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Tahar Gaïd

Extraits

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Littérature française

Ces moments de bonheur, ces midis d'incendie

Plus qu'aucun autre, ce nouveau livre de Jean d'Ormesson embrasse tout son univers romanesque et intellectuel. Mêlant œuvres de fiction, chroniques, dialogues et discours, il traverse tous les domaines de son imaginaire et de sa pensée. Il témoigne aussi de ses passions, admirations et engagements qui ont fait de lui, depuis plus d'un demi-siècle, un écrivain de premier plan, apprécié par d'innombrables lecteurs pour sa virtuosité littéraire et sa liberté d'esprit. Entre romans et confessions, Qu'ai-je donc fait, La Création du monde et Une fête en larmes, tous trois publiés chez Robert Laffont entre 2005 et 2008, gravitent autour des thèmes qui lui sont chers et qu'il n'a cessé d'explorer et d'approfondir. Les charmes et les enivrantes beautés du monde, les fêtes de l'amour et du soleil, entre rires et larmes, entre volupté et mélancolie. Les origines de l'univers, les mystères vertigineux de l'espace et du temps, la fascinante et inépuisable odyssée de la connaissance et du savoir. Dans Odeur du temps et Saveur du temps, parus aux éditions Héloise d'Ormesson en 2007 et 2009, Jean d'Ormesson proclame avec la vivacité, le sens de l'émerveillement et la jubilation qu'on lui connaît, son amour de la littérature, de l'art et de la vie. Il évoque ses voyages, célèbre avec tendresse et ferveur ses auteurs favoris et amis les plus intimes, tout en répliquant avec humour et malice à ses meilleurs « ennemis » tels que Bernard Frank. Il mélange les genres, de la politique à la science et à la philosophie, comme autant de périples enchanteurs qui le conduisent de Plutarque à Soljenitsyne, d'Arsène Lupin à Édith Piaf, de Paul Morand à Jorge Amado, sans jamais l'éloigner de ses rivages de prédilection, ceux de la Méditerranée, de l'Inde ou du Brésil.  Ce volume « Bouquins » rassemble aussi les trois grands discours d'académie prononcés par Jean d'Ormesson en hommage à Marguerite Yourcenar, Michel Mohrt et Simone Veil, textes dans lesquels s'expriment les valeurs qu'il a toujours défendues, les combats qui ont été les siens, comme son art et son goût de l'amitié. On retrouvera ici l'un de ses livres les plus attachants et les moins connus, Tant que vous penserez à moi (Grasset, 1992), issu de ses entretiens avec Emmanuel Berl dont il fut le visiteur et l'interlocuteur assidu. « L´image même de l'intelligence », écrit-il en saluant cet aîné secret et prestigieux, « mélancolique et gai », avec qui il ne manquait pas de similitudes.

08/2016

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Littérature française

Essais

En 1971, la Pléiade publiait "Contre Sainte-Beuve" précédé de "Pastiches et mélanges" et suivi de "Essais et articles" . L'édition qui paraît aujourd'hui est dotée d'un sommaire considérablement enrichi et d'un titre qui témoigne de ses intentions. Exit le triple intitulé dominé par le massif central du Contre Sainte-Beuve. Choisir le titre Essais, c'est reconnaître à la fois l'unité et l'incertitude générique de l'oeuvre de Proust. Comme le souligne Antoine Compagnon, Proust fut toujours partagé, dans son désir d'écrire, entre narration et réflexion. Son roman est riche de développements critiques. Son oeuvre de réflexion connaît des développements romanesques. Son projet sur Sainte-Beuve, il le qualifie d' "essai" , terme qui s'appliquait à des textes à la composition très libre. A preuve, la définition que le critique du Figaro, André Beaunier, donne de "Sur la lecture" , préface de Proust à Sésame et les lys de Ruskin (1906) : "un essai original, et délicieux, émouvant, plaisant, gai parmi les larmes, mélancolique avec discrétion ; les souvenirs s'y mêlent aux rêveries, la fantaisie à la réalité, comme dans l'âme d'un philosophe très sensible" . Des lignes qui annoncent l'expérience unique qu'offre la lecture des essais de Proust. Incertitude générique, donc : les Pastiches et mélanges reprennent en 1919 "Sur la lecture" et d'autres essais essentiels, mais aussi les pastiches de "l'affaire Lemoine" , cette "critique en action" dans laquelle le récit a toute sa place. Et Contre Sainte-Beuve est certes un essai, mais narratif : c'est au cours d'une conversation avec sa mère que l'auteur entend critiquer la méthode de Sainte-Beuve. Mais voici que surgissent des personnages, Swann, les Guermantes, un Montargis au profil de Saint-Loup, un Guercy qui annonce Charlus. Ces développements romanesques constituent un nouveau départ pour le roman que l'on sait. Ils signent aussi la fin du projet Sainte-Beuve et expliquent pourquoi Contre Sainte-Beuve n'existe que dans l'idée qu'on s'en fait. Dans sa première édition (1954), le livre comportait des chapitres romanesques. Dans la seconde (1971), seules étaient retenues les pages critiques. On propose ici un "Dossier du Contre Sainte-Beuve" , titre et dispositif plus conformes aux manuscrits conservés. Quant aux nombreux essais - critiques, études, chroniques, entretiens ou amples analyses -, ici plus nombreux que jamais, parus dans les revues et journaux du temps et non recueillis par Proust, ou encore révélés après sa mort, ils témoignent de l'ambition littéraire la plus haute et sont l'accompagnement obligé de la Recherche.

04/2022

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Littérature Allemande

Au bord de la nuit

Publié en 1933 en Allemagne, banni par les nazis lors de sa sortie, Au bord de la nuit, est de ces textes novateurs et audacieux qui dérangent. Un roman littéraire oublié à redécouvrir dans la collection Vintage. La vie d'un quartier de Brême, celui du port, entre le crépuscule et la nuit. Un faisceau d'existences parallèles ou enlacées, entre lesquelles, douceâtre, étouffante comme la mort, la nuit monte par bouffées : des gamins observent rats et cygnes sur une berge ; deux compères, Antoine et Oscar, rejoignent l'Adélaïde pour une croisière direction Rotterdam ; Madame Jacobi prend quotidiennement des nouvelles de Monsieur Mahler, un voisin mourant ; Monsieur Hennicke, le professeur de géographie fait la lecture à ses deux fils sous les grandes feuilles du jardin public ; Addi, un petit garçon somnambule, donne le premier numéro d'un show à l'Astoria, un bar animé de la ville ; le gardien du parc, obsédé par l'invasion agressive des rongeurs en plein coeur de ville, décide d'envoyer une missive à l'autorité municipale. Une succession de tableaux intimistes, des instants de vie brefs et attendrissants, des destins qui se croisent, se défont, se mêlent encore, en plein coeur d'une ville qui s'endort, enveloppée par les ténèbres. Extraits : Là-bas, à l'extrémité du jardin, sous les grandes feuilles de la tonnelle, monsieur Hennicke, le maître de géographie, et ses deux fils étaient assis. Une lampe à pétrole, placée au milieu de la table, répandait une chaude lueur jaune. De temps en temps elle filait et monsieur Hennicke, d'une main légère, diminuait alors la flamme. Il avait un livre ouvert devant lui et lisait à haute voix. La tête dans les mains, ses deux fils, collégiens de première année, blonds et dégingandés, aux visages moites et boutonneux, buvaient ses paroles. Leurs regards étaient fixes, perdus dans l'obscurité du jardin ou en une contrée plus lointaine encore. Et non loin de là - quelques jardins et rangées de maisons tout au plus - monsieur Berg jouait de la flûte devant sa fenêtre ouverte. Ses doigts pâles et osseux se levaient et s'abaissaient sur les trous de l'instrument, sa tête s'inclinait un peu sur le côté et ses yeux gris et doux suivaient l'envol des sons. C'était une cadence régulière, un chant qui s'élevait calmement, descendait calmement, empreint de sérénité, pas vraiment gai, pas vraiment triste, et pourtant toujours un peu plaintif... clair, résolu, aux lignes nettes. Il s'élançait dans la nuit avec une tranquille assurance, s'éparpillait, s'effaçait dans l'air calme.

09/2021

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Critique

Oeuvres de chair. Figures du discours érotique

"L'érotisme est le problème des problèmes". Avec Bataille, on peut s'accorder à reconnaître que l'être humain, depuis l'origine de la civilisation, a fait de sa sexualité un problème majeur qui demande réflexion. C'est ce problème que cherche à circonscrire le présent ouvrage. On croit souvent que tout a été dit sur l'amour. En fait, ce domaine a été négligé par la pensée et on a laissé toute l'expertise amoureuse à la seule littérature dont elle est devenue la matière première. Il est donc tout naturel de retourner à la littérature pour voir ce qu'il en est de ce grand "problème". On a étudié tous les genres qui expriment un trait profond de l'humanité : le tragique, le comique, le burlesque, l'élégiaque, le didactique, le bucolique. Mais l'érotique ? Fort peu et jamais sous la forme originale qu'on propose ici. Voici donc la première étude de ce genre sur un corpus qu'on lit en cachette depuis des siècles et que la critique a toujours déconsidéré. En parcourant deux millénaires de pratiques sexuelles jusqu'à l'extrême pointe du contemporain, ce livre présente un tableau des constituantes du discours érotique. Tout empreint d'un "gai savoir", il fait découvrir une littérature plus riche qu'on ne le croyait regroupant, à la manière d'un dictionnaire, les figures du discours érotique en autant de postures, il propose aussi des aperçus sociohistoriques sur la vie privée ainsi que des réflexions stimulantes sur la Beauté, le Bain, le Corps, le Détail, le Don, l'Exotisme, l'Orgie, la Rencontre, le Secret, la Nudité et le Vêtement, notamment. De posture en posture se dessinent ainsi les composantes d'une sorte de grand Voluptuaire où se rassemblent les divers aspects du désir et de l'amour. Ce qu'en ont pensé les premiers lecteurs : "Impose une lecture et une saveur globales... Il y a un goût et une inventivité du signifiant. Il y a une intelligence de la conception. L'organisation est à la fois rationnelle et subtile. Ce qui est très bien, très original et très réussi, c'est le dosage de la liberté et de la rigueur." Roland Barthes "J'ai été impressionnée par les capacités d'écriture, l'élégance de l'écriture, la souplesse de l'écriture. Et un autre aspect extrêmement important, c'est [le] sens du système, [le] sens du catalogue." Julia Kristeva "C'est un merveilleux appareil polyoptique. C'est une écriture de vertige." Jean Bellemin-Noël

08/2021

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Littérature française

Je suis une surprise

On trouvera ici : une table de ping-pong, une grosse enveloppe de la NASA, un fusil, une part de flan renversée, de nombreuses heures de colle, des diapositives du Sahara, un crâne humain exhumé et brisé, plusieurs vélos, un hôpital psychiatrique, un petit carnet décrivant la planète Mars, un voyage éclair à Bruges et un autre à Venise, des pins parasols, un immense bateau et un minuscule voilier. Et aussi, sans cesse, partout sous les pieds du narrateur, des caves sombres pleines de bouteilles. Autant d'étranges souvenirs que Marc Pautrel interroge pour nous dire : "Je est un autre, je est une surprise... j'écris, je suis une surprise". Je suis une surprise, Claudine Galéa Voix intérieures. Jeanne Bastide et Marc Pautrel mènent, chacun à sa façon, une enquête sur l'être et le non-être. Aux éditions de l'Amourier et chez In8. Sujets et objets Lucie se sent enfermée. Prisonnière d'une absence. Celle d'André, mais pas seulement. L'espace de la maison est devenu oppressant. Pour se reconnecter au monde réel, celui des sensations, elle s'allonge à même la terre. Plus tard, à la fin, elle franchira la porte, sortira. Jeanne Bastide raconte le lent réapprivoisement d'une femme par elle-même. "Un silence ordinaire" décrit l'histoire d'une perte qui est peut-être davantage celle du sentiment d'exister que de l'être aimé. Ce sont les objets qui prennent en charge le manque, le vertige. Il y a quelque chose de l'univers de la peinture dans ce lent et pointilleux récit d'un retour à la vie. Aux natures mortes de l'univers intérieur, s'opposent les éléments de l'extérieur, de la brume hivernale au renouveau de la lumière printanière. Jeanne Bastide prend la mesure du temps, et réussit à créer une suspension atmosphérique, entre asphyxie et reprise d'air. C'est une plongée en soi qui évite tout pathos et toute explication au mystère de la disparition. "L'autre" est un miroir où Lucie s'est peut-être perdue. Parfois, on frôle l'hallucination dans une sorte de syncope du verbe. Pour retrouver la continuité d'existence qui lui permettra de demeurer vivante, Lucie écrit. Une deuxième voix s'élève dans le livre, plus fluide, gaie, avec de forts accents d'oralité. Une voix de vivante, heureuse de l'être. Marc Pautrel est le sujet de son récit "Je suis une surprise". Tout à lui-même - il écrit à plein temps, son temps lui appartient jusqu'à l'obsession -, la scène du "Je" lui est familière ! Et pourtant, écrit-il, "en moi, tellement de morceaux me sont étrangers". Remontant le fil d'une existence où les déménagements successifs de ses parents le préparèrent à la solitude et au détachement dont il use avec ivresse une fois devenu adulte, l'auteur-narrateur impose l'idée d'un décollement de soi plutôt qu'un dédoublement. La collection Alter & Ego, pour laquelle il a écrit ce récit, est un écrin parfait à l'aventure en chambre de cet anti-héros. Il aurait désespérément aimé franchir les frontières de la fiction au point d'habiter le seul pays des mots,

