Le monde glorieux

Margaret Cavendish

Au cœur de l'histoire littéraire de l'imaginaire, des figures emblématiques se détachent : Mary Shelley, Ursula K. Le Guin, Joanna Russ, Margaret Atwood, Octavia E. Butler, la non-binaire Rivers Solomon... Au XVIIe siècle, donc bien avant, Margaret Cavendish, pionnière dans le domaine de la science-fiction. Son texte, The Blazing World (Le Monde Glorieux), est considéré comme le premier roman du genre écrit par une femme. Elle est aussi une des premières femmes à publier ouvertement sous son nom.

Un texte publié en France par les éditions José Corti en 1999, qui rééditent l'ouvrage avec une postface inédite de la savante Frédérique Aït-Touati.

Line Cottegnies, traductrice du texte, a découvert le texte à l'occasion de sa thèse en Angleterre. L'autrice est un cas fascinant de femme sans éducation à la hauteur de ses co-religionnaire masculin, qui malgré tout casse le carreau de la vieille science occidentale : astronomie, mathématiques, politique, s'appuyant finalement sur sa perspective pour proposer une oeuvre d'une singularité peu commune.

Celle qui fut perçue comme une figure excentrique et presque folle à son époque, a travaillé méticuleusement à assurer sa postérité en envoyant ses œuvres aux institutions académiques majeures, comme Oxford, Cambridge ou Leiden. Pas si zinzin... Malgré tout, sa tenue et son apparence, souvent non conventionnelles, la distinguaient, mélange d'éléments masculins et féminins. Une curiosité publique. Ses écrits ont été accueillis avec scepticisme par ses contemporains masculins.

Dans Le Monde Glorieux, une femme est transportée au pôle Nord où elle découvre un royaume extraordinaire, scintillant de pierres précieuses, et où elle est couronnée impératrice. Elle engage des débats philosophiques avec les résidents de ce monde, qui incluent des êtres humains, mais aussi des animaux et des insectes dotés de parole. Dans la seconde partie du roman, l'autrice elle-même, sous les traits de la duchesse de Newcastle, intervient dans le récit pour devenir la narratrice et confidente de son personnage principal.

Dans ce texte entre « proto-science fiction » et philosophie - certains diront que science fiction sans philosophie n'est que ruine de la DeLorean -, elle combine des éléments de science-fiction et de philosophie, explorant des thèmes tels que la nature animée et la critique de la guerre, en utilisant l'imaginaire pour contester les structures de pouvoir traditionnelles et promouvoir la paix. Celle qui fut traumatisée par les horreurs de la guerre civile, a envisagé une forme d'autocratie, à découvrir en se procurant l'ouvrage, comme seul moyen d'instaurer la paix.

Elle s'emploie à créer divers mondes selon les théories de penseurs renommés : Thalès, Pythagore, Platon, Épicure... Mais rencontre des difficultés à chaque tentative. Elle joue avec les idées pour illustrer leur relative applicabilité et finalement les rejeter en faveur de son propre monde imaginé. On l'a comprendra aisément.

Une michronique de
Hocine Bouhadjera

Publiée le
13/05/2024 à 18:33

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Le monde glorieux

Margaret Cavendish trad. Line Cottegnies

Paru le 02/05/2024

192 pages

José Corti Editions

19,00 €