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Delphine Arbo Pariente

Extraits

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discriminations, exclusion, ra

Maroc : justice climatique, urgences sociales

Synopsis des enquêtes 1-L'Oasis de Skoura, un patrimoine en voie de disparition - Dounia Mseffer Depuis une vingtaine d'années, l'Oasis de Skoura est menacée par la sécheresse, la surexploitation des ressources naturelles et l'urbanisation. L'eau devient une ressource de plus en plus rare. 2-Les nomades de l'extrême-est : entre réchauffement climatique et sécheresse politique - Soufiane Hennani Dans l'Oriental, les nomades, affectés par les changements climatiques, la sécheresse et l'isolement, mènent une vie de plus en plus précaire. 3-Pénurie d'eau dans le Souss - Khadija Maâras Dans le Souss, les réservoirs et les barrages sont utilisés pour une agriculture intensive, en dépit des besoins en eau de la population des douars. 4-A Mohammedia, le travail ou la vie - Salaheddine Lemaizi Difficultés respiratoires, démence, maladies cardiaques et pulmonaires, la santé des habitants de Mohammedia est mise en péril par la pollution due aux activités industrielles. Mais face au chômage de masse, la ville les maintient. 5-Trafic du cèdre au Moyen Atlas : enquête sur une lente agonie - Amine Belghazi et Mohamed Samouni Dans le Moyen Atlas, entre braconnage du bois de cèdre et abattage légal, les forêts sont menacées par la coupe abusive. 6-La pêche à l'algue rouge, un fragile filet de secours - Mohammed Taleb Sur la côte des Doukkala, pour cueillir l'algue rouge dont on tire le très prisé agar-agar, les populations plongent au péril de leur santé. Surexploitation de la ressource et misère sociale se renforcent mutuellement. 7-Espèces menacées : la biodiversité en danger - Fedoua Tounassi Malgré les lois prohibant le braconnage, les macaques des forêts du Moyen Atlas sont menacés par le défrichement de leur habitat et le commerce illégal des jeunes singes. 8-L'agroécologie, une alternative aux intrants chimiques - Ghita Zine Dans la périphérie du Grand Casablanca, à Dar Bouazza, l'agroécologie est une résistance patiente à l'invasion du béton et aux pesticides et revalorise le secteur primaire. 9-Militants pour un Maroc vert - Hicham Houdaïfa Portrait de différents acteurs de la société civile et de structures qui ont oeuvré pour la préservation de l'eau, du patrimoine naturel ou de l'énergie. 10-Entretien avec Mustapha Azaitraoui sur la gouvernance des déchets Insuffisance de moyens, enclavement et manque d'infrastructures adaptées : la gestion des déchets ménagers est problématique pour les communes. Un problème majeur de gouvernance. 11-Zéro Mika : quand le zéro devient des milliers - Hanane Jalal Le Maroc utilise près de 25 milliards de sachets en plastique par an. La campagne Zéro Mika a tenté de sensibiliser la population à cet enjeu environnemental. 12-A Tasselmante, les femmes démystifient l'énergie solaire - Oumaima Jmad Près de 3 000 hectares ont été achetés par l'Etat pour créer un parc solaire. Dépossédés de leurs terres, les habitants du douar ne bénéficient pas de ce programme de dév

09/2021

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Littérature française

Le sens de l'orientation

Ferdinand est chirurgien du coeur. Il aime la moto, le foot et la montagne. Eléonore, sa femme, le quitte. Pour une histoire professionnelle, un juge le poursuit. Dans un Paris imaginaire, au café l'Etoile du Nord, il rencontre Paola, solaire, providentielle, énigmatique. S'il est parfaitement concentré sur son activité de chirurgien, il est désorienté dans sa vie amoureuse. Il consulte plusieurs fois par semaine Valentin, médecin des âmes. Valentin, quant à lui, dilue ses émotions dans le jeu. S'étant fait interdire en France, il ira assouvir ses pulsions destructrices dans les salles de jeu de Belgique puis à Monte Carlo où il vérifiera qu'il n'y a pas pour lui de martingale heureuse. Ayant reçu une convocation au Tribunal de Bobigny, Ferdinand suit les conseils de Jules, son avocat, et répond aux questions du policier qui s'interroge sur les liens entre l'industrie médicale et son métier de chirurgien. Quels gestes, quels risques, quelles responsabilités, quels financements ? Ferdinand partage son goût pour la montagne avec Pascal, son ami du Massif des aiguilles rouges. Il leur arrive d'affronter des situations délicates parfois liées à la distraction de l'un ou de l'autre. Au-delà des sommets, le rêve de Ferdinand est de trouver un refuge hors de la maison, une chambre avec vue sur les toits pour jouir de la solitude, quitter cette pesanteur, cette plainte continuelle. Paola lui présente Samir, un jeune couturier dont elle montre les créations et organise des défilés. Mystérieuse et séductrice, Ferdinand va bientôt succomber à son charme de sorcière. Jules et Ferdinand partent en Italie pour un procès qui lui est intenté à la suite d'une opération qui a mal fini. Tout se passait bien mais la patiente n'a pas survécu. Erreur médicale ? Négligence post opératoires ? Telles sont les questions des juges. Ferdinand rentre à Paris, retrouver Paola qui a promis de l'attendre à Orly. Mais elle n'y est pas. Elle ne viendra pas, Ferdinand comprendra plus tard qu'elle a rejoint Valentin. S'il avait eu le sens de l'orientation, Ferdinand aurait remarqué certains signes annonciateurs de ce qu'il prendra pour une trahison : certains silences de Valentin, mais surtout, le vol balancé des mésanges de la volière de Valentin à la terrasse de Paola, et de la terrasse à la volière. Le destin de Ferdinand semble alors se tracer dans la neige : il fera l'expérience de l'impesanteur. Comme T E Lawrence sur sa moto, au début du récit qui glissera sur une route sinueuse de la campagne anglaise, Ferdinand disparaît en montagne sans que l'on sache qui, du désir de s'évanouir ou du hasard - ou de la conjonction des deux, va marquer son sort. Le Sens de l'orientation est le roman d'un chirurgien qui applique à la démarche romanesque l'extrême précision que requiert sa profession.

01/2015

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Lycée parascolaire

Géographie Terminale séries L, ES, S. Edition 2020

Comment optimiser vos révisions et être sûr(e) de maîtriser en profondeur les thèmes et les enjeux du programme de géographie ? Le jour du bac, comment rendre une copie qui saura faire toute la différence et vous assurer la meilleure note possible ? Pour vous y aider, voici une collection totalement inédite ! Elle est la première et la seule à vous proposer - en plus des révisions traditionnelles - d'étoffer vos connaissances grâce aux articles du Monde. Analyses géopolitiques et économiques, pistes de réflexion, variété des regards sur le monde, idées clés : chaque article est une mine d'informations à exploiter pour enrichir vos compositions et études de documents. Inspirée de la presse, la mise en page met en valeur l'information et facilite la mémorisation des points importants. Sélectionnés pour leur pertinence par rapport à un thème précis du programme, les articles sont accompagnés : de fiches de cours claires et synthétiques, assorties des mots clés et repères essentiels à retenir ; de sujets de bac analysés et commentés pas à pas pour une meilleure compréhension. Sans oublier la méthodologie des épreuves et les conseils pour s'y préparer.

01/2020

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STMG (Management Gestion)

Tout-en-un Tle STMG. Edition 2022

Tout pour réussir tes épreuves du Bac STMG ! Un choix de sujets couvrant tout le programme. Les corrigés rédigée à l'identique de ce qu'on attend de vous le jour J. Une préparation spécifique à l'épreuve du Grand Oral. Un coaching efficace : chaque sujet est accompagné de conseils pratiques du prof et de rappels de cours. Le descriptif détaillé de chaque épreuve.

08/2021

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Concours administratifs

Concours Contrôleur des douanes. Externe - Tout-en-un, Edition 2021-2022

La préparation pas à pas pour réussir votre concours Toutes les épreuves : - QCM de pré-admissibilité - Résumé d'un texte portant sur les questions économiques et sociales - Epreuves d'admissibilité à option - Epreuve facultative de langue étrangère - Entretien avec le jury - Epreuve d'exercices physiques Tout le cours en fiches syntétiques Méthodologie pour réussir chaque épreuve QCM, exercices, annales pour réviser et s'entraîner Corrigés détaillés pour s'évaluer et progresser.

