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Littérature Espagnole

Don Quichotte de la Manche

Don Quichotte lui-même, au seuil de la "Seconde partie" (1615), n'en croit pas ses oreilles : "Il est donc vrai qu'il y a une histoire sur moi ?" C'est vrai, lui répond le bachelier Samson Carrasco, et cette histoire – la "Première partie" du Quichotte, publiée dix ans plus tôt –, "les enfants la feuillettent, les jeunes gens la lisent, les adultes la comprennent et les vieillards la célèbrent". Bref, en une décennie, le roman de Cervantès est devenu l'objet de son propre récit et commence à envahir le monde réel. Aperçoit-on un cheval trop maigre ? Rossinante ! Quatre cents ans plus tard, cela reste vrai. Rossinante et Dulcinée ont pris place dans la langue française, qui leur a ôté leur majuscule. L'ingénieux hidalgo qui fut le cavalier de l'une et le chevalier de l'autre est un membre éminent du club des personnages de fiction ayant échappé à leur créateur, à leur livre et à leur temps, pour jouir à jamais d'une notoriété propre et universelle. Mais non figée : chaque époque réinvente Don Quichotte. Au XVIIe siècle, le roman est surtout perçu comme le parcours burlesque d'un héros comique. En 1720, une Lettre persane y découvre l'indice de la décadence espagnole. L'Espagne des Lumières se défend. Cervantès devient bientôt l'écrivain par excellence du pays, comme le sont chez eux Dante, Shakespeare et Goethe. Dans ce qui leur apparaît comme une odyssée symbolique, A.W. Schlegel voit la lutte de la prose (Sancho) et de la poésie (Quichotte), et Schelling celle du réel et de l'idéal. Flaubert – dont l'Emma Bovary sera qualifiée de Quichotte en jupons par Ortega y Gasset – déclare : c'est "le livre que je savais par coeur avant de savoir lire". Ce livre, Dostoïevski le salue comme le plus grand et le plus triste de tous. Nietzsche trouve bien amères les avanies subies par le héros. Kafka, fasciné, écrit "la vérité sur Sancho Pança". Au moment où Freud l'évoque dans Le Mot d'esprit, le roman est trois fois centenaire, et les érudits continuent de s'interroger sur ce qu'a voulu y "mettre" Cervantès. "Ce qui est vivant, c'est ce que j'y découvre, que Cervantès l'y ait mis ou non", leur répond Unamuno. Puis vient Borges, avec "Pierre Ménard, auteur du Quichotte" : l'identité de l'oeuvre, à quoi tient-elle donc ? à la lecture que l'on en fait ? Il est un peu tôt pour dire quelles lectures fera le XXIe siècle de Don Quichotte. Jamais trop tôt, en revanche, pour éprouver la puissance contagieuse de la littérature. Don Quichotte a fait cette expérience à ses dépens. N'ayant pas lu Foucault, il croyait que les livres disaient vrai, que les mots et les choses devaient se ressembler. Nous n'avons plus cette illusion. Mais nous en avons d'autres, et ce sont elles, peut-être – nos moulins à vent à nous –, qui continuent à faire des aventures de l'ingénieux hidalgo une expérience de lecture véritablement inoubliable.

09/2015

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Histoire de France

Scandale à la cour de Lunnéville. L'affaire Alliot (1751-1762)

Le 16 février 1751, à Lunéville, Marie-Louise Alliot fille de l'intendant de Stanislas, épouse en grande pompe un jeune conseiller à la Cour souveraine de Lorraine et Barrois, Charles-François-Xavier Henry de Pont. Les entourent, dans la Robe, la Finance et l'Épée, leurs parents, leurs alliés. Pourtant le jour de la célébration, la mariée est en pleurs, sans mouvement et sans vie. Le soir de la cérémonie, portée au lit de force, elle jette des cris perçants à la vue de la couche apprêtée. Le mariage cette nuit-là, faut-il le préciser, n'est pas consommé ; il ne le sera pas davantage dans les mois, ni les années qui suivent. L'affaire Alliot commence... Dix ans plus tard le procès en nullité de mariage intenté par le chevalier de Pont et sa femme, qui n'ont l'un pour l'autre qu'une aversion profonde, devient un fait divers qui défraye, en Lorraine, la chronique mondaine. Entre temps la fille du conseiller aulique n'est-elle pas devenue la maîtresse officielle de Ferdinand-Jérôme de Beauvau, fils du prince de Craon et frère de la favorite en titre, la marquise de Boufflers ? Procès retentissant aux rebondissements les plus extravagants, l'affaire Alliot, pendant plus de deux ans, va mettre en branle le tribunal de l'official à Toul, la Cour souveraine de Lorraine, le Châtelet et le Parlement de Paris. Connu à travers les sources judiciaires et mémoires d'avocats, ce procès permet de pénétrer le monde clos des grandes familles, livre les stratégies des lignages et surtout révèle un père très absolu dans sa famille, sacrifiant sans pitié la liberté de ses enfants aux intérêts supérieurs du lignage. François-Antoine Mot, l'intendant du palais, serviteur probe, intègre et laborieux, est aussi un père très excessif, autoritaire et rigide à l'excès ; Marie-Louise en éprouvera toutes les rigueurs et son jeune frère, déporté à la Désirade, en épuisera toutes les cruautés. Parfaite illustration des abus criants du pouvoir paternel -le triomphe de l'absolutisme s'est accompagné du renforcement des pouvoirs des pères sur leur progéniture- il est déjà, en ce milieu XVIIIe siècle, un modèle archaïque ; dès la seconde moitié du siècle, le débat se nourrit des idées des Lumières ; les aspirations individuelles commencent à l'emporter sur les impératifs familiaux ; philosophes et magistrats dénoncent l'arbitraire qu'il soit royal ou familial. Traditionnellement la sphère familiale est identifiée au privé, mais cellule de base de toute société, elle est une institution trop sérieuse pour être laissée à l'anarchie des comportements individuels. Aussi l'Etat, l'Eglise, comme le révèle l'affaire, ont-ils volontiers prêté main forte au chef de famille, fut-il comme Alliot un père intraitable, parfaite illustration de la tyrannie paternelle. A ce titre, le fait divers est bien un fait d'histoire qui dévoile le fonctionnement d'une société, ses systèmes de valeurs, ses représentations et révèle, au-delà du cas particulier des deux héros involontaires de cette scandaleuse affaire, bien des traits collectifs d'une société en mutation.

07/2008

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Littérature française

Les départs exemplaires

Ce recueil de nouvelles assassines de Gabrielle Wittkop nous présente, à travers siècles et continents, cinq récits baroques qui sont autant de « départs exemplaires ». Au coeur d’un burg romantique allemand, perchée sur une tour en ruine et livrée aux corbeaux, une jeune femme de bonne famille agonise, devenue l’objet d’un fait divers absurde et lugubre. Un dimanche d’octobre dans une ruelle de Baltimore, un écrivain aux yeux noirs succombe, ivre mort, après avoir perdu sa valise. Dans un New York contemporain, la vie de Seymour M Kenneth ressemble à une lente descente aux enfers ; il s’éteint en vagabond dans les entrailles de la ville. C’est dans un fossé moite de la jungle malaise que s’achève mystérieusement celle de Mr T, esthète et espion, emportant avec lui ses derniers secrets. Enfin, dans l’atmosphère sadienne du XVIIIe siècle français, Claude et Hippolyte, les deux jumeaux hermaphrodites mis au monde par la comtesse de Saint-Effroy, sont assassinés. La mort est au coeur des cinq nouvelles – dont deux inédites : « Les Derniers Secrets de Mr T. » et « Claude et Hippolyte » – qui composent cette réédition augmentée des Départs exemplaires. Elle est organique, marque les corps, s’imprime dans les chairs des femmes élégantes, des monstres androgynes et des dandys rongés par l’alcool ; elle est destin ou hasard malchanceux, meurtre ou énigme, guidant vies et intrigues de ces fictions taillées sur mesure ; elle se lit dans les signes et augures quasi fétichisés – papillons ou corbeaux, perles de grenat, bottines vernies – et engendre le charme vénéneux de l’esthétique de Wittkop, son ton macabre et raffiné, de nos jours inégalé. Au fil d’une prose ornée et mordante, précise et précieuse, dont la tonalité varie en fonction des époques et des décors abordés, la mort fait aussi mystère. Elle fait pencher successivement ces textes « caractérisés par la découverte et le malentendu », vers le fantastique ou l’enquête – c’est bien la silhouette d’Edgar Poe qui se faufile dans « Les Nuits de Baltimore » et celle d’un agent de la CIA en Asie derrière ce curieux Mr T. – ou vers le conte légendaire comme cette femme, cheveux au vent, criant au sommet d’une tour allemande qui rappelle des esquisses de Goya ou de Hugo. Le recueil, d’une forte unité thématique, semble donc décrire, par l’exemplarité des destins et la variation des décors, la permanence d’anciens mythes monstrueux et dérangeants. Ultime force de ce livre, la narratrice (ou l’auteur) mène voluptueusement les drames et personnages à leur sort tragique, irréversible. Mais si le sort s’acharne avec cruauté, non sans humour et un certain goût du supplice, ces victimes expiatoires sont aussi l’occasion de questionner la nature du lien entre vie, trépas et beauté qu’avaient proclamée le romantisme noir ainsi que les esthétiques du XIXe siècle dandy. Ces références constituent alors le fondement spectral de l’art de Gabrielle Wittkop, qui les met à distance pour s’imposer comme une « Peintre de la mort » résolument moderne.

09/2012

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Policiers

Je suis le dernier Juif debout

Le lieutenant Dan Reles aurait tout pour être heureux. Il est à la tête de la brigade criminelle d’Austin au Texas. Il vit avec Rachel, une femme qui a réussi dans l’immobilier, a un petit garçon et vient d’emménager dans une nouvelle maison. Mais toute médaille a son revers : Rachel a sombré dans l’alcoolisme, Dan, lui, n’a toujours pas réglé ses comptes avec son passé. Un passé qui le rattrape quand il voit débarquer son père Ben, après vingt ans d’absence. Depuis l’enfance de Dan, ce père lui a posé problème : comment en effet expliquer à ses camarades de classe que son père n’est pas boucher ou plombier mais homme de main de la mafia ? Et voilà que Ben Reles revient, au volant d’une voiture volée, avec Irina, une prostituée russe en fuite. Ben aussi est en fuite. Il cherche à échapper à Sam Zelig, Sam le psychopathe, dernier caïd de la mafia juive. Zelig est capable de tout pour récupérer Irina, par exemple de prendre la ville en otage.Dan doit alors choisir entre son devoir filial, familial ou civique : protéger la ville, sa famille ou son père ?Un nommé Sam Zelig fait partie des Texas Chronicles qui ont pour héros le lieutenant Dan Reles. Ce livre riche et complexe se lit bien sûr comme une histoire policière à la construction et au suspense impeccables ; l’auteur y a l’art de camper des personnages à la forte stature, totalement inoubliables. Mais comme tous les grands du roman noir, Michael Simon ne se contente pas d’une œuvre univoque. Il nous parle aussi de la question de l’identité en Amérique, ayant créé un héros doublement extérieur à la norme, par son appartenance à la communauté juive (ce qui n’est pas anodin au Texas, dans le milieu de la police) et par son père gangster. Cette difficulté d’appartenance, Michael Simon en fait le cœur de son histoire, qui tourne aussi autour de la relation inaboutie entre un père et son fils, entre un homme et sa femme. Dan ne cesse d’être renvoyé à son enfance à travers ses souvenirs, qui sont souvent traités comme des scènes de cinéma. De fait, ce roman peut aussi être lu comme une tentative désespérée de tous les personnages de se raconter des histoires et d’en raconter, comme les gamins qu’ils n’ont cessé d’être, y compris ceux qui se croient héritiers des durs de la grande époque. En cela, Un nommé Sam Zelig est un livre à la noirceur profonde ; il traite de la solitude des êtres humains qui ne peuvent durablement se raccrocher ni à la Bible ni à la loi, tel Dan qui se rend compte qu’être flic, c’est « une vie de gangster à l’envers. »« La prose de Simon est aussi fascinante que ses personnages. » James Ellroy« Une exploration brillante de la complexité des liens familiaux et du prix à payer pour l’amour et la loyauté… C’est un roman criminel qui transcende les frontières du genre. » Thomas Kelly

03/2010

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Littérature française

Baron Rouge 19-59

Le narrateur de ces pages se veut le Baron Rouge d'un voyage identitaire dans le troisième millénaire. De Jules à Julio, en passant par Julien, le Je se risque à un récit de soi à la fois spatial et temporel. Hawaï, Louisiane et Belgique se découpent sur la cartographie d'une identité morcelée, patchwork de vie que tisse le fil rouge d'une écriture mosaïcale. L'écriture se fait coruscante et odorante dans la luxuriance d'une nature hawaïenne indomptable. Le narrateur devient aussi le témoin d'une Louisiane mutilée et pantelante, se relevant péniblement des blessures infligées par la rageuse Katrina. L'intertextualité belge se plaît, quant à elle, à moucheter le paysage identitaire, déposant çà et là de petites touches sarcastiques colorées d'humour et de tendresse. Tout cela sur fond de décor temporel où passé et futur se conjuguent dans un plus-que-présent amovible. Le Moi, dans ce roman-mosaïque, ne rencontre pas seulement son double, il le multiplie dans le fantasme prismatique d'une triple rencontre spéculaire, avec soi et aussi l'autre en soi. Triple identité, donc, dans un personnage qui se découvre le privilège magico-surréaliste de traverser le temps, prenant du plaisir à brouiller les pièces du puzzle, de 59 à 19. Et le lecteur, séduit, d'entrer dans le jeu, se laissant emporter avec délice dans les tourbillons des Sept piscines sacrées. Geneviève De Clerck Il nous créolise, Freddy De Pues, un plat de plat pays... un belgo-gombo aux fruits de volcan, assez piquante, cette cuisine... et que vous ne comprendrez que trop bien. Oufti, cher, mais ça paume en Waikiki ! Voici une histoire qui voyage tout doucement comme dans un U-HAUL Gentle Ride Van avec le lecteur comme complice-passager, songeur du bagage en arrière avec les bouleversements petits et grands. Mais malgré les embouteillages des cités obscures, ainsi que l'ennui infernal des autoroutes vides de sens, le chauffeur arrive à livrer ses métamorphoses intactes. C'était un bon moment pour rouler ; c'était au temps où Freddy De Puesait. Dans Baron Rouge 19-59, on devine les visages de réalités voilées telles que dans Les Amants de Magritte. Comme des pétales d'un magnolia japonais, on déplie un origami mutuel de vies embaumées dans une sensualité étourdissante. Dans les affres des siroccos locaux, on meurt à la Thomas Mann devant une décadence exquise, pas à Venise cette fois, mais alors dans le 17th Street Industrial Canal d'une Orléans dégoûtée de se faire encore une fois nouvelle. Et dans l'exotica d'un Hawaï sans serpents où la terre frissonne de mutations sublimes, on improvise le langage d'amour transcendantal exprimé dans un pidgin local mais profondément personnel. Freddy De Pues nous sert son pays plat du jour, bombé de nuit, dans une voix franche et d'une perspective à vue d'oiseau où la prose plane à la hauteur des nuages. Voilà une oeuvre qui par ses hélices poétiques, transcende bayous et lagons où l'évolution ne fait qu'embêter les espèces. Voilà u

