L’histoire continue là où l’avait laissé se terminer.
C’est la relation entre Salverio, le jésuite devenu l’héritier des Valfonda à la mort de l’oncle Malo et sa petite-nièce Aria, journaliste, qui fournit le fil rouge de cette suite qui a pour toile de fond les errements politiques, sociaux, juridiques et religieux de l’Italie contemporaine.
Harcelé de questions par Aria, Salverio rechigne à donner des réponses qui, il le sent bien, vont provoquer un énorme tumulte dans l’esprit de la jeune femme déjà totalement bouleversée par toutes les turpitudes diverses dont ses articles se font l’écho.
Maître de l’ellipse sinon de l’éclipse, Salverio use et abuse de toute la finesse de son éducation jésuite pour repousser encore et encore le moment où il devra bien prendre ses responsabilités, face à sa petite-nièce certes, mais également face à lui-même, à son passé enfoui sous des tonnes de certitudes pour tenter de l’éluder.
Aria, elle, poursuit sa quête personnelle, ne trouvant aucune réponse auprès de sa mère avec laquelle elle entretient des relations tendues, orageuses, où l’incompréhension mutuelle trouve sa source au plus profond des évolutions culturelles et cultuelles aux antipodes l’une de l’autre.
Et ses recherches, ses questionnements sont, pour elle, l’occasion de croiser les soubresauts de la vie publique italienne tout au long de ces années d’écoute et d’investigation.
Dans ce deuxième opus qui clôt le cycle de son roman à double détente, Simonetta GREGGIO reprend le fil de son récit avec la même ardeur et les mêmes méthodes.
Mêlant une histoire familiale, qui lui sert surtout d’alibi, à l’Histoire tout court, elle continue de faire remonter à la surface tous les scandales politico- juridiques (et autres) qui ont marqué ces années infernales : la mort d’Aldo Moro, celle des juges Falcone et Borsellino, celle du journaliste Impastato, la disparition de la jeune Eluana Englaro,...
Mafias tentaculaires accrochées aux basques des hommes politiques, mélanges Berlusconiens entre industrie, politique et communication, couloirs tamisés et secrets du Vatican, … : rien ne manque à ce tableau où toutes les collusions sont possibles et décortiquées les unes après les autres mettant en évidence un système qui s’auto-entretient au motif que laisser éclater les vérités pourrait provoquer des bouleversements incontrôlables !
Des Brigades Rouges à la loge maçonnique P2, de l’Autorité d’Information Financière (AIF) chargée de lutter contre le blanchiment d’argent sale au sein du Vatican au mouvement politique Communion et Libération (CL) au total dévouement à la cause de Dieu, de la banqueroute de la Banque Ambrosino à la surprenante tranquillité judiciaire de Paul Marcinkus, Simonetta GREGGIO étale toutes des accointances, toutes les collusions et prend tous les risques pour dénoncer dans les articles qu’elle fait écrire à son héroïne des faits hautement dangereux quand on imagine ceux qu’elle dérange parce qu’elle les met en cause.
Peut-être est-ce pour cela qu’Aria « n’est pas revenue chez elle »…
Je ne sais pas si c’est un livre dangereux ou explosif pour Simonetta GREGGIO ou pour ceux qui ont pris le risque de le publier, en revanche, ce dont je suis persuadé, c’est qu’il faut le lire en espérant et en œuvrant pour que notre démocratie française garde la capacité à rester à l’abri de ces forfaitures terribles.