10/2021

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Monographies

Jacques Deperthes. Tableaux fascinants

Le peintre franco-suisse Jacques Deperthes, célébré par de grands peintres tels que Carzou ou Picasso, est au sommet de l'élite artistique mondiale dans trois domaines : les paysages de neige, les paysages de golf et les paysages urbains. Ses tableaux se caractérisent par la verticalité, par un rendu du relief admirable, par une exactitude prodigieuse et par un effet apaisant ; ils dégagent une atmosphère d'intemporalité pleine de nostalgie et de poésie. L'arbre nu sans feuilles, le souci de perfection et l'effet stéréoscopique de ses tableaux font partie de l'ADN de cet artiste, toujours actif à ses quatre-vingt-cinq ans. A propos d'ADN, notons au passage que la famille Deperthes vient de la lignée de la parenté de Jeanne d'Arc et que plusieurs ancêtres de notre peintre sont artistes ou architectes, comme le peintre et érudit Jean Baptiste de Perthes (né en 1761) auteur de la première Théorie du Paysage) et Edouard Deperthes, architecte avec Ballu de l'Hôtel de Ville à Paris. Le père de Jacques Deperthes, Marcel, sa mère Marguerite, et son grand-père Jules ont eu aussi des dons remarquables pour le dessin et la peinture. Son oncle Roger Deperthes, a été pendant des années l'Architecte en chef des monuments historiques de France. Il est important de signaler que Jacques Deperthes est un peintre particulièrement cosmopolite et admiré ; ses soixante expositions et leur succès en témoignent puisqu'elles ont eu lieu aux Etats-Unis, au Japon, en France, en Pologne, en Suisse, en Angleterre, en République de Corée et à Taiwan. Sept livres avec des centaines de reproductions de tableaux, ainsi qu'une vingtaine de publications sur son oeuvre artistique ont été mentionnés dans mes quatre livres antérieurs sur l'artiste aux éditions Slatkine. L'ensemble des publications met en exergue les éléments les plus marquants de sa biographie, de sa personnalité, de son style, de ses influences, de ses valeurs artistiques, des évolutions de son oeuvre, de son succès et même de ses hobbies. Il n'est donc pas nécessaire d'y revenir dans la présente publication. Je me bornerai à rappeler que des critiques d'art du plus haut prestige tels que François Daulte, Raymond Charmet, Michel Bohbot,Jean Dalevèze, Pierre Wicart, Edouard Weiss, Patrick de Cazenove, Christian Grente, Washington Lee ou l'académicien français Hervé Bazin se sont penchés sur l'oeuvre artistique de Jacques Deperthes en des termes fort élogieux. De plus, deux nouvelles publications sont en cours de préparation. Nombre sont celles et ceux qui estiment que Jacques Deperthes portera la couronne de l'immortalité. Et en cette année de commémoration de son quatre-vingtcinquième anniversaire, ce m'est un honneur de rendre hommage à cet homme au grand coeur, attachant, élégant, sportif, sincère, modeste, qui aspire à la perfection et dont la gentillesse est à la hauteur de son immense talent. Alberto Odero

10/2022

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Littérature française

Lettre à ma défunte bien-aimée

Ce roman est le résumé de la vie d'un jeune homme qui est malchanceux avec le vrai amour. Au début de son adolescence, le personnage principal n'a voulu donner son coeur à aucune fille de peur d'être trahi et meurtri. Robert va s'efforcer de fermer son coeur pour qu'il ne soit pas percé et blessé en même temps sans aucune guérison possible. Par la suite, il ne cédera pas face au charme de Clémence qui, en quelques jours, va monopoliser l'amour de Robert. Forcé de quitter le village natal de ses parents, Robert va ainsi perdre contact avec Clémence et ce retour à Dakar va être la cause d'une séparation jamais voulue par les deux amoureux. Ayant perdu Clémence à jamais, Robert décidera de fermer toutes les portes de son coeur de peur de subir encore les séquelles de l'amour. Il va refuser l'amour à toutes les filles qui sont tombées sous son charme. Un petit coup de fil de son cousin concernant le mariage de Clémence lui fera prendre une décision qui le poussera à aller à la Somone pour se changer les idées et peut-être retrouver sa future femme. Une fois à la Somone, une métisse franco-sénégalaise tentera de dompter l'amour de Robert mais ce dernier refusera d'aimer Vanessa. Celle-ci va se venger de lui en se suicidant quelques heures après sa dernière tentative de séduction. La mortelle vengeance de la franco-sénégalaise est la cause de l'emprisonnement de Robert pendant des années pour être tombé dans les pièges de la scène de la mort et pour avoir refusé d'aimer Vanessa. Par la suite, par sa ferme conviction de son innocence, Robert va sortir de prison grâce au volontariat d'un médecin légiste et avocat en même temps pour montrer l'innocence de celui-ci. A sa sortie de prison, Robert va retrouver le médecin légiste et avocat du nom d'Aloyse Mignanne qui va changer le cours de sa vie. Ainsi, monsieur Aloyse Mignanne lui donnera la chance de diriger son entreprise et de nouer une relation de partenariat avec sa fille Eugénie. Robert va croiser Eugénie qui sera pour lui, la plus douce, la plus sincère, la plus respectueuse, la plus attentionnée, la plus calme, la plus patiente. Quelques années après leur fructueuse collaboration et bonne entente, Robert et Eugénie vont tomber amoureux et décider de se marier. Le jour de leur mariage, Eugénie va être emportée vers un autre monde par un accident mortel qui sera la barrière de leur amour sur terre. La mort d'Eugénie va être un autre fardeau pour Robert qui se retrouvera esseulé par un départ prématuré. Sachant qu'il n'est pas fait pour aimer sur terre, Robert promet à Eugénie qu'elle sera son dernier amour sur terre et qu'il a hâte de la rejoindre au paradis pour se marier avec elle. Il sera obligé de vivre une vie solitaire pour ne pas sombrer dans un enfer terrestre. Cette si longue lettre d'amour transporte le lecteur vers les vagues douces et chaotiques des sentiments.

03/2019

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Musique, danse

Images de femmes. Avec 1 CD audio

La place des femmes dans la société : un thème d'une brûlante actualité... depuis des siècles !! Il est de telles évidences, si profondément ancrées dans nos cultures et dans nos comportements, qu'on a parfois du mal à les reconnaître, à les discerner ou, tout simplement, à les admettre. Ainsi, malgré une pléiade de lois autour de la parité hommes-femmes, force est de constater que les inégalités persistent toujours dans de nombreux domaines et que les bonnes intentions sont rarement suivies d'effets. Dès lors, la prise de conscience de cette situation, condition nécessaire pour faire réellement évoluer les choses, passe par des chemins bien plus efficaces que l'action politique, autrement dit par l'éducation. L'objectif de ce nouvel opus consiste à faire de l'art, de la musique et de l'histoire les vecteurs d'une approche différente pour sensibiliser les nouvelles générations à l'importance des rôles et fonctions que la femme a occupé aussi bien dans les mythologies des mondes antiques qu'au XXIe siècle. Agrémenté de nombreuses illustrations, tant graphiques que sonores, ce large survol apporte une autre regard sur l'histoire de l'humanité qui a trop souvent fait de la femme un "homme partiel", voire "un être invisible". Bref, qu'elles soient sainte, sorcière, chef de guerre, philosophe, maître à penser ou stratège politique, diverses figures exceptionnelles sont ainsi abordées (Hypathie d'Alexandrie, Cléopâtre, Jeanne d'Arc, Christine de Pisan, Yennenga, Isabelle d'Este, Louise Labbé, Olympe de Gouge, Anna Zingha, Kimpa Vita, Lalla Fatma N'soumer, Marianne, Louise Michel, Mary Shelley, Ada Lovelace, Victoria, Tarenorer, Joséphine Baker, Alexandra David-Néel, Rosa Parks, Aung San Suu Kyi, Mère Térésa, Soeur Emmanuelle...). Par ailleurs, Jérôme Dorival s'attache à présenter les vies et oeuvres de quelques rares compositrices qui ont jalonné l'histoire de la musique : Hildegard von Bingen, Francesca Caccini, Elisabeth Jacquet de La Guerre, Louise Farrenc, Fanny Hensel-Mendelssohn, Clara Schumann, Germaine Tailleferre, Yi-Xu... et Hélène de Montgeroult (indépendamment de la qualité de son oeuvre, trop méconnue, il faut découvrir l'histoire de sa rocambolesque traversée de la Révolution française !! ). De plus sera proposé un dossier consacré à la portraitiste Elisabeth Vigée La Brun et à la présence de la musique dans son oeuvre... De son côté, Claude Dietrich décrypte les parcours atypiques de plusieurs femmes qui se sont illustrées dans les domaines de la chanson (Edith Piaf, Marlène Dietrich...), du cinéma (Marilyn Monroe, Greta Garbo...) ou du jazz (Bessie Smith, Billy Holiday, Ella Fitzgerald) ainsi que l'écoute d'oeuvres marquantes. Enfin, Phalika Ngin nous entraînera dans le sillage de deux reines (Indradevi et Jayarajadevi) qui, au cours du XIIe siècle, ont marqué par leurs initiatives diverses tout le royaume khmer (Cambodge) alors à son apogée. Un grand pan de l'histoire trop souvent ignoré par l'Occident nous est ainsi révél

02/2016

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Andersen

Miniconte princesse petit pois

L'originalité du style d'Andersen repose sur son art de dessiner des variations nouvelles à partir de sources populaires - fabliaux, légendes, ouvrages de colportage et en bon héritier de la tradition des anciennes sagas de bien faire chanter ses contes, délicieusement illustrés par Edmond Dulac. En Chine, tu ne le sais peut-être pas, l'empereur est aussi un chinois, et tous les gens de sa cour sont aussi des chinois. Il s'y est passé une histoire, il y a de cela bien des années. Raison de plus que je me hâte de te conter avant qu'on ne l'oublie ! Le palais de l'empereur était tout ce qu'on peut au monde imaginer de plus magnifique (Le Rossignol).

