracles, surnommé " el consulado ". L'expéditeur de la gravure se révèle être un professeur d'Histoire de l'art, quelque peu différent des autres exilés, qui l'entretient longuement de sa découverte : par l'intermédiaire d'un marchand d'art parisien, il réalise des recherches sur un sculpteur breton actif à Séville, pendant que des oeuvres d'art qui lui sont liées apparaissent sur le marché. Alors que Louis s'engage à l'assister dans sa quête d'informations sur le sculpteur médiéval, en vue d'une vente prochaine, le professeur disparaît dans d'opaques circonstances. Grâce à l'aide de son oncle, expert en art expérimenté, Louis se lance sur les traces de cet illustre statuaire oublié, qui, selon l'information acquise, a travaillé pour plusieurs dignitaires et têtes couronnées de l'Europe du XVe siècle, ravagée par les longs conflits de la fin du Moyen-Age. Malheureusement, Louis et son oncle ne semblent pas être les seuls sur cette piste... Rapidement, d'inquiétants et brusques trafiquants liés au milieu nationaliste breton parasitent les recherches, à Quimper ou dans le Léon finistérien. Alors que les témoins et les auxiliaires disparaissent les uns après les autres, Louis n'a d'autre choix que de remonter la piste du sculpteur à sa source. Il s'aventure alors dans l'inquiétante pesanteur de l'Andalousie de l'après-guerre civile, au coeur d'une ville de Séville frappée lourdement par la victoire de la dictature militaire. C'est là, au coeur de l'intrigante capitale andalouse et de son immense cathédrale gothique, auprès de fascinants nouveaux personnages, qu'il découvre la clé de l'énigme, dans les pampres sculptés de la tombe d'un évêque. L'Europe des années 40 reçoit alors le triste écho de l'Europe des longues guerres médiévales, quand les artistes, ambassadeurs, devenaient les messagers des plus périlleuses cabales.

03/2022

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Immigration

Etranger

Dans la veine propre à la collection Le mot est faible, ce nouveau titre revient, sous l'angle du droit, sur l'histoire de la nationalité française inventée à la fin du xixe siècle et utilisée depuis pour fabriquer des étrangers et les soumettre à des régimes plus ou moins sévères et cruels suivant les besoins du marché du travail. Barbare, métèque, esclave, aubain... Jusqu'à une période récente, il n'existe pas de définition univoque de l'étranger car il se définit en creux, par défaut, comme celui qui n'appartient pas à la communauté. Suivant ce critère, il a existé autant de figures de l'étranger que de manières inventées par les humains de former communauté. Dans la Grèce antique, l'étranger est l'étranger à la cité, celui qui ne parle pas grecque - le barbare - mais aussi le Grec qui vient d'une autre cité. Dans l'Europe médiévale où les frontières sont mouvantes, c'est l'étranger à la foi, le non-chrétien qui incarne la figure de l'altérité (le Juif, le protestant ou le Turc). Suivant les périodes et les lieux, d'autres critères imprécis et fluctuants, car nés à l'échelle locale, s'articulent pour décider, si besoin, que tel marchand ou tel voyageur est étranger, autorisant le seigneur local puis le roi à hériter de ses biens. Même au milieu du xixe siècle, en France, dans les zones frontalières où vivent des familles et des travailleurs immigrés, les représentant de l'Etat peine à distinguer les Français - soumis à la conscription - des étrangers. Ce flou entourant la notion d'étranger a aujourd'hui disparu. Le droit moderne s'est approprié le concept pour en dessiner les contours au scalpel : l'étranger est celui qui n'a pas la nationalité de l'Etat sur le territoire duquel il se trouve. Désormais, établie avec certitude, est présentée comme un attribut de la personne humaine. Ce petit livre voudrait revenir sur l'histoire de la nationalité française inventée à la fin du xixe siècle et utilisée depuis pour fabriquer des étrangers et les soumettre à des régimes plus ou moins sévères et cruels suivant les besoins du marché du travail. La catégorie d'étranger - opposée à celle du national - n'a rien de naturel, elle est façonnée depuis l'origine au vu des projets impérialistes et capitalistes des Etats industriels avancés. Depuis les années 1980, paré de sa légitimité ontologique, le droit créé de nouvelles sous-catégories d'étrangers (les demandeurs d'asile ou les migrants) censées justifier qu'on les enferme massivement, qu'on les expulse ou qu'on les abandonne à leur sort dans le désert ou en mer. Jusqu'où l'Etat et ses règles de droit peuvent-ils, sous couvert de légitimité démocratique, catégoriser les personnes humaines pour les traiter ouvertement comme des animaux ?

