Comme chaque année, l'ACBD, regroupement de journalistes spécialisés dans les bulles et autres phylactères, présente son rapport sur l'année passée. 2013, pour la première fois depuis 17 années de production BD, connaît une diminution de la production éditoriale. L'analyse ne porte que sur le territoire francophone européen, mais brosse, comme toujours, un tableau complet de l'ensemble du secteur.
Le 30/12/2013 à 10:12 par Clément Solym
Publié le :
30/12/2013 à 10:12
ActuaLitté, CC BY SA 2.0
En quelques grands points, voici ce qu'il faut retenir de l'année 2013 dans son ensemble. Notons que, selon les données provisoires de LivresHebdo/Electre, la production de BD représenterait 6,7 % de l'édition sur le marché français, contre 7,6 % l'année passée. Avec quatre groupes qui disposent de 43,7 % de la production, à savoir Média-Participations, Glénat, Delcourt et Madrigall (Gallimard, Flammarion).
Comme dans toutes les autres industries culturelles, seuls quelques titres, la plupart du temps séries ou œuvres indépendantes d'auteurs bien installés, réalisent l'essentiel du chiffre sur ce secteur. Cette année, on en comptabilise 117 tirées à plus de 50 000 exemplaires : 28 de plus qu'en 2012, année qui ne bénéficiait pas, non plus, de l'effet Astérix. 86 d'entre eux (contre 78 en 2012) appartiennent au domaine franco-belge et, en se basant sur les communications des principaux éditeurs, voici les 10 tirages les plus importants de 2013. Sans conteste, c'est le dernier Astérix, de Conrad et Ferri qui remporte la palme, avec 2,48 millions d'exemplaires imprimés, et du côté comics, c'est Walking Dead, qui prend la tête. Pour le domaine manga, Naruto, One piece et Fairy Tail occupent le podium.
BD numérique et expérimentations
Les évolutions du secteur restent cependant marginales, pour ce qui est de la transition numérique. Non seulement le terme même de BD numérique ne représente toujours pas une réalité bien définie, mais surtout les différentes initiatives sont encore très discrètes, réparties entre trois diffuseurs, izneo, Numilog et ComiXology. Mais l'ensemble de l'offre payante représente tout juste 7500 titres, pour le numérique, ce qui n'est probablement pas assez pour faire mal au piratage, avec une offre illégale qui était estimée, en 2012, dans une étude du MOTif, entre 30 et 40.000 exemplaires. Reste que les lecteurs préfèrent encore massivement disposer d'une BD en papier, comme le soulignait une étude de Babelio, pour qui 42 % des lecteurs ont lu de la BD en format numérique et 18 % seraient des lecteurs réguliers.
Les auteurs continuent d'explorer les possibilités de création et d'inventer ce qui pourrait être la bande dessinée de demain. Au-delà de leur présence sur des sites et blogs ou des tentatives de création de magazines de bande dessinée numériques, 2 autres voies, observées de près par les éditeurs, semblent privilégiées. D'abord, la conception de bande dessinée pour l'écran avec des petites animations et en lecture simple, à la manière de Romain et Augustin de Thomas Cadène, prépublié sur le site du Nouvel Observateur et sous forme papier chez Delcourt. Ensuite, la poursuite de l'expérience de lecture grâce à Internet, sous forme de réalité augmentée. Romain Renard a ainsi offert sa bande-son et du contenu complémentaire inédit à son album Melville. Son éditeur, Le Lombard, a aussi créé une application de contenu enrichi des albums Thorgal sur téléphones et tablettes d'Apple.
Dupuis, lui, lance sa nouvelle série Wormworld saga, adaptation d'un best-seller américain, en ligne sur un site dédié et interactif permettant la lecture complète en scrolling. Le mode transmédia se profile aussi à la manière de l'album Mediaentity (Delcourt) que les auteurs Simon et Émilie déclinent en plusieurs médias (jeux vidéo, jeux de rôles, docu-fiction…) enrichis par la communauté de lecteurs. Autre projet, Je vous ai compris de Frank Chiche (Casterman) est une BD animée interactive en 3 épisodes et combine un contenu historique enrichi, une interaction sur Facebook, un album papier et un film sur Arte. Cependant, à l'heure actuelle, le modèle économique capable de faire payer le contenu passe encore par le papier, les gains publicitaires restant marginaux.