11/2015

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Pléiades

Un roi sans divertissement et autres romans

"Si j'invente des personnages et si j'écris, c'est tout simplement parce que je suis aux prises avec la grande malédiction de l'univers, à laquelle personne ne fait jamais attention : l'ennui". A en croire Giono, l'écriture n'aurait été pour lui qu'un divertissement. Non pas un simple jeu, entendons-le bien, mais le moyen de n'être plus "l'homme plein de misères" dont parle Pascal. Et de devenir l'une des voix narratives les plus fortes de l'histoire de la littérature. Démobilisé en 1918, très marqué par la guerre, Giono retrouve à vingt-trois ans son poste d'employé de banque à Manosque. Une décennie s'écoule au cours de laquelle il passe son temps à rédiger, en marge de son travail, des fiches descriptives révélant l'essence véritable des clients de la banque. "Une excellente école" , selon lui, pour la "connaissance du coeur humain" . Puis, en quelques mois, il écrit Colline (1929) . Le monde des lettres se dispute la publication de ce premier diamant rocailleux. Cest une révélation, et une rupture ; chose alors singulière, ce roman poétique (ou conte) est composé d'un bout à l'autre au présent de l'indicatif. Latmosphère sacrificielle qui hante ces pages d'une extrême sécheresse n'en est que plus brutale. Cinq ans plus tard, Le Chant du monde s'apparente à un roman d'aventures autant qu'à un récit mythologique, nouvelle Iliade où l'homme et la nature fusionneraient d'une manière spontanée. Mais l'Histoire gronde de nouveau. Giono prône un pacifisme absolu, qui, en 1939, le conduit en prison. Libéré, il s'attelle à ce qui devait être une notice destinée à accompagner sa traduction de Moby Dick. Puis le projet dévie. Pour saluer Melville (1941) devient un roman dont Melville est le héros. Et une charnière dans l'oeuvre de Giono. Après la Seconde Guerre (et une seconde incarcération), il est pris d'une extraordinaire fièvre créatrice. Un roi sans divertissement (1947), écrit en vingt-sept jours, est, selon Pierre Michon, "un des sommets de la littérature universelle" . Un sommet aussi dans l'art si gionien de rendre les silences éloquents et les ombres éclairantes. L'aventure se niche dans les phrases dont on ne saurait deviner la fin, les séquences sont montées avec une hardiesse incomparable, les niveaux de langue juxtaposés avec la plus grande aisance. Langlois, justicier paradoxal, "porte en lui-même les turpitudes qu'il entend punir chez les autres" . Il éprouve comme Giono la nécessité du divertissement, dont le crime, comme l'écriture (et la lecture), est une forme. "Giono est-il le plus grand romancier de ce temps ? " se demandait Roger Nimier en 1952, l'année du Moulin de Pologne, roman du Destin (et chef-d'oeuvre trop peu lu). Une chose est sûre : Giono est un grand romancier de tous les temps. Le fréquenter, c'est faire une inoubliable expérience de lecture. Ceux qui reviennent sans cesse à ses livres le savent. Quant à ceux qui auront attendu le cinquantième anniversaire de sa mort, survenue en 1970, pour s'en emparer, on les envie.

03/2020

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BD tout public

La guerre des Sambre : Maxime et Constance. Tome 3, Eté 1794, Le regard de la veuve

Conclusion de l'ultime trilogie de La Guerre des Sambre, le 3e chapitre de Maxime & Constance en est la clé de voute, le chaînon sanglant de la malédiction familiale. Avant l'apothéose de la série culte Sambre, Yslaire conclut tragiquement l'ultime trilogie de La Guerre des Sambre, dans un format exceptionnel de 87 pages. Après la trilogie de Werner & Charlotte, qui conte le secret de la naissance de Maxime de Sambre, et celle de Hugo & Iris, qui expose la passion du fils de Maxime pour la future mère de Julie et le conduit à la folie, Maxime & Constance est la troisième trilogie à paraître, mais la seconde dans l'ordre généalogique. Chaînon sanglant de la malédiction familiale, la conclusion de cet épisode 3, abondamment citée dans les tomes des générations postérieures, est la clé de voute de l'architecture. Juin 1794. Le tome 2 se terminait en Aout 1789 par la fuite de Maxime de Sambre et sa famille après l'incendie de leurs château par une révolte paysanne. Cinq ans après, sa femme Louise-Marguerite Collée Des Vignes, enceinte, attend son sort, à la Prison des oiseaux. Elle sait que que la République n'attend que son accouchement pour lui retirer son bébé et l'envoyer à l'échafaud, elle et son fils François. Dans une dernière lettre écrite à sa mère, elle tente de comprendre comment elle et ses deux jumeaux en sont arrivés là... Le remords de n'avoir pu protéger ses enfants de leur père, et la colère à l'égard de ce mari indigne et sans scrupules, coupable d'abandon familial pour une putain de la République, se mêle au désespoir d'avoir elle-même commis l'irréparable... A travers ses yeux de femme blessée, c'est aussi la traversée de la Révolution d'une aristocrate de province, avec un mélange d'effarement, de candeur, et d'aveuglement face à une machine infernale qui broie ses propres enfants. Au passage, le récit tente de rendre justice aux femmes de l'époque, en rappelant des figures historiques aussi contrastées que Marie-Antoinette, Théroigne de Méricourt, féministe martyre, fondatrice avec d'autres du " club des patriotes de l'un et l'autre sexe "... ou encore les terribles tricoteuses. L'auteur des amours tragiques de Bernard & Julie sonde la noirceur des âmes s'affontant dans une guerre amoureuse, tous victimes de leur passé et de leur époque sanglante. Il interroge les mécanismes de la transmission, de la fatalité engendrée par les secrets familiaux. " Avant la passion funeste des amants , il y a toujours celle de leurs ancêtres. ". . En parfaite osmose, Yslaire et Boidin trouvent là leur collaboration la plus aboutie et signent une mise en scène nerveuse et resserrée, alternant les scènes intimistes et passionnelles, aux larges respirations muettes. Le récit est magnifié par le dessin libéré et fluide de Boidin, la richesse de ses cadrages documentés, et une gamme de couleurs réduite au sépia et rouge, pour mieux peindre la violence et la cruauté des sentiments, dans ce contexte historique.

01/2018

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Pléiades

Oeuvres. Tome 1

Philosophe peu soucieux de se reconnaître tel, Kierkegaard partage avec quelques autres géants, avec Nietzsche par exemple, le privilège, si c'en est un, de trouver de nombreux lecteurs parmi les non philosophes. La question, ici, n'est pas de se demander s'il faut voir en lui un antiphilosophe, comme le voulait Sartre. Ni de rappeler, même si c'est vrai, et la présente édition ne néglige pas tout à fait cet aspect de son oeuvre, qu'il fut aussi ou surtout un penseur religieux. Il s'agit plutôt de souligner ce qui saute aux yeux quand on ouvre ses livres : les ouvrages philosophiques de Kierkegaard ne sont pas écrits comme le sont habituellement les traités de philosophie. Généralement dissimulé sous des pseudonymes qui brouillent les cartes, leur auteur est un digter. Le danois digt renvoie à la fantaisie, à l'imagination, à la rêverie, à la fiction même. Digter est souvent traduit par "poète" . Et de fait les "Diapsalmata" (dans Ou bien... ou bien) ou l'éloge d'Abraham (dans Crainte et tremblement) sont de véritables poèmes en prose, tandis que d'autres textes ("Journal du séducteur" , "Coupable... non coupable") pourraient passer pour des chapitres de romans, que certaines pages, telle l'histoire de ce roi amoureux d'une jeune fille dans les Miettes philosophiques, semblent relever du conte, et que d'autres encore, par exemple la marche d'Abraham et d'Isaac dans Crainte et tremblement, ont une structure dramatique. Ecrivain à coup sûr. Philosophe pourtant, "mais d'une philosophie qui veut être philosophie en étant non-philosophie" (Merleau-Ponty). A cette (non-)philosophie on est souvent arrivé, en France notamment, par le biais de l'existentialisme, qui fut peut-être la "nouvelle conscience culturelle" dont Kierkegaard lui-même prédisait l'avènement. Mais un tel cheminement ne va pas sans quelque malentendu et passe volontiers par profits et pertes l'ancrage (et le mot est faible) de ce Danois dans le luthéranisme, dans son milieu (piétiste) et dans son époque (romantique). Il serait évidemment vain de prétendre n'expliquer Kierkegaard, cette énigme, que par sa sensibilité à la figure de son puritain de père, par sa rupture avec la trop célèbre Régine Olsen, ou par la violence de ses querelles avec l'Eglise danoise. Mais tout aussi inutile (et l'on s'est efforcé d'éviter cet écueil dans ces volumes) d'exiger de lui des réponses à des questions philosophiques qu'en son temps il ne pouvait pas se poser. C'est d'autant moins utile que les questions qu'il se pose sont de tous les temps et que chaque génération pourrait, pour des raisons qui lui seraient propres et seraient chaque fois différentes, faire siens les propos de Denis de Rougemont qui en 1934, dans le contexte de la montée des totalitarismes, voyait en Kierkegaard "le penseur capital de notre époque, nous voulons dire : l'objection la plus absolue, la plus fondamentale qui lui soit faite, une figure littéralement gênante, un rappel presque insupportable à la présence dans ce temps de l'éternel" . L'article de Rougemont s'intitulait "Nécessité de Kierkegaard" . Ce titre conserve son actualité.

05/2018

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Critique littéraire

Epigrammes/epigrammata. 1606-1612, Edition bilingue français-latin

Il est difficile d'imaginer aujourd'hui la vogue dont jouirent pendant plusieurs siècles les Epigrammes de John Owen (1564-1622), qui en leur temps firent saluer leur auteur comme le "Martial anglais" , le "second Martial" , "Martial ressuscité" . Plus exclusivement intellectuel que son modèle latin, Owen n'eut jamais sa richesse de dons, ni son puissant réalisme, ni inversement sa grâce et sa tendresse, ni ses raffinements d'artiste. Mais dans le domaine volontairement restreint de la satire morale et dans le cadre étroit du distique, son instrument privilégié, il porte l'épigramme à un point d'achèvement qui ne devait plus être égalé : jamais l'épigramme n'a été aussi proche de la maxime au sens que lui donnera bientôt notre La Rochefoucauld et avec laquelle elle partage le brillant et l'étincelante netteté. Le propos est exclusivement celui d'un moraliste. Observateur fin et spirituel du train du monde, Owen livre son expérience en une multitude de traits caustiques qui fusent dans toutes les directions : égratignant les caractères et les âges, insistant sur les travers de quelques professions et conditions (juristes, médecins, théologiens, courtisans) ; quelques traits acérés contre le sexe faible et les inconvénients du mariage pourraient le faire soupçonner de misogynie si le sujet était original. En tout cela, nulle illusion, mais nulle méchanceté ; pas d'attaque personnelle, seulement les défauts universels de la nature humaine ; quelques remarques sont plus directement inspirées par des sujets d'actualité : loyal sujet anglais à l'époque du complot de la poudre à fusil, Owen décoche quelques pointes à l'adresse de l'église catholique, il intervient malicieusement à propos de la querelle du vide. Une sagesse ironique se dégage, qui fait comprendre aisément l'influence qu'il exerça sur l'âge classique, habitué à privilégier l'analyse morale. . Le premier volume des épigrammes, dédié à Lady Neville, a paru en 1606 ; encouragé par son succès immédiat, Owen publia l'année suivante un second volume, dédié à une Stuart ; les troisième et quatrième volumes parurent en 1612 et 1613 : en tout, dix livres d'épigrammes dont l'édition d'ensemble sera publiée en 1622, l'année même de sa mort. Une editio locupletior et emendatior a été publiée à Paris en 1794 par Antoine Augustin Renouard. Premier à ouvrir notre collection à l'humanisme du Nord, Sylvain Durand nous offre dans ce volume le texte et la première traduction française intégrale de cette oeuvre. Exécutée avec une parfaite exactitude, une aisance et un plaisir évident et même quelque gourmandise, cette traduction nous est offerte dans une prose serrée, quand elle n'accueille pas la coquetterie d'une traduction rythmée. L'édition bilingue est, comme dans tous les volumes de la collection, précédée d'une introduction, cinq grandes parties progressant de la biographie et du contexte historique et culturel à l'oeuvre elle-même, analysée ensuite dans son aspect formel (le travail sur la matière des mots, feu d'artifice et fête étourdissante du langage) et dans les liens qu'elle entretient avec l'actualité et la société de son temps, enfin et plus profondément, avec les options intellectuelles et spirituelles de son auteur.