09/2023

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Tourisme étranger

LES CITES LEGENDAIRES D'ASIE CENTRALE. Samarkand, Boukhara, Khiva

Longtemps, Samarkand, Boukhara et Khiva passèrent pour trois des plus belles villes du monde. Emergés des sables des déserts d'Asie centrale tel un décor de théâtre, le mirage des dômes d'un bleu éclatant, les minarets gracieusement élancés et les revêtements de céramique aux mille chatoiements attirèrent et fascinèrent pendant des siècles voyageurs et conquérants. Pour les marchands du Moyen Âge qui, empruntant la fameuse route de la soie, se trouvaient soumis aux rudes fatigues de leur périple vers la Chine, ces villes n'étaient rien moins que le paradis. Rattachées à la Russie depuis le siècle dernier, les grandes cités d'Asie centrale étaient encore il y a peu totalement interdites aux visiteurs occidentaux. Aujourd'hui, grâce au récit de Robin Magowan et aux cent soixante-dix photographies du grand artiste russe Vadim Gippenreiter, les merveilles de Samarkand, Boukhara et Khiva s'offrent enfin à nous. En complément, une sélection de précieuses photographies noir et blanc du début du siècle donne un aperçu significatif de la vie à Samarkand et Boukhara avant l'instauration du pouvoir soviétique. En déambulant ainsi dans Samarkand, la Rome de l'Asie centrale, comment ne pas être médusé par l'architecture monumentale, vivant témoignage du génie de Timu (Tamerlan), peut-être le plus grand conquérant que le monde ait jamais connu ? L'auteur nous invite à le suivre à travers le labyrinthe des rues de Boukhara, dont le renom de cité sainte de l'islam ne le céda pendant de longs siècles qu'à celui de La Mecque ou Médine. Avec lui, nous découvrons, émerveillés, les incroyables entrelacs des panneaux de bois sculpté et des céramiques de la cour royale de Khiva, l'Ichan Kala, construit par cinquante mille esclaves il y a moins de deux cents ans. Au récit de cette tumultueuse histoire et à la description de l'architecture incomparable de ces cités légendaires, sont mêlées des remarques notées sur le vif à propos des mœurs et des populations d'aujourd'hui. Nous voici tour à tour conviés à un mariage, découvrant à travers une épaisse buée l'intérieur d'un bain public, délicieusement sollicités par les images, les bruits et les odeurs d'un bazar animé, ou attablés au bord d'un bassin, dans un restaurant directement sorti des Mille et Une Nuits. Du témoignage de l'auteur, Robin Magowan, surgit l'image contemporaine d'une Asie centrale dont la complexité et le pouvoir de fascination ne se sont pas démentis avec le temps.

10/1995

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Histoire internationale

Le fil de nos vies brisées

Ce livre dresse le portrait d'une ville ce qu'elle fut, ce qu'elle ne sera plus jamais à travers les récits entremêlés de ses habitants, contraints à l'exil par les violences et la guerre. La ville, c'est Alep. La grande cité marchande, riche, cosmopolite. Alep la pieuse et la conservatrice. Plus précisément, c'est son coeur historique que l'on entend battre dans ces pages : les vieux quartiers du centre et de l'est qui, au terme d'un soulèvement populaire, eurent cette terrible arrogance d'imaginer qu'ils allaient pouvoir contrôler leur destinée. C'était le lieu de vie de milliers de familles. Une ville détruite, cassée, réduite à l'inexistence, sauf à la chercher dans la mémoire des vivants. Ce sont leurs voix que ce livre recueille, leurs souvenirs de ce monde disparu, de ses traditions perdues. Les récits d'enfance, des projets d'adolescents, du quotidien s'égrènent dans les ruelles du vieil Alep, se répondent parfois, sans jamais être à l'unisson. Cet effet kaléidoscope s'amplifie au moment d'évoquer la révolution, la guerre et la survie selon les moyens propres à chacun. Les mots de ceux qui ont embrassé la voie du changement, qui se sont engagés pour elle à n'importe quel prix, n'occultent pas les mots de ceux qui n'eurent d'autre choix que de subir. Joie, solidarité, amour, illusions, peur, confusion... L'arrivée des "soldats de la liberté" entraîna la division de la ville en Est et Ouest, telle une fracture irréparable, séparant amis, familles et amoureux. Désillusions, colère, dégoût. Dieu fit une entrée fracassante avec ses cavaliers noirs. Foi, enfermement, incompréhension. Puis le pilonnage au hasard des explosions de bombes barils faucha les vies, les foyers. Deuil, douleurs, abandon. La plupart du temps : se relever. Dans une trame d'événements surréalistes à force d'être monstrueux percent partout les élans vitaux d'une communauté. Dans ce livre, cette communauté se penche sur la terre où s'arrimait l'arbre de ses ancêtres et, par les paroles qu'elle choisit, le relève fragilement au-dessus des décombres tout en interrogeant le ciel et les hommes. Cécile Hennion est reporter au journal Le Monde. Spécialiste du Proche-Orient depuis 1996, elle a longtemps vécu au Caire, et à Beyrouth où elle fut correspondante de 2009 à 2013. Elle a notamment couvert la guerre en Irak, au Liban et plus récemment les révoltes arabes de 2011 et la guerre de Libye. Elle est l'auteur de l'essai Ya benti ! (Editions Anne Carrière, 2005)