02/2009

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Littérature française

Théa et les portes du soir

Suivez Théa, une jeune femme désabusée, dans une aventure onirique étourdissante au-delà de la Porte des Fées !C'est une révoltée, Une désabuséeElle a des convictions, Des rêves et des passionsMais croit que le mondeNe mérite pas ses idéesElle les garde pour elleEt s'invente un mondeDans lequel, elle s'enfermeEt aimerait vivre toute sa vieMais c'est impossible. C'est pourquoi elle erre, Parmi vous, parmi tousAu cour de ce monde, De futilités et d'hypocrisiePoursuivant sa quête, Sa recherche de la véritéEt priant pour découvrirAu tournant d'une rueAu bout d'un cheminUn passant comme elleQui lui tendra la main. Pour Théa, inventer est devenu une nécessité. Immergez-vous pleinement dans ce roman fantastique où les rêves prennent le pas sur la réalité pour mieux avancer vers la vérité !EXTRAITSacré conseil, me dis-je, ironique. Les créatures de ce monde étaient douées pour déclamer des discours ombrageux et philosophique. Je me rappelai les centaures de la Forêt interdite dans Harry Potter et riais sous cape, en me disant qu'à ce rythme-là, je ne retrouverai jamais le Génie. Dans un dernier sourire, je pressai mes talons contre le flanc de Calypso et elle bondit en avant. Un cri m'arrêta et je coupai net Calypso dans son élan. Je me retournais et vis la Babouchka qui me faisait de grands signes. Je reviens vers elle.- Théa ! Attends ! Ne bouge pas !Inquiète, je regardais les alentours m'attendant à un danger quelconque, tandis que la Babouchka prenait son panier de baies et rentrait le poser chez elle. Quelques minutes plus tard, elle ressortit, ferma à clé sa chaumière et se dirigea à l'arrière de sa maison. Elle revient un tenant une mule par la bride.- C'est très gentil, dis-je, gênée, mais l'Enchanteresse m'a prêté sa licorne.- Cette mule n'est pas pour toi ! Elle ne rivalise pas avec la monture de l'Enchanteresse. C'est la mienne. Elle se mit en selle à ma plus grande surprise.- Eh oui, Théa, je pars avec toi. Allons ensemble voir dans quel camp joue la Dame Blanche, et dans quel état d'esprit elle se trouve !- Vous devez rester, certains ont besoin de vous ici !- Qu'ils attendent ! Tu es bien plus importante. Si tu réussis, tout ira pour le mieux. Je préfère venir avec toi, plutôt qu'attendre seule ici. Tu es devenue ma priorité, et je dois m'assurer que tu arrives saine et sauve. Alors, je t'accompagne jusqu'au château. Après je verrai si je te suis ou si je fais demi-tour.- Merci, c'est vraiment adorable. Êtes-vous certaine que votre mule arrivera à tenir la cadence de Calypso ?À PROPOS DE L'AUTEURLaëtitia Creysson aime lire et écrire depuis toujours. Elle vit dans le Gard, en pleine campagne, entourée de ses livres chéris. Parfois, une lumière brille encore à sa fenêtre en pleine nuit. C'est l'auteure qui couche sur papiers d'autres mondes, d'autres histoires, dans lesquels elle espère vous plonger.

04/2019

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Policiers

Je suis le dernier Juif debout

Le lieutenant Dan Reles aurait tout pour être heureux. Il est à la tête de la brigade criminelle d’Austin au Texas. Il vit avec Rachel, une femme qui a réussi dans l’immobilier, a un petit garçon et vient d’emménager dans une nouvelle maison. Mais toute médaille a son revers : Rachel a sombré dans l’alcoolisme, Dan, lui, n’a toujours pas réglé ses comptes avec son passé. Un passé qui le rattrape quand il voit débarquer son père Ben, après vingt ans d’absence. Depuis l’enfance de Dan, ce père lui a posé problème : comment en effet expliquer à ses camarades de classe que son père n’est pas boucher ou plombier mais homme de main de la mafia ? Et voilà que Ben Reles revient, au volant d’une voiture volée, avec Irina, une prostituée russe en fuite. Ben aussi est en fuite. Il cherche à échapper à Sam Zelig, Sam le psychopathe, dernier caïd de la mafia juive. Zelig est capable de tout pour récupérer Irina, par exemple de prendre la ville en otage.Dan doit alors choisir entre son devoir filial, familial ou civique : protéger la ville, sa famille ou son père ?Un nommé Sam Zelig fait partie des Texas Chronicles qui ont pour héros le lieutenant Dan Reles. Ce livre riche et complexe se lit bien sûr comme une histoire policière à la construction et au suspense impeccables ; l’auteur y a l’art de camper des personnages à la forte stature, totalement inoubliables. Mais comme tous les grands du roman noir, Michael Simon ne se contente pas d’une œuvre univoque. Il nous parle aussi de la question de l’identité en Amérique, ayant créé un héros doublement extérieur à la norme, par son appartenance à la communauté juive (ce qui n’est pas anodin au Texas, dans le milieu de la police) et par son père gangster. Cette difficulté d’appartenance, Michael Simon en fait le cœur de son histoire, qui tourne aussi autour de la relation inaboutie entre un père et son fils, entre un homme et sa femme. Dan ne cesse d’être renvoyé à son enfance à travers ses souvenirs, qui sont souvent traités comme des scènes de cinéma. De fait, ce roman peut aussi être lu comme une tentative désespérée de tous les personnages de se raconter des histoires et d’en raconter, comme les gamins qu’ils n’ont cessé d’être, y compris ceux qui se croient héritiers des durs de la grande époque. En cela, Un nommé Sam Zelig est un livre à la noirceur profonde ; il traite de la solitude des êtres humains qui ne peuvent durablement se raccrocher ni à la Bible ni à la loi, tel Dan qui se rend compte qu’être flic, c’est « une vie de gangster à l’envers. »« La prose de Simon est aussi fascinante que ses personnages. » James Ellroy« Une exploration brillante de la complexité des liens familiaux et du prix à payer pour l’amour et la loyauté… C’est un roman criminel qui transcende les frontières du genre. » Thomas Kelly

03/2010

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Littérature étrangère

La déchéance de Mrs Robinson. Journal intime d'une dame de l'époque victorienne

L’histoire commence en 1844 quand, après un premier mariage désastreux qui s’est terminé par la folie et la mort de son mari, Isabella, jeune femme de bonne famille, mère d’un enfant en bas âge, épouse sans joie l’ingénieur et industriel Henry Robinson, personnage qui se révèle vite acrimonieux et cupide. Le couple, qui aura deux enfants, s’installe à Edimbourg. Isabella y fait la connaissance d’Edward Lane, "fascinant" jeune homme de dix ans son cadet. Juriste puis médecin, celui-ci vit avec sa femme Mary et sa belle-mère, la sympathique et très sociable Lady Drysdale, qui tient l’équivalent d’un salon où elle reçoit les intellectuels de l’époque. Edward et Isabella, femme intelligente et curieuse quoique souffrant d’un ennui chronique, échangent sur les idées nouvelles et sur la perte de leur foi religieuse. Très vite, Isabella s’éprend de lui, passion dont elle tient fiévreusement la chronique dans un journal intime auquel elle confie également ses sentiments de frustration et de ressentiment face à un mari honni et à une existence fastidieuse, ses trois fils étant son seul réconfort. Lorsque Edward se montre réceptif, ou tout au moins assez bon pour répondre de temps en temps à ses lettres, elle est profondément heureuse. En 1854, à Moor Park, où le Dr Edward Lane propose la cure hydrothérapique à ses patients, ils finissent par échanger étreintes et baisers. Mais rien ne prouve que leur relation ait pris une autre dimension. En 1855, alors que sa relation avec Lane s’est de nouveau distendue, elle tombe malade, probablement de la diphtérie. L’entendant marmonner des noms d’hommes dans son délire, Henry ouvre son journal pour y découvrir la détestation qu’elle lui voue (non qu’il soit à proprement parler un bon mari, il a une maîtresse et deux filles illégitimes) et l’amour qu’elle porte à Lane. Dès qu’elle est rétablie, il lui annonce son intention d’engager une procédure de divorce. La seconde partie du livre est consacrée à cette décision et à ses suites. L’affaire est la onzième portée devant la cour des Divorces, tribunal laïc institué suite à une loi votée quelques mois plus tôt. On est fasciné de regarder magistrats, avocat, experts et journalistes se colleter avec la seule véritable pièce à conviction : ce journal, dérobé à Isabella par son mari. Les faits décrits sont-ils réels ou l’invention d’une mythomane ? Car assurément seule une démente peut coucher par écrit des choses aussi scabreuses. Edward Lane nie mordicus avoir fauté avec Isabella. La teneur du journal ne suffit pas pour l’incriminer et, par l’effet d’une contorsion de procédure, un seul des deux défendeurs doit finalement répondre de l’accusation d’adultère. A une époque où il était rarissime que les femmes obtiennent gain de cause, Isabella finit par gagner la procédure de divorce. Victoire en matière de droits des femmes, mais elle perd tout le reste : sa fortune, ses enfants…L’auteur a exhumé cette histoire extraordinaire des archives d’un temps où la question de la sexualité et du désir féminins angoisse une société victorienne régie par les hommes, un temps où la femme adultère est marquée du diagnostic de manie sexuelle, une forme de démence. Le récit, où Dickens et Darwin, entre autres, tiennent des seconds rôles, est ponctué de digressions sur les phénomènes de la société victorienne et d’anecdotes aussi éclairantes que divertissantes.

03/2013

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Littérature française

La première défaite

"Après que Philippine a décidé de la fin de notre amour, ai aimé Philippine pendant quatre ans. Pendant quatre ans, j'ai consacré chaque heure du jour et chaque heure de la nuit à une seule et unique activité : l'aimer - l'aimer sans qu'elle fût à mes côtés. Je l'ai aimée enfermé dans la solitude de mon studio de l'île Saint-Louis. Je l'ai aimée enfermé dans la nuit des quais de l'île Saint-Louis. Je l'ai aimée enfermé dans la mémoire et dans la folie. Je l'ai aimée éveillé. Je l'ai aimée endormi. Je l'ai aimée en rêve. Je l'ai aimée au crépuscule du jour. Je l'ai aimée au crépuscule de la nuit. Je l'ai aimée tant que j'ai pu. Je l'ai aimée au-delà de ce qu'elle pouvait. Je l'ai aimée en la suivant dans la rue, ombre de son ombre, pas de ses pas. Je l'ai aimée à distance, respectueuse et irrespectueuse. Je l'ai aimée pour survivre. Je l'ai aimée à en mourir. Je l'ai aimée dans un temps sans temps, dans un temps où seule l'écriture égrenait des instants qui, wagons furtifs d'un train disloqué, ne parvenaient plus à s'accrocher les uns aux autres. J'ai aimé le souvenir de son sourire, le souvenir de son parfum, le souvenir de son souvenir. J'ai aimé l'absence de ses lèvres - et de ses lèvres. J'ai aimé sa peau comme un écorché vif. J'ai aimé son regard d'havane comme cet aveugle qui cherche à être roi chez les borgnes. J'ai aimé sa beauté à m'en rendre laid. J'ai aimé sa différence jusqu'à ne plus savoir qui j'étais. Ne voulant plus me souvenir, je l'ai aimée absolument, obsédé par le moindre souvenir d'elle." C'est bien sûr de la Philippine de "Le Premier amour" qu'il s'agit ici et des tourments endurés par le narrateur, "l'auguste crapaud graphomane" tel que Santiago Amigorena se définit lui-même, après la fin de ce premier amour. Ainsi pendant quatre ans va-t-il traîner son accablement et sa mélancolie , les imposant à ses amis, à ses proches, jusqu'à la délivrance, enfin, à la libération. On a été rarement si loin dans l'analyse du désespoir amoureux, et dans son évolution progressive vers la délivrance. Même en s'y appuyant pour commencer, cela va bien au-delà de l'analyse psychologique gràce à un très étonnant lyrisme introspectif qui ne cesse d'ouvrir de nouveaux territoires à l'investigation inquiète du narrateur. Et aussi gràce à un humour dont Santiago Amigorena est la première cible consentante, un humour ravageur, joyeusement dépressif et, pour tout dire, irrésistible. Et bien sûr il va aussi se passer beaucoup de choses pendant ces années soutenues par la basse continue d'une irrépressible tristesse. Notre héros, par exemple va retourner en Uruguay et en Argentine pour la première fois depuis l'exil forcé en France, à la rencontre de ses souvenirs d'enfance et de ses amis d'autrefois, puis en Grèce et en Italie, il va croiser beaucoup de jeunes femmes, écrire et se relire, et se citer, boire et danser.

