L'ancien régime communiste n'est pas connu pour avoir été le système politique le plus tendre, et Jiří Stránský en savait quelque chose. Mort ce 29 mai 2019 à l'âge de 87 ans, sa vie longue vie tumultueuse est racontée dans l'ouvrage
Doktor vězeňských věd (Docteur ès sciences pénitentiaires), par la journaliste Renata Kalenská, paru aux éditions Motto en 2017, où elle révèle les différents entretiens échangés avec l'écrivain.
Jiří Stránský (Krokodyl - CC BY-SA 3.0)
Un destin de luxe brisé par la guerre
L'écrivain naît dans une famille pragoise aristocratique, en 1931. Son grand-père maternel, Jan Malypetr, est Premier ministre entre 1932 et 1935 et son père est un avocat compétent et reconnu. Dignité et intégrité sont les mots d'ordre de la famille.
Cependant, la Seconde Guerre mondiale et les événements qui en découlent changent radicalement le destin de Jiří. Son père est interné dans un camp de concentration pendant l'occupation nazie et même le coup de Prague, en 1948, et la prise du pouvoir par les communistes ne lui laisseront aucun répit.
Le jeune homme est chassé de son lycée, sans avoir pu passer son examen de fin d'année. Malgré un service militaire complet et terminé, il est ensuite accusé, en 1953, de haute trahison et condamné, suite à un procès jugé aujourd'hui truqué, à la prison et aux travaux forcés dans les mines d’uranium. C'est à ce moment-là qu'il rencontre le poète Jan Zahradníček, qu'il considère comme son mentor. C'est d'ailleurs ce dernier qui l'aurait mis en garde face à ses désirs de vengeance en déclarant : « Plus tôt tu te débarrasseras de ta haine et de ton désir de vengeance, mieux ce sera pour toi, parce que autrement tu en seras la première victime ».
“ Libéré du désir de la vengeance par l’écriture ”
Finalement, amnistié en 1960, il retrouve la vie quotidienne en tant qu'ouvrier du bâtiment, se marie et fonde une famille, avant de collaborer avec le studio de cinéma de Barrandov, l'un des principaux studios de cinéma tchèque et parmi les plus grands en Europe.
Néanmoins, l'écrivain n'est pas au bout de ses peines. La Tchécoslovaquie est occupée par l’armée soviétique en 1968. Jiří devient de nouveau la cible des autorités. Il est accusé de vol en 1974 et retourne en prison pendant deux ans. Il ne pourra retrouver une vie libre qu'à partir de 1989, date de la chute du régime communiste de Moscou en Europe. C'est le moment propice pour le futur auteur de commencer à écrire des romans, principalement inspirés de sa vie, dont Zdivočelá země (Le Pays ensauvagé), son œuvre la plus connue.
« Jiří Stránský ne s’est jamais entièrement débarrassé de la haine par rapport à ses geôliers, mais il s’est libéré du désir de la vengeance par l’écriture », explique Renata Kalenská. « Pendant toute sa vie, il cherche à définir le plus exactement possible ce qui est le mal et quelle est son origine, mais il ne pardonne à personne la moindre défaillance. Il affirme que c’est sa nature profonde et cela est symbolisé aussi par le chevalier à l’épée dégainée qui figure même deux fois sur les armoiries de sa famille ».
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Curieuse, la jeune journaliste avait également demandé à l'écrivain, durant l'une de leurs interviews désorganisées entre octobre 2015 et avril 2016, son secret pour avoir survécu à toutes ces épreuves :
« Si je n’étais pas optimiste, je ne serais pas du tout, ce serait ma fin. C’est ça le fond du problème », avait simplement répondu Stránský. « Sous le régime totalitaire, même les membres de ma propre famille me disaient que j’étais un optimiste imbécile. Tout simplement, je n’ai jamais douté, pas une seconde, de finir par recouvrer la liberté un jour. Jamais. »
L'œuvre de Jiří Stránský n'est pas disponible en français.
via Radio Praha.