#Roman francophone

Marie Curie prend un amant

Irène Frain

Le 4 novembre 1911, un journal parisien à grand tirage livre à l'opinion cette nouvelle extravagante : "Marie Curie a un amant." A l'époque, Pierre, son mari, le savant avec lequel elle a eu son premier prix Nobel en 1903, est mort depuis cinq ans. Mais Marie a le tort d'être femme, d'être célèbre, d'être une "étrangère" (elle est d'origine polonaise), d'être "juive" à en croire certains de ses pourfendeurs (ce qui n'est pas le cas). Comme le capitaine Dreyfus vingt ans plus tôt, il faut l'abattre. Et peu importe que la célèbre veuve, qui s'apprête à recevoir son deuxième prix Nobel, soit une icône de la science mondiale. Son amant, c'est Paul Langevin, ami d'Einstein, lui aussi savant d'exception, familier des Curie aux temps héroïques. Mais Paul est marié. Et l'adultère excite la presse à scandale. Pour percer le secret qui attacha si fort Marie Curie à cet homme, au risque d'y perdre sa réputation et d'y laisser la vie, Irène Frain a interrogé des lieux méconnus, des archives négligées, des photos oubliées. Et c'est une bouleversante et inédite histoire d'amour qu'elle nous donne à lire dans ce "thriller médiatique" d'une terrible modernité.

Par Irène Frain
Chez Seuil

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Editeur

Seuil

Genre

Littérature française

« Premier principe : ne jamais se laisser abattre ni par les personnes, ni par les événements. »

MARIE CURIE

« J’ai souvent eu le sentiment que les liens de Marie Curie avec la vie étaient plus profonds et plus sérieux que les miens. »

ALBERT EINSTEIN

Il y a quelques mois, chez un bouquiniste, je suis tombée sur un curieux ouvrage. Il comptait à peine cent pages. On l’avait soigneusement relié de percaline gris-bleu.

Je l’ai ouvert. Une vignette était collée au verso de sa couverture. Elle a aussitôt attiré mon attention : elle figurait le diable.

Ou, plus exactement, une sorte d’hybride entre le démon et un vieillard lubrique. Pieds griffus, nez crochu, oreilles démesurément allongées, rictus salace, yeux globuleux que le vice faisait jaillir de leurs orbites. La libidineuse créature brandissait deux initiales entrecroisées, GM. Leur graphisme élégant s’accordait mal avec l’obscénité de la représentation du vieillard et suggérait que la vignette avait été réalisée dans les années 1900.

À l’évidence, cette vignette – un ex-libris – avait été confectionnée à la demande d’un amateur de livres qui avait aménagé dans sa bibliothèque ce qu’on appelait à l’époque un « second rayon » : une collection de textes libertins qu’on dissimulait derrière des cloisons secrètes ou sur des étagères haut perchées. Avant de s’y plonger, on verrouillait sa porte. On s’en délectait d’autant plus que c’était un plaisir interdit. Et pour certains, honteux.

 

J’ai ouvert le livret bleu. Recueil de poèmes graveleux, roman érotique, récit pornographique ? Non, rien que deux numéros d’un hebdomadaire petit format reliés en l’état, qui s’apparentaient davantage à des libelles qu’à des journaux. Leur papier, de mauvaise qualité, avait beaucoup jauni. Leur couverture rougeminium, en revanche, n’avait rien perdu de sa couleur criarde, vraisemblablement destinée à attirer l’attention des passants lorsqu’ils croisaient un kiosque.

Les numéros se suivaient. Ils étaient respectivement datés du 23 et du 30 novembre 1911. Un gros titre barrait la couverture du premier fascicule : « POUR UNE MÈRE ».

Je suis revenue au début du livret et je l’ai hâtivement feuilleté. Ma surprise a redoublé. La quasi-totalité des fascicules était consacrée à des attaques d’une violence inouïe contre la personne de Marie Curie, la brillantissime chercheuse qui, douze ans plus tôt, avec son non moins génial époux Pierre Curie, avait découvert deux nouveaux éléments chimiques, le polonium et le radium. Le couple avait ensuite étudié leurs effets, que Marie avait baptisés « radioactivité ». En 1903, un prix Nobel de physique avait consacré cette extraordinaire découverte.

Pierre avait insisté pour que Marie puisse partager avec lui la prestigieuse distinction ; l’Académie suédoise n’avait d’abord vu en elle que la fidèle assistante de son époux. Elle devint ainsi la première femme à recevoir un Nobel.

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08/10/2015 357 pages 21,00 €
Scannez le code barre 9782021183061
9782021183061
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