Il est des attachements qui parfois nous surprennent, inattendus mais réjouissants. Le livre de en est un. Assez fort d’ailleurs pour qu’on ait envie de le défendre et surtout de le partager. Aussi ne vous fiez pas au genre, celui de l’autofiction, ni au sujet, la maladie de Crohn (inflammation chronique incurable de l'appareil digestif, "une gastro-entérite qui ne s'arrête jamais") ; dépassez tout apriori car il suffit de lire quelques pages pour pénétrer avec naturel et engouement une histoire pourtant très personnelle et intime et se sentir immédiatement concerné, associé, intégré.
Une démarche particulière mais tellement sincère, une construction originale et limpide, une écriture accessible, vraie et sans ambages séduisent d’emblée et apportent à l’histoire une tonalité authentique, sensible et réaliste, à la fois crûe, cruelle et en même temps pleine de chaleur, de tendresse, de légèreté. Si appropriée et de ce fait, percutante et bouleversante. Mais sans excès. Parfaitement ajustée à Pauline, le personnage essentiel de cette histoire.
"Pauline Zarka, son visage de squaw, ses seins moulés dans une combinaison pantalon en stretch imprimé peau de python."
Car, c’est un portrait de femme étonnant et puissamment romanesque qui illumine les pages de ce récit, traverse l’existence de la narratrice-auteure, avec pour toile de fond, la maladie de Crohn. Un subtil enchevêtrement d’histoires, habilement construit où se partagent des moments de vie, douloureux et joyeux, présents et passés, à Paris, au Brésil ou en Inde à Auroville ; où l’évolution de la maladie et les différentes étapes de l’écriture du livre sont les repères chronologiques discrets mais structurants d’instants éparpillés, précieux et vifs.
" Qui va utiliser qui ? Je vais me servir de sa vie, me servir dans sa vie, pour écrire mon livre".
Encouragée par son éditeur, Sylvie Perez répond à la demande de son ami Pauline ("épuisée de souffrir") d’écrire un livre sur elle et sur la maladie qui l’empoisonne depuis plus de trente-cinq ans, la maladie de Crohn. Sans détours, avec la volonté de ne rien falsifier, ni de la difficulté d’écrire, ni de la difficulté de s’exposer, ni de celle de se livrer intimement au lecteur, l’auteure raconte au plus près son amie, son entourage et la maladie, féroce, agressive et progressivement invalidante qui façonne sa manière de vivre, explosive et combative à la fois, pleine de défiance.
Ainsi, page après page, le lecteur alterne entre le récit de la vie de l’auteure et celui de Pauline, toutes deux imprégnées de culture juive et de Tunisie, le plonge dans des souvenirs de jeunesse, des soirées entre copines, des séjours hospitaliers, des essais thérapeutiques inédits, des voyages spirituels "pseudo-curatifs", des histoires d’amants, des précisions historiques, des préoccupations d’écriture, toujours ou presque avec une vitalité et une légèreté ardentes même lors des situations les plus désespérées ou les plus dégradantes.
Ce livre frappe par son énergie, est à l’image de son personnage, brûlant et fort, toujours en lutte et en même temps parfaitement lucide. Jamais narcissique. Une leçon de vie impressionnante racontée avec bienveillance et sans voyeurisme ; une expérience littéraire aboutie et finement perceptible, au sein desquelles le lecteur trouve naturellement sa place, incessible et précieuse.
Ce livre a SA raison d’être, plus que bien d'autres ! Aussi, ne passez pas à côté.