08/2012

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Psychologie, psychanalyse

Sciences Humaines N°302, avril 2018 : Qu'est-ce qu'une belle vie ?

"La vraie vie est ailleurs". On prête à Rimbaud cette célèbre formule ; pourtant, personne n'en a jamais trouvé trace dans son oeuvre. L'expression la plus approchante, tirée d'Une saison en enfer, est "la vraie vie est absente" . La formule est tout aussi cinglante, mais plus désespérée encore. Heureusement, Rimbaud avait tort. Car la vraie vie existe : je l'ai vécue. Quand vous avez la chance de connaître un grand amour qui résiste au temps ; quand autour de lui s'est construite une belle famille avec des enfants (et des petits-enfants) très réussis ; quand votre passion est devenue votre travail et votre quotidien ; et quand à cela s'ajoutent quelques vrais amis, des collègues très aimables, une belle maison, une santé vaillante et le tout assorti d'une constitution morale qui vous rend résilient aux chocs... , vous avez touché du doigt la belle vie. Sauf que malheureusement tout cela a une fin. Après la trajectoire ascensionnelle vient irrésistiblement le déclin. Personnellement, j'ai pris conscience tardivement que j'allais mourir (la mort ne me fait pas peur ni ne m'angoisse : elle m'emmerde). Et juste avant, il y a pire : le déclin. Côté coeur, tout va encore très bien, mais côté corps, ça se dégrade à vue d'oeil, car l'âge finit par tout gâcher, tout gâter. Côté business, les temps sont de plus en plus durs pour la presse. Et puis il y a forcément ces jours où une migraine, une dispute, une panne de voiture et un temps maussade viennent assombrir le tableau. Que faire dans ces moments de blues et de doute ? Comme tout le monde, j'ai recours aux expédients traditionnels. L'action reste un excellent viatique : la technique du coup de pied aux fesses m'a toujours revigoré ("arrête de pleurnicher, relève-toi et prend les choses en mains"). Mais ça ne marche pas toujours. D'autres remèdes classiques ont été labélisés au fil des civilisations : les religions du salut, les philosophies du bonheur, les psychothérapies, les antidépresseurs, les soutiens sociaux. A chacun de se composer son cocktail en fonction de ce qui lui convient le mieux. Personnellement, à défaut de croire à la présence d'une divinité protectrice ("Jésus est là, il t'aime"), je fais appel à d'autres amis imaginaires : ce sont mes livres et auteurs favoris. Un coup de stress ? Je plonge dans les livres de cosmologie : ils m'aident à m'évader en pensée. La théorie de la relativité, les trous noirs, les ondes gravitationnelles, etc. sont pour d'autres sources d'angoisse. Moi, ils m'apaisent. Un coup de déprime ? Je garde à portée de main le témoignage de dépressifs (Philippe Labro, Matt Haid) : il est toujours rassurant de savoir que d'autres sont allés beaucoup plus bas que soi, et en sont revenus. Face à la peur de la chute, le simple souvenir de Rien ne va plus de Douglas Kennedy ou du Bûcher des vanités de Tom Wolfe me revigore. Mes idées s'embrouillent et je ne comprends plus rien à rien ? Quelques pages d'Aristote, et tout se remet d'aplomb : ce type est si intelligent qu'il en est contagieux. En cas de spleen, bien mieux qu'une séance de médiation, quelques pages de Christian Bobin sera la garantie de retrouver un îlot de sérénité. Le pouvoir guérisseur de la lecture est vraiment très puissant. "La vraie vie est ailleurs". Rimbaud ne l'a pas dit ; mais c'est quand même bien vu !

03/2018

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Histoire de la médecine

Sur les dents. Ce qu'elles disent de nous et de la guerre sociale

Pourquoi persistons-nous à avoir mal aux dents ? Pourquoi sommes-nous si nombreux à souffrir de nos crocs malades, abîmés ou perdus, alors que les soins dentaires sont prétendument gratuits et accessibles à tous ? Que penser d'un système qui incite les dentistes à bâcler les soins "Sécu" et à privilégier les traitements à haute valeur ajoutée ? Comment admettre que le sort d'un organe aussi prodigieusement vital et riche en significations dépende de notre place dans la hiérarchie sociale ? Personne n'ignore l'importance des dents comme outil de mastication, territoire intime et carte de visite tendue aux yeux du monde. Pourtant, les inégalités d'accès aux soins restent abyssales, condamnant des millions de personnes à une vie atrophiée. Il est temps de mettre à nu ce système, sa logique et ses intérêts, et de réclamer quelques comptes. Mû par sa propre peur du dentiste, l'auteur explore un univers familier et méconnu, dont l'actualité ne s'empare que lorsqu'un président persifle les "sans-dents". Mêlant allègrement l'enquête, le récit, le jeu de pistes et le recueil de témoignages, cette remontée aux sources des inégalités dentaires nous mènera des dentistes orfèvres du néolithique aux arracheurs de dents des centres low cost, de l'inventeur du dentier en porcelaine à l'industrie du sourire hollywoodien. S'y dévoileront les formes de violences sociales dont nos dents sont la cible, des plus brutales au plus sournoises, mais aussi quelques moyens de s'en défendre. Devant la dureté du monde, qui met nos capacités de résistance à rude épreuve, le moment est peut-être venu de reconquérir notre pouvoir de mordre. Une enquête sur les profiteurs de la ségrégation dentaire et les scandales qui font perdre le sourire, stigmatisant la pauvreté. Des témoignages qui en disent long sur ces drames intimes. Une exploration du rapport des hommes à leurs dents, y compris dans la production artistique et culturelle. Un ouvrage au ton enlevé sur un sujet sérieux. En France, un ménage sur cinq renonce à se faire soigner les dents faute de moyens ; chaque année, 5 millions de personnes s'abstiennent de recourir aux prothèses dont elles auraient besoin. Le système de soins est inféodé à l'appât du gain. Les centres de santé, qui assuraient un semblant de service public, disparaissent. Le développement du tourisme dentaire n'atténuera pas la brutalité de cette régression, pas plus que la multiplication des centres de soins privés bas de gamme. L'affaire Dentexia, ce réseau d'abattage dont le dépôt de bilan, en 2016, laissa 2 000 victimes ruinées et édentées, reste le symptôme le plus spectaculaire de cette nouvelle charlatanerie. Quels sont les mécanismes de la discrimination ? Quelles en sont l'histoire et les conséquences, sur le plan sanitaire, mais aussi dans l'esprit et la chair des sans-dents ? Une bouche abîmée est un marqueur social qui vous isole, mais aussi une plaie intime, qui érode votre appétit de vivre. Entre intimité et vie sociale se nouent bien des drames. A partir d'un large éventail de témoignages, Olivier Cyran identifie les causes et les profiteurs de la ségrégation dentaire. Au travail d'enquête se mêle une exploration historique du rapport des hommes à leurs dents, depuis les premières extractions au silex, il y a 14 000 ans, à la florissante industrie des smile designers de Hollywood.