02/2019

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Policiers

Melchior l'apothicaire Tome 1 : L'énigme de Saint-Olav

Tallinn, 1409. Deux siècles après la croisade nordique menée par les Danois et les Allemands sur les bords de la Baltique, c’est à la fin d’un monde que l’on assiste. Sur les hauteurs dominées par l’église Saint-Olav, la forteresse de Toompea abrite les chevaliers teutoniques qui incarnent une aristocratie figée, tandis que dans la ville basse se mêlent classes sociales et nationalités, grâce à l’activité bouillonnante du port et du commerce de la Hanse. Un haut responsable de l’Ordre des Têtes-Noires, de passage à Tallinn, est sauvagement assassiné dans la forteresse. Une épée ensanglantée, abandonnée à la hâte, prouve que l’assassin s’est réfugié dans la ville basse. Alors la méfiance entre les deux mondes s’exacerbe, et les nobles allemands posent un ultimatum aux membres du conseil. Le bailli chargé de débusquer l’assassin fait appel à son fidèle ami Melchior, l’apothicaire de la ville, réputé pour son ingéniosité. Melchior est affligé d’un mal mystérieux, l’épilepsie ?, héritage familial que seules les femmes savent soulager. Courtisé pour une liqueur de sa fabrication, l’apothicaire n’en représente pas moins l’esprit éclairé au sein d’un monde obscurantiste et naïf. En témoigne le monastère dominicain dirigé par un père prieur qui craint la peste au point de porter une amulette chargée d’arsenic. Le moine Wunibald dissimule un tumultueux passé mais s’est construit une solide réputation de brasseur de bière. Orfèvres, marchands, compagnons maîtres chanteurs et chefs de guildes ripaillent lors de fastueux banquets. Dans les dédales des rues pavées de Tallinn, l’on croise de belles jeunes femmes mariées à de vieux barbons. Les morts violentes et mystérieuses se succèdent. La légende raconte qu’une ancienne malédiction poursuivrait les bâtisseurs d’église. Il faudra toute la perspicacité de Melchior, soutenu par la douce présence de son épouse Keterlyn, pour démêler "l’énigme de Saint-Olav". L’auteur allie à son intrigue criminelle une peinture pittoresque de la Tallinn médiévale, avec ses légendes et l’évocation des bâtiments historiques que les touristes contemporains connaissent bien. Première incursion dans le polar historique pour Indrek Hargla, l’un des écrivains estoniens les plus populaires, auteur jusqu’ici d’une dizaine de romans, principalement de science-fiction (cf. Labyrinthes du réel, Babel 2011), c’est aussi tout simplement le premier polar estonien médiéval. L’énigme de Saint-Olav inaugure une série qui nous mènera jusqu’à l’époque de la Réforme et s’étalera donc sur plus d’un siècle, Melchior passant le relais à son fils. Un polar médiéval mystérieux et envoûtant.

02/2013

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Beaux arts

La collection Courtauld. Le parti de l'impressionnisme

La Collection Courtauld. Un regard sur l'impressionnisme accompagne l'exposition majeure du printemps 2019 à la Fondation Louis Vuitton à Paris qui mettra en lumière l'industriel et mécène anglais Samuel Courtauld (1876-1947), l'un des plus importants collectionneurs du XXe siècle. Le catalogue et l'exposition présenteront son extraordinaire collection d'art impressionniste, qui n'a pas été vu à Paris depuis plus de soixante ans. Courtauld constitua l'une des plus importantes collections d'art impressionniste au monde. Au cours des années 1920, il rassembla un ensemble exceptionnel de tableaux de tous les plus importants peintres impressionnistes, du chef d'oeuvre de jeunesse de Renoir, La Loge, à la dernière grande toile de Manet, l'emblématique Un Bar aux Folies-Bergère. Sa collection comprenait également Nevermore, le grand nu tahitien de Gauguin, et l'un des plus célèbres tableaux de Van Gogh, Autoportrait à l'oreille bandée, dont ce sera la première présentation à Paris depuis l'exposition organisée en 1955 au musée de l'Orangerie. Occasion unique de découvrir quelques-unes des plus grandes peintures françaises de la fin du XIXe siècle et du tout début du XXe, l'exposition illustrera le rôle pionnier de Samuel Courtauld et son influence dans la reconnaissance de l'impressionnisme au Royaume-Uni. Tout particulièrement, il joua un rôle fondamental dans la reconnaissance de Cézanne et rassembla le plus grand ensemble d'oeuvres du peintre en Angleterre, dont la Montagne Sainte-Victoire au grand pin et l'une des cinq versions des célèbres Joueurs de cartes. Après une décennie consacrée à collectionner, il crée le Courtauld Institute of Art and Gallery à Londres auquel il fait don, en 1932, de la majorité de ses chefs-d'oeuvre. Le catalogue, richement illustré, sera l'occasion de publier le résultat de nouvelles recherches sur la personnalité de Samuel Courtauld, son goût, la formation de sa collection et son mécénat des arts en Angleterre. Il permettra une réévaluation de ses rapports avec les marchands et autres collectionneurs d'art impressionniste en Europe et aux Etats-Unis pendant l'Entre-Deux-Guerres. L'exposition réunira une centaine de pièces - essentiellement des peintures mais aussi des oeuvres graphiques-ayant toutes appartenu à Samuel Courtauld et majoritairement conservées à la Courtauld Gallery mais aussi dans différentes collections publiques et privées internationales. Chaque oeuvre aura une notice individuelle, accompagnée de détails et d'illustrations comparatives, afin de donner une idée de la richesse de cette collection sans pareil et pourtant encore méconnue.

