#Roman francophone

Le grand feu

Léonor de Récondo, Léonor Récondo

Née en 1699 au sein d'une famille de commerçants de tissus à Venise, Ilaria Tagianotte voit le jour dans une cité en déclin sur le plan politique, mais toujours riche culturellement. Les palais somptueux, les théâtres florissants et un carnaval qui s'étend sur une demi-année témoignent de l'effervescence artistique de l'époque, notamment dans le domaine de la musique et plus précisément du violon. À quelques semaines seulement de sa naissance, sa mère la confie à la Pietà, une institution créée en 1345. Ce lieu offre un refuge aux enfants abandonnés, leur évitant ainsi des destins tragiques tels que l'infanticide ou la prostitution.

La Pietà est également un conservatoire de musique de renom. Les concerts qui y sont organisés attirent un public vénitien enthousiaste. Les jeunes musiciennes, dissimulées derrière des grilles élaborées, interprètent des compositions créées spécialement pour elles. C'est dans ce cadre que Ilaria se forme au violon et devient l'assistante du célèbre Antonio Vivaldi. Elle se lie d'amitié avec Prudenza, une autre jeune fille de son âge. Cette relation solide lui offre une fenêtre sur le monde extérieur et renforce son caractère.

Mais c'est à l'approche de ses quinze ans qu'Ilaria est frappée par une passion dévorante, un "Grand Feu" qui démolit les barrières qui l'ont à la fois protégée et isolée. Ce feu intérieur est une fusion intense entre son désir physique et son amour pour la musique, à tel point qu'elle a du mal à les distinguer et s'y perd. Dans ce contexte, la splendeur de Venise sert de toile de fond à la quête personnelle d'Ilaria : expérimenter l'amour tout en s'élevant à travers la musique, comme un Grand Feu qui la consume et l'anime.

Ce récit, loin d'être simplement une histoire d'amour ou un drame musical, est une exploration profonde des complexités de la jeunesse, de l'art et des relations humaines. Il met en lumière les défis auxquels sont confrontées les jeunes femmes de l'époque, prises entre les attentes sociétales et leur propre quête d'identité. Ilaria Tagianotte, en tant que personnage central, incarne ces tensions et ces aspirations, dans une Venise qui est elle-même un personnage à part entière, avec ses contradictions et sa beauté envoûtante.

Par Léonor de Récondo, Léonor Récondo
Chez Grasset & Fasquelle

0 Réactions | 46 Partages

Genre

XVIIIe siècle

46

Partages

#[pub-1]

Premières pages : 

« C’est au petit matin du 31 mai 1699 qu’Ilaria naît. La sixième de la fratrie à pointer son minuscule corps, parfaitement formé, doigts, orteils, jambes et bras, ventre et organes, tout y est, chevelure et crâne bombé.
Francesca est assise sur un grand fauteuil, bassine et linges attendent leur heure. Elle connaît la douleur, la patience éprouvée, l’étau qui se serre et se desserre, la soif et le vertige.
Il fait chaud déjà, humide à Venise, après une semaine d’averses inexpliquées. Cette pluie augure d’une naissance heureuse, lui a-t-on dit. Un signe d’eau comme la ville, un signe de flottement. Un doux flottement, elle saura naviguer. Elle attend une fille, le pressent.

Giacomo est allé chercher Bianca. Entre les barreaux de fer, il a frappé au carreau de la grande bâtisse en pierre de la Pietà. Au rez-de-chaussée, Bianca est là, gardienne, portière, vigile des lourds battants de bois et de leur imposant verrou. Elle ne décide pas de qui a le droit de séjourner dans l’institution, mais chaque enfant passe par elle. De ses mains tendres, elle les a toutes touchées, en langes ou robe, c’est elle qui les rassure et les conduit jusqu’à la Prieure.
Giacomo est serein. Il lui dit, viens, c’est pour ce matin. C’est la sixième fois que je serai père. Il pense aux risques d’hémorragie, à tout ce qui pourrait advenir, sans que ça n’entame sa joie.
Depuis une quinzaine de jours, il prie matin et soir. Oui, pour matines et vêpres à San Giovanni in Bragora. Avant chaque naissance, il devient assidu, plein de sa foi, implorant à genoux que le corps ne soit pas malformé ou le cordon enroulé.


