#Essais

Jean II le Bon. 1350-1364

Georges Bordonove

Jean II, surnommé le Bon en raison de sa bravoure, succéda en 1350 à son père Philippe VI, premier roi Valois après l'extinction des Capétiens directs. Héritant d'un royaume affaibli et d'une autorité contestée après la défaite de Crécy, il s'efforça de redresser la situation en réorganisant l'armée et en assainissant les finances. Trahi par les grands qui changeaient de parti au gré de leurs intérêts, il fut malheureusement vaincu par le Prince Noir à la bataille de Poitiers. Roi méconnu, il réunit à la couronne la Bourgogne et le Dauphiné. Ce portrait dressé à partir d'une contre-enquête minutieuse aide à comprendre sa personnalité, vivante incarnation des vertus et des faiblesses du tragique XIVe siècle. Il fut le créateur du Franc.

Par Georges Bordonove
Chez Pygmalion

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Editeur

Pygmalion

Genre

Histoire de France

 

 

 

 

 

 

 

De chiens, d'oiseaux, d'armes, d'amours,

Pour une joie cent doulours.

 

Gace de LA BIGNE

 

 

Ayant pitié et compassion de notre bon et loyal peuple, qui si fermement et loyalement s'est tenu si longtemps en vraie constance et obéissance envers nous, en exposant leur corps et leur bien à tout péril et sans esquiver dépenses et mises, dont nous avons perpétuelle mémoire, avons par cela soutenu paroles et traité de paix.

 

Jean le Bon (lettre du 27 juillet 1361)

 

 

 

 

 

 

 

 

PROFILS DE JEAN LE BON

 

 

 

C'est le discrédit systématique dont Jean le Bon a été l'objet depuis le XVIIIe siècle qui m'a conduit à l'étudier en profondeur. Et, par suite, à écrire ce livre, non dans l'intention de le réhabiliter, mais de rendre sensible une vérité autrement complexe et nuancée, différente de celle qu'un examen superficiel laisse entrevoir. Sans doute la tendance de chaque époque est-elle d'apprécier les hommes en fonction de ses propres options politiques, voire de ses rêveries. Il n'est donc pas surprenant que, sauf exceptions, les contemporains du roi Jean aient porté sur lui des jugements favorables : c'était un roi chevalier, au sein d'un milieu essentiellement chevaleresque dont les chroniqueurs s'employaient à flatter les goûts. Au XVIe siècle, Brantôme le comparait à François Ier : « S'il faut qu'ils soient pris, écrivait-il, que ce soit, à la mode du roi Jean devant Poitiers, et du roi François devant Pavie ; lesquels, plutôt que de fuir avec plusieurs autres, furent pris, n'en pouvant plus, tout las du combat… » Précisément, n'est-il pas étrange que, parmi nos monarques vaincus et captifs – Saint Louis, François Ier, Napoléon –, Jean le Bon soit le seul auquel les Français n'aient pas trouvé d'excuses. Poitiers n'est cependant pas une défaite plus grave que Pavie ou Waterloo !

Déjà, au XVIIe siècle, le ton change. On lit dans l'Histoire de France de Mézeray : « Le roi Jean, illustre par la grandeur de son courage, mais encore plus signalé par sa mauvaise conduite et son humeur trop ouverte et trop précipitée, succéda aux infortunes de son père, ou pour mieux dire se les acquit lui-même, quoique, pour les éviter, il n'eût manqué ni d'années, ni d'expérience, ni d'exemple… Toute sa vie est la plus illustre preuve que je trouve dans notre histoire, pour montrer que les vertus sont aveugles sans la prudence et que, qui est destitué de cette lumière, au lieu d'avancer ne fait que tournoyer, courant risque à toute heure de se casser la tête contre les obstacles, ou de se rompre le cou dans les précipices. »

Au Siècle des Lumières, l'abbé de Choisy et Saint-Foix précisent les attaques : « C'était certainement un preux chevalier, mais, d'ailleurs, un prince sans génie, sans conduite, sans discernement ; n'ayant que des idées fausses ou chimériques ; outrant la probité comme la bravoure ; d'une facilité étonnante avec un ennemi qui le flattait, et d'un entêtement le plus orgueilleux avec des ministres affectionnés qui osaient lui donner des conseils ; impatient, fantasque, et ne parlant que trop souvent avec humeur au soldat. Un jour qu'on chantait la Chanson de Roland, comme c'était l'usage dans les marches : Il y a longtemps, dit-il, qu'on ne voit plus de Rolands parmi les Français. – On y verrait encore des Rolands, lui répondit un vieux capitaine, s'ils avaient un Charlemagne à leur tête. »

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23/06/2010 316 pages 22,30 €
Scannez le code barre 9782756403366
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