02/2019

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Troisième République

La vie à crédit. La consommation des classes populaires à Paris (années 1880-1920)

Dans le Paris de la Belle Epoque, de plus en plus d'ouvriers, d'employés et de petits fonctionnaires accèdent à la consommation. Les garde-robes se diversifient, les intérieurs populaires se peuplent de meubles, notamment de la très convoitée armoire à glace, et la décoration envahit le logement. Les plus aisés des ouvriers et des employés arrivent même à acheter une bicyclette ou une machine à coudre. Cette mutation de la culture matérielle est rendue possible par l'augmentation des revenus des classes populaires et par la mise en place de médiations nouvelles : le crédit d'abord - qui donne accès financièrement à la consommation -, la publicité ensuite - qui donne envie d'acheter des biens nouveaux. Georges Dufayel, bien qu'oublié aujourd'hui, en est l'exemple type : il bâtit un empire commercial à la fin du XIXe siècle, véritable pionnier dans ces deux secteurs, développant à la fois la vente à l'abonnement et l'affichage sur les murs de Paris. Ses magasins grandioses, installés boulevard Barbès et baptisés "Palais de la nouveauté" , deviennent les temples de la consommation populaire parisienne. Ces objets, les manières de se les procurer et de s'en servir témoignent d'une culture populaire spécifique, encore marquée par la vulnérabilité économique et le recours à la débrouille - ou à la "ruse" dirait Michel de Certeau. Ces pratiques vont de la fréquentation du Mont-de-Piété à l'achat d'objets d'occasion chez les brocanteurs, en allant jusqu'au vol parfois. Le risque de la saisie des biens et de l'expulsion du logement est bien réel : les objets dans les classes populaires sont souvent des "consommations transitoires" , pris entre le crédit à l'achat et le prêt sur gage, dont la possession est fragile. La modernité commerciale coexiste donc à la Belle Epoque avec des pratiques de circulations, d'usages et d'acquisitions alternatives, celles des objets d'occasion, usés, réparés, récupérés ou marchandés. Ces deux rapports à la culture matérielle et marchande subsistent côte à côte, et les membres des classes populaires peuvent passer rapidement de l'un à l'autre en cas de difficultés, comme le prouve la résurgence d'un rapport plus traditionnel aux choses dans la période de grande difficulté qu'est la Première Guerre mondiale. Touchant à l'histoire de la vie privée, des échanges économiques ordinaires et de la culture matérielle, cet ouvrage met en lumière à la fois les dominations multiples qui pèsent sur les classes populaires et les petits arrangements, les micro-résistances, qui traversent le peuple des choses et les choses du peuple.

09/2021

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Beaux arts

Vincent Van Gogh en 15 questions

Vincent Van Gogh, le premier des écologistes ? Gauguin a-t-il trahi ? Le suicide de qui ? Ce petit livre pédagogique explique en quinze textes clairs et concis la portée décisive de l'oeuvre tout en renversant les idées reçues régulièrement véhiculées sur l'artiste. La folie de Van Gogh a marqué sa vie et son oeuvre de façon tragique, et a aussi contribué à cette vision romantique de l'artiste incompris et maudit dont la gloire fut cruellement posthume. De ces pertes de contrôle, le peintre parle très tôt et son instabilité se manifeste dès les années de collège. Mais le jeune homme, lecteur boulimique et affamé d'images, croit aussi aux vertus thérapeutiques de l'art et du monde rural qu'il commence par idéaliser. Très tôt, il sentira le besoin de se rapprocher du monde du travail, afin de soulager les nécessiteux, puis les peindre. C'est d'abord le monde de la mine, où il apporte la parole du Christ, qui passe dans ses dessins, ce sera ensuite celui des travailleurs de la terre. Le peintre Millet domine déjà ses pensées. Mais Van Gogh n'entend pas peindre en suiveur autodidacte, ni se contenter d'une existence marginale. Il va se perfectionner avec une détermination sans faille. D'Anvers à Paris, son cursus est cumulatif, efficace et impressionnant. Maîtrisant parfaitement les données du marché de l'art, il enrôle Theo, son frère cadet, dans un pari sur l'avenir. Vincent sait que l'impressionnisme étant en passe de devenir une valeur marchande, le futur finira par sourire à la génération qui vient après... Le 20 février 1888, il s'installe à Arles qui marque le tournant, le zénith, le point culminant, le plus grand épanouissement de la décennie de l'activité artistique de Van Gogh. Des centaines de tableaux et de dessins naissent alors, plus solaires, plus fervents, plus élaborés et poignants que jamais. Avec l'aggravation de sa schizophrénie, il ne reste plus à Van Gogh que de conquérir Paris. Mais qui, en dehors de Theo et peut-être de Gauguin, peut comprendre le vrai secret de cette peinture qui tend à l'éclat majeur, à la maîtrise d'elle-même entre les crises qui se rapprochent ? En raison de l'incompétence du docteur Gachet, la dernière sera la bonne. Reste les milliers de preuves, devant Dieu, d'un moderne qui aurait tant aimé devenir à la fois le Rembrandt et le Delacroix de son temps... Au-delà des mythes poisseux, cette folie-là reste à comprendre.