04/2016

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Littérature érotique et sentim

Troubled hearts - Tome 1. Juste un défi entre nous

Les débuts tumultueux d'une romance sous haute tension... En week-end dans une maison d'hôte à l'occasion d'un anniversaire, Meg assiste involontairement à des ébats torrides entre deux invités. En plein acte, Nick l'aperçoit, mais ne dit rien. Déstabilisée par cette rencontre conjuguant voyeurisme et érotisme, Meg se laisse progressivement apprivoiser par Nick, même si tout les oppose dans leur quête individuelle du bonheur et de l'amour. Nick pourra-t-il aimer à nouveau après la mort de son ex-femme ?? Meg sera-t-elle condamnée à rester dans l'ombre de la disparue ?? Entourés d'amis cabossés par des passés douloureux, Nick et Meg nous plongent à tour de rôle dans les débuts tumultueux de cette romance sous haute tension. Plongez dans une romance érotique abordant les thèmes de l'épanouissement sexuel, du deuil et du harcèlement, et laissez-vous emporter par l'histoire de Meg et Nick ! EXTRAIT - Non, tu n'es pas désolé. Elle te résiste, bien que tu l'attires, alors tu en fais un défi à relever. Tu t'es tellement pris à ce jeu depuis deux ans que tu ne peux plus t'en passer. Je t'ai vu faire, Nicolas. Les filles se pâment à tes pieds, elles prennent les miettes que tu leur donnes. Meg n'est pas ce genre de fille que tu pourras laisser derrière toi et tu risques d'être pris à ton propre piège. Mais comme tu te crois plus fort que tout le monde... Cependant je te fais cette promesse. Si tu lui fais du mal, je te jure que je te démolis, et pas sur un ring cette fois et crois-moi, notre amitié en pâtira. - Sur ce, il quitte la pièce. - Il est tard, je vais me coucher. Tu devrais en faire autant. J'ai laissé quelque chose pour toi sur la commode de ta chambre. CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE Juste un défi entre nous sera le compagnon parfait pour animer vos soirées avec un soupçon de légèreté et surtout, beaucoup d'amour. - Univers littéraires Juste un défi entre nous est une romance moderne où l'amour fait mal, où il ne se trouve pas facilement, où les personnages sont meurtris par leur passé et ne parviennent pas à aller de l'avant, où la douleur est plus forte que l'amour. Marie Anjoy a su me conquérir dès les premiers chapitres et cette romance est une belle histoire où l'amour pourrait être au rendez vous. - TheLovelyTeacherAddictions, Babelio A PROPOS DE L'AUTEUR Marie Anjoy est infirmière et vit dans le Sud de la France. Rêveuse, elle écrit pour son plaisir depuis l'enfance, de la prose comme de la poésie. Des histoires pour faire rêver, avec de beaux happy-ends, des romances à l'image de celles qui lui permettent de décompresser après des journées difficiles. Désormais à la retraite, elle s'est lancé le défi d'écrire sa première romance. Juste un défi entre nous est son premier roman.

09/2019

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Ecrits sur l'art

Soliloques d'un peintre. Écrits 1896-1958

Contemporain des avant-gardes du début du XXe siècle, Georges Rouault (1871-1958) participa au Salon d'Automne de 1905, dit des "? fauves ? ", avec Matisse, Camoin, Derain et Manguin. Peintre de nus, de portraits, de paysages, il fut également céramiste, graveur et illustrateur de livres pour Ambroise Vollard, qui fut son marchand à partir de 1917 ; puis dessinateur de modèles pour la tapisserie et le vitrail. Inspiré par les sujets religieux et par le cirque, dont il fut un fervent spectateur, Rouault s'impose comme le peintre des laissés pour compte de la société, dont il donne une image expressive et intense, souvent saturée de matière. Or sa création artistique, très riche et variée, fut doublée d'une production littéraire continue, que ce recueil permet de redécouvrir. G. Rouault fut d'abord un témoin de son temps ? : auteur de mémoires sur ses contemporains, notamment sur son maître à l'Ecole des Beaux-Arts Gustave Moreau, ou sur ses amis écrivains Léon Bloy, André Suarès et Joris-Karl Huysmans, il publia en 1926-1927 Souvenirs intimes, qui reste son ouvrage le plus célèbre avec Soliloques, édité en 1944. Premier conservateur du musée Gustave Moreau de Paris, il fut encore un théoricien, dont les articles étaient très prisés dans la presse artistique entre les années 1920 et 1950. Poète polémiste, il composa un texte en prosimètre enflammé, Cirque de l'Etoile filante (1938), qui use de la métaphore du cirque pour donner une image onirique et très personnelle de l'actualité politique et sociale. Une grande partie des textes parus du vivant de Rouault étaient épuisés ou bien difficiles à réunir ou encore très lacunaires. L'édition établie et annotée par Christine Gouzi avec la collaboration d'Anne-Marie Agulhon, réunit pour la première fois la majorité d'entre eux et les replace dans leur contexte. Le lecteur y trouvera encore de nombreux manuscrits inédits, qui complètent la connaissance de Rouault polygraphe. L'ouvrage permet ainsi d'aborder des textes autobiographiques jamais retranscrits, des souvenirs sur les artistes que le peintre a côtoyés, mais aussi un livre théorique intitulé Ingres, Degas, Renoir, Cézanne, ainsi qu'une pièce de théâtre burlesque, narrant les aventures d'Ubu fils critique d'art, rédigée à l'imitation de l'Ubu Roi d'Alfred Jarry. On a aujourd'hui oublié qu'à la suite du procès qui l'opposa aux héritiers de Vollard, en 1946-1947, Rouault fut le rédacteur du texte qui servit à établir la loi sur la propriété intellectuelle : un des chapitres rappelle cet épisode essentiel des années d'après-guerre. De même Rouault poète restait un inconnu ? : influencé par Apollinaire, par Jehan-Rictus, Verlaine et Villon, il composa pourtant de nombreux poèmes en vers libres ou en prose, qui peuvent être analysés en symbiose avec ses gravures, ses peintures ou même les nombreuses illustrations qu'il imagina au cours de sa vie. A travers les écrits de Rouault, c'est donc l'homme et l'artiste qui se révèle sous un nouveau jour, à la fois plus familier et plus engagé.

10/2022

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Littérature érotique et sentim

Le Sultan Misapouf et la princesse Grisemine. Un conte de fées grivois

Les histoires amoureuses d'un couple royal, sous une plume légère et amusante.Le sultan Misapouf et sa femme se racontent leurs aventures coquines précédant leur mariage. Misapouf a subi dans sa jeunesse les malédictions et les épreuves de la fée Ténébreuse tandis que la princesse Grisemine a vécu des métamorphoses cocasses : tour à tour barbue, lapine et même pot de chambre. Des situations loufoques et coquines.Un conte licencieux de Voisenon, désormais devenu un classique.EXTRAITAh ! dit un jour en soupant le sultan Misapouf, je suis las de dépendre d'un cuisinier, tous ces ragoûts-là sont manqués ; je faisais bien meilleure chère quand j'étais renard.- Quoi, seigneur, vous avez été renard ! s'écria en tremblant la sultane Grisemine.- Oui, madame, répondit le sultan.- Hélas ! dit Grisemine en laissant échapper quelques larmes, ne serait-ce point Votre Auguste Majesté qui, pendant que j'étais lapine, aurait mangé six lapereaux, mes enfants ?- Comment, dit le sultan, effrayé et surpris, vous avez été lapine !- Oui, seigneur, répliqua la sultane, et vous avez dû vous apercevoir que le lapin est un mets dont je m'abstiens exactement : je craindrais toujours de manger quelques-uns de mes cousins ou neveux.- Voilà qui est bien singulier, repartit Misapouf ; dites-moi, je vous prie, étiez-vous lapin d'Angleterre ou de Caboue ?- Seigneur, j'habitais une garenne de Norvège, répondit Grisemine.- Ma foi, dit le sultan, j'étais un renard du Nord, et il se peut sans miracle que ce soit moi qui aie mangé vos six enfants ; mais admirez la justice divine, j'ai réparé ce crime en vous faisant six garçons, et je vous avouerai sans fadeur que malgré ma gourmandise et mon goût pour les lapereaux, j'ai eu plus de plaisir à faire les uns qu'à manger les autres.A PROPOS DE L'AUTEURClaude-Henri de Fusée de Voisenon (1708-1775) était un abbé et homme de lettres à l'esprit ouvert. Elu à l'Académie, il a été historiographe des petits-fils de Louis XV, protégé de la duchesse de La Vallière et ami de Voltaire. Voisenon a laissé derrière lui une ouvre lyrique et dramatique considérable, qui compte quelques contes grivois : Zumis et Zelmaïde (1745), Le Sultan Misapouf et la princesse Grisemine (1746), Il eut tort (1750) ou encore Histoire de la félicité (1751).A PROPOS DE LA COLLECTIONRetrouvez les plus grands noms de la littérature érotique dans notre collection Grands classiques érotiques.Autrefois poussés à la clandestinité et relégués dans " l'Enfer des bibliothèques ", les auteurs de ces ouvres incontournables du genre sont aujourd'hui reconnus mondialement. Du Marquis de Sade à Alphonse Momas et ses multiples pseudonymes, en passant par le lyrique Alfred de Musset ou la féministe Renée Dunan, les Grands classiques érotiques proposent un catalogue complet et varié qui contentera tant les novices que les connaisseurs.

03/2018

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Poésie

Les anges bucoliques

Un grand philosophe a dit un jour que nous pouvons nous parer des plumes de quelqu'un d'autre, mais nous ne pouvons pas voler avec eux. En réalité, c'est une certitude mais, dans le monde de la poésie spirituelle, nous pouvons nous parer de la lumière qui nous inspire, ou des ailes des anges qui nous chuchotent les prières. Même avec des ailes d'ombre, si nous survolons le transcendant ou comprenons les processus antithétiques. La poétesse Marine Rose, brillante et mystique par essence, prouve sa capacité à voler avec les ailes des mots, par son désir de "respirer l'effluve mystique, une rose bougie qui brûle toujours". Sa foi est le fondement de tout ce qu'elle construit, de tout ce qu'elle envoie au ciel. La prière qui jaillit de son coeur est "une prière douce aux élans de taureaux". Elle "prie avec son coeur ouvert comme un livre". Voilà donc la sensibilité et la puissance de cette sublime invocation qui aide à révéler les mots. Une sorte de "prophétie pure", ce qui nous rappelle le merveilleux Gibrain ou le brillant Ai Qing. Cette fois, dans une version féminine, jeune et angélique. Une voix fraîche et chaleureuse dans la cathédrale renaissante de la poésie française. L'initiation est à la fois humaine et cosmique. La souffrance, les larmes, aident à purifier. Même les rêves ont le don du salut, de la guérison ; et l'amour, fruit de la révélation suprême, est sage, édifiant, exaltant. On sait que l'ange est un sujet sur-utilisé dans la poésie universelle, mais cette poétesse sait le réinventer en cascades de métaphores surprenantes. La poésie bucolique d'il y a quelques siècles se réinvente à son tour. Ainsi que le classicisme se réinvente d'une génération à l'autre, devenant néo et rétro. Cela démontre un retour aux origines, aux anciennes valeurs, à travers un langage moderne et actuel. Tradition, respect et réinvention. Changement, évolution, sans trahir les principes humains les plus élevés, les fondations. Art sans caractère de fronde. Reconnaissance. On pourrait reprocher à Marine de ne pas avoir exploré des dimensions plus sombres pour nous montrer comment elle est arrivée à cette illumination poétique. Trop de lumière peut aveugler l'oeil non initié, cependant elle nous présente brièvement la bête noire, pour nous montrer qu'elle connaît le danger, les tentations, l'obscurité. C'est juste qu'elle ne veut pas les rendre plus importants. Ils ne méritent pas la gloire. Elle préfère la volupté des éléments. L'origine des anges bucoliques. Marine Rose s'est réinventée dans ce recueil de poèmes, mais elle est restée fidèle à sa vocation, à son chemin mystique, au vol qui l'élève aux dimensions astrales. Nous lui sommes reconnaissants pour son voyage angélique et nous sommes curieux de savoir ce qui va se passer ensuite.