La petite porte de la Pietà, découpée dans l’un des immenses battants, s’ouvre. Il entend les gonds grincer, puis le claquement sourd lorsqu’elle se referme. Bianca est devant lui, son fichu en coton blanc de travers. Elle le regarde en souriant.
Mais tu ne t’es pas peignée pour accoucher ta cousine ?
Elle éclate de rire.
Elle pourra s’accrocher à mes cheveux sans avoir peur de me décoiffer ! Et puis, l’enfant à naître, on espère bien qu’il sera coiffé, lui…

La barque attend sur le minuscule canal.
Giacomo l’aide à monter, elle est chargée de son panier. Il rame d’un côté, de l’autre, il est pressé. Sa femme, ses filles, les siens, sa famille, et bientôt, cette autre enfant…
Un court instant, il prend le temps de regarder le ciel. Un beau début de bleu, étroit entre les édifices, un bleu après la pluie qui présage du meilleur. Un début de bleu qui s’échoue dans l’eau, qui se trempe de lagune, se rince de la nuit, se faufile entre briques et marbres, une aube nouvelle, une naissance, dans l’insouciance, dans l’ignorance qu’Ilaria va bientôt pointer le bout de sa chair.
Sans accroc, pleine de son cri à venir, vie immergée depuis neuf mois, au chaud du placenta, cellules patiemment assemblées, se démultipliant, se frottant, s’exerçant à fonder une matière neuve, des bras, un œil, deux yeux, poumons et cœur ; un cœur qui bat, dans cette Venise endormie, indifférente au miracle, un cœur à venir, un cœur pour mourir.
Épidémies, joies, inquisition, secrets, éblouissements d’eau et de feu, le petit cœur vivra son temps, traversé d’appréhensions et gonflé de bonheurs, oublieux, lâche et parfois courageux, mais toujours régulier à battre la mesure de la vie d’Ilaria, dont Giacomo ne sait pas encore le prénom, ne connaît pas encore le fin duvet qui recouvre ses bras, ses yeux écarquillés, ni le long cri qui éveille une vie entière, une ville et sa lagune, nuées de corbeaux et de cormorans, au petit matin.
Giacomo a accosté. Dans l’escalier qui monte de la boutique à la chambre, Bianca sur ses talons, il se presse, on arrive, on est là, tesoro, tiens bon !
Il s’adresse à Francesca qui les attend, son trésor, son joyau, il lui répète, mon joyau, au milieu des montagnes de soie, mon joyau. Et quand, en entrant dans la pièce, il pose le pied sur les tomettes de terre cuite irrégulières, quand Bianca manque de trébucher sur l’une d’elles, entre deux grimaces de souffrance, Francesca leur dit, c’est pour bientôt.
Bianca sort de son panier, cachée au milieu du linge, une petite statuette en bois de la Madone, son porte-bonheur avant chaque naissance. Elle fiche Giacomo dehors, demande à Francesca de s’allonger sur le lit, puis installe les brocs d’eau, une fiole de vinaigre et une de grappa à proximité, laisse la longue pince en fer hors de vue au fond du panier.
Francesca souffle, se raidit, se cambre. Et Bianca, comme elle l’a toujours fait, comme le lui a appris sa propre mère, s’assoit derrière sa cousine sur le lit, jambes repliées contre ses flancs, lui caresse le ventre qui se tend et se détend. Elle chuchote à l’oreille de Francesca en sueur, l’encourage, la guide tout en poussant l’enfant, l’extirpant de la béatitude maternelle, à travers le canal étroit, vers la lumière. Bianca voit ce canal à l’image de la ville d’eau. Elle dit, c’est maintenant, on y est, c’est maintenant.
Et Francesca, dans ses mains incrédules, accueille pour la sixième fois un enfant.
Parfaite, elle est parfaite, avec une magnifique tache de vin sur la cuisse, lui murmure Bianca. Comme la tienne.


