La prédestination. L’inéluctable destin qui se profile, se déroule sous nos pieds, nous précède en tous lieux… L’impossible hasard, les coïncidences improbables, qui s’enchaînent indéfectiblement. Voilà pour ce premier tome, l’univers dans lequel Jason Brice va se mouvoir.
Traqueur de faux prophètes, de marabouts viciés lisant l’avenir dans le marc de café, Jason est engagé par une certaine Térésa Prendergast, qui vient d’acheter une maison, non loin de Londres. La jeune femme est troublée : son majordome lui a remis un manuscrit où le personnage porte ses nom et prénoms, et dont l’avenir, jalonné d’incidents funestes (mort d’un enfant, pluie de sang, etc.) doit aboutir à sa mort.
Enquêtant, Jason découvre que ce manuscrit a été rédigé par un certain Morgan Fatoy, romancier farfelu et discret. Fort d’un succès appréciable, il avait en 1902 écrit un livre intitulé Titan. Il racontait le naufrage d’un navire se dirigeant vers les Etats-Unis. Massif, puissant, il « cristallisait tout le savoir, toute la technologie humaine ». C’était dix années avant la catastrophe du Titanic… Et jusque dans les moindres détails, les ressemblances sont troublantes. Inquiétantes pour Térésa, même.
Voilà l’un de ces rares titres qu’on aurait souhaité lire. En livre, je veux dire. L’histoire est simple, un réseau d’événements implacables, sorte de tragédie façon Œdipe Roi, où les hommes sont les jouets de la volonté… d’un livre. Son développement en BD a l’avantage de l’image… en même temps que son désagrément. Car c’est bien là un roman fantastique qui aurait mérité de figurer dans nos étagères.
Le traitement graphique par Jovanovic n’est probablement pas étranger à cette sensation. On apprécie ou non son trait, pas toujours très rigoureux, manquant çà et là d’assurance, ou alors parfois un peu bâclé pour ce qui st des visages. Reste que les couleurs de Sébastien Gérard rehaussent considérablement l’ensemble, donnant – du moins le croit-on – une ambiance presque lovecraftienne légère, mais perceptible. Il ne manquerait que des dieux endormis, etc.
Rapide, efficace, ryhtmé
Le rythme est en revanche rudement bien tenu. Pas de temps morts, pas de cases pour combler : c’est probablement ce qui tient le plus le lecteur dans ce titre. Plus ralenti, on aurait hurlé à la mort et le récit en aurait souffert. Côté scénario, on inviterait volontiers Alcante à tenter une réécriture littéraire complète ; juste pour essayer. Certains points sont largement développables, l’histoire de Morgan Fatoy pourrait elle-même donner lieu à de multiples digressions.
Reste que ce titre est convaincant, agréable et qu’en dépit des craintes que l’on pourrait avoir, il s’en sort bien. C‘est Dupuis qui le publie dans sa collection Repérages, pour 13 €. Pas un must-have, mais aisément une bonne BD.