02/2019

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Sports

Air France (1933-1944). Un turbulent décollage

Au printemps 1933, le ministre de l'Air, Pierre Cot, obligé de faire des coupes sombres dans son budget, contraint les compagnies Air Orient, Air Union, la Compagnie Internationale de Navigation Aérienne (CIDNA) et la Société Générale de Transport Aérien (Lignes Farman) de fusionner. Cette concentration donne naissance à Air France. La mythique compagnie Aéropostale est absorbée par le nouveau groupe au cours de l'été. La tâche qui attend Air France est immense. Si l'héritage historique est glorieux, les pionniers de l'aviation marchande française ont multiplié les exploits pour créer un réseau aérien mondial, l'héritage matériel est préoccupant. De nombreux avions sont d'un type dépassé. Air France, pour son essor, doit renouveler rapidement sa flotte. Au fil des mois, les aléas vont se multiplier pour contrarier les projets de la compagnie : durcissement des conditions de certification des avions, nationalisation des usines de construction aéronautique, priorité à l'aviation militaire. Air France surmonte un à un ces obstacles. Le cap des 100 000 passagers transportés en une année est franchi en 1938. En 1939, ses avions atterrissent aux quatre coins de la planète : Buenos Aires, Santiago du Chili, Dakar, Hanoï, Hong Kong… Le déclenchement du second conflit mondial ruine tous ces efforts. La rapide défaite des armées françaises suspend pour quelques semaines toute activité aérienne en France au mois de juin 1940. Après quelques semaines, les Allemands autorisent la reprise des liaisons aériennes entre la zone libre et les colonies françaises d'Afrique du Nord et d'Afrique Occidentale. Air France est chargée d'exploiter ce réseau réduit. Au Levant, la résistance s'organise à l'automne 1941. Les avions des lignes aériennes militaires, baptisées Air France Libre par le général de Gaulle, sillonnent l'Afrique pour le compte des Forces Françaises Libres. Le débarquement allié en Afrique du Nord au mois de novembre 1942, suivi de l'envahissement de la zone libre par les troupes d'occupation interrompt le trafic d'Air France. Air France est écartelée de part et d'autre de la Méditerranée. En Afrique du Nord et de l'Ouest, ses services se mettent rapidement au service de la France Libre. En métropole, ses avions sont réquisitionnés et ses ateliers contraints de travailler pour les Allemands. Malgré ces conditions difficiles, Air France survit. Dans les jours qui suivent la libération du territoire métropolitain, ses personnels rétablissent les premières lignes postales. Ces liaisons sont le socle sur lequel va se bâtir la nouvelle Air France nationalisée. Ce livre sera préfacé par le Directeur Général d'Air France

07/2011

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Littérature française

Le temps des bohèmes

Le temps des Bohèmes est le roman vrai des aventuriers de l'art moderne entre les deux guerres, quand Paris était encore la capitale du monde. Première saison : Bohèmes. Sur les trottoirs de Montmartre et de Montparnasse, entre le Bateau-Lavoir et la Closerie des Lilas, allaient les sublimes trublions : Jarry, son hibou et ses revolvers, Picasso sympathisant anarchiste, Apollinaire l'érotomane, Modigliani et ses femmes, Max Jacob et ses hommes, Aragon le flambeur, Soutine le solitaire, Man Ray, Braque, Matisse, Breton et les autres... Ils venaient de tous les pays. Ils étaient peintres, poètes, sculpteurs, musiciens. Fauves, cubistes, surréalistes, fêtards, amoureux - libres. Pendant trois décennies, ils menèrent le bal des plumes et des pinceaux. Ils y convièrent des brocanteurs devenus marchands, des couturiers-mécènes, une poignée de milliardaires, des filles de rues peintes comme des princesses. Leurs vies sont flamboyantes comme leurs ouvres. Et leurs ouvres, belles comme la vie. Ils demeurent à jamais les personnages de leurs propres légendes. Deuxième saison : Libertad ! Une fresque dont les héros s'appellent Malraux, Saint-Exupéry, Dos Passos, Prévert, Hemingway, Orwell, Dali. Un kaléidoscope d'enthousiasmes et d'illusions tendu entre la montée du fascisme et la guerre d'Espagne. Ce sont des temps déraisonnable : là, Aragon vend son âme à Staline ; ici, Gide pontifie aux obsèques de Gorki ; ailleurs, Gala passe des bras d'Eluard à ceux de Dali tandis que Picasso peint et que Robert Capa photographie tout ce qui bouge - ou meurt. Nous sommes entre Paris, Madrid, Berlin et Moscou, dans une époque qui hésite avec désinvolture entre l'espoir et le chaos. Troisième saison : Minuit. De la débâcle de 1940 à la Libération, voici l'épopée des écrivains, des artistes et des intellectuels sous l'Occupation.Char, Paulhan, Vercors, Sartre et Beauvoir, Camus, Picasso, Cocteau, Aragon et Elsa, Matisse, Prévert, Desnos, Saint-Exupéry, Prévost, Drieu La Rochelle, Beckett, Marc Bloch, Mauriac et tant d'autres : le grand bal de la France qui écrit, peint, dessine, filme, joue, publie, collabore, résiste, s'accommode. Tel un metteur en scène, Dan Franck nous entraîne dans sa ronde : de Paris à Marseille dans la débandade de l'exode, de Marseille à New York dans les bateaux de l'espoir, de Paris à Berlin dans les trains de la honte, des gares de la déportation aux camps de la nuit et du brouillard, on partage avec admiration, stupeur ou incrédulité les destins croisés de cette génération dont la tragédie de l'Histoire a transformé la vie en roman.

