Magali, pour ceux qui ne te connaissent pas, est-ce que tu peux te présenter ?
Magali Turquin : Bonjour, je m'appelle Magali Turquin, je suis d'origine Ardennaise et j'ai 27 ans. J'habite en région parisienne, je suis libraire à la FNAC, j'insiste sur le terme de « Libraire », et depuis quelques années maintenant j'écris des livres pour les enfants et pour les adolescents.
L.H.S.F :Il y a quelques années, tu écrivais de la poésie et début 2005 tu sors ton premier album pour les petits. Tu peux nous raconter ce changement ?
M.T : En fait, je n'ai pas arrêté la poésie, disons que ma poésie s'est transformée. Ce n'est plus de la poésie en rimes, ou ce que l'on peut appeler de la poésie pure, c'est un texte poétique. Loupé, mon premier album, qui raconte l'histoire d'un loup en peluche qui a une étiquette cousue au mauvais endroit, reste un texte poétique. Le texte que je viens de publier, Papa-Barque, aux éditions du Jasmin, est un texte très très poétique. C'est une poésie qui permet de faire passer des idées très dures, très complexes, ce qui est beaucoup plus facile.
L.H.S.F :"Loupé" est un album sur la différence, peux-tu nous en parler ?
M.T : C'est une copine illustratrice qui s'appelle Christelle Lardennois qui un jour m'a demandé si je n'avais pas une étiquette, car elle réalisait un énorme ours blanc en peluche. Je lui ai trouvé cette étiquette et je me suis dis : « Tiens, une étiquette, mais où est-ce qu'on pourrait la mettre ? » Et de là m'est venue l'idée de ce petit loup qui n'est pas comme les autres puisqu'il a une étiquette collée au mauvais endroit. Quand j'ai écrit ce texte, je travaillais dans un magasin de jouet traditionnel et j'ai pensé que ce serait bien que mon loup existe dans ce cadre-là.
L.H.S.F :En 2006, c'est "Le Chemin de Wangmo", un livre engagé sur le Tibet et ses relations avec la Chine à travers le personnage de Wangmo, une jeune nonne courageuse. Quelle est l'histoire de ce livre ?
M.T : Le chemin de Wangmo, c'est l'histoire d'une jeune nonne tibétaine qui défend sa façon de vivre les idées du Dalaï Lama. Et en Chine, tout ceci n'est pas très bien vu. Au cours d'une manifestation pacifiste, l'armée chinoise décide de charger et d'arreter tous les manifestants. Seule Wangmo arrive à se cacher. On lui fait comprendre qu'elle doit quitter le Tibet et que son couvent risque le pire. Elle décide de partir en Inde pour une manifestation internationale, le Kalachakra. Son voyage est le sujet du livre. en parallèle de ce voyage initiatique, nous suivons l'action de 4 jeunes etudiantes francaises qui ne supportent plus que L'Occident reste indifférente aux atrocités commises envers le peuple tibétain. Elles décident de se rendre en Inde, où elles pourront rencontrer des tibétains et discuter plus librement avec eux. Cette rencontre est également le sujet de ce livre.
L.H.S.F : Comment t'est venu le sujet, c'est une commande d'un éditeur ?
M.T : Ce n'est pas du tout une commande, c'était une envie profonde depuis quelques annéesde parler du Tibet. La culture tibétaine et les Tibétains sont en train de disparaître et on ne fait pas grand chose actuellement en France et dans d'autres pays pour essayer de les sauver. On prend juste ce qui est bien dans la culture tibétaine, comme le bouddhisme et on laisse la population disparaître. Même si beaucoup en occident se disent convaincus et vivent intensément leur bouddhisme, bien peu seront ceux qui iront faire une retraite de trois ans en se nourrissant d'eau et d'herbes… Le bouddhisme ici est devenu une mode. En voulant surfer sur cette mode, j'ai voulu faire réfléchir les gens pour leur dire que derrière tout ça, il y avait des personnes, à la source du bouddhisme, qui ne peuvent pas vivre leur religion, qui sont menacés, qui sont emprisonnés sans jugement, qui sont exilés sans pouvoir retourner au Tibet. Je voulais faire réagir les lecteurs sur le sujet.
L.H.S.F :Est-ce que d'après toi, tout sujet du monde des adultes peut toucher le jeune public ?
M.T : Bien sûr. Il y a une grande question qui revient dans la littérature jeunesse, c'est la frontière dit du livre pour enfant / adolescent et celui du roman pour adulte. Si pour moi il devait y avoir une frontière, je pense que ce serait les personnages, c'est important pour qu'un adolescent se retrouve que le personnage soit lui-même adolescent par exemple. C'est comme pour un bébé, on peut tout dire, il ne faut rien cacher à un adolescent. Après il faut savoir choisir les mots, si j'utilise un mot « cru », il faut que je me pose la question de savoir pourquoi je l'utilise.
L.H.S.F :Fin avril de cette année, aux Editions du Jasmin, est sorti un petit album Papa-Barque qui semble étrangement personnel… peux-tu nous en dire plus ?
M.T : (sourire) Toute écriture part de l'auteur, donc forcément, du moment où on écrit, il y a quelque chose de personnel plus ou moins voilé. Là, en l'occurrence, il y une dédicace adressée à mon père mais ce n'est pas pour faire genre : « Regarde, papa je t'écris… ». Il y a quelques éléments qui font partie de ma vie, mais je n'en dirais pas plus. Ce n'est pas du tout autobiographique, j'ai eu mes deux parents quand j'étais enfant.
Il y a beaucoup d'interprétations sur le texte. C'est l'histoire d'un petit garçon qui parle à son père qui est absent, on ne sait pas si la rupture est due au père ou à la mère… La plupart des gens qui l'ont lu ont une interprétation différente, des personnes ont pleuré, d'autres ont trouvé ça joyeux, certains l'ont trouvé également optimiste. Je pense que cela est dû aussi à la poésie, c'est un texte très poétique, la poésie permet de faire passer beaucoup de choses.
L.H.S.F :À qui penses-tu que ce texte s'adresse ?
M.T : À tous les enfants et à tous les adultes. Un enfant qui a ses deux parents connaît forcément quelqu'un qui ne vit qu'avec son mère ou son père.. Les adultes, s'ils sentent que ça ne va pas très bien dans leur couple, peuvent dire à leur enfant : « Tiens, on va lire ce livre. Tu me diras ce que tu en penses. » Un parent qui vit seul avec son enfant,… Dans une classe, c'est un bon sujet de discussion. C'est un livre fait pour échanger ses interprétations, ses sensations.
L.H.S.F :Le mot de la fin est à toi...
M.T : J'ai beaucoup de projet, je ne m'arrête pas là. Dans quelques mois, j'ai un album avec des photos aux éditions « Où sont les enfants ? » qui va sortir. J'ai également un projet, et là j'en suis très fière, chez Bayard Jeunesse, c'est un collectif sur le premier livre qui nous a marqué, je suis très contente, je suis la benjamine…