11/2022

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Philosophie

Philosophie N° 140, janvier 2019 : Heiddeger, Hölderlin, Eschyle

Ce numéro s'ouvre sur "Voix de l'éternel à l'éterne " de C. Layet, consacré à l'essai philosophique de Hölderlin Sur la manière dont procède l'esprit poétique. Il y nomme sensation transcendantale l'état harmonique auquel permet d'accéder la position d'un principe relationnel – dont demeure privée la fondation dans le Moi absolu défendue par Fichte ; en tant que lien irréductible avec l'extériorité, cette sensation se distingue aussi de ce que Hegel nomme intuition transcendantale dans la Differenzschrift. Si l'épreuve d'une telle sensation est caractérisée comme condition nécessaire pour tout accomplissement humain, elle n'est cependant pas suffisante pour que l'homme atteigne sa destination, la sensation exigeant en outre de se manifester dans une langue poétique. A partir des années trente, la pensée de Heidegger se caractérise de plus en plus explicitement par la tentative de restituer la "possibilité première" de l'autre commencement (der andere Anfang) de la pensée de l'être. Dans "Vers une démodalisation du possible : Heidegger et le clivage de l'estre", I. Macdonald esquisse une interprétation de cette possibilité, en lien étroit avec la critique de la modalité qu'elle présuppose – critique surtout mise en oeuvre dans les Beiträge zur Philosophie (Contributions à la philosophie) – et la réception heideggérienne de Hölderlin. Dans "L'angoisse dans l'Agamemnon d'Eschyle à la lumière d'Etre et Temps de Heidegger",J.-J. Alrivie tente de montrer que lorsque Heidegger inclut expressément Eschyle dans ce qu'il nomme commencement grec, cela procède d'une conviction bien étayée – et ce même s'il ne se livre pas, comme il le fait pour Homère ou Sophocle, à l'exégèse élaborée de textes précis. Par la question centrale de l'angoisse qui y est en jeu, Agamemnon apparaît dans l'Orestie comme l'oeuvre d'Eschyle la plus propre à manifester cette parenté entre la poésie tragique d'Eschyle et l'analyse existentiale. Dans "Martin Heidegger, un recteur nazi et l'"anéantissement total" de l'ennemi intérieu ", G. Payen se livre à une analyse historique précise. Selon Emmanuel Faye, Heidegger aurait lancé un appel à l'extermination dans un cours de 1933. Or, en parlant d'anéantissement total de l'ennemi intérieur, il reprenait l'expression d'un slogan de la campagne d'autodafés menée par la Corporation des étudiants allemands contre "l'esprit non-allemand" ; pour comprendre le sens qu'il pouvait lui donner, il faut la replacer tant au sein de la méditation du combat héraclitéen qu'il fit dans son cours, qu'à la lueur de la lutte antisémite qu'il mena comme recteur nazi de l'université de Fribourg-en-Brisgau. Dans les Questions jadis parues chez Gallimard, les traductions étaient assorties de remarques des traducteurs sur les difficultés de traduction et les choix terminologiques adoptés. Cette pratique s'est perdue, l'éditeur allemand des oeuvres de Heidegger n'autorisant ni explicitation de la pensée de Heidegger en notes, ni commentaire sur les choix terminologiques – ce qui entrave le progrès de la traduction au fil des générations, fondé sur la comparaison explicite des choix et leur discussion. Les présentes "Remarques sur la traduction de certains termes heideggériens" de D. Pradelle, prévues en annexe à la traduction des Pensées directrices sur la genèse de la métaphysique, de la science et de la technique modernes (Seuil), tentent une explicitation de termes fondamentaux de la pensée du second Heidegger. D P.

01/2019

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Théâtre

Théâtre. Tome 2, Les Noces de deuil ; Les Joies de la famille ; Deux arguments de ballet

Voici le second tome du Théâtre de Philippe Hériat. Le rapprochement des deux pièces réunies dans ce volume ne se justifie pas que par leur succession chronologique. Et l'opposition extrême de leur ton non plus ne doit pas faire oublier leur parenté. Serviteur avant tout des sujets qu'il traite, Philippe Hériat a toujours pensé qu'une pièce de théâtre devait être dialoguée dans le style de l'époque où son action se passe et dans le langage des personnages qui l'animent. Les Noces de Deuil, dont on ne saurait contester que leur représentation à la Comédie-Française fit une certaine sensation, se déroulent aux temps romantiques et leurs héros sont empruntés à l'aristocratie d'une province hautaine. Les Joies de la Famille, au contraire, récemment créées à la Comédie des Champs-Elysées, se situent dans la bourgeoisie parisienne riche et de nos jours. D'où la différence de leur ton et de leur atmosphère. Et si l'une des deux pièces est un drame, c'est que l'impasse y devient complète, tandis que dans la comédie tout se termine heureusement. Les sujets eux-mêmes ne sont pas si éloignés qu'il peut paraître. Le drame romantique montre deux êtres jeunes, épris l'un de l'autre et que tout, dès le début, sépare ; un crime, en détruisant entre eux le principal obstacle, semble d'abord les rapprocher, et chacun des deux amants croit que c'est l'autre qui s'est rendu meurtrier par amour ; on découvre que le crime supposé n'était qu'u suicide ; les deux amants ne s'aiment plus : c'est le crime qui les unissait. Et un troisième personnage, leur adversaire et leur juge, prononce le mot-clef de la pièce : "Les grandes amours vivent d'empêchement." La comédie bourgeoise, de son côté, propose l'histoire d'une vieille dame, de coeur et d'esprit jeunes, aimant la vie, mais en butte à l'opposition de sa descendance intéressée. Elle aussi, tout l'empêcherait d'être heureuse : l'âge, les idées reçues, les appétits contraires, si elle ne se rebiffait. Dans l'une et l'autre de ces pièces on reconnaît donc certains thèmes communs : l'affranchissement des servitudes sociales et familiales, les droits de l'individu, la lutte pour le bonheur. Ce sont ces mêmes thèmes qui, au travers d'intrigues, d'époques et de milieux divers, circulent à travers toute l'oeuvre dramatique ou romanesque de Philippe Hériat, puisque, semblable en cela à d'autres écrivains contemporains, de plus en plus nombreux et non des moindres, l'auteur des Boussardel écrit alternativement pour le livre et pour la scène. Il n'est pas jusqu'aux deux arguments de ballet placés à la fin du volume qui, outre leur attrait de curiosité, n'ajoutent une touche complémentaire à la physionomie d'un écrivain tenté par toutes les formes d'expression. Piège de Lumière, que le Grand Ballet du Marquis de Cuevas danse de façon ininterrompue depuis huit ans à travers trois continents, et Conte cruel, que Philippe Hériat composa pour l'Opéra à partir d'un conte de Villiers de l'Isle-Adam, ne démentent pas non plus la qualification de romantique souvent appliquée à leur auteur.

11/1960

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Pharmacie

La pharmacopée marocaine traditionnelle. Médecine arabe ancienne et savoirs populaires, 2 volumes, 2e édition revue et augmentée

Cet ouvrage est seconde édition augmentée d'un titre paru la première fois en 1997. Par rapport à la première édition, la nouvelle livraison contient 30% de données supplémentaires résultant de nouvelles enquêtes de terrain réalisées par l'auteur entre 2004 et 2017. Il est donc le fruit de prés de 40 années de recherches sur la médecine traditionnelle communément de nos jours par les populations marocaines et toujours très vivante dans les campagnes et dans les villes, comme l'atteste le nombre important de tradipraticiens toujours en exercice, des produits de la pharmacopée locale et des usagers de celle-ci. Ce système thérapeutique populaire se caractérise par une fusion remarquable entre une tradition locale tirant l'essentiel de ses ressources de l'environnement naturel et un savoir doctrinaire séculaire se rattachant à la médecine arabo-islamique classique. Son originalité vient aussi de sa réussite à fusionner en un seul corpus de connaissances des apports culturels de provenance diverses, notamment ceux des populations d'origine arabe et amazighe. L'ouvrage présente l'intérêt d'étudier la pharmacopée traditionnelle marocaine sous plusieurs aspects : la botanique, la lexicologie, la petite histoire des produits, les usages traditionnels (médicinaux, cosmétiques, alimentaires, techniques, pastoraux, magiques etc), la chimie et la toxicologie. Une comparaison y est aussi établie entre les usages actuels et les prescriptions relevées dans diverses sources écrites arabes anciennes. Les compétences de l'auteur, ethnopharmacologue et ethnobotaniste averti, bon connaisseur de la culture de son pays et des pharmacopées traditionnelles des nations du Sud, font de ce recueil une somme considérable de données et d'informations susceptibles d'être utilisées par d'autres chercheurs, dans des travaux relevant de thématiques variées Au total, 1118 espèces utilisées dans les soins, d'origine végétale, minérale, animale ou industrielle, regroupées en 759 rubriques, ont été recensées. Pour chaque produit sont proposés : les noms scientifiques français, arabes et amazighs (transcrits en caractères latins et arabes) ; des informations d'ordre botanique, historique et économique, les usages traditionnels relevés sur le terrain et dans la littérature ; des données de chimie et de toxicologie ; un état comparatif par rapport aux sources écrites arabes. Au nombre des textes arabes anciens consultés par l'auteur, l'examen attentif de cinq d'entre eux, produits par des auteurs maghrébins ou andalous, particulièrement bien renseignés sur les simples utilisée à leurs époques, a permis de dresser, pour plusieurs de ces simples et de leurs usages, un état de révolution au cours de l'histoire du savoir traditionnel en matière de soins : il s'agit de la 'Umdat at-tabib du botaniste sévillan Abul-Khayr Al-Ichbili (XIIe siècle), du Jami' al-mufradat d'Ibn Al-Baytar (XIIIe siècle), de la Hadiqat al-azhar du médecin marocain Al-Wazir Al-Ghassani (XVIe siècle), de la Tuhfat al-ahbab, écrit par un auteur anonyme du Sud marocain (XVIe ou XVIIe siècle) et du Kechf er-rumuz du médecin algérien Abderezaq al-Jazairi (XVIIIe siècle). L'ouvrage est destiné à tous ceux qui sont concernés par l'ethnobotanique, les pharmacopées traditionnelles, l'histoire de la médecine et de la pharmacie, les lexiques naturalistes, l'anthropologie. Il s'adresse aussi aux spécialistes et aux profanes qui s'intéressent au Maghreb, au Monde arabe, aux traditions au patrimoine immatériel des sociétés du Sud.