04/2021

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Sciences de la terre et de la

L'Alpe N° 84, printemps 2019 : Observatoires. Un oeil sur le cosmos

De par leur situation géographique singulière (altitude, températures extrêmes, sites isolés), leur réseau très dense d'universités et leur histoire, les Alpes se sont imposées comme l'un des plus importants laboratoires du monde. Une vigie tournée vers le ciel ou les profondeurs de la Terre. Un observatoire pluridisciplinaire, ouvert sur l'astronomie, la météorologie, la glaciologie, mais aussi la physique des particules ou la médecine. Au sommaire : - Après l'observatoire du pic du Midi de Bigorre en 2013, le parc national des Cévennes en 2018, ce sera sans doute cette année au tour du parc du Gantrisch en Suisse de se voir décerner le label " réserve internationale de ciel étoilé " valorisant l'absence de pollution lumineuse. Lancé par les milieux de l'astronomie professionnelle et amateur, l'engouement pour la création de ces parcs d'un nouveau genre a notamment pris corps autour d'observatoires scientifiques de montagne. - Sur les hauteurs de Nice, l'observatoire (1887) ne manque pas d'attirer tous les regards. Cette imposante demi-sphère immaculée marque les temps pionniers d'une architecture singulière appliquée aux observatoires astronomiques. Avec ses mécènes comme le banquier Raphaël Bischoffsheim et ses figures de proue comme Gustave Eiffel ou l'architecte Charles Garnier. - Aoste, Bauges, Baronnies provençales, etc. : les centres astronomiques sont nombreux à ouvrir leurs portes au public. Un guide pratique pour programmer ses prochaines visites. - Arrimée à plus de 3 500 mètres d'altitude sur le col qui sépare la Jungfrau du Mönch, la station scientifique suisse du Jungfraujoch a été, dès les années 1950, un laboratoire sentinelle pour observer la pollution et le réchauffement climatique. Des scientifiques du monde entier continuent d'y ausculter la chimie de l'atmosphère terrestre. - L'histoire de la construction de l'observatoire Vallot en 1890 par Joseph Vallot lui-même. Météorologue, glaciologue, botaniste et cartographe, il fait fi des réticences de tous pour construire un laboratoire à 400 mètres sous le sommet du Mont-Blanc pour y étudier les phénomènes météorologiques ou le mal des montagnes. De ce lieu improbable, il fera un petit bout d'Asie en décorant le salon à l'orientale. - Le laboratoire des rayons cosmiques, bricolé à dos d'homme au col du Midi à partir de 1947, n'aura pas fonctionné plus de dix ans. La théorie des quarks doit beaucoup à cet observatoire de particules élémentaires, le plus haut du genre à l'époque. - Au début du XXe siècle, Angelo Mosso se fait construire un laboratoire sur les pentes du Mont- Rose. Les études que le professeur de physiologie italien va y mener serviront surtout aux troupes de montagne ou aux futurs himalayistes, voire à l'étude de la santé des aviateurs, un métier alors en devenir. - Particulièrement sensible dans les Alpes, le dérèglement climatique actuel bouleverse les modes d'observation scientifique. La montagne bouge. La science aussi. Pour comprendre ces changements très rapides, les chercheurs en sciences de la nature comme en sciences sociales doivent mettre en place de nouvelles méthodes. Dont les maîtres mots sont " co-construction " et " participatif ". Et aussi : - Jean Mohr (1925-2018) nous a quittés en novembre dernier. Il nous laisse des archives imposantes dont une bonne partie est consacrée aux Alpes. - Vu par le " berger Carnino Michel ", le monde pastoral prend des allures truculentes au fil de ses créations à l'Opinel. - José Le Piez sculpte les arbres. Et de ces sculptures, il tire des sons. Invité de la troisième saison de Paysage Paysages, manifestation artistique qui mobil

03/2019

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Religion

La libération du juif

Avant propos pour Édition Folio 2011. Je m’apprêtais à remettre à l’éditeur une copie corrigée de ce livre en vue d’une édition de poche, lorsque la télévision nous apprend le double attentat contre les Coptes d’Alexandrie : vingt-trois morts, une cinquantaine de blessés. Ce n’est pas la première fois que les Coptes égyptiens sont ainsi frappés, parce que chrétiens, donc minoritaires au sein d’une société musulmane. Le hasard a voulu, il y a quelques semaines, qu’une consoeur , Leïla Sebbar, m’a demandé une contribution pour une anthologie qu’elle composait sur l’enfance des Juifs en pays musulmans. Il m’a semblé justifié de l’intituler l’enfance d’un minoritaire. Je me suis alors avisé que je reprenais brièvement un certain nombre de traits dont j’ai souvent rendu compte ailleurs, et qui auraient pu être groupés sous le titre de destin du minoritaire. Certes il s’agit principalement ici du destin juif mais, chemin faisant, j’ai dû le replacer dans la condition générale des minoritaires. Ce qui arrive aujourd’hui aux Coptes se retrouve chez les Kurdes, écartelés entre plusieurs majorités hostiles, dans les Balkans où il n’est pas aisé d’être Croate parmi les Serbes ou Serbe parmi les Croates ; Noir américain parmi leurs concitoyens blancs ou Roms louvoyant entre plusieurs ethnies soupçonneuses. Bien entendu, il faut toutefois mettre en relief la spécificité de chaque condition. Il m’est d’ailleurs arrivé de regretter d’avoir intitulé ce livre la libération des Juifs., ce qui en a détourné les lecteurs indifférents au problème juif ou ceux qui considèrent que, l’antisémitisme s’étant notablement allégé, il ne convient plus d’en parler. Mais l’historiographie juive a ainsi connu d’autres répits, qui n’ont pas empêché (les réveils souvent paroxystiques. En tout cas, si dans les pages qui suivent il s’agit des traits du destin juif, j’ai dû considérer ces traits dans leurs généralités. J’ai dû examiner par exemple la place du trouble langagier commun dans toutes les revendications, le rôle des mythes et des contre-mythes, les valeurs refuges comme la religion ou l’art ; la dialectique entre le refus de soi et l’affirmation de soi ; le mariage mixte ou la conversion comme solution éventuelle aux difficultés de l’intégration, etc. Les faits ont hélas confirmé que l’existence des Juifs parmi les jeunes nations arabo-musulmanes est devenue impossible. C’est pourquoi une solution nationale spécifiquement juive m’a paru la plus adaptée. Dans l’examen du sionisme, je ne me suis pas étendu sur le sort dramatique qui en est résulté pour les Palestiniens ; j’en ai assez longuement parlé ailleurs. J’ai d’ailleurs prôné la fondation d’un Etat palestinien à une époque où même les Arabo-musulmans s’en méfiaient. C’est pourquoi j’ai tout de même noté en bas de page, au chapitre intitulé l’issue, que : « la réconciliation judéo-arabe est notre tâche la plus urgente, la plus nécessaire, historiquement et moralement ». Ce livre n’est ni pessimiste ni optimiste ; il tente de rendre compte de réalités. Les humains étant ce qu’ils sont, personne ne peut affirmer que nous soyons à la veille de sortir enfin de la barbarie et des ténèbres historiques. Nous devons en revanche les dénoncer. Paris, 2011.

05/2011

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Critique littéraire

De l'écolier à l'écrivain. Travaux de jeunesse (1884-1895)

À l'occasion du Centenaire de la mort de Marcel Proust, Classiques Garnier publie le 9 novembre De l’écolier à l’écrivain. Travaux de jeunesse (1884 - 1895), un ouvrage intégralement composé d’écrits inédits de Proust. Cet ouvrage exhume un ensemble de travaux philosophiques et littéraires réalisés par le jeune Marcel Proust dans le cadre de sa scolarité : les premières rédactions enfantines, les dissertations du lycée Condorcet et de la Sorbonne, ses « réflexions » personnelles, un poème en prose et un recueil de maximes dont on n’avait pas soupçonné l’existence.
Cette édition abondamment annotée par Luc Fraisse, tirée du fonds Marcel Proust des archives personnelles de Bernard de Fallois, questionne la culture de l’écrivain en devenir. Le lecteur verra à travers ces pages le style convenu de l’exercice scolaire se muer progressivement en une écriture personnelle, qui annonce déjà celle d’À la recherche du temps perdu.

Ces maximes et réflexions, aucun professeur n’impose au jeune écrivain de les concevoir. Si l’on y reconnaît à l’évidence, au filtre de citations et d’allusions, l’influence des Caractères de La Bruyère et des Pensées de Pascal, qui affleureront tout autant à la surface des phrases de la Recherche, l’heure n’est plus à confectionner un « À la manière de » : la manière est de Proust. Maximes et réflexions se succèdent donc, comme un énoncé de lois générales, autour desquelles papillonnent des possibilités de situations et de personnages romanesques, qui meurent et disparaissent avant d’avoir eu le temps de prendre corps.

« Souvent dans une chambre toute simple, où nous entrons sans aucune pensée de fine volupté, un bouquet de fleurs communes, nous surprenant, envoyant au-devant de nous sa fraîche odeur, nous a fait plus vivement éprouver la puissance des fleurs et du parfum que des promenades dans les expositions de fleurs ou les visites dans un salon fleuri des espèces les plus rares et des spécimens les plus beaux. De même nos plus fortes sensations de musique ne m’ont pas été données au concert ou dans le monde, quand une oeuvre était interprétée par des artistes hors ligne, mais dans le salon de ma mère après dîner, quand j’étais obligé par exemple de rester là pendant sa leçon d’accompagnement donnée par un mauvais professeur de violon et que je m’étais assis avec résignation près du feu avec l’intention de penser à tout autre chose. Quelquefois aussi à la campagne, ou dans un hôtel au bord de la mer, les soirs de pluie où il fallait subir la compagnie et les talents d’une vieille dame viennoise ou d’un jeune russe. Ne m’attendant pas à une jouissance artistique, ne m’évertuant pas à n’en rien perdre, j’étais dans des conditions d’autant meilleures pour la goûter. Je ne m’étais pas fait beau comme en allant au concert pour être admiré des autres auditeurs, puisque j’étais seul ou au milieu d’inconnus. Je ne pensais ni à l’œuvre ni à l’exécutant. J’étais au fond d’un fauteuil, en chaussons, et c’est comme cela que la musique me prenait, et prenait mon âme, non pas vidée soigneusement par l’attention pour mieux la recevoir, mais surprise toute pleine, avec tous ses rêves au nid. » 

Marcel Proust, De l’écolier à l’écrivain, p. 134.

 

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Littérature française

L'arrivant et l'autre

Au départ c'est une simple proposition du second au premier : écrire, ou plutôt s'écrire, échanger des textes. Un essai, une tentative pour comprendre ce qui peut les rapprocher : " L'idée d'un monde qu'on n'accepte pas, dont on sait les urgences. Ecrire pour ne pas céder à la panique. Ecrire pour articuler ce que l'on a à se dire, ce qui bat en nous et ce pour quoi on se bat ", lui écrit-il. Très vite le sujet s'impose, tout simplement parce qu'on ne peut pas ne pas en parler. Les migrants. Il ne s'agit là ni d'informer ni d'analyser. D'autres l'ont fait, le font. Ni même de faire preuve d'originalité, mais d'affirmer un point de vue. Celui d'Européens placés devant la détresse de ces personnes chassées de leur pays par la guerre, la misère, les persécutions, la ruine... Il s'agit de témoigner de ce qui nous bouleverse, brouille notre représentation du monde, trouble nos certitudes. Témoigner, non pas à proprement parler de la situation de ceux qu'on appelle les migrants comme s'ils avaient vocation à ne jamais trouver de point de chute, mais du miroir que nous tendent ces personnes qui, dans le plus grand dénuement, se présentent à nos frontières. "?De qui parlons-nous ??", s'interrogent Eric et Michel. Etrangers, réfugiés, demandeurs d'asile : ces termes expriment une réalité juridique. Clandestins, sans-papiers, immigrés stigmatisent. Expatriés, ce n'est pas cela. Exilés, oui, mais pas seulement. Des arrivants. C'est Michel qui a proposé ce terme après l'avoir entendu à la radio, car tout de suite, il a parlé à son oreille et il a résonné dans sa bouche de comédien. Arrivant. Cependant, comme tous les mots, il ne leur paraît pas tout à fait satisfaisant. Il a le défaut de sa qualité. Suffisamment neutre pour ne pas véhiculer de mauvaises interprétations, trop neutre pour être véritablement politique. Il est vrai au sens où il signifie une réalité mais il est insuffisant. Ils l'ont cependant gardé, face à cet autre qu'est chacun de nous, dans l'attente que se révèle, s'il existe, le mot juste, celui qui dira tout, à la fois le départ, le voyage et l'arrivée, la peur et l'espoir, la solitude, l'attente et la fatigue, la mer et les montagnes, les frontières à franchir, les passeurs, la police et, aussi, les solidarités qui naissent et qui s'affirment. Il n'en est plus si su?r. Elle l'a attendri. Elle l'a se?duit. Mais y avait-il de l'amour dans ses gestes ? C'est peut-e?tre une question qu'il ne devrait pas se poser. Maintenant, il en est certain, s'il l'a aime?e un jour, il ne l'aime plus. Sa petite personne est trop su?re d'elle et trop folle. Elle est capable de tout sur un coup de te?te. Son proce?s ne l'a pas gue?rie. Il faut fuir. Tant que des milliers de kilome?tres ne les se?pareront pas, Frank ne pourra pas refaire sa vie. Ce n'est pas seulement qu'il ne pourra pas refaire sa vie, c'est bien pire que cela : il ne se sentira pas en se?curite?.

01/2018

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Littérature française

L'apprenti bouddha

Un improbable concours de circonstances désigne Léo, jeune trentenaire un peu paumé, comme la réincarnation d'un grand maître bouddhiste. Ce joli conte des temps modernes revisite avec finesse et humour la spiritualité bouddhiste : chacun peut choisir qui il est et réveiller le bouddha qui sommeille en lui... Bien malin celui qui aurait pu prédire que Léo Brillant revêtirait un jour l'habit de Bouddha... C'était sans compter sur un joli coup du sort, orchestré par Tenzin Lobsang Rimpoché, grand maître tibétain officiant dans un monastère bouddhiste de Bourgogne. Avant de mourir, pressentant que son heure a sonné, Tenzin réunit sa confrérie pour leur annoncer qu'il reviendra en tant que 8e et dernière réincarnation de bouddha dans 33 ans, 3 mois et 3 jours précisément, et que ce jour-là, il franchira de nouveau les portes du monastère. Trente-trois ans plus tard, on retrouve Léo, un adulescent paumé de 30 ans qui est retourné vivre chez sa mère en Bourgogne après avoir été licencié - pour la troisième fois consécutive - et largué par sa copine. Bloqué dans le passé depuis que son père est mort quand il avait 14 ans, il passe ses journées à jouer aux jeux vidéo et à lire des BD. Jusqu'au jour où il croise par hasard Emilie, son grand amour du collège. A l'opposé de Léo, Emilie est devenue une véritable working girl qui gère sa vie comme son travail, avec pragmatisme et efficacité. Léo est bouleversé de la retrouver après toutes ces années et l'invite à se revoir. Emilie lui propose de l'accompagner à une cérémonie bouddhiste ouverte au grand public. Il saute sur l'occasion. Quand Léo passe les portes du monastère, son destin bascule. Voyant en lui la réincarnation de Tenzin, les moines lui sautent dessus et se prosternent à ses pieds en l'appelant " rimpoché ". Léo croie d'abord à une farce, puis finit par accepter de jouer le jeu, n'ayant rien de mieux à faire de sa vie. Mais les moines sont profondément ébranlés de découvrir que leur nouveau chef spirituel est un loser fini, et des dissensions éclatent dans la lamaserie. Malgré un début pour le moins compliqué, Léo prend petit à petit au sérieux ce rôle qui lui est tombé dessus, et commence à s'intéresser au bouddhisme. C'est pour lui le début d'une transformation en profondeur qui va l'amener à dépasser ses blocages (faisant, enfin, le deuil de son père), à renouer avec ses aspirations profondes et à grandir. Une histoire drôle et émouvante, une belle leçon de spiritualité qui nous apprend que tout est là, en nous : il suffit de croire en soi pour se reconnecter à sa propre sagesse, trouver son chemin et réaliser ses rêves, sinon qui le fera pour nous ? Un roman qui revisite et dépoussière les enseignements du bouddhisme : " Le bouddhisme est un chemin, et nous sommes le point de départ du chemin " : ce sont nos choix qui créent notre vie, et chacun peut choisir d'être ce qu'il veut. " Tout est en nous " : il n'y a pas de bonheur à chercher en dehors de soi. " Tout est lié... Il faut un univers entier pour créer la possibilité d'une simple fleur " : c'est en se reconnectant à la sagesse du coeur et à l'Amour qu'il est possible de dépasser ses peurs, de s'ouvrir aux autres, à la joie, et à la vie.