10/2015

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Littérature française

Histoire généalogique de la Maison du Faou

La Maison du Faou est issue d'une très ancienne seigneurie sise entre Cornouaille et Léon dont le chef-lieu est le château de la Motte, près du Faou, au coeur de l'actuel Finistère. Descendant des comtes de Léon, elle a porté le titre des vicomtes du Faou jusqu'au XIVe siècle date à laquelle elle s'est fondue dans la Maison du Quélennec. Ses armes étaient d'azur au léopard d'or, témoignant, au XIIIe siècle, des influences du royaume de France sur le duché de Bretagne et de ses liens avec la cour d'Angleterre. Alors qu'elle a joué un rôle considérable, par ses nombreuses branches en juveignerie, auprès des ducs de Bretagne et à la cour des rois de France, du Haut?Moyen-âge à la Renaissance, elle n'a fait l'objet d'aucune étude historique connue. C'est chose faite avec cette Histoire Généalogique de la Maison du Faou, inédite, fruit d'un travail minutieux de recomposition des principales lignées et de leur histoire. Nous découvrons une des grandes maisons qui ont dominé la petite et moyenne noblesse bretonne à côté des Rosmadec, des Du Juch, des Du Quelen, des Ploeuc, etc., possédant la moitié des terres de Basse-Cornouaille mais aussi d'autres, dès le XIVe siècle, en Rohan dans le cadre de son allégeance première aux Rohan. Dès cette époque, elle développe aussi des branches en Bretagne gallou puis en France notamment en Poitou par la lignée des seigneurs du Puy du Fou. Elle a pris part à de très nombreux faits d'armes dont certains ont été déterminants pour l'histoire de Bretagne et de France, comme notamment le Combat des Trente pour la succession de Bretagne (1351) ou encore la bataille de Castillon scellant la fin de la guerre de Cent-Ans (1453), témoignant de son allégeance loyale et sans doute éclairée, pour le royaume de France, parfois en opposition à un duc de Bretagne séditieux, souvent au préjudice de sa descendance. Elle a donné au royaume de France quelques hauts personnages comme Yvon du Fou sénéchal du Poitou, missus dominicus de Louis XI mais aussi de nombreux écuyers, chevaliers, receveurs ducaux, chambellans ducaux et royaux ainsi que des seigneurs et métayers de Basse-Cornouaille dont nous suivons l'histoire, du temps des croisades à la Révolution en passant par l'époque particulière, au XVe siècle, du développement du pays Julod et de ses fameux marchands de toile et armateurs du Haut-Léon.

05/2019

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Histoire des sciences

Science moderne, science globale. Circulation et construction des savoirs entre Asie du Sud et Europe, 1650-1900

Science moderne, science globale remet en question la croyance selon laquelle la science moderne a été créée uniquement en Occident pour être ensuite diffusée ou imposée ailleurs. Science moderne, science globale remet en question la croyance selon laquelle la science moderne a été créée uniquement en Occident pour être ensuite diffusée ou imposée ailleurs. A travers six études de cas présentées chronologiquement sur la construction du savoir à un moment clé de son histoire - en botanique, cartographie, arpentage terrestre, linguistique, formation scientifique et administration coloniale - ce livre démontre l'importance cruciale des rencontres interculturelles dans l'émergence des sciences qui nous entourent aujourd'hui. En s'appuyant sur des travaux en histoire impériale et coloniale et en science studies, cet ouvrage revisite les thèmes qui sont au coeur de ce dernier domaine, comme par exemple la réplication, le calibrage, la traduction ou encore la confiance interpersonnelle, et révèle ainsi leurs natures complexes dans des contextes multiculturels et coloniaux, entre Indiens et Européens. Il suit praticiens, compétences, instruments, ouvrages, idées et pratiques à travers les continents et les cultures, et souligne le rôle primordial de la circulation dans la construction et la reconfiguration des notions et des pratiques scientifiques. S'affranchissant du cadre diffusionniste et de la dualité centre/périphérie implicite dans bien des travaux qui cherchent à replacer la science moderne dans un contexte mondial, il permet de porter un regard nouveau sur la coproduction du global et du local. Science moderne, science globale présente enfin un modèle heuristique pour les spécialistes d'autres zones de contact, périodes et domaines de connaissances, ainsi que pour les études transnationales et mondiales. Cet ouvrage est la traduction française de l'ouvrage Relocating Modern Science : Circulation and the Construction of Knowledge in South Asia and Europe, 1650-1900 (Palgrave, 2007), complété d'une postface qui présente quelques-uns des travaux que l'auteur a menés depuis, dans le prolongement des thèses du livre. Table of Contents Introduction Chapitre premier. Chirurgiens, fakirs, marchands et artisans : Genèse du Jardin de L'Empereur dans l'Inde moderne Chapitre II. Connexions, croisements, circulations : Naissance de la cartographie britannique moderne, 1764-1820 Chapitre III. Sociabilités renouvelées, confiance instituée : William Jones, les intermédiaires indiens et l'élaboration de la pratique législative au Bengale à la fin du XVIIIe siècle Chapitre IV. L'orientalisme britannique au début du XIXe siècle, ou globalisme contre universalisme Chapitre V. Le diffusionnisme revisité : L'institutionnalisation de l'enseignement scientifique moderne dans le Bengale du début du XIXe siècle Chapitre VI. Voyageurs-instruments : L'exploration indo-britannique de l'Asie centrale au XIXe siècle Conclusion : Déplacements Postface Bibliographie Index