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Critique littéraire

Études anglaises - N°2/2015. The British Contemporary Novel: 2008-2015

Catherine BERNARD Writing Capital, or, John Lanchester's Debt to Realism John Lanchester's fourth novel Capital (2012) offers a scathing, satirical denun- ciation of the excesses of capitalism, commodity fetishism and globalisation. The choral structure of the novel also allows the text to function as a world-novel, embracing as it does the criss-crossing lives of protagonists, each embodying a facet of a ramifed present. Reworking the basic principles of realistic representation, it appropriates the language of materialism to bring it to work paradoxically against the reifcation of affects and identity. With Capital, the "credit crunch" novel claims a different form of accountability that emerges through the very "stuff" of fiction. Le quatrième roman de John Lanchester, Capital (2012), offre un portrait satirique des excès du capitalisme, du fétichisme de la marchandise et de la globalisation. La structure chorale du roman transforme aussi le texte en roman-monde. Il embrasse les vies interdépendantes de protagonistes qui, chacun, incarnent une facette d'un présent densément ramifé. Retravaillant les principes de base du réalisme, le roman s'approprie le langage du matérialisme pour l'amener à oeuvrer contre la réifcation des affects et de l'identité. Avec Capital, le roman "de la crise" ("credit crunch fiction") revendique une forme de responsabilité qui s'incarne dans la matière même de la fiction. Vanessa GUIGNERY The Way We Live Now : Jonathan Coe's Re-evaluation of Political Satire This paper examines Jonathan Coe's oeuvre to discuss the evolution of his modes of portraying contemporary Britain. While Coe is well known for his satirical state-of- the-nation novels and for his commitment to political fiction, his recent essays reveal his misgivings about the effectiveness of political satire and Condition-of- England novels in the new millennium. This paper will navigate between Coe's fiction and non-fiction to examine the forms political engagement may take in the contemporary British novel. Cet article parcourt l'oeuvre de Jonathan Coe afin d'analyser l'évolution de ses modes de représentation de la Grande-Bretagne contemporaine. Coe est connu pour ses romans satiriques qui offrent un "état de la nation" et pour son attache- ment à la fiction politique, mais ses essais récents révèlent ses doutes quant à l'efficacité de la satire politique et de romans qui décrivent la condition de l'Angleterre à l'heure du nouveau millénaire. Cet article naviguera entre les écrits fictionnels et non-fictionnels de Coe pour envisager les formes que peut prendre l'engagement politique dans le roman britannique contemporain. Jean-Michel GANTEAU Vistas of the Humble : Jon McGregor's Fiction Jon McGregor's novels are characterised by a constant attention to detail and to the ordinary. They address the realities of individual, social and anthropological vul- nerability through narratives whose frail form countermands any attempt at abstraction and totalisation. In this article, I evoke the forms and modalities of vulnerability through the prism of the characters' and narratives' dependence on trauma, of systematic relationality and of attention to singularities. By throwing light on invisibilities and by giving voice to the inarticulate, McGregor writes ethical and political novels and uses the position of the precarious witness to contribute to the creation of some narrative democracy whose purpose, in Guillaume Le Blanc's terms, is to enlarge our sense of the common. Les romans de Jon McGregor se donnent pour tâche une attention permanente aux détails et à l'ordinaire. Ils s'ordonnent ainsi à l'évocation de la vulnérabilité indivi- duelle, sociale et anthropologique à travers des récits dont la forme vulnérable refuse toute totalisation. Les modalités et visages de la vulnérabilité sont ici évoqués à travers les motifs de la dépendance au trauma, de la mise en relation systématique, et de l'attention aux singularités. En mettant en lumière l'invisible et les invisibles, et en redonnant voix aux inaudibles, Jon McGregor fait oeuvre éthique et politique : il se pose en témoin précaire et contribue à l'élaboration d'une démocratie narrative dont le but est, selon les termes de Guillaume Le Blanc, de "créer du commun" . Peter CHILDS Food Chain : Predatory Links in the Novels of David Mitchell Humans are for David Mitchell predatory animals, whatever their civilized com- plexity. His novels contain numerous examples of individuals and groups who would oppress others in the name of logic, desire, morality, technology, survival or sheer force of will. That people prey on animals, resources and other human beings is only one dimension to Mitchell's fictional world but it is consistent and stark, from the cannibals that appear in Cloud Atlas and The Thousand Autumns of Jacob de Zoet through the warring factions in number9dream to the more fantasti- cal parasitic predators of Ghostwritten and The Bone Clocks. In this essay, I review aspects to this theme while analysing Mitchell's fictional world, which increasingly seems to be governed by interlinkages not only within narratives but metaleptically across them. David Mitchell considère les êtres humains comme des prédateurs, quel que soit leur degré de civilisation. Ses romans comportent de nombreux exemples d'individus et de groupes qui oppriment autrui en invoquant pour cela la logique, le désir, la morale, la technologie, l'instinct de survie ou leur volonté de puissance. Le fait que des hommes s'en prennent à des animaux, à des ressources naturelles ou à d'autres êtres humains n'est qu'un des aspects de l'univers fictionnel de Mitchell, mais il s'agit là d'une dimension structurante, à l'origine de la noirceur de l'oeuvre dans son ensemble - des cannibales de Cloud Atlas et The Thousand Autumns of Jacob de Zoet aux prédateurs parasites de type plus fantastique dans Ghostwritten et The Bone Clocks en passant par les factions en guerre dans number9dream. Cet article recense plusieurs composantes de ce motif récurrent dans la fiction de Mitchell, laquelle paraît de plus en plus fortement régie par des liens se tissant non seulement de manière interne aux différents récits, mais aussi de manière externe entre les récits eux-mêmes, sur un mode métaleptique. Marc POREE "What if ?" : The Speculative Turn of Will Self's Fiction "Et si ?" Révélant de lui-même les extravagantes hypothèses de travail dont il aime à procéder, Will Self est friand de spéculation. Une spéculation de type "métaphysique" , rejoignant celle des poètes de la première moitié du dix-septième siècle (cloués au pilori par Johnson avant que d'être réhabilités par T. S. Eliot). Une spéculation, dont le caractère cérébral s'accommode pourtant d'une volonté de faire que le roman s'incorpore et digère ce qui ne relève a priori pas de lui (les sciences, la pensée). Une spéculation, enfin, qui procède à rebours de l'évolution du lectorat et de la technologie, en oeuvrant à renouer avec un mécanisme de "sensibilité unifiée" que Self sait être anachronique, mais qui pose, à nouveaux frais, la question de la nécessaire difficulté en art. "What if ?" Never wary of unveiling the fantastical conceits which he is wont to proceed from, Will Self is (over)fond of speculation. A speculation that is meta- physical in kind, related to that implemented by the poets of the first half of the seventeeenth century (vilified by Johnson before being rehabilitated by T. S. Eliot). A speculation, the cerebral nature of which is found to be more than compatible with the processes of incorporation and digestion, at the hands of the novel, of all that is allegedly foreign to it (the sciences, thought). A speculation, lastly, bent on restoring a mechanism of "unified sensibility" which Self knows to be anachronis- tic, given the average reader's pursuits, but which offers a fresh take on the neces- sary difficulty of art. Camille MANFREDI Tales from the Pigeon-Hole : James Kelman's Migrant Voices This article offers to dwell on James Kelman's concerns with liminality and cultural identity by outlining the dynamics of displacement, dislocation and relocation in his recent novels You Have to be Careful in the Land of the Free (2004), Kieron Smith, Boy (2008) and Mo Said She Was Quirky (2012). While paying attention to Kelman's interest in the potential for subversion of the in-between, the article anal- yses the narrators' strategies of self-preservation and self-transformation with a view to better understand Kelman's own perception of the predicament of the contemporary Scottish writer in the postcolonial and global contexts. Cet article se propose d'éclairer le traitement des motifs de la liminalité et de l'identité culturelle à travers les dynamiques de décentrement, dislocation et délocalisa- tion dans les récents romans de James Kelman, You Have to be Careful in the Land of the Free (2004), Kieron Smith, Boy (2008) et Mo Said She Was Quirky (2012). En gardant à l'esprit l'intérêt de Kelman pour le potentiel subversif de l'entre-deux, cet article analyse les stratégies de préservation et de transformation de soi développées par les narrateurs. Elles permettront d'éclairer la tâche qui, selon Kelman, revient à l'auteur écossais contemporain dans le contexte à la fois du postcolonial et de nos sociétés mondialisées. Christian GUTLEBEN Whither Postmodernism ? Four Tentative Neo-Victorian Answers This paper sets out to examine in what ways recent neo-Victorian fiction illustrates twenty-first-century fiction's quest for new novelistic possibilities. On the basis of David Mitchell's Cloud Atlas (2004), Andrea Levy's The Long Song (2010), Michel Faber's The Crimson Petal and the White (2002) and Rosie Garland's The Palace of Curiosities (2013), it will be argued that neo-Victorianism broadens the scope of postmodernism by conceiving a cosmopoetics in which a referential and an aesthetic globalisation are combined, by imagining alternative forms of fictional historiography, by challenging various forms of orthodoxy and by questioning the limits of the human. Although it suggests evolutions and variations in relation to late twentieth-century historiographic metafiction, the novel of the new millennium nevertheless cannot be said to forsake postmodernism. Cet article se propose d'examiner dans quelle mesure la fiction néo-victorienne récente illustre la tentative de la fiction du vingt-et-unième siècle d'explorer de nouvelles possibilités romanesques. En prenant comme exemples Cloud Atlas de David Mitchell (2004), The Long Song d'Andrea Levy (2010), The Crimson Petal and the White de Michel Faber (2002) et The Palace of Curiosities de Rosie Garland (2013), nous soutiendrons que le néo-victorianisme élargit le spectre du postmodernisme en concevant une cosmopoétique où se mêlent référentialité et esthétique mondialisées, en imaginant d'autres formes d'historiographie fictionnelle, en remettant en cause diverses formes d'orthodoxie et en s'interrogeant sur les limites de l'humain. Bien que le roman du nouveau millénaire suggère des variations et des évolutions par rapport à la métafiction historiographique de la fin du vingtième siècle, on ne peut cependant pas considérer qu'il renonce au postmodernisme.

08/2015

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Informatique

Automatique de base

Ce cours d'automatique est spécialement destiné aux étudiants scientifiques du second cycle, et concerne notamment ceux qui sont engagés dans des études d'ingénieur. Il est la transcription d'un cours traité à l'Ecole Spéciale des Travaux Publics et à l'Ecole Supérieure de Mécanique et d'Electricité Sudria. A travers l'étude des "systèmes" continus et linéaires, représentés sous forme de fonction de transfert, et l'étude plus spécialisée des systèmes qui ne respectent plus l'une des trois conditions précédentes (c'est-à-dire les systèmes échantillonnés, non linéaires, et décrits à l'aide des variables d'état), l'accent est mis sur les explications physiques et les exemples, plutôt que sur les démonstrations, qui ne sont traitées en détail que lorsqu'elles sont indispensables à la bonne compréhension du résultat. SOMMAIRE Première partie : Systèmes asservis linéaires continus - Chapitre 1 : Introduction à l'automatique - Définition de l'automatique - Exemple d'un système asservi : conduite d'un véhicule - Intérêts de l'automatique - Bref historique de l'automatique - Chapitre 2 : Représentation des systèmes dynamiques - Définitions concernant les systèmes dynamiques - Différents types de modèles - Différents types de représentations - Relations de passage d'une représentation à l'autre - Identification - Chapitre 3 : Différents types de systèmes : représentation des réponses temporelle et harmonique - Différents types de systèmes - Différents diagrammes pour la représentation harmonique - Représentation harmonique des processus élémentaires - Chapitre 4 : Analyse des systèmes asservis - Passage de la boucle ouverte à la boucle fermée - Stabilité ; définitions et propriétés - Critères de stabilité - Précision des systèmes bouclés - Chapitre 5 : Correction des systèmes asservis - Correction cascade ou série - Correction parallèle. Deuxième partie : Systèmes asservis linéaires échantillonnés - Chapitre 1 : Echantillonnage et reconstitution du signal - Introduction - Définition de l'échantillonnage d'un signal - Reconstitution du signal continu - Remarques complémentaires : Réalisation pratique d'un échantillonneur bloqueur d'ordre zéro ; Courbe de gain du bloqueur d'ordre zéro ; Influence des bruits - Chapitre 2 : Transformée en z - Définition - Exemples de calculs de transformées en z - Tableau des principales transformées en z - Propriétés de la transformée en z - Transformée en z inverse - Chapitre 3 : Analyse des systèmes échantillonnés - Préambule - Transmittance échantillonnée - Stabilité des systèmes échantillonnés - Précision en régime permanent des systèmes échantillonnés - Chapitre 4 : Synthèse des systèmes échantillonnés - Préambule - Principales méthodes de correction des systèmes échantillonnés - Synthèse d'un système à réponse plate. Troisième partie : Systèmes asservis non linéaires - Chapitre 1 : Généralités sur les systèmes non linéaires - Limitations des méthodes linéaires - Définition des systèmes non linéaires - Principales non-linéarités rencontrées dans les systèmes asservis - Classification des non-linéarités - Systèmes asservis possédant un seul élément non linéaire - Principales méthodes d'étude des systèmes asservis non linéaires - Chapitre 2 : Méthode de l'approximation du premier harmonique - Principe de la méthode - Conditions de validité de la méthode pour un système asservi - Etude de la fonction de transfert généralisés - Etude de la stabilité en régime libre des asservissements à un organe non linéaire - Performances et compensation - Oscillations forcées synchrones - Conclusions sur la méthode de l'approximation du premier harmonique - Chapitre 3 : Présentation succincte de la méthode du plan phase - Principe de la méthode - Application à un asservissement par plus ou moins - Chapitre 4 : Notions sur la méthode de Cypkin pour l'étude des oscillations des asservissements par plus ou moins - Préambule - Principe de la méthode de Cypkin. Quatrième partie : Notions sur la théorie des variables d'état - Chapitre 1 : Introduction de la représentation d'état - Origine et place de la théorie des variables d'état - Introduction de la représentation d'état - Chapitre 2 : Caractéristiques générales de la représentation d'état - Méthodes de mise en équations d'état d'un système à partir de sa fonction de transfert - Méthodes de résolution des équations d'état - Notions de commandabilité et d'observabilité - Chapitre 3 : Aperçu sur les applications - Commande des systèmes linéaires - Notion d'estimateur - Identifications des processes. Bibliographie - Index

10/1996

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Histoire ancienne

Le monde à l'envers. Pouvoir féminin et communauté des femmes en Grèce ancienne

Depuis Bachofen et son livre sur Le Droit Maternel (1861), on s'est beaucoup intéressé à l'état des femmes. Après lui, on ne compte plus les tentatives de retrouver dans le passé lointain de l'humanité ou dans des régions éloignées du globe la réalité d'un pouvoir féminin et l'existence d'une communauté des femmes. Ce livre se veut au contraire une exploration de l'imaginaire des Grecs. Il montre comment la cité qui était un club d'hommes et faisait du mariage et de la famille la pierre angulaire de la société s'est posée en s'opposant. Après avoir rappelé ce qui était pour les Grecs une évidence, à savoir l'infériorité naturelle de la femme à partir d'une étude du statut des femelles dans la biologie d'Aristote, il montre comment les Grecs ont conjuré la double menace d'un pouvoir au féminin et d'une communauté des femmes en la mettant à distance. De l'époque classique à l'Empire et d'Hérodote à Strabon leurs historiens l'ont rejetée chez des sauvages qui vivent aux confins du monde habité. De l'époque archaïque à l'Antiquité tardive leurs poètes, leurs orateurs et leurs mythographes l'ont repoussée dans la nuit des temps avec les Amazones qui sont des femmes viriles. Ils ont mis le rappel de leur valeur et de leurs conquêtes au service de la gloire des héros ou des peuples qui ont triomphé d'elles. Par la bouche d'un poète comique comme Aristophane ou d'un philosophe comme Platon, ils l'ont projetée par l'utopie dans un univers de nulle part. Aristophane dans l'Assemblée des femmes a mis en scène la féminisation du pouvoir et l'instauration d'une communauté des femmes. Mais le triomphe du domestique qui fait de l'animal politique un animal tout court n'aboutit qu'à la mort de la cité. A la différence de l'utopie comique, qui poussait à l'extrême la logique égalitaire de la démocratie, l'utopie platonicienne s'est définie par opposition à la démocratie Dans sa République, Platon en instituant pour les seuls membres de la classe dirigeante une communauté des biens, des femmes et des enfants ne fait qu'une place très réduite au pouvoir féminin dans le cadre d'une digression aux conséquences limitées, car il ne cherche ainsi qu'à supprimer un individualisme facteur de division, à renforcer le lien symbolique qui unit le citoyen à l'Etat de tout le poids des liens familiaux, tout en mettant l'instinct sexuel au service de l'eugénisme. Suzanne Saïd , professeur émérite des universités de Paris X-Nanterre et Columbia University , New York a consacré une série de travaux à la littérature grecque d'Homère à l'antiquité tardive. Elle est l'auteur avec M Trédé et A Le Boulluec d'une Histoire de la littérature grecque(PUF 1997), d'un ouvrage sur la mythologie (Approches de la mythologie grecque, Nathan 1993, nouvelle édition, revue et augmentée Les Belles Lettres 2008) traduit en espagnol et en italien(2011), d'un Homère et l'Odyssée (Belin 1980) dont la deuxième édition revue et augmentée a été traduite en anglais (Oxford UP 2010) et de deux livres sur la tragédie ( La faute tragique Maspéro 1978) et Sophiste et tyran ou le problème du Prométhée enchaîné ( Klincksieck 1985). Ses nombreux articles portent sur Homère, Pindare, la tragédie et la comédie, la poésie hellénistique, l'historiographie (Hérodote, Thucydide et Diodore), la rhétorique, la philosophie, le roman grec, la littérature de l'époque impériale et la réception par les modernes des textes anciens.

