Roques Pascal

Dès ses premières parutions, Riad Sattouf détonait dans le monde de la bande dessinée par son honnêteté maladive. « Le manuel du puceau », par exemple, était si juste sur l'adolescence et ses obsessions triviales qu'on redoutait de le donner à lire, aussi bien aux ados qu'à leurs parents. Un album tellement juste et impitoyable qu'il en était presque insupportable. C'est encore cette ligne éditoriale qui guide la série de témoignages croqués sur le vif de « La vie sexuelle des jeunes ». On rit à tout bout de champ, mais d'un rire misérable, teinté de commisération.

Avec « L'arabe du futur », Riad Sattouf applique sa méthode impitoyable au sujet le plus difficile à traiter de la sorte : soi-même. L'album raconte la petite enfance du dessinateur, né en France puis trimbalé dans la Libye du colonel Kadhafi et la Syrie d'Hafez Al-Hassad, pays d'origine de son père. Riad n'a pas encore trois ans quand le récit commence : tout le monde le trouve magnifique avec ses longs cheveux blonds dans la France de Pompidou... Mais rien n'est simple, quand on a un père qui rêve de révolution communiste et de réveil des pays arabes.

Entre les discours du père, son idéal clamé haut et fort, et la réalité des appartements minables, des gamins syriens abrutis et de la famille omniprésente dans le village familial, le petit Riad a bien du mal à trouver des repères. Il admire la violence des gamins syriens de son âge, tout en restant tétanisé par la peur qu'ils lui inspirent.

Un regard attendri sur la laideur et les faiblesses

Cette autobiographie pourrait être terriblement convenue : les scènes d'enfance ont été racontées mille fois, le déracinement est aujourd'hui le moteur de rayons entiers d'albums de voyages ou de reportages, la famille est depuis toujours au centre de l'autobiographie, et pourtant, une fois de plus Riad Sattouf parvient à faire vibrer les lecteurs.

Son absence totale de complaisance, l'honnêteté avec laquelle il dessine la mauvaise foi ou la violence de son père, comme les silences de sa mère, permettent de dépasser à la fois les clichés et le côté anecdotique dans lequel l'autobiographie peut souvent s'embourber.

On sent, comme dans ses autres projets, que Sattouf aime ses personnages sans réserve, avec les défauts et les tares qui leur collent aux pieds. Il a un faible pour les sorcières, les chauffeurs de bus moches, les vieilles ratatinées et les gamins aux fronts démesurés. Il aime la démesure, justement, la truculence et l'outrance, les personnages qui rêvent à voix haute et ceux qui s'emportent sans retenue.

Dessiner la mémoire

Le trait tout simple, mis en couleur avec des à-plats monochromes qui changent au fil du récit, renforce bien évidemment l'impression de dénuement qui accompagne les deux déménagements de la famille. Les personnages de Sattouf ont bien souvent de grosses têtes cylindriques qui rappellent à la fois la tradition franco-belge de la ligne claire par le trait et les Simpsons de Matt Groenig par la forme.

L'auteur excelle dans l'art de mettre en lumière les détails sordides. On ressent ainsi moins la chaleur du soleil de Syrie que l'odeur fétide de la rivière brunâtre qui traverse le village familial ; si l'on raconte un couscous partagé chez les cousins, c'est pour rappeler que les femmes n'ont droit qu'aux os déjà rongés par leurs maris ; si le petit Riad voyage en bus, il ne regarde pas par la fenêtre, mais par les trous dans le plancher rouillé du véhicule.

Au final, on constate une fois de plus que Sattouf est un vrai conteur : on tourne la dernière page le plus lentement possible, parce qu'on n'a pas envie de quitter les rives de la Méditerranée, les dernières décennies du millénaire passé et ces personnages attachants, que la vie ne récompense pas vraiment. On a envie qu'il leur arrive quelque chose de bien. Que leur fils devienne bédéaste, par exemple. Qui sait ? Ça pourrait très bien venir dans les prochains volumes qu'on lira avec impatience !

Et dès cet automne, on annonce le retour de Pascal Brutal, pour un quatrième album attendu depuis des années par les fans, chez Fluide Glacial, comme il se doit.

Le commence aujourd'hui Portes de Versailles et ce, jusqu'au 24 mars.

Par l'intermédiaire de notre Directeur de rédaction, Fred Ricou, nous y sommes pendant ces quatre jours. Bien entendu, il énormément de choses à faire : rencontres avec des auteurs, signatures, conférences etc.
Et justement en parlant de conférence, voici celles qu'il modère, n'hésitez pas à venir :

Vendredi

12h30-13h30

Carte blanche à Fred Bernard et François Roca

Le binôme au p'tit grain de génie reviendra sur 18 ans d'une collaboration fructueuse et pleine de succès chez Albin Michel jeunesse.