03/2022

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Littérature érotique et sentim

L'Escole des filles. Ou La Philosophie des dames

Discussions impudiques entre deux cousines.POUR UN PUBLIC AVERTI. Dans le résumé précédant les deux dialogues de la partie principale, les circonstances de l'intrigue sont brièvement décrites. Robinet, le fils d'un marchand, est amoureux d'une jeune fille du nom de Fanchon, mais ne peut se rapprocher d'elle du fait de sa naïveté. Il convainc alors Susanne, sa cousine plus âgée, d'expliquer à Fanchon ses sentiments et d'éveiller aussi son désir.Lors de leur discussion, Susanne et Fanchon parlent d'une multitude de sujets, dont l'âge du mariage, les organes génitaux masculins et féminins et les rapports sexuels. A la fin du premier dialogue, Fanchon se déclare prête à se laisser déflorer par Robinet.Le second dialogue a lieu quelques jours plus tard. A la demande de Susanne, Fanchon décrit en détail son premier rapport sexuel avec Robinet. Les deux femmes discutent alors d'autres thèmes, comme les positions sexuelles, la flagellation, la taille des pénis, les méthodes de contraception et le mariage.Paru de manière anonyme mais abondamment annoté, L'Escole des filles ou La Philosophie des dames est considéré en France comme le premier roman sur le libertinage.EXTRAITEpistre invitatoire aux fillesC'est une foible raison, mes dames, que celle de vos mères, pour vous défendre de sçavoir les choses qui vous doivent servir un jour, de dire qu'elles ont peur que vous en usiez inconsidérément, et il vaudroit mieux, à mon advis, qu'elles vous en donnassent une pleine licence, afin qu'en choisissant vous-mêmes ce qui est bon, elles fissent esclater davantage par ce choix votre honesteté.Aussi je veux croire, mes belles, qu'en ceste Escole vous prendrez seulement les choses qui vous sont propres, et que celles d'entre vous qui auront envie d'estre mariées auparavant n'useront point de ces préceptes que quand il en sera temps, là où les autres qui auront plus de haste et qui prendront des amis par avance pour en essayer, le feront avec tant d'adresse et de retenue devant le monde, qu'elles ne témoigneront rien qui puisse choquer tant soit peu la bienséance et l'honesteté. C'est une belle chose que l'honneur, dont il faut qu'une fille soit jalouse comme de sa propre vie ; elle ne doibt non plus estre sans cet ornement que sans robe, et certainement elle n'a pas l'honneur et l'esprit du monde quand elle n'a pas l'industrie et l'adresse de cacher cequ'il ne faut pas qu'on sçache.A PROPOS DE LA COLLECTIONRetrouvez les plus grands noms de la littérature érotique dans notre collection Grands classiques érotiques.Autrefois poussés à la clandestinité et relégués dans " l'Enfer des bibliothèques ", les auteurs de ces ouvres incontournables du genre sont aujourd'hui reconnus mondialement. Du Marquis de Sade à Alphonse Momas et ses multiples pseudonymes, en passant par le lyrique Alfred de Musset ou la féministe Renée Dunan, les Grands classiques érotiques proposent un catalogue complet et varié qui contentera tant les novices que les connaisseurs.