08/2013

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Acteurs

Danielle Darrieux. Une femme moderne

Ses initiales DD ont été célèbres bien avant BB. Danielle Darrieux (1917-2017) est décédée à 100 ans, après avoir tourné avec les plus grands cinéastes, sensibles au génie de son jeu tour à tour comique ou subtilement dramatique. Incarnation de la jeune femme moderne des années trente, elle a su évoluer en traversant 8 décennies de cinéma avec une centaine de films, un record de longévité pour une actrice. Elle débute dans Le Bal (1931) à l'âge de 14 ans, en chantant de sa jolie voix de soprano. Sans formation théâtrale, son naturel tranche avec les comédiennes de l'époque. Sexy, pétulante, indomptable, elle est la "drôle de gosse" du cinéma français qui tient la dragée haute aux hommes. Puis le succès du mélodrame Mayerling (1936) la sacre "Stradivarius" de l'écran : elle peut tout jouer. Hollywood lui ouvre ses portes et en fait une star internationale. Elle devient la plus populaire des actrices françaises et un modèle auquel s'identifient les femmes, séduites par son aisance, son intelligence, sa quête de liberté. Henri Decoin, son époux, bénéficie de son aura en lui écrivant des films sur mesure. Sous l'Occupation, Premier rendez-vous (1941) produit par la firme allemande Continental est un triomphe. Divorcée de Decoin, DD vit une passion avec un diplomate, playboy flamboyant : Porfirio Rubirosa. En mars 1942, elle participe au "Voyage à Berlin" en échange de la libération de "Rubi" , interné en Allemagne. A la Libération, elle est blanchie par la commission d'épuration. Dans les années cinquante, la star joue aux côtés de Gérard Philipe, Jean Gabin ou Jean Marais. Elle devient la muse de Max Ophuls (Madame de, 1953) fasciné par son art du "sous-jeu" , et s'impose dans Marie-Octobre (1959). Elle incarne alors souvent la femme menaçante car trop libre ou trop intelligente. En 1967, Jacques Demy la choisit pour être la mère de Catherine Deneuve (Les Demoiselles de Rochefort), qu'elle retrouve en 2002 dans Huit femmes de François Ozon. Elle attire alors les jeunes réalisateurs qui la distribuent en mamie cool ou indigne. Sa carrière théâtrale, débutée en 1937, est couronnée par un Molière en 2003 (Oscar et la dame en rose). Traversée documentée de la carrière de la star, la nouvelle édition de Danielle Darrieux, une femme moderne vient enrichir la première édition publiée en 2017. Elle permet de mieux appréhender la richesse de la vie de cette comédienne unique, en évoquant les chefs d'oeuvre incontournables, mais aussi les pépites oubliées. La vie privée de Danielle Darrieux, mariée 3 fois, a été scrutée par les médias. Ses choix sous l'Occupation ont été matière à controverses et restent l'objet de vifs débats. L'auteure scrute sans préjugés cette période et s'en tient aux faits, que l'ouverture récente des archives permet de comprendre sous un nouveau jour. Elle révèle ainsi des faits méconnus. L'auteure s'attache enfin à mettre en lumière la modernité que Danielle Darrieux a su porter durant quatre-vingt années de cinéma. Ancienne professeure de lettres, Clara Laurent est spécialiste du cinéma français classique qu'elle a enseigné à l'université Paris-Diderot. Elle collabore à la revue Schnock, donne des conférences et anime des masterclass sur le cinéma. Coautrice du documentaire sur Danielle Darrieux ("Il est poli d'être gai" , 2019, Arte), elle s'intéresse de près à l'Occupation et a réalisé un film sur un rescapé de la Seconde Guerre mondiale. Elle a également écrit Josiane Balasko, une vie splendide (Tallandier, 2021).

09/2023

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Fantastique

Flamme jumelle Tome 3. La plénitude

J'ai eu le privilège de retrouver Paul Chiarelli, à Ajaccio, en Corse, le 3 décembre 2015. La veille, je venais d'apprendre que mon "jumeau" avait vécu sa "décorporation" et rejoint d'autres dimensions. Heureusement, j'avais découvert un "soutien consolateur" à l'aéroport d'Orly, sous la forme d'un livre de Frédéric Lenoir, La Puissance de la Joie. Paul, homme de coeur né sous le signe du Lion, s'est avéré une présence discrète et attentive, pour m'accompagner à traverser le deuil que je débutais. Je lui en serai toujours reconnaissante, car mon premier réflexe fut de rejoindre ma Flamme Jumelle Universelle dans les autres mondes. Depuis, Paul ne cesse de me harceler, amicalement, pour que j'écrive ma Légende personnelle à ce sujet. Mais ceci, c'est une autre histoire ! C'est avec humilité, authenticité et simplicité que l'auteur décrit l'évolution de sa relation de FJU. Chaman, Maître Reiki, Médium, Clairvoyant, Alchimiste, Energéticien, Guérisseur, Enseignant, Artiste accompli, et j'en passe, il se met au service des Etres et de la Terre de façon inconditionnelle. Il démontre une vaste Connaissance et une vaste Conscience de ses propres aspects Ombres et Lumières et il peut ainsi détecter habilement ceux des autres. Il n'hésite jamais à demander conseil auprès d'amis-es, collègues, enseignants, médiums, en qui il a confiance. Il sait honorer, respecter, écouter et inviter d'autres spécialistes du sujet, afin de les faire connaître, car selon lui, chacun exprime une vision et un angle divers du même sujet. A la façon des grands mystiques de diverses cultures, civilisations et époques, il offre son corps physique et ses corps subtils à la Libération et à la Transmutation de l'humanité, tout en demeurant connecté à la Supraconscience. Il partage généreusement ses expériences, ses connaissances, ses recherches au sujet de la relation des FJU, sans lésiner sur les informations, afin d'accompagner les autres à s'y retrouver. Il est guidé par sa propre expérience qui est une Voie de Compassion. Il respecte le travail des autres experts du Chemin des FJ et s'associe facilement à eux et elles au cours d'événements médiatisés de coopération. Le phénomène des FJ n'est pas nouveau. Jusqu'à il y a quelques siècles, il semblait réservé aux Archétypes Divins de diverses Mythologies : la Mésopotamie, l'Inde, la Grèce Antique, l'Egypte ancienne, etc. (Ma Légende favorite est celle du Roi Salomon et de la Reine de Saba.) De nos jours, il n'est plus réservé aux Elites et aux Divinités. Ce qui favorise la Reconnexion des humains avec leur propre divinité. Au final, l'engouement pour les FJ, c'est peut-être cette Reconnexion, surtout lorsque nous observons l'abîme qui s'est creusé entre le terrestre et le divin. Certes, il existe des recettes, des modes d'emploi, des méthodes, des enseignements, pour apprendre à "bien se comporter" dans une relation de FJ. Cependant, l'apprentissage se fait au jour le jour, à travers nos journées de "Plein Soleil" ou de "Tempêtes" . C'est bien ce que l'auteur nous transmet. Tout en ayant de vastes connaissances du sujet, la réalité imposée par son "autre" l'oblige à s'adapter, à se redécouvrir, à se transformer et même à se transmuter. Il assume ses blessures, ses attentes auxquelles l'autre ne répond pas, ses tendances au jugement, ses déceptions, les lourdeurs des karmas. Le Cadeau, c'est qu'il découvre l'Amour inconditionnel non seulement pour l'autre, mais également pour les autres et surtout pour lui-même. Les FJ ne se retrouvent pas pour regarder s'épanouir un "gentil couple" , mais pour apporter une Ouverture de Conscience et de Coeur à l'humanité. Pour créer des Ponts entre les mondes terrestres et les mondes subtils. Pour cultiver le Détachement et la Compassion. Il n'existe pas de Héros ou d'Héroïnes, de modèles pour montrer le Chemin, pour indiquer la Marche à suivre. J'ai eu la chance de découvrir "mon parcours" de FJU à travers la Jungle de l'inconnu. Un parcours Sauvage et Passionnant jalonné de Mystères et de Révélations. "J'ai mis le pied sur un Nouveau Continent. Ceux et Celles qui me suivent le découvriront". (Carl Gustav Jung, psychanalyste) Après avoir pris connaissance d'une des expériences initiatiques de Paul, j'ai eu cette réaction : "Waouh !!! En 40 ans de carrière, je n'ai jamais entendu une expérimentation pareille dans le corps physique, ce qui lui arrive est à la fois terrible et en même temps grandiose" . La première fois que Paul m'a demandé une canalisation avec Horus, la première image qui m'est apparue au moment où j'ai placé le caducée relationnel d'Hermès entre Paul et Lucas, les 22 chakras se sont alignés verticalement dans le canal entre le coeur de Gaïa et le grand soleil central, et encore aujourd'hui, lorsque je visualise ce couple sacré, c'est encore d'actualité. Si vous avez lu les trois tomes des Flamme Jumelle Universelle de l'auteur, Paul Chiarelli, vous savez d'ores et déjà qu'ils sont nimbés d'Humour et d'Amour. Deux ingrédients essentiels pour les personnages de ce roman-pièce de théâtre, dont les prénoms ont été cachés, bien évidemment. (Toute ressemblance avec la réalité est un pur hasard...) Souvenez-vous que Paul est un homme de Théâtre, un Artiste professionnel. La description de sa relation FJU ne pouvait être autre que Théâtrale ! Sarah Diane Pomerleau

