Dans le village d’Argel, au Sud de Laval, en Mayenne, se côtoient diverses généalogies.
L’une, aristocratique qui trouve ses racines dans le Moyen-Âge et qui habite encore, malgré les vicissitudes, le château familial d’Ardoigne. La mort de la marquise dans un accident de voiture ne sera pas étrangère à la vocation de sa fille, avocate, qui met tout son talent à défendre les victimes de la route.
Une autre, industrielle qui a fait fortune dans l’après-guerre (la Grande) à reconstruire le pays. Sorti des tranchées où il n’avait plus vu la terre que comme un énorme champ de ruines, l’initiateur de la lignée avait refusé de reprendre la ferme familiale, préférant mettre à profit ses expériences de consolidation des tranchées pour construire peu à peu un empire industriel impliqué dans la construction de routes, de bâtiments et de voies ferrées.
Une autre encore, agricole qui, partie de l’élevage de vaches laitières, avait progressivement étendu ses domaines de prédilection, notamment dans le négoce régional de céréales.
Et puis, à Argel, est venu s’installer, pour y couler une retraite administrative, un ancien préfet, ancien commis de l’Etat dont la carrière, après un envol fulgurant lui permettant de déployer de grandes ambitions, avait sombrement chu dans les arcanes et les couloirs sombres du pouvoir.
Argel n’est finalement qu’une petite commune, située sur le tracé de la voie TGV qui s’élance à l’Ouest, où les intérêts divergents des différents protagonistes vont s’entrechoquer.
Dès les premières pages de son livre, universalise le concept d’aménagement du territoire dans une vision historique qui donne un certain éclairage aux motivations des décisions orientant, depuis l’aube des temps humains, les politiques d’usage du territoire.
L’Histoire montre effectivement que les décisions correspondantes n’ont jamais été le fait des utilisateurs et que ce sont quelques décideurs qui s’approprient la capacité de tous à décider des intérêts, des besoins et des attentes collectives.
Il est assez amusant de voir comment ces orientations s’avèrent surtout rencontrer quelques intérêts industriels et fonciers largement soutenus par quelques ambitions politiques !
Les digressions sont nombreuses et les sujets tellement variés que cela permet à l’auteur de nombreux détours dans des domaines aussi éloignés les uns des autres que l’archéologie, le nucléaire, le ferroviaire, l’anthropologie et bien d’autres encore. Au point que certains peuvent apparaitre un peu déconnectés du sujet principal, sans lien réel avec la ligne directrice du TGV Ouest même s’ils sont documentés, apparemment avérés et présentés selon des schémas de vulgarisation parfaitement accessibles alors même que certains sujets peuvent être pointus.
Mon problème aura certainement été de n’être pas sorti indemne de ces déballages, certes passionnants et bien écrits mais aussi assez sommaires car leur nombre aurait transformé le roman en encyclopédie s’ils avaient été plus longuement développés. Et si les premiers ont pu piquer ma curiosité, j’ai finalement été gêné par trop de confiture sur la tartine.
Et quand, au bout du compte (du conte ?), cela se termine sur une histoire abracadabrantesque où ne manquaient plus que les petits bonhommes verts en toile de fond, là, j’ai totalement décroché.
Dommage pour l’aménagement du territoire qui aura perdu là une occasion de mieux soulever l’enthousiasme de chacun pour s’y intéresser voire s’y impliquer et ne pas laisser à des grands groupes industrialo-financiers faire ami-ami avec les politiques pour conclure des contrats juteux où le gigantisme laisse à l’abandon et à la déshérence des pans entiers de territoire qui ne sont plus irrigués par des communications de proximité. Raté.