Le lodge de Molli et Wayne à South Fork, au cœur des Bighorns Mountains est certainement l’un de ceux que préfère , le sheriff du comté d’Absaroka dans le Wyoming.
Toutefois, ce jour-là, avec Santiago Saizarbitoria, ce n’est pas juste pour un petit repas entre collègues qu’ils se sont arrêtés là. En fait, ils sont chargés de convoyer trois dangereux méchants à la frontière du comté où rendez-vous est pris avec des Fédéraux qui doivent les prendre en charge dans le cadre d’une procédure impliquant potentiellement le sheriff du comté voisin.
En attendant de se rendre au rendez-vous, ils se sont arrêtés à South Fork Lodge pour manger. Et déjà, en un clin d’œil, Shade, le plus dangereux des trois, responsable d’une quantité impressionnante de meurtres, a réussi à s’emparer d’un couteau sur une table et ce n’est que grâce à un sixième sens aiguisé par des années passées à côtoyer l’âme noire de l’espèce humaine que Longmire a mis fin à ce qui aurait pu être un nouvel épisode sanglant.
Peu de temps plus tard, à une trentaine de kilomètres de là, le convoi rejoint le point de rendez-vous où il est attendu par plusieurs véhicules et une demi-douzaine de Fédéraux. Objectif : retrouver les restes d’un jeune garçon indien assassiné par Shade des années auparavant. En effet, suite aux discussions qu’il a eues avec Pfaff, une psychologue du FBI, Shade a accepté de dévoiler le lieu où il les a enterrés. Un petit garçon qui était le petit fils d’un colosse indien qu’a bien connu Longmire.
Les restes du jeune garçon récupérés, les Fédéraux s’apprêtent à embarquer les prisonniers alors que Longmire et son adjoint vont retourner à Absaroka où le shériff a rendez-vous avec un plat de lasagnes.
En fait, ce n’est pas exactement ainsi que les choses vont se passer.
Craig JOHNSON aime la neige, le froid, les Bighorns Mountains et les psychopathes complétement fêlés et dangereux. Il aime aussi beaucoup les indiens et notamment « la nation cheyenne » mais cette dernière n’a qu’un rôle effacé dans ce roman. Tout comme Vic.
Là, c’est avec un géant indien un peu marginal que Craig JOHNSON envoie Longmire dans la neige pour une traque exceptionnelle où cette association sur des registres complexes finira par faire mouche.
Il y a toujours cette sorte de magie indienne, ces évocations chamaniques, cette perception du monde parallèle par les Nations Premières, cette communion avec le monde des esprits qui hantent les romans de Craig JOHNSON. Dans ce roman, c’est totalement magnifié, porté à son paroxysme.
Et puis il y a Dante et son roman que Saizarbitoria met dans le sac qu’il prépare pour son sheriff quand celui-ci se lance sur les traces du meurtrier : l’Enfer dans lequel Longmire fonce tête baissée pour faire cesser la cavale sanglante. Rassurez-vous cependant, le fil rouge de l’Enfer n’est pas de nature à obscurcir une lecture qui reste dans le registre bien classique des aventures du sheriff du Wyoming.
Une critique ? Oui ! J’ai beau être un inconditionnel du sheriff du comté d’Absaroka (déjà, rien que ce nom, j’en aime les consonances), j’ai eu un peu de mal avec cette ascension, parfois nocturne, parfois vertigineuse, de Cloud Peak, une montagne de plus de 4000 mètres d’altitude, en plein blizzard, avec des passages où il faut « mettre les mains », et des à-pics insondables dans la nuit et la tourmente, à droite comme à gauche d’une corniche étroite et escarpée… Bref, c’est un peu énorme par rapport à ce qu’un homme plus entraîné à la bière qu’à l’escalade peut arriver à faire : cette possible invraisemblance jette une légère ombre sur le récit alors que l’écriture conserve au suspense une tension toujours égale à elle-même et que la suggestion d’une petite dose de magie indienne tellement rassurante et tellement déstabilisante laisse l’esprit errer dans les mondes inconnus.
Aucune ambiguïté : ce détail mis à part, je n’ai pas boudé mon plaisir.