Un été avec Rimbaud

L'année commence fort avec les réjouissantes perspectives des chiffres de l'édition pour 2007 : mais à l'excellente année succédera un 2008 bien plus touché, par la crise et le reste.

Le livre qui aura fait scandale en ce début d'année ou comment une certaine Laura D. explique qu'elle s'est prostituée pour payer ses études.

Amazon, acculé dans son conflit contre le Syndicat de la Librairie Française décide de payer l'astreinte due et finalement, prolonge les hostilités. S'en suit un Appel pour le livre afin de défendre le secteur.

Février :

Beigbeder, notre auteur-phare, adoré des Anglais se fait prendre en flagrant délit de ligne de coke. Nous aurons été contactés, suite à cet article, avec une demande étrange : retirez votre papier... Sûrement pas.

L'Académie française cherche à assurer sa succession et surtout trouver des remplaçants pour les années suivantes : une vague de réformes s'installe et aujourd'hui ?

Note2be, le site de notation des professeurs a voulu donner trop de liberté de parole aux élèves, qui ne se sont pas privés de la prendre en dénonçant leurs professeurs. Bilan des courses, quand les régies publicitaires coupent les vivres, le site meurt enfin.

Mars :

Obama, homme de l'année, homme de parole, de littérature, de livres et de chansons, ou presque, en tout cas l'homme qui sera dans quelques jours président des États-Unis, voyait en mars l'annonce prochaine de la publication d'un discours sur la question raciale.

Disney, dont nous n'aurons que très peu parlé, souhaitait rendre vie au Club des Cinq, à travers un dessin animé. De quoi se réjouir ou s'inquiéter ? Le présent peut désormais nous le dire.

Aux États-Unis encore, on proposera la possibilité de vendre de la littérature érotique... pour les librairies qui se seront pourvues d'un permis de le faire. L'État d'Indiana qui innove avec cette loi ne manque pas d'audace, mais tout cela finira à la poubelle.

Avril :

Après avoir bavé tout un tas de méchancetés, plus ou moins justifiées, Michel Houellebecq se prend un vilain retour de bâton quand sa maman décide elle aussi de publier ses mémoires...

Les gouttes de Dieu, voilà un manga que vous avez largement plébiscité et qui aura marqué cette année dans nos colonnes. Prenez le temps de redécouvrir notre chronique...

Autre scandale éducatif : le nouveau calcul des bourses étudiantes, que nous dénoncions dans nos colonnes. Les syndicats pointaient du doigt des restrictions drastiques et des coupures pures et simples...

Mai :

Probablement l'encyclopédie la plus attendue cette année, sur le net et la plus à même de proposer une solution complémentaire en ligne et gratuite à Wikipédia : Larousse se lançait à la conquête du net.

Rimbaud retrouvé... Une découverte rare et auréolée de mystère, contestée et pourtant il semble bien que La république de Bismarck soit l'un des premiers textes du poète.

Le procès qui opposait Alapage et le Syndicat de la librairie française est cassé et la gratuité pratiquée par le marchand se trouve par là même illégale. Une sacrée avancée pour le droit, mais qu'Amazon ne manquera pas de saccager...

Juin :

Quand la première épouse du président de la République décide de tout balancer sur Nicolas dans un livre, la France entière s'émeut : Marie-Dominique ouvre le mois de juin avec une publication qui depuis, aura fait un flop.

L'époque était propice au... brevet et nous avions publié pour l'occasion les sujets de l'année, en français. L'occasion en cette fin d'année de revoir sa copie et de prendre le temps d'une correction ?

Le Petit Robert 2009 fait ses premiers pas dans la cour des grands et pour cette édition, qui sera dans quelques mois périmée, nous lui devions bien un petit clin d'oeil. Allez, salut l'artiste !

Oui, on commence rarement un éditorial en milieu de mois, mais bon, quitte à ne faire comme personne, autant le faire correctement. La prochaine fois, on s'attellera à le faire en fin de mois, histoire de varier les plaisirs.

Depuis plusieurs semaines, les Oeuvres de Claude Lévi-Strauss traînent sur un coin de mon bureau. Elles m'attendent, sachant que je n'en use qu'avec parcimonie. Ce carton réalisé par La Pleïade publié au début du mois de mai n'a pas fini de nous étonner : à Bordeaux, la librairie Mollat affirmait vendre autant de Lévi-Strauss que de Marc Lévy. Un comble...

Mais des oeuvres complètes, finalement qu'est-ce que cela nous apporte ? Et finalement qu'est-ce que veut dire publier les oeuvres complètes ? Ce n'est pas le cas de Lévi-Strauss, certes, mais la question ne manque pas d'intérêt quand on évoque la prestigieuse collection de Gallimard. A-t-on simplement envie de lire tout ce qu'un auteur a écrit, pourrait-on se demander, quand on se souvient de la polémique autour du dernier texte de Rimbaud, retrouvé dans des conditions improbables.

Tout, tout, tout, vous lirez tout sur X ou Z

Complet, c'est simple à comprendre. Il s'agit de tout ce qu'un auteur a pu rédiger dans sa vie. Mais "tout", c'est vaste. Ce qu'il a publié ? Ce qu'il a écrit ? Ce que d'autres ont écrit sur son compte ? Doit-on intégrer les variantes, les biffures et les lettres à son concierge ? On trouve souvent la correspondance complète chez Pleïade, et même dans ce cas, on n'aura que celles qui nous sont parvenues. La semaine dernière, plusieurs textes de Wilde ont resurgi, ce qui signifie simplement qu'avant, toute édition aurait été incomplète ?

Aux États-Unis, on trouve régulièrement des éditions qui vont être pointilleuses au point de publier tout ce qu'il est possible de trouver. Souvent réservées aux universitaires et aux chercheurs, le grand public se soucie rarement des états d'âme recensés à ce point ultime, et qui finalement font oublier les textes réels. Bref, des monuments indigestes qui relèvent plus de la compilation frénétique que de l'intérêt littéraire ou pour le reste de l'oeuvre.

Le diable est dans les détails, finalement

Les intégrales de La Pleïade ne manquent pas de contenu et hormis quelques rares cas, les préambules définissent souvent l'orientation donnée au choix des textes. Mais dans ce domaine, l'exhaustivité semble avant tout un leurre et les oeuvres complètes un mensonge qui s'ignore, ou plutôt n'est jamais parvenu à se définir. Voire, mais nous n'oserions l'imaginer qui n'a jamais cherché à le faire.

La question n'est pas tant à quoi servent ces éditions, qu'apportent-elles ? Pour prendre un exemple, Les Oeuvres complètes de Saint-John Perse, pourtant un livre admirable, qui contient tout ce que l'homme a produit de poésie, de prose ou de lettres laisse un étrange goût, même à l'amateur. Cela tient sûrement à la densité de l'écriture persienne, ou à sa profondeur, ou à sa lucidité. Mais il lui manque quelque chose. Comme il manque toujours quelque chose aux oeuvres complètes.

C'est souvent un peu de l'âme de l'auteur. Et il me semble que l'on la retrouvera toujours plus dans des livres épars. Un livre condensant toute l'oeuvre n'est que pratique. Sûrement pas vivant.