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Littérature française
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- Je suis bien chez Moze ?
- Qui êtes-vous ?
- L’enquêteur.
- Je lui dis que Moze est mort. ¢ Je le sais. Je suis désolé.
- Ne le soyez pas. Qui vous a introduit ? lui demande ma sœur.
- Cette maison est sans clôture.
- Que nous voulez-vous ?
- Avant de mourir, il a parlé ?
Il ne m’a pas parlé. Il était là, il attendait, lui dit mon frère.
- Vous n’aviez rien remarqué ?
Je lui dis que Moze est mort depuis longtemps.
- Non, dit l’enquêteur. Il est mort lundi matin.
- Il était le même hier, avant-hier et avant encore. Il est mort depuis longtemps.
- Moze était absent. C’est ce que veut vous dire ma sœur. Il était tôt. Je rentrais. Je lui ai remis les clés de sa voiture. Il était dans la cuisine, je ne me suis pas inquiété. Il était là, je ne me suis rendu compte de rien. Je suis monté me coucher.
- Mon frère ne savait pas. Il ne se doutait pas.
- C’est triste, dit l’enquêteur, cette mort un jour de deuil. Je lui dis que nos sentiments sont partagés.
- Vous devriez partir, lui dit ma sœur.
Il reste.
Je lui demande s’il pense que nous avons tué notre père.
- On vous a dénoncés.
- Des assassins ! Je lui dis que sa mort fait de nous des assassins. Nous l’avons tué ! Une vraie mort. Un crime. Mais qui l’a tué ? Lui, elle, moi, vous tous. Est-ce que nous l’avons poussé pour qu’il meure ?
- Moze nageait très bien, lui dit mon frère. Même en eau froide et même en hiver.
- Ceux qui vous dénoncent disent qu’il voulait changer de vie et que vous l’en auriez empêché.
- Nous avons fait ouvrir son corps ! Son thorax, ses poumons, sa bouche ont été retournés. Le rapport d’autopsie dit que notre père n’a subi aucun coup, aucune chute. Il est mort noyé ! À la morgue, j’ai pris ses mains, j’ai cherché le sable, la terre ; j’ai goûté ses doigts, je les ai léchés pour les sentir, sentir s’il avait eu l’envie de revenir, de s’accrocher au gravier, de sortir de cette eau. Je n’ai rien trouvé. J’ai regardé ses souliers. Tout était absolument propre.
- Il a pris le soin de fermer sa voiture.
- Et ouverte, vous vous dites qu’il faisait une promenade. Qu’il n’a pas vu l’eau.
- Ouverte, je crois au suicide mais il l’a fermée à clé.
- Il a même pris le soin de mettre son chapeau et ses lunettes ! Il a mis son chapeau, son manteau et ses lunet- tes. Il a pris sa voiture et il s’est rendu à la cérémonie pour les morts. Devant le monument il a serré la main du maire et de ses conseillers. Ensuite il a salué les vieux soldats. Là il est mort. C’est dans ce lieu, devant ce monument qu’a eu lieu sa mort. Moze lui a dédié sa mort ! Il a attendu ce jour de novembre pour partir. Il a repris sa voiture pour l’étang communal. Et puis, il y a eu ces quelques minutes, ces quelques minutes et sa vie s’est arrêtée.
Il a mis son grand manteau d’hiver et son chapeau. Il est sorti de sa voiture, il est entré dans l’étang, il a pénétré dans l’eau, il a marché dans la vase, il s’est enfoncé le corps dans cette boue. Après ? Que s’est-il passé après ? Il avait ses lunettes. Posez-moi des questions, demandez- moi pourquoi il les a mises ces lunettes.
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