Manchester, 1960. Alice s’ennuie, regarde le paysage gris d’une ville où elle voit plus de fumée que de ciel bleu. Elle reste chez sa tante Ermintrude, sévère et bien loin d’être amusante, qui lui donne des leçons d’anglais à quatorze heures. Quel terrible ennui ! Et cette question sur les points de suspension, à laquelle Alice ne comprend vraiment rien... Et puis !
Le 12/07/2022 à 15:54 par Valentine Costantini
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12/07/2022 à 15:54
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Le perroquet de sa tante, Whippoorwill, a décidé de n’en faire qu’à sa tête. Avec ses plumes colorées, le voici qui plonge dans l’horloge du salon, qui s’éloigne à tir d’ailes. Malheur ! Alice, sa poupée Célia au bras, se lance à sa poursuite de l’oiseau – qui, elle l’admet, ne s’est échappé que par sa faute ; quelle idée que d’ouvrir cette cage ? Ici, donc, pas de lapin blanc ni de terrier dans lequel tomber, tomber, tomber sans fin – mais bel et bien une horloge, dont les minutes d’égrainent, alors que la jeune fille se sent tomber, tomber, tomber encore.
Pas non plus de miroir à traverser pour découvrir un monde étrange et renversé : ici, notre héroïne débarque dans la ville de Manchester... en 1998 ! Aurait-elle donc remonté le temps, mais vers le futur ? Alice réalise, sidérée, qu’elle est en retard de 138 ans à sa leçon d’anglais de quatorze heures. Et ces satanés points de suspension, qui n’ont toujours aucun sens pour elle...
Dans cette ville de Manchester, qui lui paraît toujours aussi grise, débute une aventure – un troisième chapitre, en somme, pour le personnage intemporel imaginé par Lewis Caroll. Il faut à tout prix retrouver ce perroquet bien malicieux, avant de retourner dans le passé. Mais comment faire ? Dans cette Manchester du futur, tout est différent, étrange : et pour cause, la néomonie a fait des victimes.
« La néomonie, c'est une maladie terrible qui mélange animaux et humains en combinaisons nouvelles », explique-t-on à Alice. Cette épidémie chimérique a donné la vie à des arachnogosses, des chafilles, des blairhommes, mais aussi aux boarocrates, ces terribles personnages qui font régner l’ordre et la terreur. Mais la jeune fille n’est pas au bout de ses surprises : elle apprend que des puzzlomeutres ne cessent de se produire. Des crimes innommables, où chaque victime se retrouve corporellement réorganisée.
Une bouche à la place du ventre, les yeux qui remplacent les genoux – un assemblage horrible de membres qui n’a aucun sens. Et, comme signature, une pièce de puzzle... Qui provient de ce même puzzle qu’Alice tentait, 138 ans plus tôt, de compléter ; mais dont une douzaine de pièces lui manquait ! Bizarre, bizarre.
Heureusement, dans son périple qui la mènera – si tout va bien – à nouveau dans son Manchester, Alice n’est pas seule : elle rencontre le capitaine Fracaboum, ou une chercheuse nommée Gladys Chrowdingler. Mais, par-dessus tout, elle fait la connaissance de Célia, l'Alice Automatique, sa peur jumelle (oui, peur, et non pas sœur – suivez un peu !).
Ce roman imaginé par Jeff Noon démontre une énorme influence de Lewis Caroll, à l’imaginaire déroutant, où l’enfance prend une forme surprenante, et à la logique unique. Ici, l’auteur nous propose un troisième volet pour les aventures d’Alice, sans pour autant tomber dans une reproduction de ce grand classique de littérature anglophone. Au contraire, Noon parvient à proposer un récit bien ancré dans l’œuvre fantasmagorique que l’on connait, tout en puisant dans son propre lexique et créer un monde qui n’a ni queue ni tête.
« Je ne sais pas si, vous, il vous est déjà arrivé de disparaître, mais, si oui, vous savez que c’est une expérience effrayante. Le plus étrange, c’était qu’Alice, tout en sachant qu’elle avait disparu, continuait à se voir. Imaginez un peu : vous savez que vous avez disparu, mais vous continuez à vous voir ! Comment, alors, savez-vous que vous avez disparu ? »
Une absurdité géniale, fantasque, où notre chère Alice trouve une place de choix... Du Noon, comme on aime.
Paru le 23/03/2017
142 pages
La Volte
18,00 €
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