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La Méduse : les dessous d'un naufrage. Les survivants témoignent

Dominique Le Brun

2 juillet 1816. A la suite d'une erreur de navigation grossière, la frégate Méduse s'échoue près de la cöte mauritanienne, avec à son bord 400 personnes - civils, officiers, hommes de troupe et le futur administrateur du Sénégal. Afin d'alléger le navire, on construit un radeau, pour les canons et la cargaison. Mais ce sont 147 militaires qui s'y entassent car on manque de canots et de chaloupes. Faute impardonnable : le commandant, qui n'a pas dirigé d'équipage depuis vingt-cinq ans et a délégué la navigation à un hâbleur incompétent, abandonne son bâtiment et vogue jusqu'à Saint-Louis. D'autres embarcations se retrouvent, elles, à de longs jours de marche. Sur le radeau, c'est la déroute. Massacres, noyades, anthropophagie... on ne compte que 15 rescapés. Les cinq témoignages de survivants réunis ici pour la première fois démontrent que, dans une France au bord de la guerre civile, ce sont des choix très politiques qui sont à l'origine de l'accident et de la suite terrible des événements.

Par Dominique Le Brun
Chez Presses de la Cité

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Genre

Histoire de France

Rien de tout cela n’aurait jamais dû arriver. L’échouement de la frégate Méduse, en 1816, sur des hauts-fonds situés au large de la Mauritanie, n’a rien d’une fortune1 de mer. Et l’abandon de cent quarante-sept passagers sur un radeau incapable de les soutenir hors de l’eau n’est pas une cruauté du destin. Les seuls responsables en sont l’incompétence des uns et la mythomanie des autres, aggravées par l’esprit de classe et le fanatisme politique qui caractérisent la Seconde Restauration royaliste sous Louis XVIII. Le tableau que, trois ans plus tard, ce drame inspire au peintre Théodore Géricault suscite donc la polémique, les royalistes n’appréciant guère de voir immortalisé un des pires scandales du règne. Par ailleurs, les critiques d’art sont choqués par cette représentation réaliste de l’horreur, en même temps que déstabilisés devant une construction graphique qui échappe aux canons de l’époque. Telle est l’histoire du Radeau de la Méduse.

L’affaire commence avec les traités de Paris, qui mettent fin aux guerres napoléoniennes. Signés en 1814 et 1815, ils définissent les territoires accordés au nouveau royaume de France par les Alliés ; parmi ces dispositions figure la rétrocession de la colonie du Sénégal, alors occupée par les Anglais. Une division navale est donc dépêchée à Saint-Louis afin de prendre possession officielle des lieux, la flottille se composant de quatre bâtiments : la frégate Méduse, la corvette Echo, le brick Argus et la gabare Loire. La Méduse et la Loire servent essentiellement au transport de personnel pour la colonie et reviendront en France après avoir débarqué soldats et fonctionnaires. L’Argus restera sur place en tant que navire stationnaire, tandis que l’Echo s’en ira hydrographier les côtes du cap Vert. En fait d’hydrographie, il est surtout chargé de trouver un site où déporter des centaines de condamnés politiques, tous ceux qui pendant les Cent-Jours ont prêté allégeance à Napoléon revenu de l’île d’Elbe.

 

 

La Division navale du Sénégal


Cette mission – une traversée de 2 200 milles nautiques – ne présente pas de difficultés particulières. A ceci près cependant : après l’escale à Santa Cruz de Ténériffe, ayant franchi le cap Blanc qui marque la pointe nord-ouest de la Mauritanie, il ne faut pas faire route directe sur Saint-Louis. En effet, dans le sud du cap, le banc d’Arguin étend ses hauts-fonds très au large. Ces bancs de sable nés des jeux de la houle et des courants se déplacent sans cesse ; c’est pourquoi on sait que les cartes sont fausses et qu’il ne faut pas leur faire confiance. Les ordres donnés à Chaumareys sont clairs : après avoir reconnu le cap Blanc, la Division du Sénégal fera route au sud-sud-ouest (elle s’éloignera de la côte, donc) pendant 16 lieues (48 milles nautiques). Alors seulement elle reviendra vers la terre, qu’elle longera sans jamais cependant franchir la ligne des 100 mètres de fond.

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20/09/2018 367 pages 22,00 €
Scannez le code barre 9782258151826
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