04/2020

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Illustration

Hs les arts dessines n°3 - ugo bienvenu - broche. Les grands entretiens

Ugo Bienvenu est né le 10 mai 1987. Ce nouvel Hors-série des Arts Dessinés après ceux consacré à Catherine Meurisse et Laurent Durieux, revient sur le parcours pluridisciplinaire de ce réalisateur et un dessinateur français via une longue interview séparée en quatre chapitres : les influences, la bande dessinée, l'animation et l'illustration. Il sera enrichi d'entretiens avec des proches et des membres de sa famille, histoire d'offrir un regard inédit sur cet immense auteur. Sortie prévue le 17 juin 2022 en version broché (100 pages, 15 ? ) et cartonné (128 pages, 25 ? ) Biographie express Après un diplôme de métier d'art en illustration à l'école Estienne, il intègre la section cinéma d'animation des Gobelins1. En 2010, à la suite de son séjour au California Institute of the Arts de Los Angeles, il s'oriente vers l'animation expérimentale. Depuis 2010, il écrit et réalise des clips et des courts-métrages, seul ou accompagné (de Kevin Manach, Benjamin Charbit ou Félix de Givry). Ses films sont diffusés sur Arte et Canal+. En 2014, il signe sa première BD sur papier, Sukkwan Island, adaptation du roman éponyme de David Vann. En 2016, il dessine pour la presse et développe la mini-série Antman, à nouveau avec Kevin Manach. En 2017, il publie un deuxième album BD, Paiement accepté, où il imagine la vie d'un fils de Donald Trump, exilé en France après une guerre civile aux Etats-Unis. En 2018, il crée la société de production, Remembers, avec Félix de Givry ainsi que la maison d'édition Réalistes avec Charles Ameline et Cedric Kpannou. En 2019, il dirige à nouveau des films publicitaires pour Hermès, mais aussi pour la marque de lunettes Coréenne Gentle Monster. La même année, il publie deux nouvelles BD, toutes deux remarquées. La première, Premium +, est sur le destin d'un homme, pétri de certitudes, un financier au parcours brillant qui chute finalement. Son autre BD de 2019, Préférence système, reçoit le grand prix de la critique6, fait partie de la sélection officielle au Festival d'Angoulême 2020 En 2020, il sort sa cinquième bande dessinée B. 0, comme un Dieu, chez les requins marteaux. Il réalise, dans la foulée, une campagne publicitaire Hermès pour la Chine mettant en scène son propre carré. En 2021 toujours sortent aux éditions Réalistes, Développement durable, la suite de Premium+ ainsi que Malavalle, premier livre en tant que scénariste dessiné par Josselin Facon. Il commence le développement de son premier long métrage Arco au sein de son studio. Bande dessinée -Sukkwan Island, d'après David Vann, préf. Fabrice Colin, Denoël Graphic 2014. Sélection officielle au Festival d'Angoulême 2015. -Paiement accepté, Denoël Graphic, mai 2017 - Premium +, éditions Réalistes, juin 2019 - Préférence système, Denoël Graphic, octobre 2019. Grand prix de la critique 2020 - Sélection officielle au Festival d'Angoulême 2020. - B. 0, comme un Dieu, Les Requins Marteaux, septembre 2020 - Développement durable, éditions Réalistes, juin 2021 -Malavalle, scénario, dessin de Josselin Facon, éditions Réalistes, juin 2021 -Total, éditions Denoël Graphic, octobre 2021. Filmographie Réalisation -2010 : Fragment clip pour Chris Adams -2010 : Voyage chromatique, avec Kevin Manach clip pour Renart -2011 : Singing clip pour Agoria -2012 : La Fin du monde, avec Benjamin Charbit et Kevin Manach court métrage -2013 : Maman, avec Kevin Manach court métrage -2015 : FOG, avec Kevin Manach clip pour Jabberwocky -2015 : Holding up clip pour Jabberwocky -2017 : Antman mini-série pour Marvel/Disney -2017 : Dolly. zero clip pour Antoine Debarge -2018 : Sphere of existence clip pour Antoine Kogut -2018 : L'Entretien co-réalisé avec Félix de Givry court-métrage - Pochettes d'albums -Lunar Lane de Jabberwocky Polidor Universal 2015 -Dolly. zéro d'Antoine Debarge Single10 -Sphere of existence d'Antoine Kogut chez Antinote -Love de JeSunde chez Vietnam -Tako Tsubo de L'Impératrice chez Miqroclima Récompenses -2019 : grand prix de la critique : Préférence système6

07/2022

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TRAVAUX SUR LA MEMOIRE

Les absents. Robert Créange, partisan de la mémoire

Le 16 août 1942, deux enfants cachés sur le bord de la route voient disparaitre leurs parents dans une voiture allemande. Robert et Françoise, alors âgés respectivement de 11 et 13 ans, attendront en vain leur retour. La sociologue Claire Lévy-Vroelant recueille le récit de vie de Robert Créange, grande figure d'un engagement politique et pour la mémoire de la déportation. Le 16 août 1942, non loin de la ligne de démarcation, deux enfants cachés sur le bord de la route voient disparaitre leurs parents dans une voiture allemande. Robert et Françoise Créange, alors âgés respectivement de 11 et 13 ans, attendront en vain leur retour. Comment survivre à des questions qui n'obtiendront jamais de réponse ? Comment mener sa vie quand elle est précocement chargée d'un tel héritage ? Comment dire, comment raconter ? Et pourquoi, pour qui le faire ? Françoise Créange a déposé son témoignage au Mémorial de la Shoah en 1997, elle a accompagné son frère aux commémorations et aux cérémonies où il officiait, elle a relu ses discours sans pour autant développer son goût pour le souvenir. Robert, lui, en a fait sa raison de vivre. Il a fini par accepter, trois quarts de siècle plus tard, de raconter sa vie à une sociologue obstinée. La sociologue se trouve être une lointaine parente de la famille Créange-Salomon. Cousine éloignée, d'une génération plus jeune mais nourrie des mêmes images, mêmes clichés, mêmes plaisanteries et mêmes silences face à un passé indicible. Une première intrigue se noue ici, dans la construction progressive, entre les deux protagonistes, d'un espace de paroles singulier. Parole courtisée, livrée dans le trouble et dans les pleurs, déclamée ou murmurée, qui se cherche sans toujours se trouver, parole traçante, glaçante, hilare, pudique, mutine, suivant le fil des souvenirs perdus et retrouvés et reconstitués. Car la mémoire n'en finit pas de travailler et, si comme Robert Créange, nous acceptons ses ruses et ses revirements, ses tyrannies et ses délices, c'est que nous continuons d'être vivants. Né en 1931 et décédé en décembre 2021, Robert Créange s'est décidé à entreprendre ce travail de mémoire avec Claire Lévy-Vroelant seulement en 2015, après un long temps d'hésitation. Pour parler de l'enfant meurtri, de l'adolescent délinquant, du soldat révolté d'être envoyé en Allemagne pour son service militaire peu après la guerre, de l'instituteur anticolonialiste qui choisit le Niger, du jeune militant dévoué corps et âme au parti communiste, du cadre du comité d'entreprise de Renault-Billancourt, du secrétaire général de la fédération nationale des déportés internés résistants et patriotes (FNDIRP), de l'initiateur, avec quelques autres, de la Fondation des amis de la mémoire de la déportation, du pédagogue infatigable sur les lieux des crimes, l'histoire de sa vie pourrait suivre le cours d'un long fleuve sinon tranquille du moins apaisé. Mais le récit parfois s'emballe, ou bute sur une énigme et les questions douloureuses resurgissent. Pourquoi le passeur a-t-il vendu les parents et pas les enfants ? Malgré les recherches après la guerre, il ne sera jamais retrouvé. Le souvenir du passage de la ligne de démarcation en août 1942 se brouille au point qu'une nouvelle version se fait jour. Nouveaux souvenirs, nouvelle intrigue. Pourquoi le grand-père, arrêté et interné à Drancy, n'a-t-il pas été déporté ? Le récit élude ou trébuche sur des dates, des noms, des scènes mais la liste des élèves de la classe de sixième du lycée Claude-Bernard, à la rentrée de septembre 1941, est restée gravée, indélébile. Une enfance bourgeoise, protégée, une pratique religieuse fort modeste qui n'exclut ni l'engagement socialiste et franc-maçon du père, ni son " sionisme pour les autres ", la montée des persécutions, la décision de quitter Paris... L'homme public qui aime jouer avec un humour de potache, qui maîtrise parfaitement la présentation de soi et l'art oratoire en privé comme en public, est pris de court lorsqu'il se trouve en situation de tête à tête. En allant au plus profond des choses, son récit tangue. Comment dire, raconter avec une extrême précision quand les souvenirs les plus lointains se transforment au fur et à mesure de leur mise en mots. L'épreuve est alors d'accepter que la mémoire puisse divaguer hors des sentiers battus et des images convenues : le témoignage change le témoin et celui qui l'écoute, silences compris. Le récit se déroule selon un ordre chronologique mais chaque " chapitre " peut aussi se lire comme un fragment insulaire, intelligible en soi et pourtant relié aux autres. Récit en archipel d'une vie singulière, bouleversée comme tant d'autres, s'attachant aux traces, aux indices, aux petits signes. Le récit de la vie de Robert Créange est constellé d'anecdotes, relatées non sans saveur et sans humour mais il énonce dans un même élan une édification et une déconstruction de soi. Le maître mot de cette histoire, c'est la fidélité sans faille à un engagement tôt contracté. Ce récit peut aussi se lire comme une invitation à questionner sa propre histoire, ce qui lui donne sens et consistance