10/2022

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Littérature française

L'Autre Livre

"? Ecrivain ?? (...) Ce mot a son importance. Je ne voulais surtout pas être romancier, ni poète, ni essayiste, ni auteur de théâtre. Mais écrivain. ? " Pour Michel Butel, disparu en 2018, être écrivain, ou du moins "? apprenti écrivain ? " comme le consigne un officier méfiant durant son service militaire, signifiait essentiellement ne pas faire de l'écriture une activité cloisonnée ? : écrire sans distinction des poèmes, des contes, des nouvelles, des romans, des essais, des fragments d'essais, d'autres choses encore qui échappent à ces qualifications génétiques. A cela s'ajoute également la création de journaux, aux titres déjouant à eux seuls les attentes du champ médiatique ? : L'autre journal, Encore, l'azur ou L'impossible. Au coeur de son oeuvre éparse se trouve cependant une profonde et cohérente nécessité. Il est avant tout un écrivain qui écrit depuis "? la diagonale du désespoir ? ", au sens où il puise dans son désespoir les ressources pour lui échapper. Ainsi notait-il, dans le volume hétéroclite L'autre livre paru en 1997 qui donne son nom à cette édition complète de ses écrits ? : "? Peut-être que tout ce qui précède la mort est une affaire de lignes, d'angles, d'inclinaisons. Peut-être la vie n'est-elle qu'une géométrie variable, les sensations seulement des positions, les sentiments des directions. Et de ce lieu où nous nous attardions, de cette vie où nous fûmes si perplexes, il ne resterait que la diagonale du désespoir. ? " Autrement dit, écrire est une manière de "? se maintenir en un état de gai désespoir ? ", comme il le dit encore, en citant son amie Marguerite Duras. La littérature, pour Michel Butel, est un consentement aux diagonales, aux flux transgressant perpétuellement les identités, aux innombrables "? lignes de fuite ? " qui nous traversent, comme les nommait son compagnon de pensée Gilles Deleuze. Elle doit lutter contre l'appauvrissement de la vie, contre la mutilation de nos vies multiples ; elle doit nous rendre à la possibilité d'être toujours "? autre ? ", de vivre plusieurs vies ? : "? Il faudrait dire à chacun et à tous ? : ayez plusieurs vies, toutes ces vies mises ensemble n'en feront jamais une, la vraie. Mais du moins, nous permettent-elles d'approcher la vie qui devrait être la nôtre, celle qu'on appelle vraie, d'ailleurs sans raison. ? " Cela revient, poursuit-il en héritier du mouvement incandescent de Mai 1968, à ne rejoindre rien qui ressemble à un parti ou à une organisation politique, mais à rejoindre plutôt "? un vol d'oiseaux ? ", "? la nuée de ceux que nous aimons ? ", où se situe "? la possibilité de vie, d'action et d'espérance ? ". Cette manière de se rendre insaisissable, les trois récits qu'il publia de son vivant, rassemblés ici selon ses voeux, en sont la quête. Ces récits tiennent à la fois du roman policier, du conte philosophique, du témoignage historique. L'Autre Amour, prix Médicis en 1977, raconte une double histoire d'amour en fuite ? : entre Enneke, actrice de théâtre au destin tumultueux, et Van, gauchiste désabusé recherché par la police ? ; plus tard entre la même Enneke et Guillaume, survivant du cauchemar nazi, tous deux pressentant avoir attendu "? quelque chose comme cela depuis les années d'enfance ? ". La Figurante, parue en 1979, en est la suite ? : Helle, devenue figurante de cinéma après une enfance à fuir les persécuteurs nazis, croise sur son chemin Enneke, mais aussi l'analyste Annehilde, le peintre Simon, et enfin Haas, désespéré et révolté, selon qui "? il nous faut mener à la fois la vie et la mort ? ". Quant au récit L'Enfant, paru en 2004, il se démarque de ces tentatives romanesques, par sa brièveté envoûtante, qui est celle d'une fable ? : dans une chambre d'hôpital, un homme recueille les paroles prophétiques d'un enfant gravement malade ? ; l'enfant n'a pas de nom, il est seulement "? celui qui transmet un message mais il ignore lequel, il ne sait pas qui le lui a confié, il ne sait plus à qui le remettre ? ". L'écrivain lui-même est comme cet enfant, qui toujours "? pense à autre chose ? ". Un dernier récit, dont l'écriture fut dictée par la secousse des attentats du 11 septembre à New York, était resté à l'état de manuscrit ? ; L'Autre Histoire est publiée ici pour la première fois. Deux inconnus l'un pour l'autre, Matthias Manzon, écrivain, et Lena Zhayan, analyste, vivent une aventure brève et passionnée, alors que le monde entier et toutes les dimensions de l'existence sont ébranlés par l'effondrement des tours jumelles. Aimer, écrire, sont les seules réponses imparfaites qu'ils entrevoient à la catastrophe : "Ecris notre réponse à ce qui eut lieu, Matthias, à ce qui avait déjà eu lieu, à ce qui aura encore lieu. / Ecris-la / dans notre langue, / qui n'est ni la langue de Dieu, ni celle du Diable, ni celle du Bien, ni celle du Mal / mais / celle de la beauté du monde, / oui, cher Matthias, / je te le demande / écris / dans notre langue / celle qui louange / la beauté du monde / où nous nous sommes connus".

10/2022

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Israël

Interdictions israélites. Recherches économico-juridiques sur l'interdiction de la propriété aux Israélites, Edition

L'ouvrage de Cattaneo, les Ricerche economiche sulle Interdizioni imposte dalla legge civile agli Israeliti, fut composé entre novembre 1835 et mars 1836 ; amputé d'un paragraphe par la censure, il parut en 1837. La traduction est due à Arnaud Clément, agrégé de philosophie, traducteur de La philosophie de Leopardi d'Adriano Tilgher (Editions Conférence, 2016) ; elle est précédée d'un essai introductif de Pierre Savy, maître de conférences en histoire du Moyen âge à l'université Gustave Eiffel et directeur des études pour le Moyen Age à l'Ecole française de Rome, dont les recherches portent sur l'histoire des communautés juives en Italie du Nord à la fin du Moyen Age, co-éditeur, avec A. Guetta de The Question of the Jewish Minority in Early Modern Italy (Viella, 2020) et avec Katell Berthelot d'une Histoire des Juifs. En voyage en 80 dates, de l'Antiquité à nos jours (Paris PUF, 2020). L'ouvrage contient également trois appendices : l'appendice I contient les pages vi-viii de la Préface aux Memorie di economia publica (Milan, 1860), pages qui relatent l'accueil réservé aux Interdizioni, dont l'argument se voit résumé ; l'appendice II donne la refonte du chap. des Interdictions des Israélites, etc. , rejeté par la censure ; enfin l'appendice III propose un texte de Giuseppe Mazzini qui fait état du " Différend entre Bâle-Campagne et la France ", reprenant le problème de Cattaneo du point de vue du rapport entre les deux législations. Quel est le point de départ de l'ouvrage de Cattaneo (voir la " Question de droit public ", § 5) ? L'achat par deux frères juifs, les frères Wahl, d'un terrain dans le canton de Bâle-Campagne avait été annulé par les autorités municipales au motif que la législation locale interdisait aux Israélites de posséder des terres, alors même que les frères Wahl avaient agi comme citoyens français et que la république suisse avait conclu des traités avec la France. Prenant la défense des Israélites et après avoir exposé " L'occasion de ce mémoire " (chap. I) et les " Origines des interdictions israélites " (chap. II), Cattaneo expose les effets économiques (chap. III) de l'interdiction de la propriété comme des autres interdictions (chap. IV), ainsi que les effets de l'interdiction de la propriété sur la population (chap. V) et sur la morale (chap. VI), puis achève d'exposer les " causes de la décadence des interdictions israélites " (chap. VII) avant de conclure. On ne résumera pas ici l'intégralité de l'argumentation ; on insistera plutôt sur quatre points. Convergence disciplinaire. - L'argumentation de Cattaneo se fonde essentiellement sur l'histoire (l'auteur remonte le fil des interdictions et en dresse une assez précise histoire), l'économie (avec l'exposition des conséquences économiques et sociales des interdictions des israélites, y compris au moyen de lois nettement formalisés, § 9, p. 88, par ex. , ou la comparaison des richesses marchandes et des richesses foncières, § 11, p. 97 sqq.) et le droit (puisqu'il s'agit de montrer comment les mentalités se sont traduites dans le droit). Voilà pourquoi de ce mémoire pourrait être tiré " un chapitre qui aurait valeur d'appendice aux habituels traités d'économie sociale " (p. 32). On ajoutera à ces disciplines la statistique (§ 25), établissant le " nombre probable des Israélites vivants ". Cet essai constitue donc un échantillon de l'entreprise, définie par Romagnosi, d'unification du droit et de l'économie " en soumettant les prétentions de l'intérêt au frein du droit, et les assertions du droit aux sanctions de l'intérêt " (p. 29-30) : il ne s'agit que de mener un " travail particulier ", et donc de " préparer " l'entreprise ainsi définie (p. 30). Le fondement de l'argumentation : l'intérêt - C'est la convergence de ces disciplines qui permet à Cattaneo de faire fond moins sur les principes abstraits ou transcendants de tolérance et d'humanité, principes jugés " inopportuns " (§ 7, p. 53), que sur l'intérêt de la société tout entière. Loin des généralités liées à la fraternité entre les hommes, Cattaneo mesure le profit que la communauté pourrait tirer d'une levée des interdictions des israélites : " Laissez faire l'Israélite, et il saura aussi nourrir la fécondité et l'aménité de la terre de son industrie qui a amassé des millions " (§7, p. 51) Comme l'énonce le dernier chapitre avant la conclusion, " Les conseils de la bonne économie auraient tout sauvé " (§ 32, p. 200) : il s'agit donc de traiter la question comme un " problème d'économie politique " (p. 201). Le paradoxe. - Le nerf de l'argumentation est éminemment paradoxal : Cattaneo fait voir la contradiction fondamentale des interdictions faites aux israélites : ce qui devait nuire à ces derniers est précisément ce qui les a fait prospérer alors que ce qui devait favoriser les non-Juifs les mit à la botte des Juifs : " en déclarant illicite l'intérêt légal et en terrorisant l'homme consciencieux de mettre son argent à profit, on favorisa sans le savoir l'afflux des infortunés à la porte de l'usurier " : les juifs " furent poussés vers les richesses mobilières qui devenaient de plus en plus fructueuses " (§ 8, p. 64 ; voir aussi § 17, p. 126 ; § 24, p. 157). La logique de ce paradoxe est déployée dans toute sa rigueur, notamment au moyen de comparaisons entre l'intérêt des biens mobiliers et immobiliers (chap. III, voir par ex. p. 84 sqq. ; p. 91), entre les taxes dont font l'objet les uns et les autres (§ 12, p. 109 sqq.), entre les litiges auxquels ils donnent lieu (§ 14), enfin entre les inconvénients moraux dont pâtit une jeunesse dorée peu habituée aux affaires et seulement soucieuses des rang (§ 15, p. 118) et les bénéfices moraux et sociaux qu'en tirent les juifs en terme de solidarité et de loyauté (§ 20). Non seulement les interdictions ont nui à l'économie, mais elles ont en réalité profité aux seuls Juifs. On voit la nécessité d'associer intérêt collectif et tolérance pour offrir aux Juifs les possibilités communes à tous les hommes. Un homme des Lumières. - On comprend dès lors que Cattaneo se montre ici un homme des Lumières (dans la lignée d'un Beccaria ou d'un Verri). D'abord parce que, l'appel à la levée des interdictions faites aux juifs de posséder du foncier ne revient pas tant à projeter une société idéale qu'à établir les conditions concrètes d'une société libérale dans laquelle le profit de chacun puisse contribuer au bonheur de tous. Ensuite, parce que le conflit entre les différents traités doit être tranché selon le critère de la liberté : " Il y a ici, entre les statuts antérieurs et les traités récents, un conflit [... ]. Dans un tel cas, c'est toujours l'alternative de la plus grande liberté qui doit prévaloir " (§ 6, p. 47). - Du point de vue économique, on remarquera la différence marquée entre capital et argent (p. 60, § 40), la promotion de l'agriculture (" mure des autres industries ", § 9, p. 81) qui le rapproche des physiocrates. - Le lecteur français ne pourra pas ne pas entendre Voltaire derrière les moqueries des " hobereaux à moitié sauvages " toisant les " hommes d'affaires de très grande importance sociale " (p. § 15, p. 115 ; voir Voltaire, Lettres philosophiques, lettre X). - Plus fondamentalement, on reconnaîtra à l'anthropologie de Cattaneo un caractère profondément historique : aucun trait n'est donné à un groupe humain par la nature, tout se construit par l'histoire et par les décisions économiques. D'où l'intérêt d'une reconstitution des raisons qui conduisirent les Juifs à s'adonner à l'usure (§ 8) ; d'où aussi les perspectives ouvertes sur l'avenir : " si l'on ne veut pas qu'il [le Juif] soit usurier, qu'on en fasse un propriétaire et notre honnête désir sera satisfait " (§ 28, p. 174), sur l'éducation : " L'art de l'usure n'est pas une affaire de sang, mais d'éducation et de position : et les juifs sont capables d'autres sortes de biens et d'autres sortes de maux " (p. 29, 176), sur l'honneur : " cet honneur devient inaccessible à ceux que la loi place dans un état permanent de dégradation " (p. 177, § 30 ; voir aussi p. 178). Parce que l'humanité est ouverte à l'histoire, aucune fatalité ne s'abat sur les hommes et le meilleur est à attendre d'une intégration des Juifs aux communautés politiques. On ne s'indignera donc pas de quelques lignes d'apparence sévère avec les Juifs (sur " l'amour du gain ", p. 77-79, sur le peu d'intérêt des juifs pour les sciences et les lettres, § 21) : ces lignes semblent bien destinées à accréditer au contraire un regard de forte compassion à l'égard des Juifs : Cattaneo souligne leur profonde et antique moralité (§ 8, p. 77), l'ampleur des massacres qui les frappèrent (§ 8, p. 71), les " exclusions ignominieuses " dont ils firent l'objet (§ 8, p. 77), les massacres " continus et quotidiens " (§ 27, p. 167) montrant par là que si ces vexations multiples purent un temps triompher de leur âme " généreuses par nature " (§ 21, p. 143 ; voir également p. 147-148 ; p. 181), ces dernières y trouvèrent grande occasion de vertu (voir l'émouvante p. 189, § 31). La sensibilité de Cattaneo au sort des Juifs frappe par son intensité, même si son expression demeure maîtrisée et intégrée à une argumentation de facture parfaitement classique. Insistons enfin sur l'intérêt de publier une traduction française de cet ouvrage de Cattaneo. D'abord, parce qu'il y va de l'histoire des juifs d'Europe. A un moment où l'Europe se constitue comme entité politique, il paraît indispensable de prendre en vue l'histoire des peuples à l'échelle du continent tout entier, et pour cela même de se tourner vers celui qui, le premier, usa de l'expression des " Etats-Unis d'Europe ". Une seconde raison tient au fait que Cattaneo avait avec la France un rapport tout à fait singulier, et que cet ouvrage même prend longuement appui sur la France (voir par ex. la mise au point sur l'" Etat civil des Israélites en France après 1791 ", § 3 ; ou l'histoire du décret impérial de mai 1806, § 31, p. 181 sqq.). C'est donc bien une figure capitale de l'Europe en voie de constitution qu'il s'agit de faire connaître au lectorat français. Dans une traduction élégante, ce beau livre - on sait la qualité matérielle des ouvrages publiés par les Editions Conférence - prend la suite du premier volume des oeuvres de Cattaneo, Inde. Chine. Mexique. Philosophie de l'histoire (tr. C. Carraud, 2021). Il illustre le combat magistral d'un intellectuel européen, de première importance bien que méconnu en France, contre les vexations infligées aux juifs : il est beau et hautement significatif que l'Europe ait pris conscience d'elle-même chez un auteur qui a pris au sort des communautés juives un intérêt aigu. Le lectorat du xxie siècle, juif comme non-juif, ne peut pas l'ignorer.

