Les petites îles bretonnes inspirent les écrivains chez Liana levi. Après l'île de Belz d'Emmanuel Grand (Terminus Belz, 2015), voici l'île de Trevedic de , aussi imaginaires l'une que l'autre mais proches tout de même d'une certaine réalité insulaire armoricaine.
"L'avenir d'un fils de pêcheur est tout tracé. On connaît déjà la profession de l'arrière-petit-fils."
Eprouvée par le mauvais temps et les naufrages, les rudes activités de pêche, l'isolement et la solitude, la désagréable sensation d'être épié en permanence, cette île devient vite le lieu étrange et très fermé, hors du temps et de la société, propice aux mystères en tous genres et obscures intrigues familiales. "Tout le monde se connaît. Les gens guettent ce qu'on fait dès qu'on met un pied dehors."
Edelweiss, trentenaire parisienne revient sur son île natale pour enterrer son père, tombé accidentellement d'une falaise, un jour de tempête. Troublée par cette mort inattendue ; curieuse et vive, elle s'interroge sur les circonstances de la chute et enquête, bien déterminée à éclaircir certaines incohérences. "Cette falaise, il l'arpentait quasiment tous les jours […] Cet endroit tout le monde s'en méfiait, et papa le premier, qui était sujet au vertige."
Au plus près des habitants, des amis d'enfance, des voisins, du seul policier de l'île, elle questionne sans relâche, malgré les menaces et intimidations, démasque des activités délictueuses inattendues. Véritable justicière, rien ne l'arrête.
Atypique dans son déroulement, l'histoire s'aventure hors des sentiers battus avec humour (noir) et s'extirpe allégrement du genre policier. Farfelue parfois même invraisemblable, elle décevra le lecteur en quête d'une intrigue rigoureuse mais amusera l'amateur de comédie fantaisiste.
Empreint d'impertinence et d'une audace assez maligne, assurément amoral, le récit détonne sans pour autant se défaire d'une certaine acuité dans la description des personnages, des relations de couple également. " Il ne faut pas chercher à aimer tout chez un homme. Je l'ai appris à mes dépens. Il faut en aimer une partie suffisante, au moins cinquante pour cent. Le reste, il faut parvenir à l'accepter, sinon, c'est mort."
Une galerie de portraits atypiques, incisifs et drôles, dont on aurait sans doute aimé qu'ils gagnent en profondeur mais qui révèlent déjà chez l'écrivain, un sens de l'observation aigu et talentueux.
L'ambiance insulaire est finement perceptible, retranscrite avec justesse et finalement, le lecteur regrette presque l'excès d'imagination, de temps à autre, discordant avec une apparente réalité, autrement plus passionnante et convaincante.
L'écriture, par ailleurs, fluide, légère et simple, crée une proximité sympathique, plutôt gaie, très agréable. Immédiatement, le lecteur se sent à son aise, sait d'emblée que le moment de lecture sera plaisant et divertissant, ininterrompu. En un mot : chouette !