02/2023

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Généalogie

Destins français. Essai d'auto-ethnographie familiale

Martine Segalen se livre à une enquête historique et généalogique de la " saga " de deux familles juives dont elle est issue, venues à la fin du 19e siècle à Paris. Entre démarche personnelle et professionnelle, très documentée, cet exercice de retour en soi est sensible, émouvant et représentatif d'une histoire de beaucoup de familles françaises ou qui le sont devenues. La photo sur le bureau Les albums de famille sont comme des petites machines à remonter le temps. Les photographies en sont les arrêts sur images, les moments figés d'un film muet sautillant et fragile. Jaunies, altérées par les plissures et les mauvais traitements elles disent peu d'elles-mêmes. Entre les photos il y a des blancs, des marges et parfois telle ou telle part écrite succincte, juste un mot, un lieu, un prénom, une date, un bref commentaire. C'est une matière que Martine Segalen (née Appel) connaît bien. Ethnologue connue par ses travaux de sociologie de la famille, sur le mariage, la parenté, la transmission dans les sociétés françaises, traditionnelles et contemporaines, elle se livre ici à un exercice de retour en soi, une sorte d'auto-ethnographie. Elle a pu le faire à partir d'une double dynamique : celle, personnelle, fortement motivée par le désir légitime de retrouver ses origines, d'explorer les archives et les traces de sa propre famille afin de s'assurer de la transmission ; l'autre, professionnelle, en utilisant la " boîte à outils " de son savoir anthropologique qui lui a permis de comprendre les mécanismes de composition familiale tels qu'elle a pu les observer et les analyser dans d'autres groupes sociaux. Cet ouvrage en est le résultat. Pour mener à bien cette enquête, l'ethnologue s'est faite historienne, elle est allée sur le terrain, dans les archives, a fait resurgir ses propres souvenirs. Son exigence méthodologique et cette pratique d'une ethnologie de soi ne cache pas l'émotion qu'elle a senti surgir à la vue des documents, des sites et des photographies qui la concernaient directement. Sagas familiales, exils croisés, destins d'exilés C'est une description historique de la " saga " de deux familles juives dont elle est issue, venues à la fin du xixe siècle jusqu'à Paris, symbole de la liberté de penser ; elles s'y intégrèrent au milieu professionnel des fabricants et commerçants du vêtement (principalement dans la branche de la casquette et de la fourrure). Martine Segalen a exploré minutieusement la trajectoire de ces exilés et enquêté sur le milieu socioprofessionnel judéo-parisien jusque dans les années 1930. Elle décrit les systèmes d'alliances et les stratégies mises en oeuvre au cours de plusieurs générations pour consolider les fruits d'un exode et fait le récit de ces trajectoires sociales ascendantes. Les premiers chapitres retracent le parcours des deux lignées, du côté du père et du côté de la mère. Chacune de ces lignées a connu une forme d'exil différente et d'ailleurs assez semblable aux lignées de la famille de Nathalie Heinich (voir Une histoire de France). Partis de la Pologne et de l'Autriche russe, une branche a rejoint l'autre lignée partie d'Alsace après 1870. Leur ressemblance est moins l'appartenance à un milieu social qu'une communauté religieuse. Dans un autre chapitre elle raconte aussi, de manière encore plus impliquée, cet épisode paroxystique du camp de Drancy où furent internés ses parents (Paul et Ginette Appel) durant deux ans (1942-1944), au moment de sa toute première enfance. Ce fut un moment très difficile où tous les rêves et les efforts des générations précédentes semblaient devoir se briser et s'effacer. Ce chapitre renvoie aussi à l'actualité des recherches historiques sur Drancy. 2022 est une année de commémoration de la terrible rafle du Vél d'Hiv et des exactions contre les juifs qui ont suivi et qui ont fait de la Cité de la Muette à Drancy un épicentre de la déportation vers Auschwitz et Birkenau. Parmi les témoignages réunis par les équipes du Mémoriel de la Shoah, il y a ceux des parents de Martine Segalen et c'est avec une grande lucidité et sans partialité qu'elle relate ces faits. " Ethnologie du chez soi " Cet essai aurait pu avoir pour titre Du train à la Péniche. Martine Appel-Segalen a suivi les traces de son grand-père, Israël Appel, depuis les voies ferrées où roulait le train qui le conduisit à la fin du xixe siècle de Katowice en Pologne jusqu'à Paris. C'est sur la " Péniche ", ce long banc en bois du hall de Sciences Po, qu'elle-même rencontra son futur mari Renaud Segalen, petit-fils de Victor Segalen. Cette période a constitué pour elle un drôle de départ dans la vie : elle est née en 1940. Mais tant d'opiniâtreté a abouti : Martine Appel a intégré Sciences Po, a eu une première vie professionnelle dans les hautes sphères commerciales, est devenue Martine Segalen par son alliance avec Renaud, se liant ainsi à une famille au parcours transnational, elle aussi. Puis elle a connu une trajectoire pleine de bifurcations et d'imprévus. Mère de trois enfants, elle a fait une brillante carrière d'ethnologue, devient une intellectuelle reconnue. Elle est en même temps une grande sportive qui accumule les coupes et les trophées de marathonienne et elle a souvent pris position publiquement pour la place des femmes dans le sport. L'histoire des Segalen et la biographie plus détaillée de Martine mériteraient des développements propres. Mais ce n'est pas le propos de son ouvrage, écrit juste avant sa disparition et auquel elle tenait beaucoup. Voyages, archives, enquêtes lui ont permis de reconstituer et mettre en récit une histoire accidentée et cicatrisée qui est celle de beaucoup de familles françaises ou qui le sont devenues. Le texte, articulé en plusieurs chapitres, est très documenté aussi bien par les récits de l'exil et les photos de famille que par des certificats de nationalité, des contrats de mariage, des demandes de naturalisation, des publicités pour les ateliers de confection, les en-tête d'entreprises. L'ensemble compose un tableau de familles dont les motifs sont les déménagements, les parcours résidentiels et professionnels au sein de la société française à chaque époque et dans les événements de la grande Histoire de France. Le livre nous fait pénétrer dans l'intimité des familles mais avec une très grande retenue, voire une distance critique, que la chercheure en sciences sociales qu'est Martine Segalen applique avec une certaine rigueur. L'ouvrage contribue ainsi à une réflexion déjà ancienne sur la réelle " identité de la France ", au sens de ce qu'est ce pays et ce qui s'y passe aujourd'hui en résonnance avec le destin d'exilés contemporains.

