Vendues au prix de 36 €, les 1365 pages du roman de Jonathan Littell sont déjà en réimpression. Son éditeur, Berlin Verlag, vise la mise en place de cent vingt mille exemplaires. Pourtant la critique ne réserve pas un bon accueil à cette œuvre littéraire. Mais c’est aussi cet effet polémique qui construit le succès de cet ouvrage. On retrouve sur internet de nombreux blogs consacrés au livre de Jonathan Littell.
Pour assurer le succès de la sortie du livre en librairie, le 28 février dernier, au théâtre du Berliner Ensemble, Daniel Cohn-Bendit interrogeait l’auteur en français. Parallèlement, le comédien Christian Berkel lisait en allemand des extraits du roman sur une musique de Jean-Sébastien Bach. L’entrée était fixée à 15 €.
Jonathan Littell a fait son petit effet, un cigarillo et un verre de cognac en mains, il ne mâchait pas ses mots, lui si avare habituellement avec la presse. Parlant de son personnage principal, Max Aue, il dit : « Je voulais un narrateur qui puisse être lucide, donc détaché, donc distancié par rapport à tous les autres. Une partie du travail qui a été pour moi extrêmement importante, c'est justement les autres. Les lecteurs se focalisent beaucoup sur Max, mais pour moi, tous les autres, tous ceux que Max décrit, étaient aussi importants.»
Il poursuit en disant : « Que ce soit Eichmann, que ce soit Rebatet, que ce soient les gens que j'ai inventés, j'ai essayé de montrer toute la gamme des nazis qu'il pouvait y avoir. Du petit nazi de base jusqu'à Himmler. Et Max comme figure me servait à ça. Lui, il pouvait observer. Maintenant, par rapport à sa propre position... J'ai lu l'article d'un historien français qui a émis l'idée très intéressante que Max mentait. Moi, je n'avais jamais pensé à ça. Un nazi qui n'est pas antisémite, qui ne lit pas Rosenberg et qui préfère Flaubert est-il crédible ? Il n'y a aucune raison de croire ce type sur parole. Peut-être qu'il ment, peut-être qu'il était complètement antisémite, qu'il lisait Rosenberg, Hitler, Streicher. C'est une possibilité du texte, et tout à fait valable, je trouve. »
Un Jonathan Littell décontracté qui a fait son petit effet :
Répondant à la question « Comment écrit-on l'horreur ? », il glisse dans l'ironie : « Quand on est écrivain, on fait attention aux points, aux virgules, à la concordance des temps », montrant ainsi sa décontraction. « La guerre c'est la guerre. On passe dans un autre mode de relation au temps. Quand j'étais à Sarajevo, on buvait des coups, on fumait des cigares et on draguait des filles et de temps en temps il y a un obus qui tombe. »
La presse a souligné l’élégance de Littel (manteau de cuir noir, costume sombre et chemise blanche au col ouvert). Une image soignée tout en étant décontractée qui n’a pu laisser indifférent. L’auteur Franco-Américain, qui ne parle pas l’allemand, est en passe de s’assurer un beau succès outre-Rhin.