#Roman francophone

Gaston et Gustave

Olivier Frébourg

"Gaston est un très grand prématuré. A sa naissance, il a été séparé de son jumeau. Dans le service néonatal de l'hôpital de Rouen dont l'entrée est gardée par la statue de Gustave Flaubert, il lutte pour respirer. Gaston, c'est mon fils. Gustave est le "patron" des écrivains. Il refusa d'être père pour écrire Madame Bovary et L'Education sentimentale. Il y a des moments où l'on aimerait se débarrasser de la littérature parce qu'elle ne console jamais des catastrophes. Et pourtant, à la naissance de Gaston, la statue de Flaubert s'est avancée vers moi. Gaston et Gustave se sont retrouvés unis dans la tempête et le naufrage, peau contre peau. Je n'ai pas eu d'autre choix que d'écrire ce livre. J'avais quitté le monde des vivants pour celui des limbes où je réchauffais mes deux fils".

Par Olivier Frébourg
Chez Mercure de France

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Genre

Littérature française

« Flaubert, ville centenaire, métropole moderne, carrefour des courants contemporains, Flaubert avec son village typiquement normand où il fait bon mourir et son bazar oriental pour les touristes du Nouveau Monde, entrez et vous verrez ! »

Bernard Frank

 

 

« Les époux se cachèrent leur secret. Mais tous deux chérissaient l’enfant d’un pareil amour ; et le respectant comme marqué de Dieu, ils eurent pour sa personne des égards infinis. »

Gustave Flaubert

 

 

 

 

 

 

 

 

I

 

 

 

À Saint-Malo, le vent se leva dans la nuit du dimanche au lundi de la Pentecôte. Je n’y vis aucun signe annonciateur de tempête. La veille, peu après l’aube, j’avais couru sur le sable et pris un bain de mer. Sur cette longue plage qui va de la ville close jusqu’à la pointe de Rochebonne, je ne croisai qu’une seule personne et encore d’assez loin, le peintre et écrivain de Marine, Erwan Le Goff. Le ciel oscillait entre vert et gris, glauque et ardoise. Les percées du soleil étaient chassées par de courtes averses presque tropicales.

Mes incursions à Saint-Malo ont toujours été un feu de joie. Quelques mois auparavant, en novembre, j’étais descendu à l’Hôtel France et Chateaubriand. J’avais alors débarqué de nuit par le train de Paris, déposé mon sac puis retrouvé Margaux Le Drian et Eugène Cormier au restaurant À la duchesse Anne. Ils avaient écrit ensemble un livre sur la grande pêche. Je serais leur éditeur. J’aime les films, comme CésaretRosalie, Unsingeenhiver, où un homme seul prend un taxi à la sortie d’une gare. J’aurais pu passer pour un armateur, un représentant de commerce, un assassin. En cette nuit de novembre, le vent soufflait. À peine entré dans la chambre, j’avais ouvert les fenêtres — ne voyant de cette mer que quelques feux de balise affolés — et mes bras au coup de vent. J’avais téléphoné à Camille pour lui faire entendre le mugissement de ce souffle roboratif. En Normandie, où nous vivions en bord de mer, le temps était-il plus clément ?

J’étais reparti le matin, toujours dans la nuit, non sans avoir réservé pour le mois de mai, promesse lointaine et estivale, deux chambres à l’Hôtel France et Chateaubriand, où j’imaginais, un jour, faire naître un décor de roman et qui côtoyait le bar de L’Univers et la maison natale du vicomte François-René.

J’avais créé une petite maison d’édition vouée aux voyages. Nous savions depuis le mois de janvier que nous attendions deux nouveaux voyageurs. Camille était enceinte de jumeaux. La perspective de cette double naissance nous avait d’abord troublés — des jumeaux ! — puis convaincus d’une nouvelle preuve de vie et d’amour.

Desjumeaux,quelleaventure !,c’était le titre naïf et joyeux, un brin boy-scout, du livre que Camille m’avait demandé de lui trouver à Paris. Père, je l’étais déjà de deux garçons mais serais-je à la hauteur de ce nouvel horizon ? Un père, un homme qui ne s’écroule jamais, fait front, ne montre pas ses doutes ; une ombre qui retraverse sa propre enfance.

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15/09/2011 232 pages 18,20 €
Scannez le code barre 9782715232273
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