06/2020

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Théâtre - Pièces

La statue de temps

La délicatesse. C'est le mot qui me vient à l'esprit à la lecture des poèmes de Gaëtane de Lansalut. Délicatesse et simplicité. Un univers enveloppant bien que minimaliste. La beauté de l'instant saisi dans sa fugacité. L'harmonie des contraires, puisque la statue évoque l'objet lourdement ancré, tandis que le temps, fugace, est par essence volatile. Les mots de Gaëtane ouvrent nos yeux sur ce monde qui nous entoure, et que nous avons perdu l'habitude de contempler. Pas besoin de chichi : une miette de pain, des flocons de neige, le café du matin, la rosée, le soleil levant, le ciel bleu, un caillou, suffisent à éveiller l'intensité de nos sens. La statue de temps est à l'image de l'autrice : sensible et émouvante, drôle et profonde, idéaliste et réaliste tout à la fois. A travers les lignes se devine la quête de l'Absolu dans les moindres détails du quotidien. Mis en scène au théâtre de Nesle, les poèmes de Gaëtane, subtilement interprétés par la comédienne Bérengère Warluzel et accompagnés à la flûte par Julie Huguet, faisaient l'effet d'un temps comme suspendu. Dans son atmosphère clair obscur, dans son dépouillement, la scène ressemblait à une peinture de Georges de La Tour. Intimistes et vibrants, les tableaux de Gaëtane de Lansalut interrogent la vie en même temps qu'ils la célèbrent, avec amour. Virginie Larousse Rédactrice en chef du Monde des religions. Ce sont des poèmes de jeunesse bien souvent, écrits d'une traite sous une impérieuse inspiration qui me faisait prendre le stylo ou la plume (de l'ordinateur) sans attendre. Un trépignement à écrire. De jour, de nuit. Je me suis toujours demandé dans quel état il fallait être pour écrire. Pour être inspiré(e). Que devenait notre conscience ? Dans quel univers fallait-il être pour succomber aux délices des mots bien souvent au bord de l'intime si ce n'est aux marges de l'indicible. Il est apparu que le temps avait une valeur pondérale dans certains de mes textes. Faisant accroitre leur maturation. Puis un déclic. Des textes nés comme ça. Au fil de l'eau. Au fil du temps. Au gré des rencontres. Ce fut celle avec la flûtiste Julie Huguet au Japon, qui a cru en mes textes et les a proposés à la comédienne Bérengère Warluzel pour en faire un spectacle d'une heure au théâtre de Nesle, les jeudis des mois de février et mars 2019. Avec le soutien du metteur en scène Jean-Daniel Laval. Et un projet est né. Une statue de temps qui veut se promener dans les théâtres, les bibliothèques ou les librairies ou chez les gens, dans leur salon, au gré des rencontres là aussi. Poèmes en prose et morceaux de musique s'intercalent judicieusement pour narrer la vie, sous une forme plutôt introspective, sensible et imagée. Chacun pourra y retrouver le thème du temps qui passe, de la vie allègre qui se déroule inexorablement comme pourrait-on dire un voyage. Ce spectacle s'adresse à toutes et tous. Les poèmes nus peuvent aussi être agencés et mis en scène d'une autre manière, avec une autre musique. Ainsi y a-t-il eu une alliance complice de la musique de Johann Sebastian Bach à la flûte et du texte qui a pu émouvoir. Un spectacle à hauteur d'enfant, contemporain et classique à la fois, qui a eu l'ambition folle de nous faire nous réjouir. Car tout, au fond, est à faire avec amour. Gaëtane de Lansalut

04/2021

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Poésie

Abrupte fable

Du surréalisme sous l'occupation allemande à l'aventure expérimentale de Cobra initiée en 1948, Christian Dotremont a traversé son temps en poète qui s'émerveille et s'inquiète à chaque fois du mystère consistant à "? aller et venir ainsi dans la réalité? ". Ses incessantes allées et venues, dont témoigne l'anthologie Ancienne éternité qu'il avait ébauchée sans pouvoir l'achever, le menèrent de Tervuren en Belgique, où il est né, à Zandvoort et à Bruxelles, à Paris et à Copenhague, jusqu'aux confins de la Finlande, dans les villages reculés d'Inari, d'Ivalo, de Sevettijärvi. Au sortir des pensionnats jésuites où il avait reçu son éducation, qui avaient été pour lui des bagnes, il se mit à écrire des vers inspirés par la poésie d'André Breton et de Paul Eluard. Mais surtout, il vouait une admiration fervente à Arthur Rimbaud, dont les poèmes l'accompagneront toujours, même si l'"? ancienne éternité? " qu'il invoque tient plus d'une éternité perdue que d'une éternité retrouvée. Dans un de ses premiers poèmes, il s'adressait d'ailleurs à tous les poètes de seize ans qui vivent et écrivent dans l'obscurité? : "? La poésie est votre forêt, votre chaumière, votre capitale. ? " La poésie fut en effet, pour Christian Dotremont, tout au long de sa trajectoire, un lieu où à la fois on se perd et on se retrouve ? ; un lieu par-delà les oppositions entre étrange au familier, vie et mort, visible et invisible, présence et absence. Ce sont des figures féminines entrevues dans ses rêveries qui l'initièrent d'abord à ces paradoxes, telle Oleossoonne, son "? soleil d'obscurité? ", ou la Reine des murs, personnage qu'il invente pour revoir "? le petit peu d'invisible qui reste ? " de son amour incandescent pour la poétesse Régine Raufast. Après la guerre, une rupture a lieu cependant avec le surréalisme moribond. Sa volonté d'explorer les étendues du rêve se double d'une volonté d'explorer les territoires de la réalité. La découverte des contrées lapones, qui apparaissent sous sa plume aussi envoûtantes qu'hostiles, est alors déterminante. Il éprouve là-bas "? la peur salvatrice de heurter du réel ? "? ; à force de froid mordant, de neiges aveuglantes, de nuits qui durent des mois, "? à force de tant de réel et de route ? ", il en vient à une lucidité nouvelle qui ébranle ses anciens repères. Les grandes étendues qu'il contemple brouillent peu à peu la frontière entre le lisible et l'illisible, ce dont il cherche à témoigner dans ses logogrammes, à la croisée de l'écriture et du dessin, comme dans ses poèmes à thèses, disloqués, qu'il détraque moins pour défigurer ses expériences que pour rendre à son évidence énigmatique ce à quoi elles se heurtent. Sur un autre mode, certains fragments de prose poétique racontent aussi les tourments et les émerveillements de ses voyages, en mêlant notations quotidiennes et étincelles d'inconnu. Au contraire de Rimbaud, qui s'était aventuré toujours plus au sud, jusqu'en Abyssinie, Dotremont s'engage quant à lui toujours plus au nord, jusque dans les climats glacés de Laponie. Il fait preuve cependant d'une volonté semblable à celle du poète revenu des enfers, volonté d'affronter et d'étreindre la "? réalité rugueuse ? ". Apprenant à affronter et à aimer l'hiver absolu, il accumule brouillons, poèmes, dessins, pour approcher l'énigme illisible des étendues blanches, et tenter "? de faire un peu de feu pour quelques autres ? ".

05/2022

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Chine

Origines et defaite de l'internationalisme en Chine 1919-1927. Anthologie

Avec la fin de l'isolement séculaire de l'Empire du Milieu, l'industrie capitaliste moderne s'était développées ur les côtes et le long des grands fleuves. Entrée en contact avec un mode de production supérieur, le mode capitaliste, la structure économique de la Chine était contrainte de se différencier et entrait en crise. L'unité du marché chinois, basée sur une homogénéité du mode de production, se brisait et on voyait se créer toute une série de marchés qui gravitaient autour du commerce des différentes puissances impérialistes. De fait, même si un seul Etat survivait il n'existait plus une Chine, mais plusieurs Chines, où le pouvoir réel était aux mains des seigneurs de la guerre. la première tache de la révolution démocratique-bourgeoise était donc l'unification, le rétablissement de l'unité étatique, et pour ce faire elle devait combattre contre toutes les puissances étrangères qui avaient intérêt à maintenir la division de la Chine, pour pouvoir utiliser chacune sa part de marché. Le développement du capitalisme en Chine avait entraîné le développement du prolétariat moderne ; notre anthologie reconstitue les étapes et les modalités de l'entrée en scène de cette classe ouvrière dans la vie économique, sociale et politique de la Chine entre 1919 et 1927. les bas salaires, les longues heures de travail, les lamentables conditions de sécurité et d'hygiène, les accidents du travail, les maladies professionnelles, les punitions corporelles, tous ces éléments se coalisèrent pour créer une nouvelle force sociale. En juin 1919, la première génération d'ouvriers en Chine entama une nouvelle époque de luttes ouvrières ; avec peu d'expérience historique et sans forte tradition de classe, elle se lança dans des grèves de revendication et dans la bataille politique. Elle n'avait pas encore acquis une conscience de classe, mais la situation dans laquelle elle vivait était plus que mOre pour son action. la spontanéité ouvrière se heurta à la féroce répression du patronat, des seigneurs de la guerre et de la main de fer des puissances impérialistes. Au cours de cette vague de grèves trade-unionistes se formèrent les syndicats modernes en Chine, surtout dans les régions côtières et en Chine centrale. Cette avant-garde fit preuve d'un esprit de sacrifice exceptionnel dans la lutte, mettant à la disposition de internationale son audace, sa vigueur et sa combativité. En plus des syndicats modernes, le premier cycle de luttes ouvrières fut marqué par la naissance du Parti communiste chinois (PCC) en juillet 1921. Dès sa fondation, l'Internationale communiste envoya quelques représentants en Chine pour diriger ses premiers pas. Le 21 janvier 1924, Lénine mourut. Pour le groupe dirigeant de l'IC s'ouvrit une phase de confusion stratégique, qui allait rapidement dégénérer dans la synthèse du capitalisme d'Etat russe, personnifiée par la thèse de Staline de la construction du socialisme dans un seul pays. Pour le jeune parti communiste de Chine, qui n'avait que trois ans d'existence, des années de marche sans boussole commençaient. Dans l'intérêt d'un accord avec les grandes puissances et les étrangers, Tchang Kaï-chek coupa les artères du mouvement révolutionnaire. Détruit et vaincu comme parti ouvrier, le PCC devint l'expression du courant populiste paysan de Mao Zedong. Il a fallu un siècle pour que la Chine réalise sa métamorphose économique et sociale ; pays semi-colonial au début du XXe siècle, pays de jeune capitalisme dans les années 1960, puissance émergente de impérialisme aujourd'hui. L'histoire de la Chine durant les cent dernières années est l'histoire de ce passage. Hier elle subissait invasion des capitaux et des produits bon marché de l'Occident, aujourd'hui elle envahit le globe de ses produits et exporte ses capitaux dans les cinq continents. Hier l'Occident brisa les murailles érigées pour Isoler l'Empire céleste, aujourd'hui c'est l'Occident qui doit faire face à des tentations répétées de protectionnisme contre les exportations modernes de la Chine. Hier la Chine fut une proie de l'impérialisme, aujourd'hui elle réclame sa place à la table du partage du monde. On tente à présent d'ensevelir sous une épaisse couche d'oubli le souvenir du puissant mouvement ouvrier qui secoua les villes chinoises de 1925 à 1927. A l'époque, la classe ouvrière n'avait pas la force du nombre ; aujourd'hui la masse des salariés s'est énormément accrue. Si le développement du capitalisme s'accompagne inévitablement de la lutte économique, ces salariés trouveront dans la meilleure tradition syndicale et politique des premières générations d'ouvriers les raisons d'un engagement internationaliste.