Quelques mois plus tôt, Francesca et Giacomo étaient allés écouter une messe chantée à la Pietà. Un office de Pâques. Respirant le parfum mélangé d’encens et de suie des cierges, tandis que s’élevait le chœur des jeunes filles cachées derrière les grilles de fer de la tribune en marbre, Francesca touchait son ventre rebondi. Elle caressait le petit être à venir, tout en lui murmurant : si tu es une fille, tu chanteras avec elles.
Dans une soudaine exaltation, liant concert et liturgie, confondant ces voix célestes avec ses propres désirs, elle avait pris la main de Giacomo. Plus tard, elle lui dirait que leur enfant, leur sixième à venir, chanterait parmi ces anges.
Pénétrée par la musique, elle se revoyait adolescente. Quand sa mère l’avait emmenée à Venise, depuis Padoue. Elles devaient acheter du tissu pour la robe de fiançailles d’une de ses sœurs. On leur avait indiqué la boutique des Tagianotte, près de la Pietà.

En une seule phrase, le destin de Francesca s’était joué.

Sous les longs rayonnages de bois sombre, Giacomo avait déplié et déployé les fastueux métrages, sans jamais cesser de regarder cette jeune fille silencieuse.
Dans l’étroite boutique où les étagères débordaient de couleurs, Giacomo et la mère avaient longuement débattu de la qualité des tissus, hésité entre plusieurs pièces, avant de sortir pour en examiner une à la lumière du jour. Rien de mieux pour juger de la couleur, avait-il dit.
La jeune fille les avait suivis et Giacomo s’était émerveillé du reflet bleu de l’étoffe sur le cou de Francesca. Dans un élan soudain, il lui avait donné une longueur supplémentaire de soie.
C’est pour vous, avait-il dit en la lui tendant. C’est pour vous afin que ce bleu ne vous quitte plus.
Et Francesca, dans son insouciance adolescente, avait commencé de murmurer : la joie la soie, la joie la soie.
Elles étaient revenues le lendemain et quelques semaines plus tard, Giacomo avait fait sa demande, aussitôt acceptée.
Dans l’attente des noces, entre Padoue et Venise, Francesca avait cousu toute la doublure de sa robe de mariée de ce bleu originel. Un bleu plus profond que celui de la lagune sous le soleil, un bleu qui s’imbibe d’orage une nuit de Saint-Jean ; un geste superstitieux qui n’avait rien de frivole, au plus près de son âme, de son corps chaste, la promesse de leur amour, elle en était convaincue.
Depuis, ce bleu l’accompagnait dans chaque moment important de sa vie, à la vue ou à l’insu des autres. À chaque baptême, un peu de cette soie, dans les trois minuscules cercueils de ses enfants mort-nés, un linceul bleu.
Giacomo se moquait de cette manie. Tu ne comprends pas, lui répondait-elle toujours, tu ne vois pas qu’à l’intérieur, je suis de cette couleur.


Peu avant le terme, Francesca était allée voir Bianca pour lui dire, je voudrais que la petite entre à la Pietà.
Bianca l’avait aussitôt interrompue, attends de voir si elle vit, celle-là ! On ne sait jamais… Le destin des enfants est si fragile.
Et le nôtre, Bianca ? Et le nôtre ? avait répondu Francesca soudain furieuse. C’est exactement pour ça qu’elle doit être élevée ici !
Chacun à Venise avait des proches contaminés par la peste. Comment oublier la danse incessante des corps déformés et des cercueils ?
Sur la lagune, les morts et les naissances rivalisaient en nombre. Sur la lagune, on s’aimait avant de mourir, on priait avant de se désoler ; on luttait comme on pouvait contre l’inéluctable.

