DOSSIER – Voici que l’on touche aux ultimes facettes du métier d’agent littéraire. Dans le cadre d’un grand dossier, David Pathé-Camus a proposé un regard complet sur cette profession encore méconnue — pour preuve, les commentaires nombreux, suscités par les articles. Avant de conclure, voici la première partie d’un volet, pour cerner le rôle et les limites de l’exercice d’agent.
Le 21/10/2019 à 09:12 par David Pathé Camus
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Publié le :
21/10/2019 à 09:12
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Cette multiplication du nombre d’agents littéraires, en plus d’être un symptôme des profondes mutations du monde de l’édition, est une bonne chose, à mon sens, car elle devrait permettre à un plus grand nombre d’auteurs d’être représentés et défendus. Mais elle ne signifie pas pour autant que tous les problèmes auxquels sont confrontés les auteurs vont être réglés du jour au lendemain.
Si un auteur peut (en théorie) compter sur un agent pour défendre ses intérêts, cela ne veut pas dire les lui abandonner les yeux fermés. Avoir un agent, par exemple, ne vous dispense pas de lire (et de comprendre) le contrat que celui-ci vous propose.
Cela ne vous dispense pas non plus de mener votre petite enquête (sur Internet, auprès des autres auteurs, voire des éditeurs eux-mêmes) sur votre (potentiel) futur agent. Ni d’effectuer — comme disent les Anglo-saxons — votre « due diligence » : à savoir, vous faire une idée aussi précise que possible de la personne à laquelle vous allez confier vos intérêts (droits d’exploitation de votre œuvre), et à quelles conditions, et de comparer ces conditions et pratiques à celles de l’ensemble du marché.
Autrement dit, le même genre de travail qu’un auteur pourrait faire (devrait avoir fait ?) avant de signer avec une maison d’édition.
Le monde des agents étant petit et fort méconnu, il peut arriver que nombre d’apporteurs d’ouvrages, ou coachs littéraires, ou que sais-je encore, se croient en toute bonne foi « agents littéraires », quand en fait ils ne font que travailler un texte en compagnie d’un auteur, et l’apporter à un éditeur qui le publiera à ses propres conditions, et rémunérera l’apporteur d’ouvrage pour le travail effectué.
Je sais que c’est un peu dur à entendre, et beaucoup d’auteurs aimeraient qu’il en soit autrement, mais si ce n’est pas vous qui rémunérez le travail de « votre agent », alors celui-ci ne travaille pas pour vous. (Encore une fois, « ne pas travailler pour » ne signifie pas « travailler contre ».)
Idem, lorsque d’anciens éditeurs se recyclent en « agents littéraires », ils n’ont pas toujours la chance d’être formés par un agent et se lancent parfois « à l’aveugle ». Il n’existe d’ailleurs pas, à ma connaissance, de formation pour les agents littéraires hormis celle dispensée par l’AALF pour ses membres.
Lorsque les principaux agents d’auteurs français se sont rassemblés, en mars 2016, au sein de L’Alliance des agents littéraires français (AALF), l’idée était d’établir une sorte de code d’Éthique et de bonne conduite, et de se fédérer « (…) dans le but de construire une relation saine entre auteurs et éditeurs, d’assurer un dialogue avec les syndicats d’auteurs, d’éditeurs, de producteurs, ainsi qu’avec les institutions nationales et internationales, de former auteurs et agents sur des questions techniques liées au droit d’auteur et d’assurer une présence internationale accrue des auteurs et éditeurs » (c’est moi qui souligne).
Si vous cherchez un agent littéraire, je ne peux que vous engager à contacter l’une ou plusieurs des agences inscrites à l’AALF, et dont vous trouverez la liste ici.
Et pour rappel, voici les principaux éléments devant figurer dans un contrat de représentation :
En échange de quoi, l’agent se rémunère par le biais d’une commission prélevée sur les revenus qu’il parvient à générer pour l’auteur — en général 10 à 20 % en fonction du type de services rendus.
Si un agent vous prélève une commission de 25 % ou plus sur vos revenus d’auteur, il y a peut-être un problème. S’il vous fait signer un contrat l’autorisant à prélever quelque revenu que ce soit sur vos œuvres antérieures (celles pour lesquelles il n’a pas travaillé), c’est une pure escroquerie. Certains agents demandent à être payés pour vous faire figurer dans leurs catalogues ou parler de vous dans les foires, mais c’est loin d’être la norme.
Écrivez aux associations d’auteurs, à l’AALF. Renseignez-vous. Posez des questions. Écoutez. Un agent n’est pas plus un « blanc chevalier » parce qu’il est agent qu’un éditeur n’est un « escroc » parce qu’il est éditeur. Les agents travaillent en permanence avec les éditeurs. Ils ont signé des milliers de contrats avec eux, partagent avec eux les secrets de nombreuses négociations, connaissent les difficiles réalités du marché, et ont parfois des intérêts communs : quid, en effet, d’un agent d’auteurs français représentant également un éditeur français (pour ses droits à l’étranger) ?
Quid, comme dans mon cas, d’un agent qui serait également auteur, et donc dépendrait pour une partie de ses revenus de ses bonnes relations avec les éditeurs ? Quid d’une agence qui serait également « éditeur de livres numériques » ? Ou fortement impliqué dans l’autoédition ? Ou qui représenterait sur le territoire français des éditeurs étrangers auxquels elle pourrait être amenée à proposer vos droits de traduction ? S’il n’y a rien là a priori de rédhibitoire, tous ces éléments sont néanmoins à prendre en considération.
Encore une fois : interrogez, questionnez. Écoutez. Il n’y a pas urgence. À moins qu’il ne s’agisse d’un document portant sur l’actualité, votre œuvre peut attendre un an ou deux.
Prochain article : « Agents mais pas n’importe comment », partie 2
Précédemment : le livre, une industrie en mutation
Dossier - Profession : agent littéraire, un métier mal connu
1 Commentaire
Tybalt
25/10/2019 à 11:12
Un article concis et plein à craquer de conseils clairs et précis. Sans doute l'un des meilleurs de ceux que j'ai lus.