03/2021

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12 ans et +

Fleurs d'Oko

Laëtitia Danaë revient fort avec la nouvelle série " Fleurs d'Oko ", après la saga à succès " Lune pourpre " ! Une nouvelle galaxie de personnages, un esprit Fantasy avec du souffle mêlant chamanisme et roman d'apprentissage pour la jeune Oko issue de la tribu Cendrée. Combats, amour et formation... le premier tome dévoile un univers onirique fantastique ! L'histoire prend place au royaume de Sangaré, une société matriarcale subdivisée en plusieurs tribus, aussi appelées " terres ". La capitale (terres d'Ivoire) en est le noyau central. Plus les terres sont proches de la capitale, plus elles bénéficient de privilèges. Ex : Oko la Cendrée vient de la tribu Cendrée, qui fait elle-même partie du Lointain. Aux yeux de la royauté, ces terres ne présentent qu'un intérêt limité. Dans cette société, la religion est omniprésente. On prie une grande Déesse, mère de toute chose, reconnue pour sa sagesse et sa bonté. On dit qu'elle a attribué les pleins pouvoirs aux femmes, et que, depuis, il leur incombe de diriger pour prendre soin du monde qu'elle a créé. Ainsi, les femmes sont les grandes décisionnaires de cette société, ce sont elles qui mènent le monde. Les hommes, eux, sont chargés de réaliser les travaux les plus pénibles et de faire la guerre pour elles, tout en leur obéissant aveuglément. Une infime partie de la population masculine est dotée de pouvoirs magiques. Il est extrêmement rare qu'une femme bénéficie de ce don. Oko est une jeune fille qui a grandi auprès d'un père aimant et d'une mère souvent absente. A l'âge de 16 ans, son père, ainsi que tous les hommes de son village, a fait l'objet d'une cueillette afin d'aller mener une guerre de conquête pour la reine. Son père n'en est jamais revenu. Sa mère, Diango, dirige le village avec les autres sages depuis longtemps. Ses stratégies et ses bons conseils sont respectés par tous. Après la mort de son époux, elle fuit ses responsabilités de mère en embrassant sa carrière de dirigeante. Tant et si bien qu'elle est recrutée par une autre tribu, plus proche de la Capitale que la tribu Cendrée. Depuis plusieurs années maintenant, elle néglige sa fille et ne vient plus la voir... Oko a 22 ans le jour où elle apprend que Shomari l'Amaranthe recherche un aspirant pour lui succéder. Reconnu comme le plus grand envoûteur du monde, il a oeuvré aux côtés de la reine d'Ivoire, de sa mère avant elle et même de sa grand-mère. Après de bons et loyaux services, Shomari désire passer la main. Pour cela il voyage dans tout Sangaré, à la recherche d'un apprenti à la hauteur. N'ayant plus de points d'accroche dans son village, Oko décide de se présenter à Shomari. Elle sait que ses chances sont limitées, car il est connu que les pouvoirs magiques, lorsqu'ils sont maniés par une femme, ne sont pas aussi étendues et puissants que ceux d'un homme. De fait, elle sera fatalement désavantagée face aux autres.

01/2021

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Littérature étrangère

L'argent a été viré sur votre compte

Un thriller au suspense haletantÀ un homme venu passer un entretien d'embauche, on demande la surface de son appartement. Car l'emploi dont il est question consiste à stocker, moyennant une forte rémunération, toutes sortes d'objets chez lui. Un contrat est signé. Peu à peu, l'appartement se retrouve envahi par un bric-à-brac de meubles qu'on y déverse jour et nuit. L'homme doit bientôt rester en permanence chez lui pour accueillir les livreurs, qui ne prononcent qu'une seule phrase : « ?L'argent a été viré sur votre compte? ». À mesure que gonflent les économies de l'homme, l'atmosphère de l'appartement devient littéralement irrespirable. Pendant ce temps-là, dehors, la mère du jeune homme doit être hospitalisée, son meilleur ami peintre tente de le mettre en garde contre les termes de ce drôle de contrat, tandis que sa petite amie lui conte la situation dans la ville, où une révolte gronde... Un roman noir et psychologique que vous ne pourrez pas lâcherEXTRAIT Emmitouflé dans une grosse écharpe bien serrée, je me frottais les mains l'une contre l'autre pour me réchauffer. Avec ce froid de tous les diables, j'étais incapable du moindre mouvement. Adossé contre le mur blanc, je jetais un regard anxieux toutes les vingt secondes en direction de la porte à demi fermée, en me disant que quelqu'un finirait bien par se montrer et m'autoriser à passer. D'après mes calculs, cela faisait au moins deux heures que je patientais, peut-être plus. La fille de l'accueil m'avait assuré qu'on ne tarderait pas à me recevoir, elle m'avait simplement prié d'attendre un peu car j'étais arrivé pile au moment où les directeurs de la société entamaient leur réunion hebdomadaire. Durant ces deux heures d'attente, nulle âme qui vive dans la salle hormis cette secrétaire qui avait fait une ou deux apparitions, transportant un plateau garni de verres pleins. J'eus envie de lui demander si on allait me recevoir bientôt pour l'entretien mais j'en fus incapable, réfrigéré que j'étais par la température hivernale et recroquevillé dans mon manteau. CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE - "L'argent a été viré sur votre compte est "thriller sociétal" tendu, à l'écriture simple et elliptique, sur la futilité des désirs, la cupidité à l'ère de la surconsommation, sur la définition du bonheur vu par l'homme moderne, les sacrifices faits en espérant un bien-être matériel qui ne viendra même peut être jamais... L'expérience d'une sorte de purgatoire sur Terre, une allégorie de la vie, courte et si précieuse qu'elle ne s'achète pas, dans une lecture qui se fait d'une traite et laisse à bout de souffle... " (Séverine Laus-Toni)- "Un rythme qui donne le tournis comme le malaise étouffé du narrateur. Sotakis : un auteur à suivre dont on attends le prochain roman avec impatience." (Kevin Juliat)- "Ce roman étouffant propose une fable sombre et brillante sur l'abandon d'autonomie." (François Perrin, TGV Magazine)A PROPOS DE L'AUTEUR Dimitris Sotakis est né à Athènes en 1973. Il a étudié la musicologie à Londres et a publié son premier livre en 1997. Son ouvre a reçu de nombreux prix et ses livres connaissent un succès croissant en Grèce et plus largement en Europe. L'argent a été viré sur votre compte a remporté le Prix Athènes de Littérature en 2010. C'est le premier roman de Dimitris Sotakis à être traduit en français.

03/2014

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Ecrits sur l'art

La folie du regard

Dans la première partie de cet essai, Laurent Jenny, à travers les images de l'art, s'intéresse aux turbulences du regard. La diversité de ces images révèle en effet que le regard est loin d'être une donnée naturelle, simple et commune. Chaque époque, chaque artiste et chaque medium redessinent une extension différente du visible, et remodèlent des usages dans le champ très vaste qui est celui du visible. Il y a loin des figures paléolithiques superposées émergeant pour quelques rares initiés d'une matrice minérale enveloppante et secrète - aux tableaux luxueux, surchargés de symboles savants et d'allusions aux pratiques sociales que constituent les peintures du Quattrocento. Tout comme les peintures éloquentes de l'âge classique s'opposent, par leur discours implicite, au type de contemplation muette appelé par les tableaux "silencieux" de l'âge moderne, de Manet à Morandi. Ce n'est d'ailleurs pas seulement la connivence du regard avec l'intelligible qui se transforme, mais aussi son appel aux autres sens, notamment le tactile, ainsi qu'en témoigne encore aujourd'hui une oeuvre comme celle de Giuseppe Penone, qui cherche passionnément à étendre la sensibilité optique à la surface entière de la peau. Les technologies de l'image ont aussi leur part dans cette constante redéfinition du voir. La photographie a ainsi délibérément réduit le point de vue au monoculaire et astreint le regard à un battement, non sans effets temporels. A l'inverse, les spectacles immersifs de l' "atelier des lumières" , veulent produire l'illusion que le champ du regard est à la fois mouvant, sans bords et infini jusque sous nos pieds. Cependant le pari que fait Laurent Jenny, qui est aussi celui de l'art, c'est que toutes ces images si diverses nous parlent et nous atteignent au-delà des significations qui ont été celles de leur temps et des intentions de leurs auteurs, au-delà même des circonscriptions de regard qui les régissaient. C'est précisément leur dimension énigmatique qui aiguise notre attention à elles et découvre dans notre propre regard des régions ignorées. Cela ne va pas sans déchirure de nos habitudes perceptives, ni retentissement émotionnel et éthique. Et ce sont ces chocs dont Laurent Jenny s'efforce de rendre compte dans la patience de l'écriture. La seconde partie de cet essai propose donc une déambulation libre et subjective à partir d'images énigmatiques et un approfondissement de leur étrangeté. Laurent Jenny s'y interroge ainsi sur le trouble que produit la facture porcelainée et cruelle des Judith de Cranach ou sur la dimension secrètement apocalyptique d'un tableau supposément aussi galant que "La fête à Rambouillet" de Fragonard. Il questionne l'anachronisme optique des oeuvres "qui ne sont pas de leurs temps" , comme les huiles italiennes de Valenciennes ou de Thomas Jones. Il se penche sur les horizons obstinément bouchés de Courbet, qui font refluer le regard vers la matérialité épaisse des surfaces. Il cherche à comprendre la puissance du monde graphique de Seurat dont les figures "absorbantes rayonnantes" semblent dotées d'une pesanteur nocturne et solitaire intimement liée au monde chromatique restreint du noir et blanc. Il relève les stratégies de Matisse pour domestiquer au-dedans l'espace effrayant du dehors. Dans Louons maintenant les grands hommes, il confronte la sécheresse des photographies de Walker Evans, illustrant la vie nue des petits blancs pauvres d'Alabama et la prose incandescente d'Agee comme deux traductions de la même expérience visible. Et enfin il retrace les tourments de Giacometti vivant une forme de "folie du regard" en essayant vainement de saisir le visage de son modèle japonais Yanaihara. En définitive, à travers ces réflexions et ce parcours dans les images de l'art, il s'agit pour Laurent Jenny de rouvrir le champ du regard à son extension variable, à ses connivences passagères et à son essentielle indétermination.

03/2023

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Monographies

Le Songe d'Ulysse

L'Odyssée est un livre, un mythe, un monde. Aujourd'hui, à la villa Carmignac, c'est une exposition, inspirée par Ulysse, le héros grec qui après la guerre de Troie (L'Illiade), navigua dix ans durant pour retourner sur son île. Le roi d'Ithaque aurait touché, dit la légende locale, dans son errance au rivage de Porquerolles. II y aurait combattu et terrassé l'Alycastre, ce monstre envoyé par Poséidon et sculpté par Miquel Barceló à l'entrée de la Villa. C'était suffisant pour faire de L'Odyssée, et de l'île, le point de départ d'une exposition-expérience, " Le Songe d'Ulysse ", distincte du texte d'Homère, où le visiteur s'embarquerait pour une aventure personnelle et intime. La villa Carmignac, tout entière avec le jardin, devient un labyrinthe structuré par une scénographie qui en accentue le concept, avec ses impasses, ses détours, ses surprises. Le long retour d'Ulysse n'est-il pas un voyage labyrinthique dessiné sur la mer ?? Symbole universel, magique, tout à la fois spirituel et ludique -? du labyrinthe du Minotaure à celui de la cathédrale de Chartres ou à celui, "? végétal ? ", de Franco Maria Ricci à Parme ? -, le labyrinthe invite à un vertige des sens et de l'esprit. Le visiteur, tel un Ulysse contemporain dérivant dans cet espace, est constamment placé face à des choix. Prendre ce chemin plutôt qu'un autre, tourner à droite plutôt qu'à gauche, voir une oeuvre et pas une autre. Allégorie des choix que chacun fait dans l'existence, "? Le Songe d'Ulysse ? " entend ainsi évoquer, sans l'illustrer, l'expérience de ce voyage homérique. Le visiteur désorienté, circulant dans cet enchevêtrement d'espaces où sont présentées les oeuvres, devrait être conduit de rencontre en rencontre ? : chaque oeuvre devient alors un personnage. Personnages féminins fantasmés, monstres et leur potentiel d'épouvante, héros, êtres fabuleux, animaux -? le visiteur est placé face à la variété des formes imaginaires du visage, y compris lorsqu'il est défiguré. De sensation en fabulation, de l'étonnement à l'émerveillement, ce labyrinthe souterrain, qui se poursuit au premier étage et dans le jardin, représente en soi une initiation esthétique. Ne faut-il pas pour accéder à l'art et à son enchantement que chacun puisse faire son chemin, au risque de l'égarement ?? C'est aussi le sens de cette exposition ? : l'image de l'expérience que chacun fait de l'art. Les choix, entre libre arbitre et déterminisme, esquissent pour chaque visiteur une exposition unique, conditionnée par les prises de décisions et les renoncements. A travers son chemin, le visiteur met à l'épreuve l'art dans sa vocation à éclairer nos existences et à nous orienter, voire à nous désorienter, dans ce dédale. Des peintures, des installations, des sculptures, des photographies, des tapisseries aussi... qu'est-ce qui nous touche en elles ?? Sommes-nous sensibles à leur appel ?? Restons-nous contemplatifs, effrayés ou agacés à leur vue ?? Ou sortons-nous grandis de leur rencontre ?? La Fondation Carmignac, créée en 2000 à l'initiative d'Edouard Carmignac, est une fondation d'entreprise qui s'articule autour de deux axes principaux ? : une collection d'art contemporain, qui comprend actuellement plus de 300 oeuvres, et le prix du photojournalisme, soutenant annuellement un reportage d'investigation qui fait l'objet d'une exposition et d'un catalogue. Depuis juin 2018, en partenariat avec la Fondation, la Villa Carmignac, un lieu d'exposition accessible au public, a été créée sur l'île de Porquerolles afin de proposer des expositions temporaires, un jardin habité par des oeuvres spécialement créées pour le lieu, ainsi qu'une programmation culturelle et artistique.