Francesca était persuadée que sa sixième vivrait et qu’elle chanterait. Je viendrai l’écouter ici, elle sera cachée derrière les grilles de fer, je ne pourrai pas la voir mais elle grandira en apprenant la musique, sans être obligée de couper et découper les métrages d’étoffes, de compter et recompter les sequins. Hors de question. Ilaria vivrait en s’élevant.
Alors, je pourrai bien entrer dans la danse des morts, insista Francesca auprès de sa cousine. Je pourrai mourir pour de bon, puisque la voix de ma fille sera déjà au paradis.
Bianca ne promit rien. Seules les orphelines trouvaient place au sein de la Pietà, ou bien des filles de parents assez riches pour payer les cours de musique.
J’en parlerai à la Prieure, avait-elle seulement répondu.
Et sans attendre l’avis de Giacomo, Francesca jura que la famille s’engagerait à fournir à l’institution les tissus nécessaires aux habits des plus pauvres. Bianca la regarda, interloquée, puis se mit à rire, mais elles sont 867 aujourd’hui !
Dis-lui qu’on donnera ce qu’il faut pour que la petite chante.
L’imparable argument de Francesca avait rapidement convaincu la Prieure.
Si la petite vit, nous l’accueillerons dès son troisième mois.

Et ainsi, soies et lins blancs permirent à Ilaria d’entrer en musique comme elle aurait pu entrer au couvent. À l’Assomption 1699, le nourrisson, un mouchoir bleu caché dans ses langes, passa les portes de l’institution sous la protection de Bianca.
Francesca et Giacomo assistèrent à la messe de ce jour, puis s’en retournèrent quelques canaux plus loin. La maison Tagianotte n’hébergeait plus entre ses murs que deux petites filles.

Bianca est la gardienne du tour. Depuis sa loge, elle entend la cloche accrochée à quelques mètres, sur le mur de l’édifice. Les femmes déposent leur enfant à l’intérieur d’une boîte encastrée dans l’enceinte, la font pivoter et sonnent avant de partir. Parfois, il y a une lettre, des habits, la plupart du temps rien du tout.
À entendre la cloche, le cœur de Bianca se serre. Elle ne s’y fera jamais. Les nourrissons sont souvent abandonnés au petit matin. Combien de mères, le front appuyé sur le mur, versent leurs dernières larmes avant d’actionner le tour, à l’aube, quand la ruelle est encore déserte, et de s’enfuir ? Certaines, dans leur précipitation, oublient de tirer la cloche et ce sont les cris affamés de l’enfant qui alertent Bianca.
Elle ne se sent pas chargée d’une mission divine, non, mais d’une mission féminine. Pour mes sœurs, comme elle le répète souvent. À combien de nourrissons noyés, étouffés à la naissance, a-t-elle évité la mort ? Une bonne centaine. À chaque fois, elle y pense aux femmes démunies, la pauvreté, la rue, la prostitution. Tous ces enfants qu’elle croise, livrés à eux-mêmes, qui se glissent sous les étals du marché pour glaner le moindre rebut, le moindre baiser. La marmaille bruyante de la Sérénissime.
Bianca accueille les enfants déposées comme la possibilité d’une vie sauvée. Et le chœur qu’elles forment, puis les jeunes filles qu’elles deviennent, sont toutes à la gloire de la vie. Rien d’autre que la vie.
Bianca aime croire qu’elle fait partie d’une chaîne, infime maillon, vain parfois, mais humain et chaleureux. Des mains de la mère, en passant par les siennes, jusqu’à l’institution. Jamais elle ne pense à l’identité de celle qui abandonne son enfant dans le tour. Jamais elle ne juge. Elle connaît trop bien les difficultés qui pèsent sur les femmes. À chaque coup de cloche, son cœur se serre, mais c’est son sourire qui accueille le nourrisson.


