Quand Ki-oon nous propose un shojo, il faut s'attendre à ne pas avoir un titre comme les autres dans les mains. C'est le cas avec Bitter Virgin de Kei Kusunoki. Et lorsque l'on sait que la mangaka est plutôt une habituée des manga d'horreur ou de comédie et qu'il s'agit là de sa première « pure histoire d'amour », on sent bien que l'on ne va pas lire un shojo conventionnel. Exit donc, les petits coeurs, petites fleurs et autres étoiles qui viennent polluer les cases au bénéfice d'un dessin plus mature et d'une histoire plus profonde.
Daisuke Suwa est plutôt beau garçon et compte se servir de sa popularité auprès des filles pour se faire un maximum d'expérience avant d'entrer à l'université. Être amoureux ne l'intéresse pas, en fait, il veut tout faire pour éviter d'avoir des attaches dans sa province natale. Il compte bien quitter le foyer familial qui n'est composé que de sa mère et de lui sa grande soeur étant partie pour vivre à Tokyo et son père étant décédé. Il refuse aussi de reprendre la suite dans le restaurant familial.
Il a des vues sur deux filles Kazuki Ibuse et Yuzu Yamamoto et compte bien sortir avec les deux. Pourtant une troisième l'intrigue, même s'il affirme ouvertement qu'elle ne l'intéresse pas. Il s'agit de Hinako Aikawa. Celle-ci, semble terrorisée dès qu'un homme s'approche d'elle. Un jour, alors que Daisuke s'est caché dans le confessionnal d'une église dite hantée pour échapper un temps aux tentatives de séduction de Kazuki et Yuzu, il se retrouve pris au piège. Hinako Aikawa est entrée dans l'église et ne le voyant pas, le prend pour un prêtre. Elle prend place dans le confessionnal et commence à confesser un lourd secret, qui va tout changer pour Daisuke...
Des thèmes graves traités avec finesse
Avant toute chose précisons que Bitter Virgin s'adresse à un public averti essentiellement parce que les thèmes abordés sont assez durs. En fait, de ce point de vue, on est vraiment à la frontière avec un Josei (manga pour jeunes femmes avec des sujets plus matures que ceux des shojo). Le traitement de ces thèmes graves se fait avec beaucoup de subtilité de la part de la mangaka qui ne cherche pas une seconde à apitoyer le lecteur. Il s'agit plus d'une ambiance, d'une amertume (comme le suggère le titre) qui flotte au-dessus des personnages et qui influe sur leur manière d'agir.
À ce titre, le personnage de Hinako Aikawa est très finement construit. On ne sait pratiquement rien de ce qu'elle pense. On ne la voit quasiment qu'au travers des yeux de Daisuke qui ne cesse d'être surpris par elle. En fait, on ne la voit que trois fois sans Daisuke, et à chaque fois un élément important de l'intrigue ou de la construction des personnages y est brièvement mais suffisamment développé. Voilà, qui montre bien la maîtrise du scénario et la subtilité dont peut faire preuve Kei Kusunoki.
Des personnages bien construits
Le personnage de Daisuke est aussi très intéressant. On le verra changer du tout au tout après être devenu involontairement le dépositaire du lourd secret de Hinako. Il se débat avec ce secret, un peu maladroit. On sent qu'il a un peu de mal à le porter, ne sachant trop jamais comment se comporter. Sa façon de penser change aussi du tout au tout et ne maîtrisant plus la situation, il se mettrait presque à réagir comme une vierge effarouchée.
On assiste donc dès le milieu du premier tome à un renversement des rôles avec une Hinako relativement en confiance et un Daisuke complètement déstabilisé. Enfin, on retrouvera des notes légères et comiques mais aussi une touche de suspens et de folie amoureuse à la toute fin du tome.
Des planches pleines de relief
Au niveau du dessin, Kei Kusunoki, nous évite les classiques du genre shojo. Bon certes, les personnages masculins sont relativement androgynes mais ça sera le seul code graphique du shojo utilisé. Si le charac design n'est pas très original, la mise en page, elle, l'est.
Dans toutes, les planches on retrouvera des dessins qui sortent de leur cadre pour venir empiéter sur d'autres ou encore qui n'auront carrément pas de cadre. Cette particularité donne un effet de profondeur et un relief, très appréciables aux planches. Et l'on parcourra celles-ci avec plaisir comme l'on parcourt les méandres du labyrinthe amoureux entre Daisuke et Hinako.
Bitter Virgin, tome 1 de Kei Kusunoki a donc été une très agréable surprise. Tant au niveau, des thèmes abordés avec finesse, de la subtilité du développement de l'histoire et des personnages que de traitement graphique avec des planches pleines de relief. Cette série ne compte que 4 tomes et si les trois suivants sont à la hauteur de celui-ci, on devrait avoir un petit bijou. Une histoire d'amour douce aux thèmes durs avec un petit côté amer et des touches plus légères d'humour.