05/2022

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Littérature étrangère

Histoire de la colonne infâme

L'oeuvre d'essayiste de Manzoni est un peu moins connue, mais sa Storia della colonna infame (Histoire de la colonne infâme), qui fait l'objet de ce projet de nouvelle traduction, est cependant elle aussi couramment (quoique moins systématiquement) étudiée à l'école, à l'instar de L'affaire Calas de Voltaire, texte avec lequel celui-ci a quelque parenté. La "colonne infâme" du titre désigne un monument qui fut édifié, par la volonté des juges, pour commémorer le procès (mené à grand renfort de terrifiants supplices), la condamnation et l'exécution, en 1630 à Milan, de plusieurs hommes accusés d'avoir propagé délibérément la peste par des "onctions pestifères" , c'est-à-dire en barbouillant les murs d'un certain quartier d'une substance empoisonnée, supposément mortifère. Cet atroce fait divers avait déjà inspiré à Pietro Verri, un représentant milanais de la philosophie des Lumières versant italien, un texte mémorable, Observations sur la torture, paru en 1769 (retraduit en français en 1992 et publié par les Editions Viviane Hamy), où l'auteur dresse un réquisitoire inflexible contre cette pratique intolérable. En 1764, un autre philosophe, Cesare Beccaria , avait publié Dei delitti e delle pene (dont il existe, sous le titre Des délits et des peines, plusieurs éditions françaises récentes), un magnifique petit essai, très en avance sur son temps, contre la torture et la peine de mort. C'est dans ce contexte intellectuel que se situe l'Histoire de la colonne infâme. Mais, tandis que Verri et Beccaria publient leurs essais à une époque où la torture est encore en vigueur dans nombre de pays et régions d'Europe, et notamment à Milan , quand le texte de Manzoni paraît, en 1840, elle a été abolie - du moins officiellement - à peu près partout. L'intention de Manzoni n'est donc pas tout à fait la même que celle qui animait ses devanciers, lesquels visaient avant tout à démontrer le caractère exécrable et inutile de la torture et à la voir disparaître des codes de procédure. Pour Manzoni, cependant, il s'agit d'abord, sans doute, de consolider dans les esprits l'usage récent de ne plus mettre à la question les prévenus. On sait combien les progrès de ce genre sont fragiles et peuvent être abandonnés au détour de l'histoire ; quant à la torture, notamment, il serait naïf ou de mauvaise foi de prétendre qu'elle n'appartient qu'au passé lointain et aux civilisations archaïques. Sous des formes diverses, qui disent rarement leur nom, la torture demeure une réalité contemporaine, y compris dans nos démocraties avancées. On peut, d'autre part, supposer que Manzoni entend oeuvrer à son tour à l'amélioration, toujours possible, de la justice humaine : même sous une législation imparfaite, sinon coupable, les juges gardent la faculté de juger honnêtement. Mais, plus encore, il s'agit pour Manzoni de soulever une question générale, à la fois philosophique et politique : celle de la liberté de choix des individus, mise en regard de ce qu'on pourrait appeler, dans un anachronisme calculé, les conditionnements socio-historiques. Pour Verri, tous les juristes et criminalistes du passé sont coupables d'avoir toléré, cautionné et même encouragé la torture. Dès lors, les juges qui condamnèrent les supposés propagateurs de peste commirent, certes, une affreuse erreur judiciaire, mais dont la responsabilité incombe à la science juridique dans son ensemble, au système pénal en tant que tel - et même à l'état général de la connaissance et de la culture propres à leur temps. La faute des juges en tant qu'individus se dissout ou en tout cas s'estompe dans la mauvaiseté des lois et dans la cruauté à quoi conduirait invinciblement l'ignorance. La faute des juges n'est pas tant personnelle que collective, et indissociable d'une époque dont Verri - et avec lui tous les philosophes des Lumières italiennes - appelle le dépassement. Verri, en d'autres termes, travaille à éclairer son temps, pour le réformer dans le sens de la raison et de ce qu'on appellerait aujourd'hui les droits de l'homme . C'est sur cette question de la responsabilité des juges que Manzoni croise le fer avec son illustre prédécesseur. Dans l'Histoire de la colonne infâme, il s'attache à montrer que, même en des temps d'ignorance et dans un système pénal qui prévoit qu'on puisse infliger à un accusé - y compris en amont de la certitude de sa culpabilité - des sévices atroces, les juges conservaient la possibilité, la liberté morale de ne pas le faire. Aussi, reprenant en main les textes des juristes que Verri cite pour les accabler, Manzoni s'efforce-t-il de montrer que tous, bien que n'étant pas opposés par principe à la torture, recommandaient cependant de n'en user qu'avec discernement et modération, et jamais pour obtenir des aveux. Manzoni entend ainsi rendre justice aux criminalistes du passé, que Verri blâme selon lui injustement, au prix d'incompréhensions voire de distorsions des textes qu'il produit pour preuves de sa thèse. Mais il veut surtout convaincre que les juges qui, en 1630, firent torturer et exécuter ces malheureux, puis firent construire un monument en leur éternel déshonneur, disposaient, dans les traités juridiques de référence de leur époque, d'éléments qui leur auraient permis, qui auraient dû leur permettre de juger dignement. Selon Manzoni, si la torture était régulièrement en vigueur dans les affaires criminelles, et couramment pratiquée dès la phase d'instruction du procès, cela n'imposait pourtant pas à des esprits éclairés et probes d'y recourir. Les juges sont donc comptables à titre personnel de leur jugement, qui s'apparente à un crime. Manzoni défend ainsi l'idée que, de tout temps, jusque dans le pire des systèmes politico-juridiques, les individus conservent une part d'autonomie, la faculté de s'affranchir des préjugés de leur époque, et de se comporter selon ce qui est juste et bon. Ce qui est en jeu, implicitement, c'est donc aussi la question, ancienne et débattue depuis des siècles dans la théologie chrétienne, du libre arbitre. Mais tout autant, si l'on veut, avant l'heure, sa version plus moderne, celle du déterminisme - social, historique, politique, culturel. Sommes-nous libres de nos actions, de nos décisions, de nos pensées ? Ou sommes-nous si profondément (et inconsciemment) modelés par notre temps, par notre culture, par nos institutions, que nos "choix" ne sont, au vrai, que les conséquences inéluctables de ces divers conditionnements ? Pour l'écrivain italien, récuser l'idée que, malgré les aberrations de leur temps, malgré les vices de la forma mentis du monde auquel ils appartenaient, les juges de 1630 auraient pu juger justement reviendrait à admettre, ni plus ni moins, l'impossibilité générale et affreuse d'espérer que des hommes qui commettent un crime abominable puissent jamais agir différemment ; cela obligerait, en somme, à reconnaître que les pires scélérats ne peuvent aucunement, par principe, être tenus pour responsables de leurs forfaits : "Si, dans un ensemble de faits atroces commis par l'homme contre l'homme, nous croyons voir un effet des temps et des circonstances, nous éprouvons, en même temps que de l'horreur et de la compassion, un découragement, une sorte de désespérance. Il nous semble voir la nature humaine poussée invinciblement au mal par des facteurs indépendants de sa volonté, et comme enchaînée dans un rêve pervers et fébrile, dont elle n'a nul moyen de se déprendre, dont elle ne peut pas même se rendre compte". La question demeure d'une parfaite actualité. Il n'est que de songer aux polémiques qui ont entouré telles tentatives d'explication d'attentats terroristes récents en France. En réponse aux sociologues qui tentaient de comprendre ces actes dans un tableau causal complexe, des personnages politiques de premier plan objectèrent qu'expliquer, c'était déjà justifier. Plus que jamais, il nous semble au contraire requis, pour inconfortable que cela puisse être, d'enquêter inlassablement sur les raisons de la violence. L'Histoire de la colonne infâme nous est une invitation à ne pas refermer trop vite le questionnement sur les racines du mal.