06/2022

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Psychologie, psychanalyse

La faim du petit poids. Chroniques anorexiques

Voici un livre qui ne va pas vous laisser indifférents. D'abord parce qu'il parle d'un sujet grave, d'une maladie, l'anorexie mentale. Mais aussi parce que ce n'est pas un énième ouvrage scientifique écrit par un thérapeute quelconque. Non, il s'agit du journal précis et détaillé d'une jeune fille, elle-même anorexique, qui a su détailler, décrire et même expliquer les symptômes de sa maladie, ses conséquences ainsi que les mécanismes physiques et psychiques qui la caractérisent. Un témoignage forcément indispensable, une véritable analyse clinique parfaitement documentée, vécue de l'intérieur. L'auteure a ainsi particulièrement bien compris les raisons de son mal et l'impuissance du corps médical en la matière, lequel continue de croire qu'il suffit de nourrir l'anorexique pour le guérir. Tout en expliquant qu'on n'en guérit jamais, en réalité. Tantôt sombre, tantôt pleine d'espoir, l'écriture syncopée nous plonge presque immédiatement dans une sorte de transe, irrésistible, étouffante même parfois. On ne lit plus Alexia, on devient Alexia, par la magie et le rythme hypnotique de mots qui viennent des tripes. Véritable radiographie de son état intérieur, sa prose rythmée donne forme et vie à l'anorexie, la transformant tantôt en monstre, tantôt en double maléfique de l'auteure, suggérant même parfois une entité de substitution à ce père jamais connu. Non pas un livre, finalement, mais plutôt cinq en un : Un livre-démonstration pour comprendre ce qu'est VRAIMENT l'anorexie mentale. Un livre-thérapie pour la jeune écrivain en devenir dont on ne peut que ressentir le puissant souffle littéraire. Un livre-soutien propre à porter la voix des anorexiques, mais aussi de tous ceux qui, confrontés ou non à la maladie chez un proche, se trouvent souvent désemparés par des comportements qu'ils ne comprennent pas. Un livre-document qui expose avec intelligence et sensibilité tout ce que l'anorexie engendre comme contraintes, décortiquant l'ambiguïté des rapports conflictuels avec soi-même comme avec les autres dans une quête perpétuelle et inassouvie d'amour, révélant aussi la masse de souffrance physique et psychique ressentie par l'anorexique qui refuse pourtant l'idée qu'il est malade. Un livre-référence enfin, qui propose de vraies pistes de réflexion et des suggestions pour une meilleure prise en charge de cette pathologie parfaitement réelle, véritable cancer de l'âme dont le malade n'est ni coupable ni même responsable, en dépit de ce que la plupart des gens, médecins et psys compris (!) auraient tendance à croire. À 18 ans tout juste, Alexia Savey est à ce jour le plus jeune auteur des Éditions KAWA. Mais c'est aussi un fantastique paradoxe : la force d'un lion dans le corps d'une enfant, brindille qu'on découvre aussi robuste qu'un chêne. Car Alexia est anorexique, depuis cinq ans, malade d'un corps qui ne sait pas résister aux tortures de l'esprit. Mais Alexia a décidé de s'en sortir ! Et son combat passe d'abord par l'écriture, ainsi que par le dessin (elle envisage d'exposer prochainement ses œuvres). Or, si elle a commencé cette guerre contre l'anorexie pour elle-même, elle souhaite aujourd'hui se battre également pour faire évoluer la vision de cette maladie cruelle, ainsi que sa prise en charge, et pourquoi pas l'approche thérapeutique dont elle connaît trop bien les effets... comme les limites. Son projet #Défifood : À la recherche des papilles perdues constitue désormais la partie visible de son action. Quant à son cri de ralliement, « La Faim du Petit Poids », véritable marque de fabrique qu'elle revendique un partout sur Internet, sur son blog, sur les réseaux sociaux, dans son livre, dans la vraie vie (avec son association du même nom), il résume à lui-seul la détermination dont elle fait preuve au quotidien et qu'elle souhaite aujourd'hui communiquer à tous ceux qui en ont besoin.

09/2015

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Littérature française

Idées de la nuit. Suivi de L'Homme-Balai

Idées de la nuit poursuit, dans sa forme quasi nietzschéenne, faite de courts chapitres qui sont autant de poèmes en prose, le chemin ouvert par Traité des sirènes, paru il y a deux ans au Bruit du temps. Mais, si la musique n'est pas absente du présent livre, avec des chapitres comme "Le chant dehors" , ou "La cigale" , la réflexion porte ici, de manière plus générale, sur la poésie, le fait poétique de la lumière : comment cette "autre clarté" qui, chez Hölderlin est donnée au poète mais qui, pour Philippe Beck semble dans le tunnel de l'époque sans cesse rejetée, et devant donc être tout aussi inlassablement cherchée, gagnée sur l'obscurité. Tout le livre peut apparaître comme une suite de variations sur ce thème des relations du clair et de l'obscur, de la poésie et de la nuit ; en même temps qu'il propose une sorte de panorama de ce thème poético-philosophique, de Platon ("La fin de la caverne") aux romantiques ("Le goût pour la nuit, une bizarrerie") et jusqu'à Mandelstam ("Projet de suppression de la lune"). Mais il y a surtout, dans ces pages, une tentative de créer une sorte de nouvelle cosmogonie, une "phénoménologie spéculative frottée de réel" , pour reprendre les mots que lui-même utilise pour définir l'oeuvre de Merleau-Ponty. Et cela afin de décrire de manière absolument inédite le monde, l'homme, l'origine de la pensée, en n'hésitant pas à convoquer les "tournoiements intuitifs" de l'étonnant Jean-Pierre Brisset (dont on doit la redécouverte à l'Anthologie de l'humour noir d'André Breton). Philippe Beck affirme ici une fois de plus son refus de la nuit pure de l'idéalisme platonicien, sa volonté de décrire notre condition d'hommes reliés par les paroles et les pensées, et plaide pour le poète chercheur qui fait danser les idées ou joue le rôle de l'éclaireur, sachant que ce monde-ci détient tous les secrets qu'il exprime. L'homme-balai, le deuxième livre de ce recueil est comme une mise en application pratique de cette ambition proclamée. Dans ce Journal de "non confinement" (parce qu'il ne s'agit en rien d'un journal intime mais de paroles non-cloisonnées, toujours adressées à un autre que soi) tenu quotidiennement en 2020, Philippe Beck tente de comprendre le sens de l'expérience que fut ce "moment de césure évidente" et de contrainte sédentaire. Il analyse en philosophe et en poète les éléments qui ont été le propre de ces journées - les applaudissements aux soignants ("La parole des mains"), le masque ("La rareté masquée"), etc. Un tel regard, sans cesse nourri de citations merveilleusement appropriées, se révèle particulièrement réjouissant et éclairant lorsque, au coeur du livre, Beck pousse à son terme l'idée de Swift voyant dans ses contemporains affublés de perruque des hommes-balais et montre que l'homme pollueur d'aujourd'hui, soulevant lui-même une poussière qu'il peine à effacer, est en réalité à l'inverse du sympathique balai "rendant propre en étant sale lui-même et aidant à nourrir le feu" . Ou lorsque, moderne La Fontaine, il convoque pour décrire le monde dans lequel nous vivons "des animaux respectés et réels (non idéalisés), exactement comme aux fables" . Philippe Beck, tout au long de ces pages, ne cesse de mobiliser une armée de métaphores, seules armes selon lui capables de former "une santé, une force de découpe dans les douleurs, pour aider à montrer les yeux différents qui regardent des choses prochaines" . En réponse aux "extrêmophiles" , il ose opposer la bonté profonde du poète qui "crée de nouvelles images actives" .

03/2023

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Littérature française

Mélancolie vandale. Roman rose

Dans Berlin réunifiée, Kornelia Sumpf, cinquante-trois ans, (“fruit débile des amours d’une charogne et d’un fossoyeur”) condamnée à rester à jamais “une empotée de l’Est”, travaille comme interprète à la prison de Moabit où le détenu est souvent basané et insuffisamment germanophone. Elle est désormais la compagne, prétendument comblée, d’un homme plus jeune qu’elle, Ali, son ultime conquête, qui a été élevé, dans ce qui fut Berlin-Ouest, par une mère turque, richissime et foutraque, prénommée Utkügul, dont la fortune permet à son aboulique de fils de passer son temps en tête-à-tête avec l’écran de son ordinateur (et les vidéos pornos afférentes). Bien avant de rencontrer Ali, l’homme aux “lèvres-saucisses”, Kornelia a adopté la petite Viorica, d’origine roumaine (on dira “Rom”, sous peu), devenue une pré-adolescente paumée, d’humeur aussi maussade que le temps qui sévit à Berlin, en cet hiver 2010, et dont la fascination pour la société de consommation triomphante entraîne des échanges aussi fréquents qu’embarrassants avec la puissante caste que forment les vigiles de supermarchés. Afin d’échapper à la suffocante emprise de la dévoratrice Utkügul, restée “à l’Ouest”, le couple turco-germanique, fier de sa mixité, vit dans le modeste (et peu amène) pavillon familial de l’ancien Berlin-Est dans le quartier de Lichtenberg, où, cloué sur un fauteuil roulant, le père de Kornelia, dit “petit-papa”, achève son existence dans la hargne et ce mutisme aussi “réflexe” que tactique auquel l’a rompu sa longue expérience de communiste impénitent et de délateur professionnel aux temps “heureux” de la stasi. A son corps défendant, et comme à son insu, sa fille Kornelia, quand elle a terminé sa journée de “traductrice du malheur” à la prison de Moabit, semble passer son temps à traverser dans les deux sens un Mur qui n’existe plus, comme si ce dernier faisait défaut à l’ordre bénéfique naguère providentiellement assigné à l’univers. En proie à des nostalgies bancales et à des haines confuses, cette femme de devoir, au sourire (socialiste) inoxydable mais dont la jeunesse s’enfuit inexorablement, l’est en effet aussi à des désirs, désordonnés et violents, sur lesquels elle n’est pas en mesure de mettre un nom, sinon celui de sexe (par provocation, impuissance et manque d’imagination réunis) ou de consommation (activité enfin autorisée, sinon prescrite). Mais, dressée par la rda, une Kornelia Sumpf ne peut rêver de posséder une Audi que juchée sur la selle de son vélo, prolétaire symbole d’une liberté de circulation qui s’étend désormais jusqu’à la célèbre Alexanderplatz (oncques immortalisée par Döblin et à présent livrée aux promoteurs). Sur son vélo, Kornelia roule, dérape dans la neige, tombe, se blesse, rencontre le parcours d’un marathon en folie où des vieillards cacochymes repoussent leurs limites au risque de leur vie, fait des rencontres, assiste à des accidents, se trompe de chemin, se met en retard, nouvelle Alice déjantée au pays sans merveilles, se cherche un avenir, une histoire qui serait enfin à elle et comblerait le manque, souffrant, sans le comprendre, du temps qui passe, de l’inassouvissement, de la solitude harassante qui règne dans une ville qui, pour avoir fait de la notion de communauté retrouvée son nouvel étendard, fièrement brandi à la face du monde, n’a, à l’instar de l’Europe dite unie, réussi à se fonder en transmission d’aucune sorte. Aussi mal à l’aise vis-à-vis d’un passé familial caviardé que frustrée par le morne présent qui lui est dévolu, cette “femme gauchère” porte sur ce qui l’entoure un regard tour à tour exalté et agressif, qui, tout en “scannant” avec trop d’ironie une vie sans espoir et des destinées sans grandeur (vieillards en déshérence ou “actifs” aliénés s’entassant dans l’enfer du métro), lamine les mythologies de la défunte rda comme les illusions de l’Allemagne nouvelle. Dans le décor chaotique d’une modernité violente placée sous le signe du marché libéral qui a pris ses quartiers en des lieux où, hier encore, sévissaient de tout autres mœurs et pratiques, sous les cieux plombés d’une ville immense dont la division fut l’un des symboles majeurs du xxe siècle, se déploie, tel un plan crypté (et cruellement poétique), l’impitoyable cartographie d’un monde aussi interdit d’authentique mémoire qu’il est assujetti au “devoir” de célébrer sans trêve cette dernière, quitte à la soumettre à une marchandisation aussi décomplexée que florissante. Ecrit à “l’impersonnel” (au “on”), Mélancolie vandale (non sans dérision sous-titré : roman rose) propose avec cet hommage paradoxal et désabusé rendu à une ville emblématique, une vision de nos temps contemporains aussi désespérée que lucide. Tant il est vrai que, avec ce roman puissamment baroque, aussi tragique que farcesque, Jean-Yves Cendrey, en avatar de Jérôme Bosch (ou en passager sidéré embarqué sur quelque nef des fous), semble ici sonner l’alerte sur la renaissance possible de la “bête immonde”, ce monstre familier aux multiples visages si prompt à prospérer, en temps de paix, sur tous les territoires abandonnés à sa férocité vorace.

01/2012

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Littérature érotique et sentim

Mémoires de J. Casanova de Seingalt, écrits par lui-même Tome 8 : Première partie

Casanova lui-même nous fait le récit de sa vie riche et dense, dans laquelle séductions et aventures sont intimement liées...POUR UN PUBLIC AVERTI. Les Mémoires de Casanova sont écrits entre 1789 et 1798. Publiés à titre posthume en 1825 dans une version censurée, ils sont mis à l'index en 1834, avec les autres ouvres de l'auteur. Cette autobiographie, qui se lit comme un roman, retrace non seulement les amours passagères et libertines du célèbre auteur, mais également sa vie d'aventurier vénitien, parcourant les capitales de l'Europe et embrassant tour à tour les carrières d'abbé, de militaire, de poète, de magicien, d'espion, etc. Casanova a vécu en homme libre de pensée et d'action dans un siècle des Lumières dont il est un des représentants. Découvrez en détail le destin d'un auteur incontournable de la littérature libertine et européenne !EXTRAITJe commence par déclarer à mon lecteur que, dans tout ce que j'ai fait de bon ou de mauvais durant tout le cours de ma vie, je suis sûr d'avoir mérité ou démérité, et que par conséquent je dois me croire libre.La doctrine des stoïciens et de toute autre secte sur la force du destin est une chimère de l'imagination qui tient à l'athéisme. Je suis non seulement monothéiste, mais chrétien fortifié par la philosophie, qui n'a jamais rien gâté.Je crois à l'existence d'un Dieu immatériel, auteur et maître de toutes les formes ; et ce qui me prouve que je n'en ai jamais douté, c'est que j'ai toujours compté sur sa providence, recourant à lui par la prière dans mes détresses, et m'étant toujours trouvé exaucé.Le désespoir tue ; la prière le fait disparaître, et, quand l'homme a prié, il éprouve de la confiance et il agit. Quant aux moyens dont le souverain des êtres se sert pour détourner les malheurs imminents de ceux qui implorent son secours, cette connaissance est au-dessus du pouvoir de l'entendement de l'homme qui, dans le même instant où il contemple l'incompréhensibilité de la providence divine, se voit réduit à l'adorer. Notre ignorance devient notre seule ressource, et les vrais heureux sont ceux qui la chérissent. Il faut donc prier Dieu et croire avoir obtenu la grâce que nous lui avons demandée, même quand l'apparence nous montre le contraire. Pour ce qui est de la posture du corps dans laquelle il faut être quand on s'adresse au Créateur, un vers de Pétrarque nous l'indique : " Con le ginocchia della mente inchine. " (" De l'âme et de l'esprit fléchissant les genoux. ")A PROPOS DE L'AUTEURGiacomo Girolamo Casanova (1725-1798) est un aventurier et auteur de la République de Venise. Il est connu comme celui dont le nom est entré dans le vocabulaire de la séduction. A la fin de sa vie, il s'établit à Dux en Bohème, pour se consacrer pleinement à l'écriture, et rédige pendant près de dix ans ses mémoires, en français. Son autobiographie est une des sources les plus denses et authentiques des us et coutumes de la société européenne du XVIIIe siècle. A PROPOS DE LA COLLECTIONRetrouvez les plus grands noms de la littérature érotique dans notre collection Grands classiques érotiques.Autrefois poussés à la clandestinité et relégués dans " l'Enfer des bibliothèques ", les auteurs de ces ouvres incontournables du genre sont aujourd'hui reconnus mondialement. Du Marquis de Sade à Alphonse Momas et ses multiples pseudonymes, en passant par le lyrique Alfred de Musset ou la féministe Renée Dunan, les Grands classiques érotiques proposent un catalogue complet et varié qui contentera tant les novices que les connaisseurs.

