Depuis le 6 mars 2014, une nouvelle maison d'édition vient d'apparaître en librairie. Les éditions . Nous avons voulu un peu connaître la ligne éditoriale de la maison d'édition en posant quelques questions à sa responsable, .
Quelle est l'idée de départ de Lumen ?
Lumen est une maison d'édition adolescents et young adult, avec en plus au catalogue quelques livres jeunesse (pour les enfants à partir de 9 ans). Le projet, c'est de proposer une sélection de titres à vocation avant tout de divertissement, dans des genres variés : action, fantastique, aventure, dystopie, thriller, fantasy, au croisement du réel et de l'imaginaire… Pour garçons et pour filles, sans distinction, et en grand format.
Ces partis-pris sont liés à mes goûts de lectrice. Je choisis les titres au coup de cœur, c'est ma seule méthode. On ne fait jamais mieux son travail que quand il est en harmonie avec ce que vous aimez. Et puis être éditeur, c'est avant tout proposer une sélection, une vision aux lecteurs.
Pourquoi vous être lancée ?
Pour concrétiser un vieux rêve de lectrice compulsive. J'ai d'abord voulu approcher l'univers du livre en devenant traductrice, mais le métier d'éditrice permet de s'approcher encore plus près des auteurs et des ouvrages, de proposer à d'autres ce que vous avez aimé, de peser encore plus fort pour donner aux livres des chances de succès (qualité de la fabrication et de la correction, univers graphique des couvertures, choix promotionnels).
Autre parti-pris fort à l'origine du projet : par ces temps de surproduction, on peut très vite publier un livre pour des nèfles, c'est-à-dire le voir passer sous le radar du public et quitter en un rien de temps les étals des libraires, faute de ventes. C'est une chose que je me refuse à faire : le projet, c'est d'accompagner chaque série l'une après l'autre jusqu'au bout, de leur offrir un lancement digne de ce nom (book trailer, extraits disponibles en librairie et sur Internet, habillages sur le web, publicité à la radio ou même au cinéma), de se battre pour chaque ouvrage.
Pourquoi cette envie dans un marché déjà remplit par la littérature adolescente SFFF ?
J'ai toujours aimé la fantasy et le fantastique, c'est donc assez naturellement que la maison d'édition prend cette direction. Le dénominateur commun de la collection, c'est plutôt le divertissement, mais les genres SFFF seront bien représentés, pas de doute !
Heureusement qu'il y a beaucoup de littérature adolescente SFFF ! C'est le contraire qui serait dommage…
Est-ce qu'il y avait un manque selon vous ?
J'aimerais vous dire oui, ça justifierait de facto la création de la maison, mais, pour être complètement honnête, je ne pense pas qu'il y ait un manque, non. Depuis l'émergence météorique de Harry Potter, dont Eragon, Twilight ou Hunger Games ont pris ensuite le relai, le marché de la jeunesse, particulièrement en grand format, a connu un boom. Tout le monde s'accorde à dire qu'il y a au contraire abondance, pour ne pas dire pléthore, de titres de tout poil disponibles pour les enfants, les adolescents et les jeunes adultes.
Ce qui n'empêche pas l'édition au sens large de souffrir (crise économique qui dure depuis un certain temps qui limite les achats des lecteurs, et se conjugue à la concurrence d'Internet pour alimenter une crise patente de la librairie), et même le secteur porteur de la jeunesse a connu un recul en 2013.
Bref, lancer un nouveau label, en période de crise et par les temps qui courent, c'est un risque et un défi.
Mais ce n'est pas une raison pour baisser les bras. Chaque texte est une nouvelle frontière à explorer ! Je crois qu'il est toujours possible de tenter sa chance, de proposer aux lecteurs une sélection de titres dont on pense qu'ils valent la peine d'être lu, voire qu'ils ont le potentiel de faire passer à quelqu'un un sacré bon moment. Des ouvrages qui auraient les qualités requises pour mobiliser l'attention, si précieuse, d'un lecteur l'espace de quelques jours et, qui sait, peut-être même de quelques années.
Simplement choisir des livres et les donner à découvrir, c'est ce que j'aime faire par-dessus tout. Si ça peut permettre à des auteurs talentueux d'être lus, alors j'aurai fait mon travail, et pour ne rien gâcher, je me serai fait plaisir !
Comment avez-vous choisi les premiers titres ?
Pour choisir les premiers titres, j'ai dévoré tout ce qui me tombait sous la main. Je n'ai pas de lecteurs, je lis tout moi-même, ce qui prend un temps fou… mais je ne conçois pas, pour l'instant, de procéder autrement et c'est encore possible de faire tout le travail de choix éditorial seule car le label ne publie pas non plus 100 titres dans l'année. J'aimerais d'ailleurs conserver cette liberté le plus longtemps possible.
Pour le moment, ce n'est que de l'achat de droit. Est-ce que par la suite, il y a une volonté de travailler avec des auteurs français ?