03/2018

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Littérature française

Exposée

Par Raphaëlle Pia Le titre à plusieurs sens, " Exposée ", annonce une histoire qui se déroule sur plus d'un registre. L'argument principal ne manque pas d'originalité. Au cours d'un dîner mondain un marchand d'art connu prend la parole et se pare de l'importance fantasmée par le personnage principal, femme et peintre. Une rencontre entre eux finit par se produire. Le galeriste apprécie les oeuvres de cette artiste et lui programme une exposition.
Eblouie par le projet, elle se met à travailler comme jamais. L'exposition a lieu, ne se passe pas très bien et même de façon plutôt bizarre... Les épisodes se truffent de souvenirs, scénettes, petites choses du quotidien, complications et coups de théâtre. Le rythme nous tient en haleine. Le moins qu'on puisse dire de Béatrice, est qu'elle sait écouter. De là, sa sensibilité au rythme formel de l'oeuvre écrite ou peinte, de là aussi la cadence du livre, structuré comme un poème ou un essai, à la façon du " discours amoureux " de Roland Barthes.
Il s'ordonne en douze strophes, chacune annoncées par un titre long comme un vers ou une sentence ou un proverbe, résumant non sans humour le contenu du chapitre, comme le fait la " morale " des fables. La relation des faits, toujours concise comme un scénario de film, s'anime de nombreuses remarques graves, pour ainsi dire rejetées sur les côtés - rasant les murs - pour passer inaperçues. La plupart du temps, elles trébuchent dans des jeux de mots : dérapages sur les deux sens d'un même vocable, dérives sur un élément secondaire, associations d'idées pour déboucher en poésie.
La décision de ne surtout pas se prendre au sérieux, domine. Pour y parvenir l'auteure se dédouble et invente un " autre " qui lui parle et la semonce. Ce " surmoi " prend l'aspect d'un courant d'air, des murs de la galerie ou de l'ami Edouard. Chaque fois le dialogue pose des questions importantes mais aussitôt il s'allège, se tourne en dérision et évite de conclure. Le passage vers l'imaginaire se fait d'une manière quasi rationnelle.
Basé sur des locutions à plusieurs sens, celui qui est choisi se trouve, d'une part, raccordé logiquement au contexte, d'autre part, le plus propre à développer le rêve. Le passage du réel à l'irréel ainsi se justifie ce qui surprend et amuse. Une grande liberté de ton traverse la langue. Des manières du langage parlé ou de l'argot côtoient les termes les plus châtiés et provoquent le même effet de drôlerie.
Le déroulement verbal ressemble au déroulement de la ligne dans les peintures de l'auteure (celles de sa dernière exposition). Le dessin se déploie sans idée préconçue, après de nombreuses esquisses pas tout-à-fait recouvertes, il reste, un profil, un corps à l'envers, des jambes en pleine course, s'enchaînant avec un autre profil tout aussi agité, qui s'avère être la tête d'un personnage, invisible d'abord, puis peu à peu révélé.
Une nécessité autre que la raison enchaîne les éléments. Extraits de la masse par trituration ils finissent par se fi

06/2013

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Ecrits sur l'art

Soliloques d'un peintre. Écrits 1896-1958

Contemporain des avant-gardes du début du XXe siècle, Georges Rouault (1871-1958) participa au Salon d'Automne de 1905, dit des "? fauves ? ", avec Matisse, Camoin, Derain et Manguin. Peintre de nus, de portraits, de paysages, il fut également céramiste, graveur et illustrateur de livres pour Ambroise Vollard, qui fut son marchand à partir de 1917 ; puis dessinateur de modèles pour la tapisserie et le vitrail. Inspiré par les sujets religieux et par le cirque, dont il fut un fervent spectateur, Rouault s'impose comme le peintre des laissés pour compte de la société, dont il donne une image expressive et intense, souvent saturée de matière. Or sa création artistique, très riche et variée, fut doublée d'une production littéraire continue, que ce recueil permet de redécouvrir. G. Rouault fut d'abord un témoin de son temps ? : auteur de mémoires sur ses contemporains, notamment sur son maître à l'Ecole des Beaux-Arts Gustave Moreau, ou sur ses amis écrivains Léon Bloy, André Suarès et Joris-Karl Huysmans, il publia en 1926-1927 Souvenirs intimes, qui reste son ouvrage le plus célèbre avec Soliloques, édité en 1944. Premier conservateur du musée Gustave Moreau de Paris, il fut encore un théoricien, dont les articles étaient très prisés dans la presse artistique entre les années 1920 et 1950. Poète polémiste, il composa un texte en prosimètre enflammé, Cirque de l'Etoile filante (1938), qui use de la métaphore du cirque pour donner une image onirique et très personnelle de l'actualité politique et sociale. Une grande partie des textes parus du vivant de Rouault étaient épuisés ou bien difficiles à réunir ou encore très lacunaires. L'édition établie et annotée par Christine Gouzi avec la collaboration d'Anne-Marie Agulhon, réunit pour la première fois la majorité d'entre eux et les replace dans leur contexte. Le lecteur y trouvera encore de nombreux manuscrits inédits, qui complètent la connaissance de Rouault polygraphe. L'ouvrage permet ainsi d'aborder des textes autobiographiques jamais retranscrits, des souvenirs sur les artistes que le peintre a côtoyés, mais aussi un livre théorique intitulé Ingres, Degas, Renoir, Cézanne, ainsi qu'une pièce de théâtre burlesque, narrant les aventures d'Ubu fils critique d'art, rédigée à l'imitation de l'Ubu Roi d'Alfred Jarry. On a aujourd'hui oublié qu'à la suite du procès qui l'opposa aux héritiers de Vollard, en 1946-1947, Rouault fut le rédacteur du texte qui servit à établir la loi sur la propriété intellectuelle : un des chapitres rappelle cet épisode essentiel des années d'après-guerre. De même Rouault poète restait un inconnu ? : influencé par Apollinaire, par Jehan-Rictus, Verlaine et Villon, il composa pourtant de nombreux poèmes en vers libres ou en prose, qui peuvent être analysés en symbiose avec ses gravures, ses peintures ou même les nombreuses illustrations qu'il imagina au cours de sa vie. A travers les écrits de Rouault, c'est donc l'homme et l'artiste qui se révèle sous un nouveau jour, à la fois plus familier et plus engagé.

10/2022