La rencontre
Ce n’est pas l’horreur d’une profonde nuit mais, au contraire, un beau dimanche du printemps en ce début des années trente. René, roule à vive allure sur sa Peugeot vers le château où son ami Pierre l’a invité. Chargé de clientèle dans une agence bancaire, René a fait la connaissance de Pierre de Labardière, fils du duc de Labardière grand propriétaire terrien des environs de Limoges, lors d’un dépôt de liquidités à la banque. De suite, ils ont trouvé des centres d’intérêts communs tels que la nature, le sport et la pêche. Ils se sont, alors, revus plusieurs fois au restaurant, au cinéma ou dans des bars. Pierre, voyant la solitude de René, l’a invité à venir passer un dimanche au château, non sans en avertir ses parents.
René Crèvecœur est né à Bayonne, au début du siècle. Troisième garçon d’une famille de quatre enfants, son père Antoine, militaire de carrière, a épousé Maylis femme du Sud Ouest. Il a quitté ses racines Picardes pour s’installer dans le Sud bien qu’il ait hérité de plusieurs propriétés dans le Nord. D’ailleurs, Antoine s’y rend de temps en temps pour contrôler l’exploitation de ses domaines et rencontrer les membres de sa famille restés « au pays ». Ayant une fortune assez importante, il a pu agrandir les propriétés de son épouse et acheter plusieurs milliers d’hectares dans les Landes tout en conservant ses exploitations dans le Nord.
Sa carrière militaire, perturbée par l’Affaire Dreyfus, fut de courte durée. En effet, il prit partie contre Dreyfus. À la fin du procès de réhabilitation, il est démissionné et devient alors un fervent défenseur de la Droite Française, cléricale, opposée à toute idée progressiste. Une des raisons de son installation dans les Landes fut de faire taire les quolibets dont il était l’objet en Picardie suite à l’Affaire. En 1914, il est rappelé sous les drapeaux. Avec son étiquette d’antidreyfusard, il est éloigné des centres de décision. Il terminera la guerre au même grade et en gardera une rancœur éternelle contre tous les gouvernements de la IIIe République. Il transmettra ce rejet de la République à la majorité de ses enfants auxquels, il donnera une éducation très stricte presque militaire. Son côté antidreyfusard était tel qu’en 1932, il refuse de souscrire aux bons du Crédit municipal de Bayonne, car cette banque est tenue par un aventurier juif auquel il n’accorde aucune confiance.
René est joyeux de retrouver Pierre, un ami dont les idées, la manière de vivre et le niveau de vie correspondent aux valeurs que son père lui a inculqué depuis sa plus tendre enfance. Les courbes des routes limousines s’étirent sous le soleil de ce début de printemps. Le peu de trafic lui permet de pousser sa moto et de se griser de vitesse. À cette époque, Limoges est une petite ville régionale. Tout le monde ou presque se connait. La majorité des Limougeauds ont des parents dans la campagne environnante et profitent des produits fermiers. Seuls les émigrés des guerres, ceux de la Grande Guerre ou ceux de la guerre de 70, les fonctionnaires ou quelques salariés sont de réels citadins.
Extraits
Commenter ce livre