Le Prix Solidarité, parrainé par Harmonie Mutuelles, récompense, en décembre de chaque année, un ouvrage défendant les valeurs humanistes telles la solidarité, la dignité, la générosité, la tolérance, et le respect de la personne humaine.
Le prix est habituellement remis au Salon du Livre. Il est attribué à un roman français publié l’année précédente. Le jury de lecteurs, composé de quarante adhérents des mutuelles d'Harmonie Mutuelles, choisit l'ouvrage lauréat parmi une sélection de titres.
Pour sa 5ème édition, les membres du jury ont décerné le Prix Solidarité au roman Leïla de Dalila Kerchouche. C’est son enfance dans les camps de harkis, mis en place après la guerre d’Algérie, que raconte l'auteure dans son roman.
Dalila Kerchouche : Leila, un roman emblématique
Une écriture poignante et une héroïne aussi attachante que l'auteure... Un savant mélange qui fait partager aux lecteurs toute la révolte d’une jeune fille face aux conditions de vie difficiles dans les camps. Nous sommes emportés dans le combat de cette adolescente pour la dignité humaine et le respect mutuel. Au travers des rencontres de son personnage Leïla, l’auteure dépeint d’autres valeurs qui lui sont chères, l’entraide, la générosité et la solidarité.
Déjà auteure de Mon Père, ce harki, paru en 2003, Dalila Kerchouche revient à nouveau sur son parcours au travers d’un livre plus romanesque que sa première oeuvre. Journaliste à L’Express, elle a longuement expliqué sa démarche lors de la remise de ce prix au Salon du Livre.
Une parole chaleureuse et porteuse d'espoir :
Au travers de ses livres, Dalila Kerchouche écrit son sentiment d’injustice envers ces harkis qui ont été traités de manière indigne par la France à la fin de la guerre d’Algérie en 1962. Au lieu de pouvoir librement s’intégrer dans la population française, ils ont été parqués dans des camps. « Je voulais raconter l’enfer d’un double emprisonnement. La barrière du camp et le poids des traditions archaïques », dit-elle. C’est le personnage de Leila qui porte ce message tout au long du roman.
Quand Leila a pu enfin sortir du camp, elle s’est, en même temps, émancipée des traditions. Elle a pu devenir une femme. Ce en quoi l’on peut rejoindre la problématique des jeunes filles dans les cités : la difficulté d’être une femme dans un milieu très dur, très violent s'y retrouve également.
Le problème de l'intégration des harkis... une fausse question :
Dalila Kerchouche revient aussi sur ce qui lui semble être avant tout un grand gâchis. Les harkis qui sont arrivés en France ne voulaient rien de plus qu’un lopin de terre à cultiver pour s’épanouir. En ne leur offrant pas cette possibilité d’intégration, on n'a fait que compliquer le problème, qui, au départ, n’en était pas un…
Revenant sur son parcours personnel, elle parle de sa sortie du camp en 1974. Ce n’est qu’à ce moment que sa famille a pu s’installer, avoir elle aussi son lopin de terre dans un petit village de France, Saint-Etienne-de-Fougères dans le Lot-et-Garonne.
Dès leur arrivée, les paysans locaux ont fait preuve d'une intense solidarité à leur égard, une solidarité terrienne, pourrait-on dire. Cela marque cette intégration clairement possible sur le terrain, mais qui n’a pas été acceptée ainsi par la tête, le gouvernement alors en place.
Etre enfant de harkis, ce n'est pas un poids, mais une richesse :
Interrogée sur le poids de ce passé, commun à tous les enfants de harkis, elle parle de cette transmission de la souffrance. Non pas comme d'un handicap, mais comme d'une richesse : « Moi j’essaie à travers l’écriture d’en faire une force. Je veux transmettre les valeurs positives des harkis : le courage, la réussite dont certains ont fait preuve malgré leur situation». La valeur fondamentale des harkis reste l’amour de la France, un pays qui pourtant s’est montré bien indigne de ce sentiment.
Ce que l’auteure regrette aussi, c’est qu’encore actuellement, l’Etat raisonne toujours en termes d’isolement des nouveaux arrivants, portant un coup d’arrêt à toute possibilité d’intégration. Beaucoup de bénévoles s’activent en France. La solidarité est là sur le terrain, mais elle manque d’une impulsion gouvernementale.