Un recueil de trois nouvelles, où l’on retrouve, à chaque fois, une écriture qui fait mouche à chaque mot. Marcus Malte (né en 1967 à la Seyne-sur-Mer, Var) est un écrivain discret qui a pourtant déjà publié un grand nombre de romans et nouvelles tantôt pour les adultes, tantôt pour les enfants. Son univers de prédilection reste souvent assez sombre.
Mêlant l’ordinaire au fantastique, voire à l’horreur, ses personnages errent dans un monde où la fin justifie les moyens. Mais au fond, peu sortent vraiment la tête de l’eau. A travers ces trois nouvelles on retrouve le fil conducteur d’une jeunesse qui a soif et qui vit à plein chaque instant jusqu’à celui qui devient fatal, jusqu’à tomber dans les méandres de la vie.
Au sein de ce texte, qui est de loin le plus long des trois (une cinquantaine de pages) on retrouve le style ciselé de Marcus Malte. A la manière des Choristes et de tant d’autres fictions, un héros, Mestrel nous raconte une série de faits marquants qui se sont déroulés dans sa jeunesse alors qu’il était habituel pour lui de retrouver la même colonie de vacances chaque été.
Mestrel n’était pas vraiment un meneur, il était plutôt même du style à devenir le bouc-émissaire du groupe. Lors de son premier séjour au château du Touquet, il est attiré par un des colons, François, être mystérieux, peu bavard mais rassurant. S’attachant à ce personnage, le narrateur n’a plus guère à se faire de soucis quant à ses éventuels ennemis.
Plus on avance dans l’évocation de son second séjour au sein du château du Touquet et plus l’intrigue devient captivante. La banale colonie devient le théâtre d’événements surnaturels, teintés d’une horreur magique. Plus rien n’effraie Mestrel. Il trouve même le bonheur dans des scènes d’une violence exacerbée.
Des noms de fleurs :
Changement de style dans la deuxième nouvelle, bien plus courte. Cette fois-ci, l’on suit le parcours de différents adolescents qui s’inscrivent dans une grande tension. Chaque parole, chaque geste semble être réalisé avec une précision et une réflexion intense. Ils sont si près du dernier mouvement de vie.
Si l’on n’est plus dans une narration à la première personne, on se retrouve cependant projeté dans la tête de chaque personnage. Tout d’abord, on suit les pensées de celle qui nous est présentée comme Rose, ou plutôt Cynthia…d’après sa mère. Petite fille modèle, elle ne souhaite pas décevoir sa mère qu’elle aime plus que tout. Pourtant, pour la première fois de sa vie, elle lui ment. Pourquoi ?
Le père à Francis :
Désormais, comme le titre le laisse à penser, on change profondément de cadre. On se retrouve dans une cité jouxtant la ville de Marseille. Renouant avec une narration à la première personne, c’est un jeune qui nous conte, dans un style très familier et oralisé l’histoire de Jeannot, personnage emblématique du quartier qui s’est battu pour la construction d’un stade de foot et qui a passé le restant de sa vie à entraîner les jeunes.
Quand le rideau se lève sur cette dernière nouvelle, le narrateur est en prison. Son camarade de cellule, Roland le réveille alors qu’il est en train de se rêver dans la peau de Zinedine Zidane. Jeannot vient de mourir. Le narrateur nous raconte alors ce que fut ce personnage extraordinaire, à la fois simple et héroïque. Donnant du rêve et un sens à l’existence de nombreux jeunes, il s’est toujours battu sans beaucoup de reconnaissance pour le travail accompli. Sans même réussir jusqu’au bout à mener un de ses jeunes vers une carrière de footballeur professionnel.
Lorsque l’on referme les dernières pages de Toute la nuit devant nous, le titre s’éclaircit dans notre esprit de lecteur. La vie se retrouve dépeinte dans une grande noirceur. D’un côté, l’on retrouve, au fil des pages, une grande force, des élans presque impulsifs dans chaque personnage. Mais, de l’autre, il s’avère que ces forces ne sont d’autant plus vives que dans la mesure où elle mène à la mort.
En cela, Marcus Malte rappelle Guy de Maupassant alors que la finesse de son style évoque davantage Julien Gracq. Toute la nuit devant nous est à lire par temps clair, mais à lire car les talents de Marcus Malte s’y retrouvent merveilleusement illuminés.
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