03/2018

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Critique littéraire

Études germaniques - N°4/2014. Hommage à Friederike Mayröcker Pour son 90e anniversaire

Inge ARTEEL Biographie einer Biographielosen Based on my experiences writing a monographical biography of Friederike Mayröcker I explore some dilemma's and paradoxes of biographical writing, both in the texts of Mayröcker herself and in the writing about her texts. In her prose texts as well as in paratexts Mayröcker cites and parodies conventions of (auto)biographical literature ; referential truth is both suggested and thwarted. When writing a biographical portrait, these ambivalences should be taken into account. En me fondant sur mon expérience d'écrire une biographie monographique de Friederike Mayröcker, j'examinerai quelques dilemmes et paradoxes de l'écriture biographique dans les textes de Mayröcker même et dans les écrits qui traitent de ses textes. Dans ses textes en prose ainsi que dans les paratextes, Mayröcker cite et parodie des conventions de la littérature (auto)biographique ; la vérité référentielle est en même temps suggérée et troublée/contrariée. Lors de l'écriture d'un portrait biographique, ces ambivalences doivent être prises en compte. Klaus KASTBERGER Geheimnisse des Archivs Friederike Mayröcker und ihre Wohnung The Essay deals with photographs of Friederike Mayröcker's apartment in Vienna, where the author is immersed in slips of paper, manuscripts, newspaper cuttings, brochures, folders and books. The spatiality of the room is held to be an important condition for the specific appearance and an appropriate understanding of Mayröcker's literature. The guest, who is invited to the cramped room, can be seen as a deputy of the reader. Both of them have to step onto areas, which show narrow contacts between the body of the author and the hoarded materials. In that way, Friederike Mayröcker is a challenge for literary criticism as well as for modern archival theory. Le présent article traite de photographies de l'appartement viennois de Friederike Mayröcker dans lequel l'auteure est immergée dans des morceaux de papier, des manuscrits, des coupures de journaux, des brochures, des prospectus et des livres. La spatialité de la pièce apparaît comme une condition importante pour appréhender cet aspect spécifique et comme un moyen approprié pour comprendre la littérature mayröckerienne. L'hôte qui est invité dans la pièce exiguë peut être considéré comme un représentant du lecteur. Tous deux doivent avancer dans des espaces qui révèlent d'étroits contacts entre le corps de l'auteure et la masse de matériaux. A cet égard, Friederike Mayröcker constitue un défi pour la critique littéraire aussi bien que pour la théorie moderne d'archivage. Aurélie LE NEE Friederike Mayröcker et le surréalisme selon André Breton Friederike Mayröcker's work has often been defined as "surreal", even if the signification of the adjective remains vague. This paper tries to clarify this concept by referring to Breton's Theorization of Surrealism in the two manifestoes, and to highlight Friederike Mayröcker's relation to this movement. The confrontation of Breton's manifestoes with extracts from Mayröcker's Magische Blätter and Gesammelte Gedichte leads to an analysis of keywords of Surrealism such as madness, dream, psychic automatism, association of ideas, magic, surreality, and reveals not only similarities, but also important differences in Breton's and Friederike Mayröcker's conception and practice of their art. Friederike Mayröckers Werk wird oft als "surreal" bezeichnet, wobei die Bedeutung des Adjektivs vage bleibt. Der vorliegende Artikel versucht, den Begriff zu präzisieren, indem er sich auf Bretons Theoretisierung des Surrealismus in den beiden Manifesten bezieht, und Friederike Mayröckers Verhältnis zu dieser Strömung hervorzuheben. Die Gegenüberstellung der Manifeste Bretons mit Auszügen aus den Magischen Blättern und Gesammelten Gedichten Mayröckers führt zu einer Analyse von Kernbegriffen des Surrealismus wie Wahnsinn, Traum, automatischem Schreiben, Ideenassoziation, Magie, Surrealität, und bringt mehrere Ähnlichkeiten, aber auch wichtige Unterschiede zwischen Bretons und Friederike Mayröckers Kunstauffassung und -praxis ans Licht. Michael HAMMERSCHMID Stilleben. Reflexionen zur Ding-, Schreib- und Sprachwahrnehmung bei Friederike Mayröcker und mit Francis Ponge My essay focuses on the thing (Ding) as an entity (or thing itself) which crosses Friederike Mayröcker's work and is questioned deeply in "Stilleben" (1991) where Friederike Mayröcker refers to art and art history as well as to the status of language, writing, the book and the perception and creation of these entities. As a referring point the research of Francis Ponge in the field of things and their "visualization" in language helped a lot to open a space by comparing the poetics of these two great poets. The formulation of six thesis to Friederike Mayröcker's "Stilleben" tries to outline six views that interact with each other, so that the question of how we see things and their relation to language and what literature can thereby show us could be traced out more clearly. 1) The thing of "Stilleben" is the book, 2) The thing "book" is dissolved, 3) The image of "Stilleben" is the thing, 4) The thing must be created, 5) The "I" is a subject-object, 6) The thing is not the thing, but the poetic. Mon article se concentre sur la chose (Ding), comprise comme une entité (ou chose en soi) qui traverse l'oeuvre de Friederike Mayröcker et est interrogée de manière approfondie dans Stilleben (1991), ouvrage dans lequel Friederike Mayröcker se refère à l'art et à l'histoire de l'art aussi bien qu'au statut du langage, rattachant le livre, la perception et la création à ces entités. Prises comme point de référence, les recherches de Francis Ponge dans le domaine des choses et de leur "visualisation" dans le langage ont contribué à une comparaison entre les poétiques de ces deux grands auteurs. La formulation de six thèses sur Stilleben de Friederike Mayröcker tente d'esquisser six postulats qui interagissent les uns les autres de telle sorte que l'on peut cerner de manière plus précise la question de savoir comment nous percevons les choses et leur relation au langage et ce que la littérature peut nous montrer dans ce cas. 1) La chose de Stilleben est le livre, 2) La chose "livre" est dissoute, 3) L'image de Stilleben est la chose, 4) La chose doit être créée, 5) Le "je" est un sujet-objet, 6) La chose n'est pas la chose, mais la poétique. Françoise LARTILLOT Lire le poststructuralisme en poète. Résistance tropologique de Friederike Mayröcker dans les étu-des (2013) In études, Mayröcker's art establishes itself once again in a remarkable way with the specific use of French verbal and cultural fragments which enhance Mayröcker's tropological style. It reminds certainly of post-structuralist figurality (which is itself a result of the renewed interpretation of Symbolism), but it is combined with a sensitive and sensuous fabric : with this hybridization, Mayröcker fits into this tradition in an original way, and she resists the scourges of the contemporary era. In études behauptet sich Mayröckers Kunst durch den Einsatz von französischen Sprach- und Kulturfragmenten erneut auf beeindruckende Weise. Der darin aufscheinende tropologische Schreibduktus erinnert zwar an die poststrukturalistische Figuralität (als Ergebnis einer erneuten Deutung des Symbolismus), ist bei Mayröcker jedoch sinnlich und sensibel unterwandert : durch diese Anverwandlung reiht sich Mayröcker eigenwillig in diese Tradition ein und leistet Widerstand gegen die Plagen der kontemporären Zeit. Valérie BAUMANN "Tous frères (de) Grimm" , Jacques et Jean. Place du nom dans l'écriture de Friederike Mayröcker This paper proposes a close reading of a passage from Friederike Mayröcker's text entitled vom Umhalsen der Sperlingswand, oder 1 Schumannwahnsinn. This analysis will explain how the proper noun lost its raison d'être in Mayröcker's writing (particularly in this very text of poetic prose). The issue of "the monolingualism of the other" (Derrida) is confronted with a perception of things which discerns meaning as "point of flight of jouissance" (Barthes/Nancy). Diese Lektüre untersucht in der Weise vom close reading einen Auszug aus Friederike Mayröckers vom Umhalsen der Sperlingswand, oder 1 Schumannwahnsinn. Der Kommentar verdeutlicht, wie der Name (Eigenname) im Verfall liegt, was den Schreibgestus des "Schumannwahnsinns" anbelangt. Die nachvollziehbare Herausforderung vom "Monolinguismus des Anderen" (Derrida) bildet allerdings die Spannung zum Wahrhaben des Sinnes als "Fluchtpunktes der sinnlichen Lusterfahrung" (Barthes/Nancy). Andrei CORBEA-HOISIE Paul Celan Student an der Sorbonne The paper represents the first biographical synthesis dedicated to the university studies of the young Paul Celan, registered at Sorbonne immediately after his arrival in Paris in the summer of 1945, that is more than half of year after he had left Romania. The path towards obtaining the degree in "humanities" and his intentions to elaborate a PhD-thesis are placed in the larger context of his efforts to integrate himself in the French society on the one hand and in the context of his efforts to establish himself as a German-speaking poet, on the other. We exploit here a number of unpublished documentary materials from the French archive, as well as a number of interviews, again unpublished, that we took between 1998 and 2000 with a number of persons close at that time to Paul Celan. Cette étude est une première synthèse biographique consacrée aux études universitaires du jeune Paul Celan, qui s'est fait inscrire à la Sorbonne dès son arrivée à Paris pendant l'été 1948, plus de six mois après avoir quitté la Roumanie. Le trajet sur lequel il s'inscrivit pour l'obtention d'une maîtrise ès "Lettres" et son projet de thèse de doctorat sont placés dans le contexte plus large de son désir de s'intégrer à la société française mais aussi de s'affirmer en tant que poète de langue allemande. Cette étude exploite toute une série de documents inédits des archives françaises ainsi que des interviews, elles aussi inédites, que l'auteur a réalisées entre 1998 et 2000 auprès de personnalités qui faisaient partie à cette époque du cercle des proches de Paul Celan. Laurent DEDRYVERE Les guerres du Schleswig-Holstein, lieu de mémoire nationaliste dans l'Allemagne wilhelminienne The present paper deals with German nationalist "lieux de mémoire" (sites of memory) related to the Schleswig-Holstein wars (1848-1851 and 1864) in the German Empire. Eight historical novels, published between 1881 and 1914, were used as primary sources for this article. These books played an important part in the popula-rization of the historical arguments justifying the an-nexation of both duchies by Prussia. Most novels were written either while Köller was Oberpräsident of the Prussian province of Schleswig-Holstein, or a little later, and they can only be understood in the light of the Germanization policy which was carried out in this province. In the case of Northern Schleswig, nationalist intellectuals were confronted with two difficulties. Firstly, even the champions of the German cause in Northern Schleswig spoke a Danish dialect as their mother tongue. Secondly, individual members of one and the same family sometimes declared their support for different national camps. So neither the mother tongue and the national-political opinions, nor the "lineage" and the national-political opinions could be automatically equated. Most authors payed attention to the national peculiarities of Northern Schleswig in their work, whilst at the same time supporting the Germanization policy. The detour via the German history allowed a legitimation of the Köllerian politics. Some radical völkisch novelists apparently promoted a German-Danish reconciliation. But this was not aimed at the "real" Danish speakers. An imagined union of all Germanic peoples was at stake, not the political rights of an ethnic minority. Der vorliegende Artikel untersucht die deutschen nationalistischen Erinnerungsorte der beiden schleswig-holsteinischen Kriege (1848-1851 und 1864) im Deutschen Kaiserreich. Als Quelle dienen acht historische Romane, die zwischen 1881 und 1914 veröffentlicht wurden. Eine wesentliche Funktion dieser Werke bestand darin, historische Argumente für einen Verzicht Dänemarks auf die Herzogtümer und für ihre Abtretung an Preußen in populärer Form anzuführen. Die meisten Romane wurden während Köllers Oberpräsidentschaft in Schleswig-Holstein oder kurz danach verfasst und sind nur vor dem Hintergrund der Germanisierungspolitik in Nordschleswig zu verstehen. Die nationalistischen Intellektuellen waren im Falle Nordschleswigs mit zwei Schwierigkeiten konfrontiert. Erstens hatten selbst die Vorkämpfer der deutschen Sache in Nordschleswig einen dänischen Dialekt als Muttersprache. Zweitens bekannten sich manchmal Mitglieder ein und derselben Familie zu unterschiedlichen nationalen Lagern. Es gab also weder zwischen Muttersprache und national-politischer Gesinnung noch zwischen "Abstammung" und national-politischer Gesinnung eine systematische Korrelation. Die meisten Verfasser beachten in ihren Werken die nationalen Besonderheiten Schleswigs, sprechen sich aber gleichzeitig für die Germanisierungspolitik aus. Der Umweg über die jüngste deutsche Geschichte dient also der Legitimierung der Köllerschen Politik. Manche radikal völkischen Schriftsteller treten für eine deutsch-dänische Versöhnung ein. In keinem Fall sind aber die wirklichen Dänischsprachigen gemeint. Es geht um ein erträumtes Bündnis aller Germanen, nicht um die politischen Rechte einer ethnischen Minderheit.

09/2015