#Essais

Bestiaire fantastique des voyageurs

Dominique Lanni

Créatures mythiques, monstres légendaires, animaux improbables... Depuis la nuit des temps, les voyageurs ont peuplé les mondes lointains d'êtres aussi fascinants qu'effrayants. Basilic ou invunche au corps hideux, Niam Niam ou Lestrygon aux moeurs étranges, Fiura ou sirène aux pouvoirs envoûtants, satyre ou homme-singe entre humanité et bestialité, nasique, orang-outang, baleine, éléphant et autres animaux exotiques élevés par les récits au rang de légendes... Ce bestiaire illustré, véritable cabinet de curiosités des voyageurs, nous transporte aux frontières du réel et des imaginaires.

Par Dominique Lanni
Chez Flammarion

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Editeur

Flammarion

Genre

Récits de voyage

 

 

 

 

 

 

Au voyageur

 

(Ô Voyageur…)

 

 

 

« Amphisbène ! », « Catoblépas ! », « Cynocéphale ! », « Monocéros ! », « Xiphias ! » Quels sont donc ces noms barbares qui mettent à l'épreuve nos maxilaires lorsque nous les expectorons, et nous contraignent à enchaîner labiales, dentales, vellaires et fricatives dans un inénarrable chaos euphonique ? Des injures droit sorties du lexique fleuri du capitaine Haddock ? Des passes magiques issues d'un grimoire conservé dans le plus grand secret dans une des alcôves de la bibliothèque de Poudlard ? Que nenni ! il s'agit de quelques-unes des créatures légendaires, mythiques, improbables et parfois même affreusement réelles que des voyageurs, explorateurs, arpenteurs de globe, navigateurs aux petits ou aux longs cours, ermites de bibliothèques, amateurs d'in-folio poussiéreux sont allés pister, traquer, exhumer pour ce Bestiaire fantastique des voyageurs.

Depuis la plus haute Antiquité, au cours de leurs pérégrinations, les voyageurs, d'occasion ou de profession, n'ont pas seulement découvert, arpenté ou exploré des terres plus ou moins nouvelles, ils ont également croisé, rencontré, fantasmé et fabriqué nombre de créatures. Pourquoi user du vocable de « créature » plutôt que de celui de « monstre » ? Parce que si tous les monstres sont des créatures, toutes les créatures ne sont pas des monstres. Aussi ce bestiaire est-il moins une petite encyclopédie des monstres qu'un petit dictionnaire de créatures, au double sens étymologique et biblique du terme. Et les deux sont viscéralement liés. Car c'est précisément parce que les voyageurs, savants et lettrés tenaient que, dans son plan et sa grande sagesse, Dieu avait tout créé, y compris les créatures les plus monstrueuses et les plus improbables, qu'ils ont cherché à comprendre la raison d'être de leurs peurs, fantasmes, ou qu'ils leur ont donné forme, afin de pouvoir continuer à vivre dans un monde parfaitement raisonnable et intelligible.

Non, tout ne commence pas avec les Grecs. Mais c'est avec les Grecs que nous commencerons parce que le répertoire de créatures qu'ils ont créé est à l'origine de nombres de créatures de l'époque médiévale et de l'âge moderne. Les Grecs ont été de grands voyageurs, ils sont allés jusque dans les Indes lorsque la Méditerranée leur est subitement apparue trop étroite. Ils ont été de grands savants, auteurs de traités sur la médecine et les plantes médicinales. Ils sont aussi de grands conteurs d'histoires, sur le monde et les hommes. Or raconter l'histoire du monde, c'est raconter comment les dieux l'ont créé, comment ils l'ont peuplé, comment ont été engendrés les demi-dieux et les créatures parfois néfastes. C'est ainsi que les récits racontés par les Grecs prennent toujours la forme d'histoires de famille, de lignées, de descendances, de liaisons interdites et d'accouplements coupables.

Parmi les créatures des récits grecs figurent des divinités comme Circé la magicienne ; des animaux fabuleux : Pégase l'étalon ailé, Phénix l'oiseau symbole de renaissance sans fin ; de monstrueux géants : les Cyclopes à l'œil unique incrusté au milieu du front, les Lestrygons, anthropophages des bords de mer ; des êtres minuscules : les Pygmées, « nains dansants » ; des peuples « mangeurs de … » : les Ichtyophages, êtres amphibies velus mangeurs de poissons, les Lotophages, mangeurs de lotos, des êtres hybrides sans nombre : le Sphinx, à la tête de femme, au corps de lion, à la queue de serpent et aux ailes d'aigle, les Centaures, dont la partie inférieure du corps est celle d'un cheval, les Hermaphrodites, qui cumulent les attributs génitaux des deux sexes ; des êtres anguiformes : Echidna, Delphynè, Scylla, monstres fabuleux mi-serpent mi-femme, les Gorgones au corps de femme et aux chevelures de serpent ; ainsi que de multiples créatures improbables dont la fonction prime sur la corporéité tels la Chimère, Phorkys ou Kétô. « Entité floue, sans apparence bien définie, sans caractéristique bien arrêtée, sans localisation géographique précise, protéiforme, écrit Aurore Petrilli, Kétô cristallise en elle la quintessence de tous les monstres marins, terreur des navigateurs et des habitants des villages de bord de mer » et dont la fonction est de « punir et de forcer les humains à réintégrer le cycle normal des fêtes et des sacrifices à une divinité oubliée volontairement ou non » (art. Kétô).

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23/04/2014 501 pages 25,00 €
Scannez le code barre 9782081290556
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