Hier avait lieu une conférence très intéressante sur le rapport entre la chronique et une ville tentaculaire telle que Mexico. Les auteurs invités étant journalistes et romancier la question de la différence entre la fiction et la production journalistique c'est aussi posée.
L'animateur de la conférence, Michel Abescat, un journaliste, a tenu dès le début à centrer cette rencontre sur le débat et uniquement sur le débat. Il n'était donc pas ici question de parler de son livre. Et nous l'en remercions, car nous avons pu assister à une conférence où les questions de fond ont été abordées.
Les intervenants étaient : Sergio Gonzàlez Rodriguez (journaliste et auteur), Fabrizio Mejia Madrid (Journaliste et auteur), et Elena Poniatowska (journaliste et auteure aussi).
Mexico est une grande ville, il faut par exemple plusieurs heures pour la traverser de part en part en métro, c'est aussi selon les invités une ville dangereuse, violente, agressive et difficile. De l'avis général, Carlos Fuentes a tord losrqu'il déclare que Mexico n'est pas plus dangereuse qu'une autre grande ville et qu'il ne s'agit que d'un effet pervers de la mondialisation. Ne lui en déplaise, Sergio Gonzàlez Rodriguez rappelle qu'il y a 99 % de crimes impunis au Mexique, c'est un fait avéré empiriquement, et un tel taux n'est certainement pas dû à la mondialisation.
Cette ville présente donc malheureusement un terreau fertile pour le journalisme, chaque jour apporte un grand lot de nouvelles et pas toujours bonnes. D'où l'importance des chroniqueurs qui d'ailleurs sont très appréciées des Mexicains. Mais quelle place peut et doit occuper le journaliste ?
Les auteurs journalistes invités ont tous à un moment donné de leur vie reçu des menaces de mort. Il encore difficile au Mexique de se placer dans l'opposition au gouvernement et de faire des critiques. Pourtant, ils ont décidé de se battre pour tenir ces chroniques sur la ville et leur pays et construire de nouvelles bases.
Selon les auteurs présents, l'engagement aujourd'hui au Mexique pour un journaliste n'est pas un engagement militant, mais plutôt un engagement éthique. Un engagement pour soutenir la beauté de la langue, et pour les populations. Pour Sergio Gonzàlez Rodriguez, qui se déclare optimiste, le Mexique n'a pas d'avenir ce sont les Mexicains qui ont l'avenir entre leurs mains.
En fait, leur engagement ressemble beaucoup à celui qui s'est manifesté lors du tremblement de terre de Mexico. Il s'agit de retrousser ses manches pour récupérer les fragments qui peuvent être sauvés et reconstruire pour le mieux.
Pour cela, leurs armes sont la lucidité, la recherche du détail et la multiplicité des sources d'information, l'exactitude, la nuance et la valeur de la parole. Le tout devant s'accompagner d'une ferme détermination et d'un humour assez souple.
Romans et chroniques
Les invités sont aussi revenus sur la frontière qui sépare le travail de journaliste et le travail de romancier. Pour eux toute forme d'écrit et bonne, et ils constatent que finalement la frontière entre les genres s'estompe. Ils envisagent leur travail de chronique comme une production littéraire. Leurs romans quant à eux dénoncent des problèmes de société. Et après tout, cela fait parti de leur engagement en tant que journaliste et écrivain soutenir la beauté de la langue et dénoncer ce qui ne fonctionne pas dans leur société, afin d'éliminer ces fragments friables et de reconstruire une société solide.
Il faut savoir enfin, que même si les sujets abordés lors de cette conférence étaient plutôt des sujets durs, l'ambiance était relativement détendue et bonne enfant. La conférence étant entièrement en espagnol (en dehors des interventions de l'animateur qui lui ne parlait que français), le public pouvait disposer de petits engins qui permettaient d'entendre une traduction en simultanée (en version française et en version espagnole). Le décalage inhérent au temps de traduction a d'ailleurs participé à la bonne ambiance. À ce titre, nous tenons à saluer l'excellent travail des traducteurs, Béatrice Dunner et Ernesto Gonzalez-Sala, sans qui nous n'aurions pas pu suivre cette conférence.