À partir de 5 ans

Grande scène (U6)

17h30-18h30

Histoires de femmes

Parce que la figure féminine dans la littérature de jeunesse s'étoffe enfin, venez à la rencontre des auteurs qui lui donnent de l'épaisseur. Indépendantes, volontaires et touchantes, les héroïnes des romans pour ados n'ont enfin plus rien à envier à leurs alter ego masculins.

Avec Pascale Maret (Thierry Magnier) Les ailes de la Sylphide

Frédérique Deguelt (Actes Sud junior) Ma nuit d'amour

Paule du Bouchet (Gallimard jeunesse) Je vous écrirai

et Stéphane Servant (Le Rouergue) Le cœur des louves

P'tite scène (P5)

À partir de 14 ans

Samedi

10h-11h

Rencontre avec Inés Garland, auteure argentine invitée

L'Argentine et ses auteurs jeunesse sont aussi à l'honneur sur la P'tite scène. Avec Pierre contre ciseaux, roman d'apprentissage argentin publié à l'École des loisirs, partez à la découverte d'un pan de l'Histoire argentine et des heures noires de la dictature. La fougue d'Alma, jeune héroïne du roman, est contagieuse : on dévore le récit. Pour prolonger la lecture et aller plus loin, venez poser vos questions à Inés Garland.

En présence de sa traductrice, Sophie Hofnung.

À partir de 12 ans

P'tite scène (P5)

15h30-16h30

Les 20 ans de Pocket jeunesse

Évolution de la maison d'édition, développement de collections, courants littéraires en vogue…, Natacha Derevitsky, Directrice éditoriale de PKJ, reviendra sur deux décennies d'édition. Elle laissera ensuite la parole à Licia Troisi, l'auteure à succès qui vous présentera le premier tome de sa nouvelle trilogie, Les royaumes de Nashira.
À partir de 10 ans

P'tite scène (P5)

16h30-17h30

Grands auteurs / Petits éditeurs : la force des convictions

Avec d'un côté Éric Denniel (directeur des éditions Le Muscadier) et Patrice Favaro (auteur jeunesse, Du sable entre tes doigts ), et de l'autre Jean René (directeur des éditions Bulles de Savon) et Michel Piquemal (auteur jeunesse).

À partir de 10 ans

P'tite scène (P5)

17h30-18h30

La dystopie, kézako ?

Les ados sont fans de ce genre qui dépeint, souvent, un monde inégalitaire dans lequel la liberté et le bonheur sont inaccessibles pour une partie de la population.

Charlotte Bousquet ( Le dernier ours, Rageot),

Johan Heliot (Les Substituts, Seuil jeunesse)

et Carina Rozenfeld ( La Symphonie des abysses, Robert Laffont) viendront vous parler de ce genre qui les passionne.

À partir de 12 ans

P'tite scène (P5)

Dimanche

10-11h

C'est pour de rire !

La série des « Fantômes », la collection « Histoires maboules » ou encore les aventures hilarantes des deux cousines Camille et Jeanne rencontrent un vrai succès : les enfants qui les lisent se bidonnent. Vive l'humour et la légèreté dans la littérature jeunesse !

Avec Wiaz (La Différence), Claire Renaud (Fleurus) et Laurent Simon (Hélium).

Des 6 ans

P'tite scène (P5)

11h-12h

Des binômes fous, fous, fous… de talent !

Dans Pico Bogue (Dargaud), c'est Dominique Roques (la mère) qui écrit le scénario quand Alexis Dormal (l'un de ses fils) l'illustre. Pour Cathy Ytak et Thomas Scotto (Le Rouergue), l'exercice est un peu différent : les deux auteurs-amis ont écrit, à partir d'une seule trame, deux histoires indépendantes qui se répondent et se complètent.

Dans tous les cas, ce sont de talentueux duos de choc !

À partir de 7 ans

P'tite scène (P5)

12h-13h

Éditions Globe – L'école des loisirs

Souvent issus du reportage et peu soucieux d'appartenir au monde des lettres, ils sont pourtant en passe de se forger une place durable dans la littérature contemporaine. Chez eux, tout est vrai et leur vérité dépasse la fiction. Nous sommes heureux de les accueillir et de vous faire partager leurs aventures.
P'tite scène (P5)

Lundi: rencontre professionnelle (accréditée)

10h-11h

Numérique : Trois invités, trois projets radicalement différents destinés à la jeunesse !

Découvrez l'application "la Cité des Mots" qui permet d'écrire un livre en sept leçons depuis son mobile, une tablette ou le site internet dédié aux collectivités. L'Apprimerie vous fera vivre « de nouvelles expériences de lecture et d'interactions entre le fond et la forme ». Enfin, penchez-vous sur les livres jeunesse enrichis en vidéos, effets sonores, textes lus, animations et interactions réalisés par CDBF.

PRO

P'tite scène (P5)

Ce qui ne vous empèche pas d'aller voir tout le reste...