n'a pas le nom le plus facile à porter de la bande dessinée, on raconte même que son nom effraie certains lecteurs et éditeurs ! Dépassez vos angoisses et découvrez les siennes : chacun de ses projets mérite largement qu'on s'y attarde, formant, album après album, une des œuvres les plus intéressantes de la BD indépendante de ces dernières années, à la fois drôle et sinistre, intime et urbaine, rock'n'roll et profonde.
Rien que ça ?
Un peu plus, même, car le dessinateur scénariste parvient toujours à dépasser le projet qu'il s'est lancé en y insufflant quelque chose de mystérieux, de difficile à cerner et qui ressemble bien à du talent, tout simplement.
De la solitude au couple
Les lecteurs fidèles de ce site se souviendront peut-être qu'un album précédent de Terreur Graphique s'intitulait « La rupture tranquille » (publié aux éditions Même pas mal, comme on vous le signalait ici) : ce nouveau livre pourrait porter à merveille le même titre.
Les courts chapitres racontent en effet la rapide décomposition du couple formé par Sam et Rachel, leur histoire d'amour ayant du mal à résister aux élans hypocondriaques de Sam, qui se croit sans cesse atteint des maladies les plus graves ou menacés par les vermines les plus insidieuses.
Publié aux éditions Six Pieds Sous Terre, ce titre est en quelque sorte le prolongement du magistral « Rorchach ». Là où le narrateur était seul à affronter ses démons intérieurs, il se retrouve à présent confronté à une partenaire. Ses phobies, manies et tares sont dès lors nocives non seulement pour lui, mais surtout pour le couple qu'il aimerait, semble-t-il, former un jour.
Des angoisses à fleur de dessin
Si vous connaissez déjà la patte de terreur graphique, pas besoin de vous présenter ses personnages empâtés, grassouillets, courts sur pattes, presque toujours moches et suants, la bedaine sortie du t-shirt et le rouge à lèvres appliqué en surdose. Grâce à une mise en couleur très sobre, monochrome pour la plupart des histoires, plus colorée sur l'épilogue, les planches restent proches du noir et blanc malgré l'impression en quadrichromie, conservant ainsi l'éclairage très sombre de l'univers de Terreur Graphique.
Les chapitres tirent à chaque fois leur titre d'une bande-son rock'n roll, qui s'ouvre avec Johnny Cash et se clôt avec Dominique A. Des choix musicaux qui correspondent assez bien au goût immodéré de Terreur pour la transpiration, les démangeaisons, les fièvres, les poils et les t-shirts qui dévoilent les rondeurs. À cela, le dessinateur ajoute des métaphores visuelles, qui révèlent l'univers intime des protagonistes : des vers envahissent l'appartement, la ville se tord sous l'effet des médicaments ou le héros, assis face à la télé, est représenté sous les traits d'un insecte géant.
Avec Terreur Graphique, les prouesses de mise en scène et les tours de force visuels ne font qu'un avec l'histoire qui est racontée. Tout est, depuis la couverture jusqu'aux pages de garde, contribue à tisser l'atmosphère fiévreuse de l'album.
Mais que l'on ne se trompe pas : « Hypocondrie(s) » n'est pas une fable pessimiste sur les déchirements du couple. Par sa structure en boucle, il parvient à insuffler une sorte d'espoir au lecteur, en forme d'éternel recommencement. Pas un optimisme béat, mais une raison de ne pas désespérer, à tout le moins.