Pour l'instant, uniquement de l'achat de droit car je suis… traductrice à l'origine ! J'ai fait un DESS de traduction en espérant conjuguer mon amour des langues avec celui du livre. C'est un métier très solitaire que j'ai fini par abandonner, mais il m'en reste une fascination pour les mots, la difficulté à rendre exactement une expression dans la langue d'arrivée. C'est un petit miracle à chaque fois ! D'où l'exigence, d'ailleurs, l'emphase que je compte placer sur la qualité des textes. Je mettrai la même exigence à veiller à fabriquer de beaux ouvrages écrits, je l'espère, dans une langue correcte, subtile, et respectueuse du texte d'origine, que j'ai pu mettre, lectrice puis traductrice, autrefois, à lire et à explorer. Chacun de nos lancements, cette année, a bénéficié ou bénéficiera d'une fabrication unique (fers, gaufrages, vernis sélectifs, effets velours, etc.), à commencer par Wizards, paru en mars, dont la couverture s'orne d'un or à chaud qui convenait bien à l'esprit « aventures magiques » de ce grand classique de la littérature jeunesse américaine. Les éditeurs français glissent de plus en plus d'aspérités de fabrication à l'anglo-saxonne sur les couvertures de leurs ouvrages, à mon sens c'est bienvenu et une direction à explorer absolument.
D'autre part, il se trouve que je parle plusieurs langues couramment, c'est logique de mettre ça au service du label pour essayer d'aller dénicher des trouvailles dans le monde entier. C'est ce qui fait une partie de ma spécificité en tant qu'éditrice, autant essayer d'en faire un atout pour la maison. Publier des auteurs français ne sera donc pas la priorité dans un premier temps, pas qu'il n'y ait pas de talent en France, mais bien parce que, pour commencer, on va défricher un domaine précis, l'acquisition de droit, pour toutes les raisons que j'ai citées plus haut, et essayer déjà de bien le faire, avant de chercher d'autres pistes de développement. Y aller pas à pas. S'il devait y avoir des exceptions, elles seraient rares…
Est-ce que vous cherchez des textes d'auteurs connus et/ou inconnus ?
Auteur connu ou inconnu, peu importe, ce qui est primordial c'est la valeur du texte. Connu, ce n'est pas systématiquement une garantie de succès d'ailleurs : le marché jeunesse et jeunes adulte est très dur, très concurrentiel, la renommée n'est jamais un mal, mais pas toujours la panacée.
Comment voyez-vous le futur proche de Lumen et plus éloigné ?
Le futur : boucler l'année pour commencer ! Parvenir à une vitesse de croisière de deux romans par mois l'an prochain, ce qui me semble déjà très bien. Continuer d'essayer de proposer des textes jeunesse ambitieux et de qualité, mais aussi des titres jeunes adultes nerveux, bien écrits, intrigants, à l'image de Dualed. Ce roman – où pour arriver à l'âge adulte, l'héroïne doit comme tous ses concitoyens venir à bout de son double, sa jumelle – est en train de s'imposer comme un des best-sellers de la maison. Bref de pousser sur le devant de la scène des ouvrages qui creusent le sillon d'une littérature plus sombre, plus complexe, qui tient en haleine, au croisement entre le thriller et la dystopie. L'un de nos chantiers, c'est d'aller chercher les lecteurs d'aujourd'hui, sur-sollicités par la « concurrence des contenus » (pour un temps libre qui n'est pas extensible, j'ai le choix entre une série télévisée, un film, un jeu vidéo, un livre), afin de les convaincre de se laisser tenter par l'univers d'un auteur.
Le but, c'est d'élaborer un catalogue de qualité, de construire un lectorat fidèle, de nous faire connaître auprès des libraires en travaillant sérieusement.
Tout ça, tout en négociant le virage du numérique et d'Internet, et en affrontant la crise qui secoue la librairie en ce moment… les challenges ne manquent pas !
Est-ce que l'on devrait vous croiser au Salon du Livre et de la presse jeunesse de Montreuil en fin d'année ?
On pourra croiser notre petite équipe au salon de Montreuil dès… 2015, car nous aurons alors un catalogue un peu plus étoffé, qui justifiera de prendre un stand et, qui sait, de faire venir l'un des auteurs de la maison pour rencontrer ses lecteurs, j'espère !
D'ailleurs, ça commence dès ce mois-ci puisqu'une de nos auteures nous fait l'honneur d'un passage à Paris pour une série d'interviews avec médias et bloggeurs, suivie d'une séance de dédicaces le 14 mai à partir de 17h à la librairie Lamartine, dans le 15e arrondissement à Paris. Il s'agit de Shannon Messenger, l'auteur de Gardiens des Cités perdues, qui paraît le 15 mai. J'ai eu le coup de foudre pour cette trilogie à la créativité foisonnante, dont l'intrigue est tissée de main de maître. Une ambiance qui rappelle Harry Potter, dans le bon sens du terme. Un sens du dialogue, une plume, un vrai talent pour raconter des histoires !
Les invitations d'auteurs, c'est le genre d'initiative que j'espère pouvoir multiplier, et notamment dans les salons, bien sûr !