Editeur
Genre
Sciences politiques
INTRODUCTION
Pour comprendre la Russie de Vladimir Poutine, rien de mieux que d’aller voir Gazprom de près. Le géant de la production gazière, en effet, n’est pas seulement l’entreprise la plus riche de ce pays. Il est le laboratoire de la nouvelle Russie en train de se construire sous l’impulsion du Président. Il constitue un aspirateur à devises. Mais Gazprom est surtout l’expression la plus achevée du projet politique de Poutine. Après les années Eltsine (1991-2000), vécues comme une humiliation par une partie de l’élite russe, la compagnie gazière offre à la Russie les moyens d’une revanche. Elle permet au Kremlin d’exercer une nouvelle influence au plan mondial. Dans toute l’ex-URSS, Gazprom est un outil pour tenter de mettre à genoux les gouvernements des pays nouvellement indépendants et les obliger à revenir dans le giron de Moscou. Au-delà, l’arme énergétique est mise au service des intérêts russes dans les discussions avec l’Europe, les États-Unis ou la Chine. Gazprom est l’instrument de reconquête d’un statut de superpuissance dont les Russes se refusent à déchoir.
L’essor récent du colosse gazier a tout pour fasciner. Gazprom est un État dans l’État, la colonne vertébrale de l’économie du pays. L’entreprise règne en maître sur un empire de 400 000 salariés et 155 000 km de gazoducs, gère des territoires entiers et pèse 8 % du PIB russe. Elle paye 20 % des impôts collectés par l’État fédéral. Elle fournit un quart du gaz consommé en Europe et possède les plus grandes réserves du monde (17 % des réserves mondiales connues). L’entreprise a bâti sa prospérité en obtenant le monopole des exportations de gaz en Russie, mais elle étend aujourd’hui ses activités à une multitude d’autres secteurs : la banque, la construction, le transport, les médias, le pétrole, la chimie lourde ou la production d’électricité.
L’entreprise s’est aussi lancée dans une expansion internationale impressionnante. Pas une semaine ne se passe sans qu’elle fasse de nouvelles annonces. Elle déploie ses tentacules : accords stratégiques, nouveaux gazoducs, création de nouvelles capacités de stockage, achat de centrales électriques. Gazprom ne vise rien de moins qu’à devenir le premier groupe mondial de production d’énergie, présent de l’amont à l’aval, dans le gaz, le pétrole, l’électricité voire le nucléaire.
En 2006, Gazprom est entré parmi les cinq plus grosses entreprises mondiales en termes de capitalisation, tous secteurs d’activité confondus. En avril de cette année-là, après avoir bondi de 11 %, la capitalisation boursière du groupe, coté à Londres et à Moscou, s’est même hissée à la quatrième place mondiale, à 266 milliards de dollars, derrière trois entreprises américaines (Exxon Mobil, General Electric et Microsoft) et devant British Petroleum et la banque Citigroup. Gazprom est alors devenu le premier groupe coté issu d’un pays émergent, loin devant Total, le premier groupe français, valorisé par le marché autour de 180 milliards de dollars, et très loin de Gaz de France, valorisé autour de 45 milliards.
Extraits
Commenter ce livre