03/2023

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Critique littéraire

Études anglaises - N°1/2014

Claire Vial : Clothing the debate : textiles, text-isles and the economy of gift-giving in four Middle English Breton lays Textiles, both as clothes and elements of the codified knightly costume, play a major structuring role in the Breton lays. Whether embodied in recurring poetic motives or staged in descriptive pauses, these text-isles, or recognisable textual islands, contribute to the spiralling aesthetic of the Breton lays with issues of their own, involving narrative and character development, processes of social signposting and potential theatricality. Pièces d'étoffes, vêtements, éléments du costume chevaleresque... sont dotés d'une fonction structurante majeure dans les lais bretons en moyen-anglais. Sous la forme de motifs poétiques itératifs ou de pauses descriptives singulières, ces îlots textuels récurrents participent de l'esthétique en spirale caractéristique des lais anglais, qu'ils enrichissent de problématiques qui leur sont propres, liées au développement des personnages et de l'intrigue, à l'affichage du statut social et aux effets de théâtralité. Denis LAGAE-DEVOLDERE : "Nothing of what is writ" (4. 2. 199) : silenced texts in Measure for Measure Focussing on an aspect often neglected by critics, this paper suggests a word-by-word exploration into the trajectory of the various written texts, letters or "writs" in Measure for Measure. With the New Historicism notion of negotiable, volatile authority/auctoriality, this is an attempt at probing into the political and dramatic consequences of the letter-writing activity and its implications on the ever slippery notion of truth. Such "writs" are turned into instruments of manipulation, and deceit, which defy reason, and call for what one could call blind faith, from both the characters on stage and the off-stage audience. En s'intéressant à un aspect souvent négligé par la critique, cet article propose une analyse détaillée de la trajectoire des messages écrits dans Measure for Measure. Il examine les conséquences dramatiques et politiques de l'activité d'écriture frénétique, notamment celle du Duc Vincentio, producteur de textes à la fois vrais et faux, lus ou tus, à suivre à la lettre ou à lire à l'envers. On verra ainsi comment Shakespeare utilise la chose écrite et l'événement d'écriture pour en faire un signifiant dramatique qui est bien plus qu'un procédé? : par-delà les notions d'autorité et d'auctorialité ainsi mises à mal, les textes de Measure for Measure interrogent le concept de connaissance et celui de vérité, explicitement décliné dans sa version plurielle, et invitent les personnages comme les spectateurs à un acte de foi dramatique. Guyonne Leduc : The dramatic import of letters within letters in Frances Burney's Evelina (1778) That no attention has been paid to the rather numerous letters within letters in this epistolary novel might seem surprising for any critic studying Evelina. Yet a careful reading of those letters within letters, that seem to pass unnoticed in a novel where sight is the most important of the five senses and where the (mis) interpretation of signs is central, proves rewarding if only from a dramatic viewpoint. Indeed, some of those (enclosed, copied, mentioned, commented upon, etc.) letters within the letters collected by the "editor" trigger not just one of the two plots (the quest for Evelina's name and, at least, social identity) but also changes in geographical places, new turns in the two plots (the second one being the love plot), a comic episode, etc. If some of them thwart the reader's expectations, all of them make it possible to approach one of the key issues broached in the novel. Les lettres dans les lettres, pourtant assez nombreuses dans ce roman épistolaire, n'ont pas retenu l'attention, ce qui peut paraître étonnant pour quiconque étudie Evelina. Pourtant, une lecture minutieuse de ces lettres dans les lettres, qui semblent passer inaperçues dans un roman où la vue est le plus important des cinq sens et où l'interprétation (erronée) des signes est centrale, s'avère fructueuse, ne serait-ce que du point de vue dramatique. En effet, quelques-unes de ces lettres (incluses, recopiées, mentionnées, commentées, etc.) dans les lettres collationnées par l' "éditeur" déclenchent, non seulement l'un des deux intrigues (la quête du nom et de l'identité, au moins sociale, d'Evelina), mais aussi des changements géographiques, des tournants dans les deux intrigues (la seconde étant l'intrigue amoureuse), un épisode comique, etc. Si certaines déçoivent les attentes du lecteur, toutes permettent d'aborder l'une des questions-clés traitées dans le roman. Jean-François BAILLON : Tableaux vivants, still lives : tracing Terence Davies in The House of Mirth (2000) This article attempts to trace the presence of Terence Davies as author of The House of Mirth through three distinct but concurrent strategies. First, the recurrent use of symmetrical patterns at every level appears to link the film to Davies's previous output and signals the presence of a mega-narrator. Secondly, the structuring reference to classical Hollywood melodrama can be referred both to Davies's previous films and to his own personal taste. It is also a way for him to claim his attitude to the source material as fundamentally cinematic. Lastly, self-referential scenes at key moments in the narrative foreground the nature of the film as artefact. Cet article tente de repérer les traces de la présence de l'auteur Terence Davies dans The House of Mirth au moyen de trois procédures distinctes mais convergentes. D'abord, l'usage récurrent de figures symétriques à tous les niveaux relie le film à la production antérieure de Davies et signale la présence d'un méga-narrateur. Ensuite, la référence structurante au mélodrame hollywoodien classique renvoie aussi bien aux films précédents de Davies qu'à son propre goût personnel. C'est aussi pour lui un moyen de revendiquer l'essence profondément cinématographique de son attitude envers le texte-source. Enfin, quelques scènes autoréférentielles situées à des moments clés du récit mettent en avant la nature du film comme artifice. Antoine CAZE : Helen in Egypt et Trilogy : les écritures de guerre de H. D. Toute l'oeuvre de H. D. s'enracine dans l'expérience de la guerre. Cet article ­s'attache à montrer comment cette condition première de l'écriture conduisit la poète américaine à inscrire les grandes séquences poétiques que sont Helen in Egypt et Trilogy dans l'intervalle qui à la fois relie et sépare les modes épique et lyrique. En dépit de l'ordre de composition de ces deux recueils - le premier étant postérieur de dix ans au second - la récriture du mythe qu'est Helen in Egypt, transposant l'épopée sur un mode lyrique, est ici envisagée comme le creuset dans lequel se forge l'écriture de Trilogy : événement traumatique à maints égards pour H. D. , la guerre dont se nourrit son imaginaire ne peut en effet être abordée qu'à rebours du temps, dans une logique de l'après-coup (Nachträglichkeit) que rejoue ici la relation entre mythe antique et histoire contemporaine. La voix à la fois transpersonnelle et intime que crée H. D. dans Trilogy - celle d'une "communauté lyrique" - peut alors être comprise comme la tentative d'une médiation qui lui permettrait d'articuler le trauma. H. D. 's entire oeuvre is premised upon the experience of the war. In this article, I attempt to show that such a seminal condition for her writing led H. D. to pitch the tone of her war-related poetic sequences-Helen in Egypt and Trilogy-in the middle ground between the epic and the lyric. In spite of the chronological order of composition of these two books, the first written some ten years after the second, I contend that H. D. 's re-writing of the Helen story, transposing it from the epic to the lyric, can be understood as the crucible in which the materials for Trilogy are melted. For indeed, H. D. can deal with the traumatic event of the war, which so deeply affected her imagination, only by going against the current of time, according to a logic of the aftershock (Nachträglichkeit) which is structurally implicit in the way she intertwines Greek myth with twentieth-century history. The poetic persona which H. D. creates as a speaker in Trilogy, both transpersonal and intimate, may thus be seen as an attempt on her part to mediate and articulate trauma. Yves FIGUEIREDO : De Mount Auburn à Central Park : aux origines du park movement Le park movement américain a été très largement étudié et historicisé depuis les années 1970, mais ses origines ont fait l'objet de peu d'études. Il serait le produit de l'action combinée de trois facteurs : urbanisation et industrialisation, développement du tourisme et des loisirs, renouveau du regard sur la nature. Cet article examine les limites de ces interprétations sur la période précédant immédiatement la création des premiers parcs et étudie l'apport des cimetières paysagers au développement du park movement. The American park movement has been extensively studied and historicized since the beginning of the 1970s, but its origins have been little documented or analyzed. It is understood as resulting from the combined action of three factors : urbanization and industrialization, development of tourism and leisure, evolving perceptions of nature. This paper examines the limits of such interpretations on the period immediately preceding the foundation of the first parks and studies the contribution of rural cemeteries to the park movement. Andrew DIAMOND : Cutting through the "Fog of War" : World War II and the fracturing of the New Deal order in the urban North While the New Deal created a new relationship between ordinary citizens and the federal government with its work relief programs, welfare system, and laws protecting organized labor, this relationship began to sour in a northern wartime context marked by massive black migration, widespread racial conflict, and increasingly militant civil rights organizations. Pressured by black mobilization and the outbreak of violent civil disorders in major war production centers between 1941 and 1943, federal, state, and city authorities moved to create a range of race relations organizations devoted to fighting racial discrimination and fostering interracial cooperation. These organizations, some which were of a quasi-official nature, quickly became fixtures on the local political scene, playing active roles in countering the campaigns of whites to keep blacks out of their neighborhoods and to retain the privileges of whiteness at work. What follows constitutes an attempt to understand how white residents and workers perceived and responded to these new race relations organizations. I will argue that in the eyes of average white residents and workers whose interests seemed to run up against them, the proliferation of these organizations worked to recast the role of the state from protector of the working man to protector of black rights, thereby fracturing the young New Deal order. Le New Deal a mis en place une nouvelle relation entre les citoyens ordinaires et le gouvernement fédéral grâce à ses programmes de création d'emplois, son système d'assistance sociale et ses lois protégeant les droits des ouvriers. Mais cette relation commença à se détériorer dans le contexte de la mobilisation du Nord pour la guerre, caractérisé par une migration massive des Noirs, des conflits raciaux fréquents et des organisations noires de droits civiques de plus en plus militantes. Sous la pression des organisations de défense des droits civiques et des troubles violents qui éclatèrent dans les grands centres de production militaire entre 1941 et 1943, les autorités fédérales, ainsi que celles des Etats et des municipalités créèrent toute une série d'organisations chargées de lutter contre la discrimination raciale et de promouvoir la coopération interraciale. Ces organisations, dont certaines étaient quasi-officielles, devinrent rapidement des éléments essentiels de la scène politique locale, et jouèrent un rôle actif pour contrer les campagnes des Blancs visant à maintenir les Noirs en dehors de leurs quartiers et à conserver sur leur lieu de travail les privilèges attachés à la peau blanche. Cet article essaie de comprendre comment les habitants et les ouvriers blancs des villes du Nord ont perçu ces nouvelles organisations chargées des relations interraciales. Il défend l'idée selon laquelle, aux yeux des habitants et ouvriers blancs ordinaires dont les intérêts se heurtaient aux objectifs de ces organisations, leur prolifération a contribué à transformer leur vision du rôle de l'Etat du protecteur du travailleur en protecteur des droits des noirs.