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Littérature Italienne

Histoire de la colonne infâme

L'oeuvre d'essayiste de Manzoni est un peu moins connue, mais sa Storia della colonna infame (Histoire de la colonne infâme), qui fait l'objet de ce projet de nouvelle traduction, est cependant elle aussi couramment (quoique moins systématiquement) étudiée à l'école, à l'instar de L'affaire Calas de Voltaire, texte avec lequel celui-ci a quelque parenté. La "colonne infâme" du titre désigne un monument qui fut édifié, par la volonté des juges, pour commémorer le procès (mené à grand renfort de terrifiants supplices), la condamnation et l'exécution, en 1630 à Milan, de plusieurs hommes accusés d'avoir propagé délibérément la peste par des "onctions pestifères" , c'est-à-dire en barbouillant les murs d'un certain quartier d'une substance empoisonnée, supposément mortifère. Cet atroce fait divers avait déjà inspiré à Pietro Verri, un représentant milanais de la philosophie des Lumières versant italien, un texte mémorable, Observations sur la torture, paru en 1769 (retraduit en français en 1992 et publié par les Editions Viviane Hamy), où l'auteur dresse un réquisitoire inflexible contre cette pratique intolérable. En 1764, un autre philosophe, Cesare Beccaria , avait publié Dei delitti e delle pene (dont il existe, sous le titre Des délits et des peines, plusieurs éditions françaises récentes), un magnifique petit essai, très en avance sur son temps, contre la torture et la peine de mort. C'est dans ce contexte intellectuel que se situe l'Histoire de la colonne infâme. Mais, tandis que Verri et Beccaria publient leurs essais à une époque où la torture est encore en vigueur dans nombre de pays et régions d'Europe, et notamment à Milan , quand le texte de Manzoni paraît, en 1840, elle a été abolie - du moins officiellement - à peu près partout. L'intention de Manzoni n'est donc pas tout à fait la même que celle qui animait ses devanciers, lesquels visaient avant tout à démontrer le caractère exécrable et inutile de la torture et à la voir disparaître des codes de procédure. Pour Manzoni, cependant, il s'agit d'abord, sans doute, de consolider dans les esprits l'usage récent de ne plus mettre à la question les prévenus. On sait combien les progrès de ce genre sont fragiles et peuvent être abandonnés au détour de l'histoire ; quant à la torture, notamment, il serait naïf ou de mauvaise foi de prétendre qu'elle n'appartient qu'au passé lointain et aux civilisations archaïques. Sous des formes diverses, qui disent rarement leur nom, la torture demeure une réalité contemporaine, y compris dans nos démocraties avancées. On peut, d'autre part, supposer que Manzoni entend oeuvrer à son tour à l'amélioration, toujours possible, de la justice humaine : même sous une législation imparfaite, sinon coupable, les juges gardent la faculté de juger honnêtement. Mais, plus encore, il s'agit pour Manzoni de soulever une question générale, à la fois philosophique et politique : celle de la liberté de choix des individus, mise en regard de ce qu'on pourrait appeler, dans un anachronisme calculé, les conditionnements socio-historiques. Pour Verri, tous les juristes et criminalistes du passé sont coupables d'avoir toléré, cautionné et même encouragé la torture. Dès lors, les juges qui condamnèrent les supposés propagateurs de peste commirent, certes, une affreuse erreur judiciaire, mais dont la responsabilité incombe à la science juridique dans son ensemble, au système pénal en tant que tel - et même à l'état général de la connaissance et de la culture propres à leur temps. La faute des juges en tant qu'individus se dissout ou en tout cas s'estompe dans la mauvaiseté des lois et dans la cruauté à quoi conduirait invinciblement l'ignorance. La faute des juges n'est pas tant personnelle que collective, et indissociable d'une époque dont Verri - et avec lui tous les philosophes des Lumières italiennes - appelle le dépassement. Verri, en d'autres termes, travaille à éclairer son temps, pour le réformer dans le sens de la raison et de ce qu'on appellerait aujourd'hui les droits de l'homme . C'est sur cette question de la responsabilité des juges que Manzoni croise le fer avec son illustre prédécesseur. Dans l'Histoire de la colonne infâme, il s'attache à montrer que, même en des temps d'ignorance et dans un système pénal qui prévoit qu'on puisse infliger à un accusé - y compris en amont de la certitude de sa culpabilité - des sévices atroces, les juges conservaient la possibilité, la liberté morale de ne pas le faire. Aussi, reprenant en main les textes des juristes que Verri cite pour les accabler, Manzoni s'efforce-t-il de montrer que tous, bien que n'étant pas opposés par principe à la torture, recommandaient cependant de n'en user qu'avec discernement et modération, et jamais pour obtenir des aveux. Manzoni entend ainsi rendre justice aux criminalistes du passé, que Verri blâme selon lui injustement, au prix d'incompréhensions voire de distorsions des textes qu'il produit pour preuves de sa thèse. Mais il veut surtout convaincre que les juges qui, en 1630, firent torturer et exécuter ces malheureux, puis firent construire un monument en leur éternel déshonneur, disposaient, dans les traités juridiques de référence de leur époque, d'éléments qui leur auraient permis, qui auraient dû leur permettre de juger dignement. Selon Manzoni, si la torture était régulièrement en vigueur dans les affaires criminelles, et couramment pratiquée dès la phase d'instruction du procès, cela n'imposait pourtant pas à des esprits éclairés et probes d'y recourir. Les juges sont donc comptables à titre personnel de leur jugement, qui s'apparente à un crime. Manzoni défend ainsi l'idée que, de tout temps, jusque dans le pire des systèmes politico-juridiques, les individus conservent une part d'autonomie, la faculté de s'affranchir des préjugés de leur époque, et de se comporter selon ce qui est juste et bon. Ce qui est en jeu, implicitement, c'est donc aussi la question, ancienne et débattue depuis des siècles dans la théologie chrétienne, du libre arbitre. Mais tout autant, si l'on veut, avant l'heure, sa version plus moderne, celle du déterminisme - social, historique, politique, culturel. Sommes-nous libres de nos actions, de nos décisions, de nos pensées ? Ou sommes-nous si profondément (et inconsciemment) modelés par notre temps, par notre culture, par nos institutions, que nos "choix" ne sont, au vrai, que les conséquences inéluctables de ces divers conditionnements ? Pour l'écrivain italien, récuser l'idée que, malgré les aberrations de leur temps, malgré les vices de la forma mentis du monde auquel ils appartenaient, les juges de 1630 auraient pu juger justement reviendrait à admettre, ni plus ni moins, l'impossibilité générale et affreuse d'espérer que des hommes qui commettent un crime abominable puissent jamais agir différemment ; cela obligerait, en somme, à reconnaître que les pires scélérats ne peuvent aucunement, par principe, être tenus pour responsables de leurs forfaits : "Si, dans un ensemble de faits atroces commis par l'homme contre l'homme, nous croyons voir un effet des temps et des circonstances, nous éprouvons, en même temps que de l'horreur et de la compassion, un découragement, une sorte de désespérance. Il nous semble voir la nature humaine poussée invinciblement au mal par des facteurs indépendants de sa volonté, et comme enchaînée dans un rêve pervers et fébrile, dont elle n'a nul moyen de se déprendre, dont elle ne peut pas même se rendre compte". La question demeure d'une parfaite actualité. Il n'est que de songer aux polémiques qui ont entouré telles tentatives d'explication d'attentats terroristes récents en France. En réponse aux sociologues qui tentaient de comprendre ces actes dans un tableau causal complexe, des personnages politiques de premier plan objectèrent qu'expliquer, c'était déjà justifier. Plus que jamais, il nous semble au contraire requis, pour inconfortable que cela puisse être, d'enquêter inlassablement sur les raisons de la violence. L'Histoire de la colonne infâme nous est une invitation à ne pas refermer trop vite le questionnement sur les racines du mal.

