Avant-propos
En 1985 déjà, René Payant fait un constat presque désabusé au sujet des installations :
« On pourrait faire un inventaire exhaustif de ces œuvres, mais ce qu’il révélerait apparaît aussitôt que l’on en compare quelques-unes ; l’hétérogénéité, la diversité, l’absence de points communs évidents entre elles, etc. L’accumulation de ces cas accentue cette disparition jusqu’à ce que le terme d’installation risque de sembler inapproprié, impropre à décrire ce à quoi il est appliqué. Englobant trop d’œuvres différentes, il menace de faire éclater la notion… On dira donc que l’installation, c’est le nom postmoderne de l’œuvre d’art1. »
Ma recherche a pour objectif de faire le tour de l’installation, depuis ses origines jusqu’à nos jours, mais elle se concentrera sur la période entre la fin des années 1950 et le début des années 1970. Non pas que cette date marque un arrêt de ce « genre » artistique. C’est plutôt le contraire qui a lieu ; peu de créateurs restent imperméables à une forme d’expérimentation qui semble brasser une infinité de solutions plastiques. La déclinaison interminable d’installations, la pluralité d’orientations, l’importance qu’ont prise les nouveaux médias rendent quasi impossible de proposer une vision d’ensemble de cette pratique sur une période aussi étendue et en mutation permanente qu’est la seconde partie du XXe siècle. De plus en plus multiforme, diversifiée, au point de rendre pratiquement inadéquate toute définition, l’installation éclate en propositions si nombreuses que ses traits communs sont difficilement saisissables.
Benjamin H. D. Buchloch résume ce virement :
« Pour la génération de 1968 qui vient après Nauman, une sculpture au sens traditionnel du terme a cessé d’exister du jour au lendemain. Elle s’est transformée en “performance”, un terme que j’emploie faute de mieux… La sculpture s’est transformée en réflexion linguistique, en interrogation sur l’espace urbain et architectural, elle s’est éclatée en une multiplicité de recherches qui sont extérieures à la définition de la sculpture que Andre et Serra tentent de maintenir. Je crois que Nauman est le personnage pivot, le point de désagrégation de la sculpture2. »
Certes, Buchloch parle de la sculpture. Mais, en réalité, cet entretien a été réalisé à l’occasion d’une exposition essentiellement consacrée aux installations. Il suffit donc de s’autoriser à remplacer le terme sculpture par celui d’installation, pour constater l’évolution que subit également la pratique installative. Cette défocalisation trouve son emblème dans le titre d’une importante exposition qui traitait des installations, organisée au MOMA de New York en 1991, sous le titre bien choisi : Dislocations3. Comme le remarque Patrice Loubier :
« En tant que corpus, le “genre” installation chevauche deux périodes situées de part et d’autre d’un important clivage historique : le modernisme tardif des années soixante et soixante-dix, caractérisé par les enjeux encore formels de l’art minimal et ceux, analytiques, des démarches conceptuelles et des interventions site-specific ; et de la situation contemporaine, à partir des années quatre-vingts, marquée par l’éclectisme et la diversité des pratiques, le retour du récit et de la subjectivité4. »
Extraits
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