05/2014

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Critique littéraire

Études anglaises - N°1/2015

Agnès DERAIL-IMBERT Eros et Arès : les enfants de la guerre dans Billy Budd, Sailor de Melville Cette étude se propose de lire Billy Budd, Sailor comme une fable juridique qui dramatise, dans un double contexte de guerre et de mutinerie, le conflit entre la violence d'une innocence exceptionnelle (Billy) et celle du mal absolu (Claggart). L'une et l'autre, hors la loi, recèle une menace insurrectionnelle que la souveraineté politique (celle du capitaine Vere), pour se maintenir, doit réprimer. Le jugement de Vere - l'exécution de Budd -, s'exerçant au nom de la violence légale, met en oeuvre une stratégie qui enrôle la puissance cohésive d'Eros au service de la loi mar- tiale, dans une opération qui vise à naturaliser et à sublimer la violence arbitraire de l'état d'exception. Against a backdrop of war and mutiny, Billy Budd, Sailor can be read as a juridical drama staging the conflict between the exceptional violence of utmost innocence (Billy's) and that of absolute evil (Claggart's). Both infringe the law and both are pregnant with a threat of insurrection which political sovereignty (captain Vere's) must eradicate for the sake of its own integrity. Vere's sentence condemning Budd to death in the name of legal violence partakes of a complex strategy whose aim is to summon Eros's cohesive power in order to buttress martial law and to naturalize and sublimate the arbitrary violence of the state of exception. Michael GILLESPIE The Picture of Dorian Gray as a Postmodern Work Despite the wide range of interpretative approaches to The Picture of Dorian Gray that have appeared since its publication, all seem to assume that a particular set of values or beliefs-traditional Judeo-Christian morality, cultural attitudes, nationa- list dispositions, or queer inclinations-is integral to Wilde's narrative. This essay challenges the value of any metaphysical reading by asserting that the world of The Picture of Dorian Gray is delineated in strictly physical terms and so is best as a Post-Modern work. Through close reading, this essay shows key points in the narrative that highlight the absence of all values and that underscore the view that characters behave according to strictly material considerations. In the end the essay concludes that Wilde presents a world as grim and bleak as anything found in the works of Samuel Beckett. Malgré les nombreuses interprétations dont a fait l'objet The Picture of Dorian Gray depuis sa publication, tous les critiques semblent penser qu'un ensemble de valeurs ou de croyances-qu'il s'agisse de la morale judéo-chrétienne, de positions culturelles, de dispositions nationalistes ou de l'homosexualité-fait partie inté- grante du roman de Wilde. Cet essai remet en question la pertinence de toute lec- ture métaphysique en affirmant que le monde de The Picture of Dorian Gray est délimité en termes strictement physiques et que l'on ici affaire plutôt à une oeuvre post-moderne. En se fondant sur une lecture détaillée, cet essai montre que des points-clés dans le récit mettent en évidence l'absence de toute valeur et soulignent l'idée que les personnages se comportent en fonction de considérations purement matérielles. En conclusion, cet article souligne que Wilde donne à voir un monde aussi sombre que celui de Samuel Beckett. Christopher S. NASSAAR Hidden Meanings and the Failure of Art : Wilde's A Woman of No Importance Complexity is the hallmark of Oscar Wilde's mature works. From "Lord Arthur Savile's Crime" through The Picture of Dorian Gray and Salome, there is an incre- dible amount of complexity wherever we look. When we reach A Woman of No Importance, however, the complexity apparently disappears, and the play is usually read as a conventional Victorian melodrama. A deeper look at the play reveals veiled references to Farquhar, Hawthorne, Arbuthnot and Baudelaire. The refe- rences point to a deep hidden meaning in the play. Traced carefully, they reveal Mrs. Arbuthnot as a deeply corrupt woman who is unaware of the dark recesses of evil within herself. Unfortunately, this suppressed undercurrent of meaning is too dee- ply buried and very difficult to detect, which has led people in general to accept the surface meaning as the true one. The play is thus a stylistic failure, although its veiled thematic content is quite profound. La complexité caractérise les oeuvres d'Oscar Wilde, de "Lord Arthur Savile's Crime" jusqu'à The Picture of Dorian Gray et Salome, alors que, dans A Woman of No Importance, celle-ci paraît moins évidente, la pièce étant le plus souvent lue comme un mélodrame victorien conventionnel. Cependant, si on analyse la pièce de plus près, on y décèle des références voilées à Farquhar, Hawthorne, Arbuthnot et Baudelaire. Celles-ci soulignent qu'il y a dans la pièce un sens caché, et une analyse détaillée révèle que Mrs Arbuthnot est en fait une femme corrompue et inconsciente du mal tapi en elle. Malheureusement, parce que celui-ci est profondément enfoui, on s'en est souvent tenu à une lecture superficielle de la pièce. Celle-ci est donc, en un sens, un échec stylistique en dépit de sa profondeur thématique. Nathalie SAUDO-WELBY Narratorial authority in Sarah Grand's Beth Book (1897) The Beth Book, a partly autobiographical narrative, is a feminist Bildungsroman told in the third person. Historical, religious and scientifc discourses combine to give authority to the narrator's vision of Beth, so that the narrator is fnally in a position to award Beth the title of female genius. Yet, very little is said of the con- tent of Beth's "art for man's sake ;" the title and the content of her non-fction book are not described ; and the novel's last words are the name of her "Knight, " a writer who believes in woman's genius to reveal man's own. Avoiding the most direct form of didacticism, Sarah Grand has shifted the emphasis away from Beth's message to women to the narrator's work of authorizing Beth to progress to her position of public speaker. In the process, this narrator is given a historical consciousness and a sex. The Beth Book est un roman d'apprentissage féministe au contenu en partie auto- biographique. Fondant son autorité sur une analyse historique et un discours reli- gieux et scientifque, l'instance narrative fnit par octroyer à Beth le titre de génie féminin. Pourtant, un vide entoure le contenu de "l'art pour l'homme" de Beth ; de son ouvrage, on ne sait ni le titre ni le contenu mais seulement qu'il ne s'agit pas de fction ; les derniers mots du roman sont le nom de son "Chevalier" , un écri- vain qui croit que le génie des femmes consiste à susciter celui des hommes. Tout en évitant les formes de didactisme les plus directes, Sarah Grand a placé au centre de son roman engagé la tâche de la narratrice omnisciente qui va faire progresser Beth en position d'orateur de génie. Au cours de ce processus, la narratrice acquiert une conscience historique et un sexe. Pierre LONGUENESSE Yeats et le mélange des genres : du texte à la scène Dans le projet de "théâtre de l'imagination" formulé par Yeats dès 1890, le Verbe poétique est porteur d'un pouvoir visionnaire, par la performativité de son énoncia- tion concrète portée par le corps de ce que l'on n'appelle pas encore, avec Georges Banu, un "acteur-poète" . Ce projet fait de l'écriture dramatique un objet multi- forme, où le drame n'a de sens que mis en tension par ce qui le "menace" dans sa pureté générique : la narration, le chant, la danse. ll conduit le dramaturge vers des collaborations audacieuses sur les scènes de ses créations, entre musiciens, compo- siteurs, et danseurs. En somme, loin de "menacer" son théâtre, ces figures d'un "hors-champ" artistique sont ce qui en constitue l'expression par excellence, puisque, par le théâtre, est dévolu au verbe le pouvoir extra-ordinaire de faire sur- gir, par sa physicalité propre, aussi bien le souffle du chant que le rythme du corps dansant. In the "Theatre of Imagination" conceived by Yeats in the 1890s, the poetic Verb is given the power to create visions through the concrete physicality of its uttering by the performing body of what Georges Banu will later call an "acteur-poète". This project transforms dramatic writing process into the creation of a multiform object, in which the issue of the drama is brought out by the tension between oppo- site mediums : theatre on the one hand, singing, dance, tale on the other hand... This exploration involves Yeats in original collaborations on stage with composers, musicians, and dancers. In short, these manifestations of an artistic "hors-champ, " far from threatening the drama, become on the contrary the core of its expression, as a new power is, on stage, devoted to the Verb : the extra-ordinary power to arise the pneuma of singing as well as the rhythm of the dancing body. Anne MOUNIC "To tell and be told" : war poetry as the "transmission of sympathy" War poetry raises a paradox : the destructive collective imposition which weighed upon each soldier during the Great War triggered off new individual awareness and led to a questioning of the values that had prevailed until then, and notably idealis- tic philosophy. Discussing the paradox, we shall oppose tragedy and the individual epic, catharsis and empathy, the choice of death and the choice of life. The Great War writings will be placed in their literary and philosophical context, before and after. La poésie de guerre soulève un paradoxe : la contrainte collective de destruction qui pesa sur chaque soldat durant la Grande Guerre suscita une nouvelle conscience singulière, menant à un questionnement des valeurs et, notamment, de la philoso- phie idéaliste. Discutant ce paradoxe, nous opposerons la tragédie à l'épopée indi- viduelle, la catharsis à l'empathie, le choix de la mort à celui de la vie. Les écrits de la Grande Guerre seront placés dans leur contexte littéraire et philosophique, avant et après. Olivier HERCEND Cinema, the mind and the reader in Virginia Woolf's The Mark On the Wall Taking up David Trotter's Cinema and Modernism, this article emphasises the strong links that exist between Virginia Woolf's thoughts on cinema and the new techniques and notions that she develops in "The Mark on the Wall. " Indeed, her depiction of the mind's process fosters the image of a fragmented world, a succes- sion of images that come under no authoritative order or meaning : a mere mon- tage. But cinema also contains the promise of an artistic answer to the fragmentation of the modern condition. Through a renewal of textual co-operation, Woolf opens her reader to the possibilities of what I choose to call an "aesthetics of juxtaposi- tion. " Reprenant les idées exprimées dans Cinema and Modernism, de David Trotter, cet article relie la pensée de Virginia Woolf sur le cinéma aux techniques et aux notions nouvelles qu'elle développe dans "The Mark on the Wall" . De fait, en tentant de décrire le fonctionnement de l'esprit, elle fait naître l'image d'un monde fragmenté, une succession d'images qui ne tombent sous l'autorité d'aucun ordre ni d'aucune signification essentiels : en un mot, un montage. Mais le cinéma est également la source d'une réponse artistique à la fragmentation de la condition moderne. En renouvelant les modalités de la coopération textuelle, Woolf ouvre son lecteur aux possibilités d'une "esthétique de la juxtaposition" . Antonia RIGAUD Les Europeras de John Cage : de l'opéra au cirque Cet article interroge le rapport ambigu qu'entretint John Cage avec le théâtre tout au long de sa carrière. Influencé très tôt par Artaud et Stein, il ne cesse de faire référence au théâtre et conçoit son art comme une réflexion sur la théâtralité et la notion de performance. Ses Europeras, à la fin de sa carrière, permettent de mettre en avant la manière dont il a cherché à la fois à inscrire ses expérimentations artis- tiques dans le champ théâtral tout en faisant sortir le théâtre des codes mêmes de la scène. La place centrale que Cage donne au théâtre, bien qu'il ne produise que de très rares oeuvres théâtrales, témoigne de son désir de penser le théâtre non pas en tant que médium mais en tant que lieu d'expérimentation. This article addresses John Cage's ambiguous relationship with theatre throughout his career. Influenced early by Artaud and Stein, he often referred to theatre and understood his own art project as a reflection on theatricality and performance. The Europeras, written late in his career, testify to his attempt to associate his artistic experimentation with theater while pushing on the limits of theatre. The prominent position Cage gave to the theatre in contrast to the rarity of his theatrical work pieces is emblematic of his ambition to re-think the theatre as a locus of experimentation.

09/2015