03/2024

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Critique littéraire

Études anglaises - N°1/2016. The Pictures of Oscar Wilde

Joseph BRISTOW : Oscar Wilde, Ronald Gower, and the Shakespeare Monument Le mercredi 10 octobre 1888, Oscar Wilde figurait parmi les orateurs qui prononcèrent l'éloge de Sir Ronald Gower (1845-1916) lors de l'inauguration de l'imposant monument, érigé en l'honneur de Shakespeare à Stratford-upon-Avon et conçu par Gower. Cet événement, moment le plus connu où Wilde et Gower apparaissent ensemble en public, met en évidence un aspect important de l'intérêt porté par Wilde aux arts plastiques. Comme le note Roger Fry, qui le rencontra à Venise en 1891, l'aristocrate au physique avantageux est "le modèle de Lord Henry dans Dorian Gray" . Au début de sa carrière, Gower fut parfois menacé par des scandales liés à sa préférence sexuelle pour les hommes, les militaires en particulier. Il est intéressant de noter le contraste entre la manière dont Gower sut habilement se défendre contre les allégations diffamatoires à son encontre et le destin tragique de Wilde au cours des procès de 1895, suite auxquels l'écrivain fut condamné à purger une peine de prison de deux ans pour "outrage aux bonnes moeurs" . En 1898, Gower, qui avait mis un terme à sa carrière artistique après l'érection du monument en l'honneur de Shakespeare, adopta Frank Hird, son amant âgé de vingt-cinq ans. Michael Patrick GILLESPIE : The Branding of Oscar Wilde Bien qu'au cours de sa vie, Oscar Wilde ait été entouré par un certain nombre de personnages flamboyants, il se démarqua de ceux-ci en raison du grand talent dont il fit preuve quand il s'est agi de se forger une image de marque. Cette démarche va bien au-delà de la simple mise en scène de soi, et elle a de bien plus larges implications en termes de rapports à la société. C'est grâce à la création de cette image de marque que Wilde se distingua d'une génération d'excentriques, grâce à l'habileté dont il fit preuve dans l'élaboration d'une image publique singulière, image qui parvint à frapper les esprits tout en échappant aux foudres de la censure. Cette image était celle d'un artiste apparemment sans inhibition mais qui, en réalité, savait parfaitement susciter le frisson sans pour autant provoquer de la révulsion. Entre ses années d'étudiant à Oxford et les procès de 1895, la "marque Wilde" protégea sa vanité et accrut sa réputation, à travers sa capacité à changer de registre et à s'adapter à des environnements différents. Comprendre le fonctionnement de cette image de marque et l'engagement de Wilde envers cette dernière au gré des situations, permet d'offrir un aperçu de l'évolution de sa carrière d'écrivain et de saisir au mieux les perspectives changeantes dont les lecteurs doivent avoir conscience afin de comprendre son oeuvre. Anne-Florence GILLARD-ESTRADA : Oscar Wilde's Aesthetics in the Making : The Reviews of the Grosvenor Gallery exhibitions of 1877 and 1879 En 1877 et 1879, Wilde publie dans des périodiques irlandais des comptes rendus des première et troisième expositions de la Grosvenor Gallery. Ces textes constituent un premier commentaire de Wilde sur les développements qui touchaient les arts visuels depuis une quinzaine d'années environ. Wilde évoque dans ces comptes rendus les oeuvres d'artistes alors associés à "l'école classique" ou à l' "Esthétisme" (mouvements qui se recoupaient souvent). En outre, Wilde dialogue avec les commentateurs ou les critiques d'art qui étaient favorables à cette peinture. C'est dans ce terreau fertile que l'esthétique de Wilde prend forme, et cet article se propose en particulier d'explorer l'esthétique de l'ambiguïté et de l'ambivalence qui caractérise ces tableaux et qui apparaît comme centrale dans les deux comptes rendus de Wilde. Nicholas FRANKEL : Portraiture in Oscar Wilde's Fiction Wilde se rendit compte dès le début de sa carrière que le genre du portrait reposait sur une dichotomie entre la représentation des aspects intimes de la vie d'un individu d'une part et celle du personnage public, d'autre part. Mais peu après la criminalisation des "outrages aux bonnes moeurs" en 1885 et le début de sa liaison avec Robert Ross en 1886, il prit conscience du fait que le portrait constituait également une structure imaginaire propice à la représentation de vies caractérisées par des désirs illicites, désirs que l'on ne pouvait satisfaire que secrètement, loin du regard de la société. Cet article explore la dynamique entre portrait, artiste, sujet (ou "modèle" ) et spectateur dans quatre textes de fiction que Wilde a publiés à intervalles réguliers à la fin des années 1880. Il montre qu'au fil de ces quatre textes, Wilde développa une théorie nuancée de l'art du portrait comme incarnation visuelle du désir pour les hommes et entre hommes. Il suggère en conclusion que la nouvelle compréhension de l'art du portrait acquise par Wilde a pu à son tour influencer l'oeuvre de son ami Toulouse-Lautrec, dont le célèbre portrait à l'aquarelle de l'écrivain, réalisé en 1895, constitue une rupture radicale par rapport aux normes de l'époque. Emily EELLS : "La consolation des arts" : The Picture of Dorian Gray and Anglo-French Cultural Exchange Cet article analyse l'intertextualité française dans le roman de Wilde, afin de montrer comment il s'en est servi pour construire son récit et son cadre théorique. L'article met en évidence la dette de Wilde envers Gautier, Goncourt, Huysmans et Balzac : il va jusqu'à citer ce dernier sans le nommer. Cet article étudie l'inscription des mots français dans le texte de Wilde, qui sont mis en italiques comme pour signaler leur étrangeté. Ce procédé typographique participe de l'esthétisation des livres français, que Wilde présente comme des objets d'art. Le titre de cet article cite une phrase de Gautier enchâssée dans le texte de The Picture of Dorian Gray afin de suggérer comment les arts français (les belles lettres, mais aussi les arts mineurs de la parfumerie et de la dentelle) sont une source de consolation pour Dorian Gray. Une annotation en français dans un exemplaire du roman de Wilde semble y répondre, car le lecteur dit s'y trouver conforté dans son idéalisation de l'inutile. Shannon WELLS-LASSAGNE : Picturing Dorian Gray : Portrait of an Adaptation The Picture of Dorian Gray constitue un sujet de choix pour les cinéastes, et ce, pour de nombreuses raisons : il s'agit d'un conte moral captivant, doté d'une intrigue qui regorge de beauté, d'amour et d'action; c'est un exemple célèbre de texte victorien influencé en partie par le roman "gothique" . Le roman de Wilde a ainsi inspiré de nombreuses générations de cinéastes. Toutefois, cette oeuvre pose aux réalisateurs des problèmes particuliers, dont un est suggéré par le titre même de l'ouvrage : comment représenter le portrait extraordinaire de Dorian Gray à l'écran, tant dans sa beauté éclatante initiale que dans ses métamorphoses monstrueuses? Chacune des adaptations étudiées dans cet article semble proposer un portrait qui révèle les possibilités de la fiction dans un contexte audiovisuel ainsi que les propres aspirations des adaptateurs. Ainsi, les adaptations semblent considérer le portrait de la même manière que Hallward considère son sujet : "un style artistique entièrement neuf, une manière entièrement nouvelle" : une mise en abyme de l'adaptation elle-même. Marianne DRUGEON : Aestheticism on the Wildean Stage Cet article se propose d'étudier des représentations sur scène et adaptations filmiques de trois comédies de salon d'Oscar Wilde, L'Éventail de Lady Windermere, Un mari idéal et L'Importance d'être constant, lesquelles ont toutes en commun un décor, des costumes et des accessoires représentatifs de l'Esthétisme. On connaît en effet Wilde non seulement pour ses oeuvres littéraires mais également pour son engagement dans la défense de ce mouvement artistique, ce qui a conduit les metteurs en scène à créer de véritables vitrines présentant les costumes, le mobilier et les oeuvres d'art de l'époque. L'on remarque toutefois que ce qui n'est en général qu'accessoire et décor devient, dans l'adaptation des oeuvres de Wilde, de première importance : les costumes symbolisent des personnalités, les scènes se transforment en véritables tableaux, et les personnages sont définis non plus par leurs actes mais par leur apparence, devenant eux-mêmes des oeuvres d'art. Wilde lui-même, en affirmant que la vie imite l'art, recherchait sciemment l'artificialité et rejetait le naturalisme. Ainsi, ceux qui ont mis en scène ses pièces y ont bien souvent mêlé une représentation de ses convictions artistiques, et même une représentation de l'auteur lui-même, qui aimait se créer des masques et faire de sa vie un spectacle. Gilles COUDERC : Setting Oscar Wilde to Music Depuis sa première en version concert à Los Angeles en 2011, l'opéra de Gerald Barry The Importance of Being Earnest d'après la comédie d'Oscar Wilde a obtenu un grand succès. À ce jour, ce n'est que la plus récente des très nombreuses oeuvres musicales inspirées tant par les textes de Wilde que par sa vie. De son vivant, la capacité de Wilde à se mettre en scène, la création savamment orchestrée d'un personnage destiné au public, l'a maintenu sous le feu des projecteurs. Sa chute et le retentissement de ses procès ont suscité un intérêt toujours croissant pour l'homme et pour son oeuvre : l'adaptation de Salomé à l'opéra par Richard Strauss en 1905 a lancé la vogue des adaptions musicales des textes de Wilde, alors que le personnage de l'artiste a continué à inspirer opéras ou comédies musicales. Ce qui semble frappant, c'est, après la mort de l'écrivain, la confusion, dans l'imaginaire européen, entre l'homme et l'oeuvre. Cette étude se concentrera d'abord sur des oeuvres inspirées par le personnage de Wilde, Patience de Gilbert et Sullivan, puis l'opéra Oscar du compositeur américain Theodore Morrison, oeuvre dans laquelle Wilde est présenté comme héros et martyr d'un combat libertaire. Nous examinerons ensuite les oeuvres que sa Salomé a inspirées, les opéras de Strauss (1905) et de Mariotte (1908) ainsi que la production d'Ida Rubinstein (1908), trois oeuvres dans lesquelles, derrière les personnages mis en scène, se devine la figure de Wilde. Marc PORÉE : Ceci n'est pas un tube : de l'itérabilité dans The Burning Perch de Louis MacNeice Cet article procède d'un constat : tout au long de sa carrière poétique, Louis MacNeice aura multiplié les recours à diverses modalités de la répétition. Dans The Burning Perch, en particulier, il aura fait un usage insistant et déstabilisant du refrain. Une telle itérabilité est assurément consubstantielle au fonctionnement de la poésie; elle est aussi propre à l'économie "tubulaire" , telle que l'analyse Peter Szendy, et rappelle fortement le fonctionnement de la "ritournelle" , selon Deleuze et Guattari. C'est cette parenté, mais aussi cette différence, entre la chanson et le poème, qu'on explorera ici, avant de conclure, sans grande surprise, à l'irréductibilité du poétique.

06/2016

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Le vilain petit canard

La mère cane est étonnée : parmi ses petits canetons jaunes, il y en a un tout gris et très gros... Ses frères se moquent tellement de lui que le vilain petit canard s'enfuit. Les canards le rejettent. Le chien le chasse. Tous les animaux le dédaignent à cause de sa laideur ! Heureusement, une famille de paysans le recueille durant l'hiver. Et quand vient le printemps, le vilain petit canard déploie ses ailes et rejoint deux cygnes sur un petit lac, qui l'acceptent et le saluent. Car l'oiseau gris, mal fait et laid, est devenu un magnifique cygne blanc !

09/2020

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Ce livre dédié à la préparation au diplôme d'Etat d'Aide-Soignant, regroupe en un seul volume : > le cours traitant les 10 modules de formation correspondant à l'acquisition des 5 blocs de compétences du DEAS > des illustrations professionnelles avec des zooms sur le rôle de l'aide-soignant pour se mettre en situation professionnelle > des fiches pratiques claires et synthétiques > l'intégration de l'AGFSU 2 - Bloc 1 - Accompagnement et soins de la personne dans les activités de sa vie quotidienne et de sa vie sociale - Bloc 2 - Evaluation de l'état clinique et mise en oeuvre de soins adaptés en collaboration - Bloc 3 - Information et accompagnement des personnes et de leur entourage, des professionnels et des apprenants - Bloc 4 - Entretien de l'environnement immédiat de la personne et des matériels liés aux activités en tenant compte du lieu et des situations d'intervention - Bloc 5 - Travail en équipe pluri-professionnelle et traitement des informations liées aux activités de soins, à la qualité/gestion des risques L'ouvrage comprend aussi un cahier de 16 pages, rédigé par un auteur spécialisé en gestion des risques associés aux soins hospitaliers, qui reprend l'ensemble des précautions standards d'hygiène à appliquer en milieu de soin.

09/2021