Avec Ilaria, le lien est particulier.
La petite a été placée dans la pouponnière, la grande salle où sont les lits des plus jeunes. Des nourrices les allaitent, et elles grandissent. La salle est pleine de cris et de joie, de vie qui croît. Et Bianca s’émerveille de ce miracle, la vie qui résiste. Certaines petites succombent aux maladies, mais cette mort, une première fois évitée grâce au tour, lui semble plus douce qu’un ultime plongeon dans un canal ou la lagune.

Ilaria s’éveille avec comme horizon la robe de Bianca. Long habit à la toile épaisse. Dès qu’elle sait marcher, elle dévale les escaliers qui mènent à la cour intérieure, la traverse et, sur la pointe des pieds, actionne le loquet de la loge de Bianca. Malgré l’interdiction, la nuit, elle se glisse dans son lit. Elle veut, envers et contre tout, la douceur de sa compagnie.
Bianca, les premiers temps, la gronde en la ramenant dans le dortoir. Dès l’âge de deux ans, les fillettes dorment dans des petits lits qu’elles partagent avec une autre. Et puis, elle n’a plus su résister à la persévérance d’Ilaria ; elle-même troublée par la chaleur de ce minuscule corps blotti contre le sien. Toutes deux insatiables de tendresse.
Une heure avant matines, Bianca lui dit, allez, file ! Retourne là-bas. Et la petite, après s’être cachée quelques instants de plus dans la chaleur de cette cousine providentielle, court en sens inverse, pieds nus silencieux sur les dalles de la cour, puis sur les tomettes glacées de l’étage.
Au réveil, elle a tout oublié de ses allées et venues.

La Prieure a été intransigeante avec les Tagianotte. Ils verront très peu leur fille, elle doit grandir au sein de la communauté afin d’y trouver sa place. Durant ses premières années, Ilaria apprend à lire. Elle aime les mots, les lettres qui s’assemblent et se défont. Elle aime les faire bouger dans sa tête, les voir danser, elle aime faire exploser leurs rondes dans son esprit. À coups de volonté, elle y met le feu avant de les imaginer retomber en poussière. En cendres.

Mais ce qu’Ilaria préfère par-dessus tout, c’est écouter le chœur de filles chanter. Elle pourrait rester des heures dans un coin de la salle. Elle voudrait que son corps soit assez grand pour créer de tels sons. Les vibrations traversent son épiderme. Elle est tout entière dans cette sensation. La signification des textes latins lui échappe, elle voit seulement comme les corps s’assemblent en sons. Elle croit qu’il suffit d’ouvrir la bouche pour que cette harmonie dévore tout. Espaces et esprits. Engloutis.
Au fond de la salle, elle s’endort souvent, cachée sous un banc, dans un bien-être qui la transporte ailleurs, sans rien connaître de cet ailleurs. Rien des églises, des canaux, de la folie, des vies qui se heurtent, se mêlent à chaque instant dans la Sérénissime, au-delà des murs. Ici, lors des répétitions, elle trouve le même apaisement que dans le lit chaud de Bianca ; elle fusionne avec ce qui l’entoure.


Et puis, il y a Maria à la voix d’or. À la fin de chaque répétition, elle va la voir et, de ses petits bras, enlace ses genoux. Prends-moi avec toi, prends-moi avec toi partout. Je veux devenir toi.
Elle voudrait entrer dans sa bouche et chanter depuis sa gorge pour percer le mystère de sa voix. Mais Maria n’a aucune envie de s’occuper de cette petite qui la suit comme son ombre. D’un geste vif, elle la repousse.
Dégage, fiche-moi la paix, Ilaria ! »

 

 

 

 
 
 
 

Commenter ce livre

 

16/08/2023 220 pages 19,50 €
Scannez le code barre 9782246834793
9782246834793
© Notice établie par ORB
plus d'informations