Le Par-delà bien et mal n'est pas né avec l'Allemand moustachu. Connaissez-vous les sceptiques ? Pas dans la vie, mais cette bande de zigs antique qui ne répondra à aucune de vos interrogations, puisqu'aucune connaissance certaine et indubitable n'est possible sur rien... Par corollaire, comme dirait Spinoza, les valeurs n'ont pas de réalité, la croyance morale est préjudiciable, il ne saurait exister d'art de vivre...
Ces conclusions proviennent du bien-nommé Sextus Empiricus, qui s'est élevé, au IIe siècle après J.C. contre les « moralistes ». Ainsi s'achève, après la déconstruction de la logique (Contre les logiciens) et de la physique (Contre les physiciens), la « ruine » de la morale par Sextus Empiricus, au travers de sa trilogie Contre les dogmatiques.
Problème : où est le refus de juger propre à l'école sceptique ? Est-il légitime de condamner les condamnateurs professsionels ? Ne faudrait-il pas considérer la nécessité dans les choses comme le Beau en soi ?
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« Je ne ferai pas de guerre contre la laideur ; je n’accuserai point, je n’accuserai pas même les accusateurs. Détourner le regard : que ceci soit ma seule négation ! Et, en tout et pour tout, et en grand : je veux, en n’importe quelle circonstance, n’être rien d’autre que quelqu’un qui dit oui. » Le désir du grand Friedrich, exprimé à l'occasion d'un nouvel an dans son Gai savoir, où est-il ici ? Il faut d'abord casser, et ce n'est pas le philosophe à coup de marteau qui dira le contraire...
Le scepticisme, selon Hegel, n'est pas une philosophie mais une psychologie, un nihilisme. Quand tout est équivalent, alors aucune raison d'être pour ou contre. Au bout du compte : le silence. Un silence logique et éthique. Un silence de la pensée : la parole est acceptée dans sa contingence, mais récusée quand elle est systématique. Ne serait-ce pas alors une sagesse ? Ou bien un nouveau dogmatisme ?
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Sextus Empiricus soutient que l’ataraxie, ou paix de l’esprit, découle de cette suspension du jugement, car elle libère l'individu du désarroi causé par les tentatives d'atteindre une certitude absolue. Sa démarche n'est pas de nier toute possibilité de connaissance, mais de montrer que la reconnaissance de l'incertitude peut être un chemin vers une vie plus apaisée.
L'ouvrage laisse entrevoir, pourtant, la perspective d'un bonheur sceptique. S'y dessinent les contours d'une approche paradoxale qui, tout en semblant se moquer de la morale, marie conformisme de fait et anticonformisme de principe. La morale est devenue personnelle.