#Essais

Librairies en ligne. Sociologie d'une consommation culturelle

Vincent Chabault

Le commerce électronique détient aujourd'hui 20 % du marché français du livre imprimé. Il exerce une concurrence croissante sur les librairies indépendantes et sur les grandes surfaces culturelles, que ce soit par la taille de l'offre ou par le biais d'avantages divers. Quelles innovations ces opérateurs apportent-ils à la vente au détail ? Qui sont leurs consommateurs et de quelle manière s'approprient-ils les nouveaux services en ligne tels que les commentaires de lecteurs ou les recommandations automatiques ? Amazon et les autres détaillants numériques ont-ils une influence sur les pratiques d'achat ou sur le modus operandi des maisons d'édition ? Et, plus largement, quels modes de consommation contribuent-ils à façonner ? A travers une enquête menée auprès de sites marchands, d'éditeurs et de lecteurs-consommateurs, Vincent Chabault analyse avant le prochain essor du livre numérique, les répercussions de la révolution du commerce en ligne sur l'organisation des marchés culturels.

Par Vincent Chabault
Chez Les Presses de Sciences Po

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Genre

Sociologie

 

 

Introduction

Entre l’édition et la lecture,

la médiation marchande du livre

 

 

La question de la médiation marchande du livre est ici abordée en portant un regard sur un nouveau type de structure commerciale apparu avec la révolution numérique, les librairies en ligne1. La médiation marchande du livre désigne l’opération par laquelle des relations se nouent entre des dispositifs – ici, les librairies en ligne – et des pratiques d’achat de livres réalisées par des individus. Entre l’auteur publié et le lecteur, une chaîne d’intermédiaires participe à la mise en marché2 du livre. L’éditeur définit la position d’un ouvrage ou d’une collection sur un marché (contenu, prix, tirage)3 et décide de sa politique de promotion avec l’aide des attachés de presse ; le diffuseur assure la présentation des nouveautés auprès des libraires et gère l’ensemble des relations commerciales ; le distributeur prend en charge l’ensemble des flux physiques et financiers entre l’éditeur ou l’imprimeur et le point de vente ; le détaillant compose enfin un assortiment de l’offre à destination des clients potentiels, assure un travail de conseil et traite les commandes et les retours auprès des distributeurs. C’est le rôle de ce dernier intermédiaire que l’on souhaiterait interroger en examinant l’étape finale de la médiation marchande du livre imprimé. Il s’agit d’étudier, d’une part, les opérateurs numériques (leur histoire, leur fonctionnement, leurs liens avec les autres acteurs de la chaîne) et, d’autre part, les pratiques d’achat des consommateurs.

Nous laissons ainsi de côté les médiateurs culturels que sont les journalistes, les bibliothécaires, les enseignants ou les rédacteurs de blogs, dont le rôle dans la valorisation du livre est reconnu, pour nous attacher à l’étude du rapport marchand et des conditions d’achat4. L’enjeu n’est pas d’analyser les raisons expliquant l’achat de telle ou telle référence par un individu. Une série de facteurs d’ordre psychologique, social et économique vient déterminer les goûts individuels en matière de culture que de nombreuses recherches ont tenté d’expliciter5. En suivant une piste classique de la sociologie de la consommation, l’enquête cherche à mettre en évidence le rôle des structures commerciales dans la définition des pratiques d’achat et dans la construction d’une culture marchande6. La librairie numérique, sans assortiment limité par l’espace et sans libraire, façonne-t-elle de nouvelles pratiques d’achat pour le livre imprimé ? Cette question est au cœur de notre étude.

L’analyse sociologique ne couvre que partiellement la chaîne du livre et ses acteurs. Nombreuses sont les enquêtes portant sur les pratiques de lecture7. En ce qui concerne le secteur de l’édition, après l’article fondateur de Pierre Bourdieu publié en 1977, un ensemble de travaux sociologiques ont vu le jour, en parallèle de témoignages contemporains d’acteurs impliqués dans ce secteur de l’économie8. Entre la production éditoriale et les pratiques de lecture, la question de la médiation marchande du livre a par contre été peu traitée hormis le panorama économique et documenté de Fabien Chaumard publié en 1998, l’analyse socio-historique de la profession de libraire de Frédérique Leblanc et l’enquête menée sur les détaillants américains par la sociologue Laura J. Miller9.

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20/06/2013 190 pages 15,00 €
Scannez le code barre 9782724613407
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