Je ne savais de la saison triste que le visage ennuyé qu'elle montre à la ville, ses ciels lourds sur les toits et la boue des rues obscures. Je découvris la splendeur de l'hiver. Ma chambre, située à l'extrémité de l'aile gauche, ouvrait sur les champs que les vignes dépouillées peuplaient de serpents noirs et de piquets, mais la pureté du ciel pâle s'étendait sur elles, jusqu'aux lointains à peine brumeux; un coteau se haussait, portant un village où le clocher pointait (...) L'air qui entrait sentait le foin, le chant des grillons vibrait à l'infini et, par instants, se détachait la note flûtée des crapauds d'été. Je m'éveillais aux fraîcheurs de l'aube, toute pépiante d'oiseaux. Par sa présence, ma mère, toute soucieuse qu'elle fut, me donnait le bonheur. Dès le matin, je la rejoignais au jardin où elle s'installait à broder en robe claire. Près d'elle, je goûtais l'oubli de toutes les atteintes; je trouvais le calme à son côté, la fraîcheur dans son ombre, et quand tout ce qui peut menacer un enfant se fût rué dans l'enclos, je n'en aurais conçu aucun trouble en mon âme, dans l'assurance où j'étais que toutes les puissances mauvaises n'eussent pu dépasser le cercle tracé par son regard. (...) Elle me demandait de lui lire quelque passage de mon livre de prix, où étaient des pages choisies des Mille et une nuits.