Bob Dylan, prix Nobel (enfin) de littérature
Cher M. Assouline, cher Pierre, cher confrère, cher Passou
Après ton passage (tu permets, je te tutoie, je te renvoie à ce que disait Desproges sur la question), après ton passage, donc, sur Bibliothèque Médicis, à l’occasion de la sortie du
Dictionnaire amoureux des écrivains et de la littérature de 900 pages que tu publies, toi, on avait déjà une certaine idée de ce que provocation pouvait signifier.
Tirer à boulets petitement rougis, par le bois dont tu te chauffes, sur Albert Cohen, Umberto Eco ou encore Michel Houellebecq ça sentait bien le pot-pourri contestataire. (voir ici)
Surestimé, Umberto Eco ? Je ne crois pas : demande à Elizabetta Sgarbi ce qu’elle en pense... Mais c’était de bonne guerre : on ne s’attaque jamais qu’aux grands, aux vrais. À ce titre, je me demande bien pourquoi prendre le temps de cette diatribe, parce que ta réaction, seriously ?
Voici donc que tu te fends (fendilles ?) d’un billet vindicatif contre l’Académie des Nobel qui attribue à Bob Dylan le prix pour la Littérature. Parce que Dylan, c’est pas de la littérature, c’est pas de la poésie, c’est juste de la musique, que l’on écoute, comme tu dis le faire avec grand soin.
Passou, sérieux... t’avais pas une sélection Goncourt à affiner plutôt que de te lancer là-dedans ? Ou alors, la médiatisation insatisfaisante de ton dico nécessitait cette incartade ? Regarde, écoute, réapprends, Passou :
Dylan à côté de Modiano, c'est un camion à côté d'un petit-pois
— françois bon (@fbon) 13 octobre 2016
Toi, à l’époque du Nobel de Modiano tu écrivais plutôt : «Réjouissons-nous de ce que des académiciens suédois, plutôt bien inspirés depuis une quinzaine d’années, l’aient couronné. Déjà traduit dans une trentaine de pays, il y sera désormais également lu.»
Et voici qu’avec Dylan, tu plonges dans une méprisante condescendance : «Mais de la ritournelle, fut-elle supérieure, historique, n’en est pas moins de la ritournelle. » Figure-toi que d’autres ont pris le temps de te répondre :
La question n'est pas d'être pour ou contre. Mais de s'interroger sur ce qu'est la littérature, et pourquoi elle n'est pas ritournelle.
— vincent monadé (@vincentmonad) 14 octobre 2016
Alors, démontrer à quel point tu aimes et sembles connaître le chanteur, pour lui dézinguer son Nobel – alors qu’à cette heure, le bonhomme n’a toujours pas réagi à l’annonce –, une fois encore... sérieux ? Il y avait d’autres poètes, certainement, d’autres auteurs, d’autres voix, Ô tempora, ô mores.... mais enfin : « Quousque tandem abutere Assouline patientia nostra ? »
Méfiance : tu assures que tu aurais éclaté de rire si Léo Ferré avec reçu le Goncourt, mais cette année encore, tu vas participer au choix du Goncourt. As-tu pris tes précautions, dans l'hypothèse où un chroniqueur acariâtre contesterait aussi ton choix ?
#citation1#
Quelle importance que Dylan n’ait qu’une biographie en trois tomes au compteur ? Les Académiciens l’ont écrit : « Bob Dylan a écrit une poésie pour l’oreille », et ça te fait sortir de tes gonds. C’est un peu con, non ?
Ah, oui, Paris valait bien une messe, alors le Nobel de littérature vaut bien un billet, expliques-tu :
Mais oui les fans, Bob Dylan est grand, nul n'en disconvient, mais c'est du prix Nobel de littérature qu'il s'agit.. https://t.co/iDObGsHXXY
— pierre assouline (@Passouline) 14 octobre 2016
On va faire simple, et permets que je m’appuie sur ton style : «Oui, les fans, Bob Dylan est grand, nul n'en disconvient. Ce n’est d’ailleurs que l’avis de Pierre Assouline dont il s'agit..» Fort heureusement, pour tout le monde, Things have changed... [NdR : ce qui fait que notre titre aurait dû être Les choses ont changé, mais bon... Et ça marchait mieux encore avec The Times They Are A Changin', au top !]
Bob Dylan, poète incontestablement... mais le courage “aurait consacré Adonis”
Mise à Jour : Vincent Monadé, dont le message est cité dans notre article a tenu à apporter une correction : « Mon tweet ne répondait pas à Pierre Assouline du tout. Pour tout dire, je suis d’accord avec lui : la chanson n’est pas de la littérature. Ni meilleure ni pire, juste pas. Brassens comme Brel refusaient l’appellation poète. Ce que je dis est sans lien avec Dylan : cela interroge seulement ce qu’est la littérature et quel sens donne-t-on au mot. »
Ajoutons, pour clore le dossier que des poèmes, des vrais, avec des vers et tout le tremblement, signés de Dylan existent. Une série de 11 textes poétiques accompagne en effet l’album The Times They Are a-Changin, et représentent la première contribution stricto sensu littéraire du bonhomme. C’est également le cas pour Another Side of Bob Dylan, où des poèmes accompagnement l’album.
Reste alors à se demander si Bob Dylan, à la manière du philosophe Jean-Paul Sartre, refusera son prix Nobel...