Toutefois, la situation reste précaire : selon des critères mis en place depuis 11 ans, 1492 auteurs réussiraient à vivre de la création de bandes dessinées sur le territoire francophone européen ; par ailleurs, 1678 personnes ont publié au moins un album en 2013. Même si elle ne nourrit pas vraiment son homme, la création est toujours bien présente sur Internet, notamment avec les blogs BD, où des auteurs de bandes dessinées, professionnels ou amateurs, proposent en ligne leurs créations sous forme de billets publiés ante-chronologiquement. Ils sont plus ou moins graphiquement développés et associent, la plupart du temps, commentaires et dessins. Aucune statistique officielle n'est disponible sur leur nombre en France, d'autant plus que la plupart des auteurs investissent dans un hébergement privé avec des plateformes de blogs internationales telles que Dotclear et Wordpress.
On constate cependant que le blog BD est devenu un genre à part entière.
Voici une synthèse de l'ensemble des informations collectées par Gilles Ratier, le bénédictin et secrétaire général de l'Association ACBD, à l'origine de ces données.
• Production – Tout en conservant une constante multiplicité des genres et des publics, l'offre de bande dessinée marque le pas : 5 159 livres de bande dessinée ont été publiés en 2013 (dont seulement 3 882 strictes nouveautés) – soit une diminution de 7,3 %.
• Édition – La production et l'activité du secteur sont toujours dominées par 4 groupes de plus en plus puissants qui totalisent 43,7 % de la production — contre 44,9 % en 2012 —, alors que 332 éditeurs ont publié des bandes dessinées en 2013 (contre 326 l'an passé).
• Évaluation – Boosté par le nouvel Astérix, l'économie de la bande dessinée, dans son ensemble, fait partie des secteurs du livre qui résistent le mieux à la crise ; même si le tirage de ses 117 titres bénéficiant de fortes mises en place est encore en baisse.
• Traduction – L'Asie et les États-Unis – avec, respectivement, 1 555 et 461 nouveaux titres – sont toujours les principaux pourvoyeurs du marché de la BD francophone : l'un des plus ouverts aux productions étrangères avec 2 257 nouvelles bandes dessinées traduites.
• Réédition – Relativement porteur et qualitatif, le secteur patrimonial accueille encore 880 nouvelles éditions ou intégrales : 189 de moins que l'an passé, alors que 189 titres datant de plus de 20 ans sont proposés en album pour la première fois.
• Prépublication – Comme le reste du secteur presse en kiosque, celui de la bande dessinée subit de plein fouet la concurrence des nouvelles technologies, malgré la diffusion, en 2013, de 76 revues spécialisées et de 14 séries de fascicules.
• Mutation – Le passage à la bande dessinée digitale reste toujours marginal, malgré de nombreuses initiatives d'auteurs, de diffuseurs ou d'éditeurs.
• Création – Selon des critères mis en place depuis 11 ans, 1492auteurs réussiraient à vivre de la création de bandes dessinées sur le territoire francophone européen ; par ailleurs, 1678personnes ont publié au moins un album en 2013.
• Adaptation – Si les œuvres réalisées à l'origine pour d'autres médias alimentent régulièrement les nouveautés du 9e art, à l'inverse, 10 bandes dessinées francophones ont donné lieu à des longs métrages diffusés au cinéma.
• Information – L'existence de 13 revues papier et 32 sites spécialisés, en 2013, prouve l'intérêt insatiable du lectorat envers l'information, l'histoire et la critique de bande dessinée.
• Manifestation – Il y a de plus en plus d'événements organisés autour de la BD sur le territoire francophone européen : 514 en 2013 (contre 489 l'an passé).
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