Dans la collection sorte de guide touristique rédigé par un écrivain à la 1ère personne, et « conçu pour révéler le plus secret d'une ville »,Alexandre Najjar, d'origine libanaise et lauréat du prix Méditerranée en 2009 pour son roman Phenicia (Plon), offre au lecteur ses premières impressions d'un voyage à Stockholm puis à Göteborg. A l'inverse du voyage en Orient, cher aux écrivains du XIXème siècle, c'est un périple vers le Nord qu'il effectue, dans le respect des grands écrivains-voyageurs. « Pour bien se laisser séduire dans une ville, trois armes sont nécessaires : de bonnes jambes, la passion –sans laquelle la paresse étouffe le désir comme un éteignoir la flamme d'une bougie- et la curiosité. »
Au fil d'une écriture agréable, l'auteur décrit son arrivée à Stockholm en hiver, les raisons de ce voyage (interpréter le rêve du modèle suédois) et s'attache à proposer au lecteur curieux, des impressions, des sentiments, un regard spontané, sans parti pris si ce n'est celui d'inciter au voyage, de découvrir une culture particulière, à l'opposé le plus souvent de celle dont il est issu, d'approcher au mieux une société, de s'attarder auprès des gens, de respirer la ville, en définitive.
Au cœur de cette découverte initiatique, le lecteur s'émerveille et s'instruit, se réjouit d'anecdotes, partage des émotions à travers les rencontres humaines relatées par l'écrivain, notamment celle de Laurent, le jardinier-photographe, Français expatrié.
Il plonge également dans l'Histoire du pays, de manière très (un peu trop ?) didactique, redécouvre des célébrités en tous genres (de Greta Garbo à Ingmar Bergman ou Mankell, en passant par Abba, Fifi Brindacier ou Zlatan), accompagne même l'auteur jusqu'à Beyrouth lorsque ses pérégrinations ravivent des souvenirs lointains, font écho à une plus histoire intime, sensible et forte.
Un voyage en Suède qui entraîne le lecteur encore plus loin, de la Palestine à la Syrie, parfois même en Tunisie ou en Egypte, au détour d'une conversation avec un chauffeur de taxi. Voyage ouvert, sans frontières, sans itinéraire clairement établi mais découpé en chapitres distincts, proposant des étapes, certes subjectives mais caractéristiques de Stockholm (Göteborg est plus survolée) qui permettent au lecteur de se repérer aisément dans la capitale scandinave. Ca et là, des musées, des cimetières, des rues, des quartiers, des hôtels, des palais ou des cafés arrêtent, un moment, le regard et l'attention de l'écrivain et placent le lecteur en spectateur attentif, privilégié aussi.
« Ce récit se veut d'abord un hommage à une nation qui, par son respect de l'homme et de la nature, se place aujourd'hui à l'avant-garde des nations civilisées. »
Pénétration intime et passionnante au cœur de la société suédoise, sensible au respect de l'environnement, pionnière en matière de développement durable et d'écologie, soucieuse de l'égalité homme-femme comme de l'éducation de ses enfants. Sans doute moins favorable aujourd'hui à accueillir des immigrés, elle conserve néanmoins une politique d'intégration enviable et si le modèle suédois connait des revers, si l'écart entre les plus riches et les plus pauvres se creuse davantage, la Suède est encore aujourd'hui un pays faiblement corrompu, garantissant une protection sociale rarement égalée et au sein duquel il fait plutôt bon vivre.
Même si, reconnaît l'auteur, l'obscurité et le froid hivernaux pèsent sur l'humeur ; si l'anti-spontanéité et le côté « raisonnable » du Suédois agacent un peu parfois, il n'en reste pas moins que ce pays envoûte le voyageur et séduit le lecteur sans effort, prêt à répondre alors à l'Appel du Grand Nord.