Confondue dans son espionnage des utilisateurs de sa suite logicielle Adobe Digital Editions 4, la firme a promis un correctif dans les meilleurs délais. Qui ne sont certainement pas les plus précis ? Cependant, cet AdobeGate prend de sérieuses proportions outre-Atlantique : la collecte d'informations n'est jamais anodine, surtout dans une période où les services secrets américains sont vilainement pointés du doigt...
Le 14/10/2014 à 18:01 par Nicolas Gary
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14/10/2014 à 18:01
Le problème n'est pour une fois pas lié à la faillibilité des DRM d'Adobe, ni à leur inutilité, ni même à leur présence – quoique, indirectement. Le fait est qu'Adobe fait donc l'objet d'accusations de violation de la vie privée, en moissonnant des données de lecture sur les ouvrages numériques ouverts avec sa suite. Pourtant, Adobe n'est pas le seul opérateur à collecter des informations.
« Tous les détaillants et distributeurs ont investi dans les outils Adobe, ce qui rend le retour en arrière difficile, et même coûteux. Pendant ce temps Amazon, Apple et Kobo se détachent avec des systèmes propriétaires, donc des DRM applicatifs très exigeants et des possibilités d'intrusion dans la sphère privée encore plus inquiétantes », nous précise un acteur numérique. Et d'ajouter : « Amazon sait tout de ses usagers, à la page lue près. C'est d'ailleurs comme ça que fonctionne Kindle Unlimited.»
Pour tous les utilisateurs qui passent par l'achat de fichiers EPUB avec DRM, l'identification par Adobe est obligatoire. Dans le même temps, les bibliothèques publiques qui passent par les solutions OverDrive et consorts sont également contraintes par cette solution de reconnaissance logicielle.
Si d'un côté, on comprend que les fabricants d'appareils, et les revendeurs moissonnent des données, de la part d'Adobe, cette activité a quelque chose d'insolite. Mais surtout, c'est le silence autour de cette surveillance qui n'a pas manqué de choquer. C'est d'ailleurs ce qui a permis de rapprocher l'affaire de celle du Rootkit de Sony, en 2005 – un logiciel espion qui s'empressait d'aller chercher des données sur l'utilisateur...
Respecter la vie privée des lecteurs
L'American Library Association a pris cette affaire très au sérieux. À la suite de l'Electronic Frontier Foundation, elle dénonce les violations de vie privée commises par Adobe, et la transmission de données privées. Sachant que l'application ADE est utilisée par des dizaines de milliers de lecteurs de livres numériques dans le monde, la situation est délicate.
« Les gens attendent et méritent que leurs activités de lecture restent privées et les bibliothèques conservent la confidentialité des dossiers de leurs usagers. La transmission en ligne cryptée de données de lecteurs de bibliothèques n'est pas simplement une énormité : c'est un contournement des lois fédérales à travers le pays, qui protègent la confidentialité des dossiers de lecture en bibliothèque », explique Courtney Young, présidente de l'ALA, dans un communiqué.
Adobe a promis une mise à jour, expliquions-nous, mais cette dernière n'est toujours pas arrivée. « La vie privée de l'utilisateur est très importante, pour Adobe, et toute la collecte de données dans le logiciel Adogbe Digital Editions est raccord avec le contrat de licence de l'utilisateur final et la politique de confidentialité d'Adobe », se défend bec et ongles la firme.
Mais l'ALA n'n'est pas plus convaincue que les autres organisations. Franck Leroy, auteur de La Surveillance, le risque totalitaire, publié aux éditions Actes Sud, expliquait à ActuaLitté que les éditeurs auraient intérêt à réviser leurs usages, et surtout prendre fermement position contre cet usage. « [M] ais ils sont dans une ignorance totale. La fin des verrous s'impose comme une évidence », nous précisait-il.
« Personne ne vous demande d'informations susceptibles d'être par la suite commercialisées, et qui établissent votre description personnelle, médicale, religieuse, etc. Or, cela représente un danger fondamental pour la démocratie. À cette heure, on tente, par la surveillance des réseaux, de comprendre comment un mouvement social peut se développer à l'échelle internationale. Si l'on adjoint des données sur les lecteurs et leurs lectures, on mesure bien le danger. »
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