Bonjour Catherine. Suite à ‘Déclassée’, vous sortez maintenant un roman ‘Le Tour de ma vie’ qui traite à nouveau du monde du tennis ; pourriez-vous nous l’expliquer brièvement ?
Catherine Tanvier : Hmm, c’est pas évident. C’est une joueuse de double, d’origine australienne, de famille très stricte et pratiquante qui se lance seule dans l’aventure des tournois, pour échapper au carcan familial, mais également pour se libérer elle-même. Ses parents vont d’ailleurs la renier, parce qu’elle est lesbienne. Ainsi, elle se retrouve confrontée à l’insécurité financière des tournois, la solitude profonde et un désir fulgurant de vivre. C’est ainsi qu’elle va trouver son équilibre.
L’histoire est très inspirée d’une amie australienne [NdR : Louise, dans ‘Déclassée’]. Cette fille me racontait ses histoires, elle vivait pleinement, comme si elle était avide de liberté et voilà dix ans, je lui ai dit que ses aventures méritaient un roman. Je ne pensais alors pas l’écrire (sourire). En tout cas, de ce que les journalistes m'en ont dit, ils ont pris le livre avec une grande violence.
[NdR : Catherine parle de ce livre avec passion, comme si une part d’elle-même y était contenue. Fine élancée, gracile « alors que je me suis fait opérer du genou », explique-t-elle, ses rares sourires sont des instants de grâce.]
ActuaLitté : Justement, on sent votre implication dans ce livre, mais vous n'y êtes pas toute entière...
Catherine Tanvier : D'abord, je n’ai rien voulu montrer ! Juste parler des choses que je connais bien. Les ¾ des joueuses vivent dans une indigence financière terrible, sans argent pour se payer un coach et affrontent brutalement la vie, seule au bout du monde pour gagner des points. Ce qu’il y a de moi dans ce livre, c’est une part d’expérience, oui. Mais je suis propriétaire du vide. J’écris pour combler un manque et arrêter la panique qui m’entoure.
Dans le livre, je souhaitais mettre à jour les conditions drastiques dans lesquelles mon amie a évolué, et comment elle s’est ouverte vers le monde, comment le terrain est devenu sa famille. Elle me fascine quelque part, probablement parce que je n’ai pas connu cette extériorisation. Je me suis repliée sur moi-même, et surtout Jacques Tanvier ne m’a jamais été une aide [NdR : Son père. Biologiquement, en tout cas.]. Nous sommes très opposées toutes les deux, mais probablement complémentaires.
(Un appel. Elle me regarde, grands yeux bleus… Je l’invite à décrocher, ce qu’elle fait avec une certaine gêne.)
ActuaLitté : Heureux appel ?
Catherine Tanvier : Oui, c’est pour un film dans lequel je vais jouer. Suite à un article du Nouvel Obs pour ‘Déclassée’, Jean-Luc Godard a contacté Panama - l’éditeur - et a dit qu’il voulait que j’incarne une mère de deux enfants dans une trilogie qu’il réalise. Mais le cinéma n’est pas une orientation. J’ai trop de respect pour les véritables acteurs. D’autant que je ne sais pas jouer, mais Godard m’a dit : « Je veux juste que tu sois toi-même. »
ActuaLitté : Bon, donc écriture, cinéma... Et le futur, comment se composera-t-il ? Vous êtes écrivain, maintenant ?
Catherine Tanvier : (sourire, à la limite du rire… dommage) Eh bien je viens de remettre un livre à mon éditeur. C’est le premier jet. Il s’agit d’une histoire de famille, ou du moins qui prend sa source dans ma famille. Ça parlera de Touaregs, et bien sûr d’une quête identitaire. Mais vous savez, je viens de remettre le manuscrit, alors rien n’est fait. Et puis pour ce qui est d’être écrivain…
Depuis ‘Déclassée‘, depuis que j’ai pu tout extérioriser, j’ai envie de m’exprimer. Trop d’années durant, je me suis murée dans le silence, supportant, endurant, subissant. Maintenant, si par exemple mes revenus d’auteurs me le permettent, j’aimerais bien apprendre à jouer de la guitare. Pas pour faire des disques, non (rire franc), mais juste pour savoir jouer.
Là encore, et plus que pour le cinéma, j’aime trop Patty Smith et surtout Bob Dylan pour me croire en mesure d’être une chanteuse. Bob Dylan, c’est une immense part de ma vie. Il me donne des frissons rien qu’à en parler. Ses chansons, à écouter les paroles, à les comprendre, il n’avait que 20 ans, et il écrivait déjà des choses que seul un adulte de 45 peut avoir connues. Vous connaissez ?
ActuaLitté : … Euh, mal (sourire).
Catherine Tanvier : Tenez écoutez (elle sort son iPod). C’est ‘Ain’t Talking’. Une chanson de 8 minutes. Vous allez adorer…
ActuaLitté : Merci. Et merci pour ce moment.
Catherine Tanvier : (rêveuse, songeant à Dylan ?) De rien.
Le tour de ma vie est disponible chez Panama, 19 €.