Les commentateurs des propos du Nobel de littératureont de toute évidence oublié quelque chose d'essentiel. C'est tout bête, mais on finirait par oublier que Mo Yan est un écrivain et non un homme politique. En effet, la presse occidentale, qu'elle soit américaine ou française, s'accorde à dire que le prix Nobel de littérature 2012 ne dit pas ce qu'il devrait : on attend de lui qu'il dénonce le régime en place dans on pays et qu'il se fasse le défenseur du Nobel de la paix 2010, Liu Xiaobo, emprisonné depuis 2009 pour avoir demandé plus de démocratie et il nous parle de sécurité aéroportuaire.
Le 07/12/2012 à 17:29 par Clément Solym
Publié le :
07/12/2012 à 17:29
mayakamina,CC BY-NC 2.0
« Le lauréat du Nobel Mo Yan défend la censure »
C'est ce qu'on peut lire en titre d'un article paru sur le site du Los Angeles Times. N'est-ce pas pousser le bouchon un peu loin ? Arrivé hier à Stockholm hier pour prononcer aujourd'hui en fin d'après-midi le discours que les lauréats tiennent en présence du roi de Suède (discours en général forts convenus), Mo Yan a été assailli de questions en conférence de presse.
Ses déclarations n'ont pas convaincu les journalistes sur place. Le même jour une lettre ouverte pour la libération de son compatriote a été publiée et signée par plus de 130 lauréats du Nobel. Mo Yan a réitéré ce qu'il avait déjà dit sur le sujet, à savoir qu'il souhaitait que Liu Xiaobo soit libéré : « J'ai déjà exprimé mon opinion sur ce sujet » a-t-il déclaré.
Mais ce n'est pas suffisant.
Un engagement mollasson ?
Oublions les questions sur son œuvre, le débat tourne bel et bien autour de la seule question de son rapport au pouvoir en place. A la coterie des anti Mo Yan, lancée par Herta Müller, il faut désormais rajouter Salman Rushdie qui a donné son avis sur Facebook. « Il défend la censure (…) Il est dès lors difficile de ne pas conclure que Mo Yan est l'équivalent chinois de l'apparatchik soviétique Mikhail Sholokhov : autrement dit un bouc-émissaire du régime. » Comprendre : Mo, fais en sorte d'être condamné à mort et on en reparle ! On fait mieux comme paroles de félicitations.
La reconnaissance officielle qu'il a suscitée en Chine, où toute la presse le soutient, remettrait également en cause son intégrité d'écrivain et d'homme. Certes, il est le vice-président de l'Association des écrivains chinois, une association officielle. Autre crime impardonnable : certains de ses textes sont étudiés dans les écoles.
Et il n'a pas arrangé les choses en expliquant que la censure était parfois une chose « nécessaire », en la comparant aux procédures de sécurité qui ont cours dans les aéroports. Dans le langage Müller, ça donne : « Il loue la censure. »
À croire que Mo Yan est le ministre de la propagande et de la censure en personne. Shelley W. Chan, spécialiste de l'œuvre du Chinois, fait bien de préciser que ses détracteurs feraient mieux de lire ses livres plutôt que d'analyser ses moindres faits et gestes. Selon elle, on y trouve de véritables critiques du régime communiste.
Mais visiblement le reste des commentateurs a choisi d'opter pour une vision toute sartrienne de l'écrivain : l'engagement passe avant le travail à proprement parler. Pourtant, ce qui était valable il y a cinquante ans ne l'est pas forcément aujourd'hui. Sinon il faudra attribuer le Nobel 2013 à BHL.
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