Si ces semblent assurément moins réalistes que les chroniques de Jérusalem de Guy Delisle, elles relèvent pourtant, si l'on y regarde d'un peu plus près, d'une inspiration sans doute assez autobiographique, toute imprégnée de rêverie, de douce dérision et de poésie charmante.
Derrière ce pseudo suédois, se cache un jeune homme français, remarqué à plusieurs reprises déjà par son blog "Chroniques suédoises" dont ce livre reprend d'ailleurs les meilleures publications.
Passionné par ce pays nordique qu'il connaît bien, fidèle également aux clichés que tout Français possède du peuple suédois, il présente un pays, une société, un "modèle", sous une forme humoristique et décalée, jamais méchante, proche de l'univers de Sempé.
Ainsi de ce pays "idéal", qui prône l'égalité et la tolérance, soucieux de l'environnement et avant-gardiste en matière d'écologie, raisonnable et consensuel, pragmatique, hyper-connecté, à l'écoute de ses enfants, prévoyant et doté d'un fort sens civique, l'auteur, avec beaucoup de fantaisie et de fraîcheur, une certaine candeur aussi, offre au lecteur une vision carrément fantasmée, encore improbable (quoique…) de ce pays scandinave ; une vraie terre de rêves et d'utopies, séduisante et drôle.
La Suède, c'est le Paradis, même l'hiver.
De l'usage du métro au jeu de loto, tout est fait pour approcher au plus près le bien être des individus, restaurer l'estime de soi, rendre heureux. Avec un Etat désirable, attentif et bienveillant à l'égard de ses citoyens, capable d'apporter la campagne dans les villes, d'imaginer des bureaux de vote itinérants pour aller à la rencontre des électeurs, de créer des jeux citoyens ou des couloirs de piscine à la place de couloirs de bus, capable même d'attraper les aurores boréales pour illuminer les villes du pays entier ou de domestiquer les abeilles, c'est inévitable, le lecteur adhère avec enthousiasme au petit grain de folie, à cette ambiance farfelue mais pas idiote, qui pointe même parfois toute l'absurdité de nos sociétés modernes (cf. le train de sevrage des nouvelles technologies, chronique du temps perdu).
L'air de rien, empruntant une tonalité joyeuse et facétieuse, Thomas Lapanouse dépeint une société moderne pleine de contradictions et d'incohérences, observe avec acuité un peuple issu d'un modèle social juste et respectueux mais pourtant tenté aujourd'hui, ça et là, d'emprunter des chemins plus populistes et individualistes.
Souriante et intelligente, cette vingtaine de chroniques, parfois inconcevable, parfois visionnaire s'amuse des préjugés, caricature en douceur l'Etat providence, la culture et le peuple suédois et invite à prolonger le voyage, imaginaire ou non.
Ha en trevlig resa !
Cécile Pellerin